00:00L'interview actue avec Paul Vauré, responsable du programme Espace de l'IFRI, l'Institut français des relations internationales, nous a rejoint.
00:11Bonjour.
00:12Bonjour.
00:12Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
00:14Alors le Président de la République a pris la parole ce mercredi 12 novembre, alors qu'il inaugurait le nouveau commandement de l'espace à Toulouse.
00:23C'est un lieu plutôt symbolique pour évoquer, après de longs mois d'attente, la stratégie spatiale française.
00:30Oui, tout à fait. L'inauguration de la base aérienne 101, qui va abriter le commandement de l'espace à Toulouse.
00:35Toulouse étant la capitale française et pour t'en dire européenne du spatial, avec d'abord évidemment le siège du CNES, le Centre national d'études spatiales,
00:44qui est l'agence spatiale française, qui a eu un rôle absolument historique dans la constitution du spatial français.
00:50Et puis ça abrite aussi tout un écosystème d'industrie, que ce soit des grands satellitiers comme Airbus, Thalès, etc.
01:00Donc il y a une vraie histoire de l'espace et de l'aéronautique, évidemment, à Toulouse.
01:05Et donc ça a entièrement du sens, comme le Président l'a souligné d'ailleurs.
01:11Le commandement de l'espace sera colocalisé avec le Centre d'excellence spatiale de l'OTAN.
01:17Qui était déjà là.
01:17Qui était déjà là et le tout à la même localisation que le CNES.
01:23Donc l'idée, c'est de permettre des échanges justement dans une perspective qui a été annoncée comme étant très dual, finalement.
01:30Avec des enjeux à la fois au niveau du spatial civil, sur tout ce qui concerne la science, l'exploration, l'accès à l'espace.
01:38Et des enjeux sur le spatial militaire.
01:42Et le tout, évidemment, en réinventant des coopérations dans un contexte qui apparaît assez perturbé, voire dégradé aujourd'hui au niveau international.
01:53Alors notamment du côté de la défense, vous l'avez dit.
01:56De toute façon, on est au centre, au commandement de l'espace qui vient d'être inauguré.
02:00Donc l'idée pour Emmanuel Macron, c'est aussi de montrer une stratégie offensive, on peut le dire ?
02:06Oui, il y a l'idée de montrer une stratégie offensive.
02:08Alors le mot qui a été inventé, si je puis dire, de façon assez originale dans la stratégie spatiale de défense en 2019, c'était le mot de défense active.
02:17Donc c'est l'idée qu'on pourrait répondre éventuellement à des agressions dans l'espace à l'aide de moyens spatiaux développés dans ce sens.
02:28Il ne s'agit cependant pas de l'idée d'attaquer, mais évidemment de se défendre, donc de se défendre activement.
02:34Vous avez raison de le rappeler. Il a rappelé qu'il y a des technologies qui existent pour attaquer dans l'espace.
02:40La Russie, il y a quelques années, en avait fait la démonstration et ça avait créé certaines réactions au niveau international, à juste titre.
02:46Ne serait-ce que pour l'encombrement dans l'espace. Pas de laser pour la France, mais une technologie pour aller protéger nos satellites qui a été évoqué.
02:54Alors les lasers ont été évoqués cependant. Les armes à énergie dirigées de type brouillage, etc. l'ont été aussi, en tout cas dans le discours du président.
03:03Donc à mon sens, ce que cette stratégie indique, c'est que la France ne s'interdit rien à l'avenir et que les capacités qu'elle souhaite développer dans l'espace peuvent être de tout type.
03:13Cependant, ce que le président a mis en avant, c'est le besoin de respecter le droit international, le droit international humanitaire et les règles de la guerre,
03:25c'est-à-dire se défendre et non pas attaquer. Même si on est dans une posture offensive, ça ne serait qu'en réponse à une attaque préalable.
03:33Ça, c'est encore viable dans le contexte spatial militaire aujourd'hui d'avoir cette approche ?
03:39Dans le contexte spatial militaire aujourd'hui, oui, je pense que c'est une approche qui est encore viable puisque l'espace reste fondamentalement un milieu fragile
03:47où tout est interconnecté, où les actions des uns influencent finalement sur les capacités des autres et les infrastructures des autres.
03:54Si on prend un exemple extrêmement précis finalement, qui est celui de la guerre en Ukraine,
03:58qui a démarré d'une certaine façon par une attaque dans l'espace.
04:02Le président, d'ailleurs, l'a rappelé, la prochaine guerre démarrera dans l'espace.
04:06Il s'agissait en Ukraine d'une attaque cyber sur des infrastructures sols dont dépendaient des satellites.
04:12En revanche, pendant tout le reste des opérations militaires, malgré l'impact des satellites,
04:18qui étaient d'ailleurs des satellites commerciaux à vocation civile, la constellation Starlink de SpaceX,
04:25on a constaté une forme de retenue de la part des belligérants dans le spatial
04:31parce qu'on sait très bien que chacun est interdépendant et que les actions des uns influeraient sur les satellites des autres.
04:38Et donc, pour éviter l'escalade, pour éviter une escalade, c'est une très mauvaise idée finalement
04:45de se battre dans l'espace, en dehors des actions qu'on appelle sous le seuil finalement de la violence armée,
04:54c'est-à-dire des actions de brouillage, des actions éventuellement au laser,
04:58des armes qui ne détruisent pas et qui ne créent pas de débris,
05:02qui pourraient revenir en boomerang quelques mois ou quelques années plus tard.
05:06Donc une position plutôt cohérente pour l'instant de ce point de vue-là du côté de cette stratégie spatiale.
05:10Quel autre point vous pourriez mettre en avant ?
05:12Il y a eu cinq piliers qui ont été évoqués.
05:15Est-ce qu'on peut revenir rapidement là-dessus et peut-être mettre en avant ce qui vous a frappé
05:19dans cette stratégie spatiale en quelques mots ?
05:22Oui, bien sûr. Il y a cinq piliers dans le désordre, malheureusement, je vais vous les citer.
05:26Il y a le pilier de l'accès à l'espace, celui de la coopération, celui de l'économie spatiale,
05:30celui évidemment du spatial de défense et le quatrième pilier, c'est celui de la science et de l'exploration.
05:39Et je pense que la stratégie spatiale, finalement, elle est une forme de clarification
05:46par rapport à d'autres stratégies qui avaient été évoquées.
05:49Donc la stratégie spatiale de défense, on n'a pas de rupture majeure, si vous voulez,
05:53dans la stratégie telle qu'elle est évoquée.
05:56On l'a attendu longtemps, mais on n'est pas surpris spécialement parce qu'on a entendu cette semaine.
05:59On n'est pas particulièrement surpris, mais je pense qu'il y a des éléments qui ont été clarifiés.
06:02Par exemple, le positionnement de la France par rapport aux instances européennes et à la gouvernance européenne.
06:08C'est-à-dire que là, ce que la stratégie met clairement en avant,
06:11c'est le rôle moteur qu'elle souhaite donner, le rôle politique que la France souhaite donner
06:15à l'Union européenne pour définir les programmes et les stratégies futures,
06:21et le rôle, disons, de maître d'œuvre, je crois que c'est exprimé comme ça dans la stratégie,
06:26pour l'Agence spatiale européenne, qui, elle, est une agence intergouvernementale.
06:31Et ça, ce n'est pas forcément le point de vue de tous les partenaires européens,
06:35mais en tout cas, c'est exprimé comme ça dans la stratégie.
06:37Pourtant, il serait attaque à la question du retour du budget.
06:39Alors, le retour géographique, effectivement, comme dans le rapport Draghi, finalement,
06:45qui également souhaitait remettre en cause ce principe,
06:49il a souhaité le remettre en cause pour des raisons, finalement, d'efficacité industrielle.
06:59Ce n'est pas le principe lui-même, et notamment les capacités qu'il permet
07:03en termes de financement de l'effort spatial européen.
07:06Mais je pense que ce qui est exprimé, c'est un besoin d'améliorer l'efficacité
07:11de l'infrastructure industrielle européenne.
07:15Il y a des failles, on le voit aujourd'hui à Vernon, par exemple,
07:18avec la relocalisation, la fabrication des moteurs 26,
07:22c'est une conséquence directe dans votre budgétaire il y a quelques années,
07:26où l'Allemagne avait aussi mis plus dans la balance.
07:28Et aujourd'hui, c'est tout un savoir-faire qui va être développé plutôt...
07:33Alors, ça reste un pays de l'Union européenne et un collaborateur,
07:37mais ça joue beaucoup dans la course à l'espace aujourd'hui.
07:40D'ailleurs, l'Allemagne, elle, a promis 35 milliards d'euros d'investissement.
07:45Emmanuel Macron a annoncé 4 milliards de plus et 6 milliards dans la loi spatiale.
07:49Au total, 16 milliards civils et militaires confondus.
07:54Est-ce que c'est à la hauteur, et ce sera le mot de la fin sur cette interview,
07:57est-ce que c'est à la hauteur, cette stratégie, ce budget des enjeux ?
08:00C'est une excellente question.
08:02Aujourd'hui, vous dire précisément combien il faudrait dans la stratégie spatiale nationale
08:06pour accomplir tous les objectifs, les 15 objectifs stratégiques
08:10qui sont définis, je serais un peu en mal de le dire.
08:13Il faut savoir qu'on est basé quand même en France sur un héritage,
08:16un grand héritage industriel et une grande expertise dans le domaine spatial.
08:21Après, effectivement, en Europe, d'autres partenaires souhaitent investir énormément
08:27dans le spatial.
08:28Je pense que c'est une bonne nouvelle, fondamentalement, étant donné les enjeux,
08:34et notamment les enjeux qui ont été définis dans la revue nationale stratégique
08:39qui est parue en juillet, par rapport à la menace que représente dans les années qui viennent
08:45la Russie.
08:46Donc je pense qu'il faut se réjouir fondamentalement qu'en Europe,
08:50on a pris conscience aujourd'hui de l'importance du spatial
08:55et des enjeux qu'il représente dans le domaine de la défense.
08:58À l'échelle européenne, alors c'est plutôt une bonne nouvelle.
09:01Merci beaucoup, Paul Verard, d'avoir pris le temps de venir analyser
09:04en quelques instants cette stratégie spatiale française.
09:08On reviendra sur le sujet, bien sûr, dans cette émission.
09:10Et on enchaîne avec le Space Talk sur Bismarck.
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