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00:00C'est un événement qui attire chaque année plus de 200 000 visiteurs.
00:05Le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême traverse actuellement la plus grave crise de son histoire.
00:11L'édition 2026, prévue en janvier prochain, pourrait bien ne jamais voir le jour.
00:16Et pour cause, des centaines d'auteurs ont décidé de ne pas participer.
00:20Ils ont été suivis par les maisons d'édition.
00:22Tous reprochent à la société organisatrice de l'événement 9e Art Plus,
00:26sa mauvaise gestion entre opacité financière, dérives mercantiles et management toxique.
00:33Faut-il donc tirer une croix sur l'édition 2026 ?
00:35Et ensuite, comment envisager l'avenir de ce prestigieux festival ?
00:39Peut-il se relever d'une telle épreuve ?
00:41On va en parler avec vous, Lisa Mandel.
00:43Bonsoir.
00:44Bonsoir.
00:44Vous êtes autrice, vous êtes cofondatrice également des éditions exemplaires
00:48et vous faites partie des signataires de l'appel au boycott
00:52qui avait été lancé en avril dernier par 400 autrices et auteurs
00:56parmi lesquels Pénélope Bagieux, Riyad Satouf, Anouk Ricard, la lauréate 2025
01:01ou encore Jacques Tardy.
01:03Concrètement, dans votre collimateur, il y a donc cette société 9e Art Plus
01:07en qui vous, auteurs, n'avez plus confiance.
01:11Expliquez-nous pourquoi.
01:12En fait, ça fait des années que la révolte gronde, j'ai envie de dire,
01:16parce qu'il y a un manque de communication évident et d'horizontalité et d'inclusivité évident
01:22entre la société qui gère le festival et les autoristes.
01:26Et donc, ça fait quand même un moment que la confiance est un peu rompue.
01:30On ne se sent pas forcément écouté.
01:32Et ensuite, il y a eu des événements plus ponctuels et assez graves
01:35qui se sont déroulés au fur et à mesure des éditions
01:37et qui ont fait monter la sauce jusqu'à ce que la goutte d'eau déborde du vase.
01:46Cette goutte d'eau, parce qu'au centre de cette crise,
01:48il y a effectivement le cas d'une salariée du festival
01:50qu'on a dans un premier temps appelée Chloé,
01:52qui s'appelle en réalité Élise,
01:54qui a été licenciée après avoir déposé plainte pour viol.
01:57Et c'est ça qui a mis le feu aux poudres ?
02:01Disons que oui, ça a été l'événement qui a cristallisé cette colère
02:04parce qu'on était dans un cadre de VHSS,
02:07de violences, de harcèlement sexuel et sexiste,
02:10que nous, les autoristes, on ne pouvait pas laisser passer ça,
02:13qu'il se trouve que pour X raisons,
02:15cette salariée a porté plainte et ensuite s'est faite licencier.
02:18Il y a eu une défense de la part du festival
02:21qui a été quand même assez problématique.
02:24Et donc, c'est vrai que déjà l'année dernière,
02:25à cause de cet événement, on a commencé à appeler au boycott.
02:30Et ça s'est mélangé avec les problèmes d'opacité de gestion
02:34enfin, ça a fait ressortir en fait tous les autres problèmes.
02:36C'était un peu le sommet de l'iceberg,
02:38même si c'est un problème qui nous tient à cœur.
02:43On a monté un collectif d'autrices et d'autrices en parallèle
02:46pour soutenir Chloé du nom qu'on lui donnait auparavant.
02:51Et puis, voilà.
02:55Vous venez d'utiliser le mot boycott,
02:57mais vous utilisez aussi dans certains médias le mot girlcott.
03:01Oui, c'était un peu un jeu de mots par rapport à boycott.
03:04Alors, on sait très bien, parce qu'en fait, on a eu droit à...
03:06C'est d'ailleurs tout le temps des hommes qui nous écrivent en disant
03:09« Oui, vous savez, boycott, ça vient du nom de quelqu'un,
03:12c'est pas un mot, donc vous dites girlcott. »
03:14Mais en fait, c'est un jeu de mots qui n'est pas nouveau.
03:18Il a déjà été utilisé au 19e, au 20e.
03:21Donc oui, qu'on l'utilise parce que sur le moment,
03:23en fait, on s'est toutes mobilisées.
03:24Et c'est vrai qu'on s'est retrouvées avec un groupe
03:26de presque 300 autrices qui nous sommes mobilisées autour de ce sujet.
03:32Et du coup, on a trouvé ça drôle.
03:33On a dit « Bon, on va girlcoter. »
03:35Et donc, c'est venu comme ça, d'une plaisanterie entre nous.
03:37Et ça a fini par être le nom, en tout cas, provisoire de ce mouvement.
03:42Alors, ce que vous dites, en tout cas,
03:44j'ai une lumière crue sur le monde de la bande dessinée,
03:47qui n'est pas non plus un paradis, manifestement.
03:50Il n'y a pas eu d'évolution ces dernières années ?
03:53Vous avez le sentiment que la place de la femme
03:55n'est pas encore bien ancrée dans le milieu ?
03:58Alors, je vous mentirais si je vous disais que ça ne concerne que le milieu de la BD.
04:01En fait, c'est un milieu qui a été longtemps extrêmement masculin
04:03et qui se féminise à toute vitesse.
04:06Donc, moi, quand j'ai commencé, on était à 12%.
04:08Aujourd'hui, on est presque 40% de femmes.
04:10Ça reste un milieu, comme tous les milieux,
04:12où il y a des abus et où il y a de la violence.
04:15Mais pas plus, moi, je dirais pas plus qu'ailleurs.
04:17Mais c'est vrai qu'on avait envie de la relever.
04:19Par contre, il y avait une sorte d'omerta.
04:20On n'en parlait pas.
04:21Il y a eu plein de dérives de plein de personnes au cours des années.
04:24Et c'est vrai que la grosse différence, en ce moment,
04:26ce n'est pas tant qu'il y a eu des sanctions ou des résultats,
04:29c'est qu'il y a eu une prise de parole.
04:31Et évidemment, la honte n'est plus du côté des victimes.
04:35Donc, effectivement, on s'exprime plus.
04:37La parole, ça découle du mouvement aussi MeToo.
04:41Je veux dire, on fait partie...
04:42Là, on va dans le sens de l'histoire.
04:43Donc oui, la BD n'est pas exemptée de dérives.
04:46Et c'est ce que nous, on tend à dénoncer.
04:48Ça a commencé, même le mouvement féministe fort,
04:51il a commencé en 2016, quand il y a eu l'annonce des Grands Prix
04:53qu'il n'y avait aucune femme au Grand Prix d'Angoulême.
04:57Ça a commencé à faire bouger les choses.
04:59Et c'est vrai que nous, ça avait des années
05:00qu'on se mobilise autour du sujet.
05:03Donc la question qui se pose maintenant,
05:05c'est la question du maintien de l'édition 2026 de ce festival.
05:09Le ministère de la Culture a fait savoir
05:11qu'il y était favorable à ce maintien.
05:13Le maire de la ville d'Angoulême, lui,
05:16est plutôt favorable à l'annuler,
05:18faute d'auteurs et de maisons d'édition.
05:21Les collectivités locales essayent de réfléchir à un plan B.
05:25De votre côté, c'est certain que plus rien ne peut vous convaincre
05:27de participer à cette édition 2026 ?
05:29Alors moi, en tant que personne, à titre personnel,
05:33je ne participerai pas au festival 2026
05:37parce qu'on a acté, qu'on boycottait,
05:40qu'on réfléchit aussi à des alternatives entre nous
05:43pour faire exister cette fête autrement.
05:47Il y a une espèce de dynamisme et de vitalité
05:49autour de cette décision,
05:50qui n'est pas qu'une décision qui implique le futur,
05:53c'est aussi une décision qui a sanctionné un comportement passé.
05:56Je veux dire, aujourd'hui, la coupe est pleine
05:58et ça fait...
05:58Je n'arrête pas d'employer des comparaisons.
06:01Enfin, voilà.
06:02Et donc, aujourd'hui, nous, on...
06:06Enfin, moi, je trouve que ça a du sens de dire
06:07qu'on reste sur nos positions
06:08et on montre aussi qu'à un moment donné,
06:10les comportements, ils ont été excessifs
06:13et on n'a pas été écoutés.
06:14À un moment donné, c'est dire, regardez ce qui se passe
06:16au bout d'un moment à force de ne pas être écoutés.
06:18Et franchement, on est une profession,
06:20les autrices et les auteurs de BD,
06:21on est une profession qui est dure au mal.
06:23Je veux dire, il faut vraiment qu'on soit
06:24dans un état de précarisation extrême
06:26et acculé pour réagir comme on a réagi.
06:28Je veux dire, si on réagit aujourd'hui comme ça,
06:30c'est loin d'être un caprice.
06:31C'est vraiment la conséquence d'années et d'années
06:33de paupérisation, de précarisation de la profession,
06:36de manque de considération,
06:37que ce soit au niveau des pouvoirs publics
06:39et qu'au niveau des acteurs du livre.
06:43Et vous n'avez pas peur qu'une année blanche
06:45soit fatale à l'événement ?
06:46Vous pensez que le festival d'Angoulême
06:49va survivre à cette épreuve ?
06:50Écoutez, on nous dit que non
06:52pour qu'on, évidemment, revienne sur nos décisions.
06:56Moi, je ne vois pas pourquoi un festival aussi important
06:58que le festival d'Angoulême disparaîtrait
06:59parce qu'il y a une année blanche,
07:00il y a eu une année blanche pendant le Covid,
07:02je n'ai pas vu le festival disparaître.
07:04Mais il y a eu des nominations
07:05et il y a eu des lauréats cette année-là.
07:07Oui, il y en a aussi cette année.
07:09Moi, je pense que...
07:11En fait, ce festival, il doit être déconstruit
07:13et reconstruit autrement.
07:14Et je ne vois pas comment reconstruire
07:16si on ne déconstruit pas avant.
07:17Donc moi, je ne pense pas...
07:18Alors, si le festival disparaissait
07:19à cause d'une année où il n'a pas lieu,
07:22ce serait vraiment un festival
07:23qui ne tient sur rien du tout.
07:24Donc moi, je pense que si les pouvoirs publics
07:26sont toujours au rendez-vous en 2027,
07:27si la configuration change,
07:29je pense qu'on fera tous un effort
07:31pour que ce festival puisse exister
07:32l'année suivante.
07:34Je ne vois pas pourquoi ça le tuerait.
07:36Vous parlez de configuration qui change.
07:38Vous attendez quoi concrètement ?
07:40Déjà, j'imagine que cette entreprise
07:41qui avait la cherche de l'organisation
07:43soit hors-jeu ?
07:45Oui, effectivement.
07:46Puis nous, on attend un festival
07:49qui soit aussi au service des personnes
07:51qui le font, c'est-à-dire les auteuristes,
07:54les éditeuristes,
07:55et qu'on soit dans un mouvement plus horizontal,
07:58dans un rapport plus horizontal, plus inclusif,
08:00où on demande l'avis des travailleurs de la BD.
08:04Je suis désolée, ça fait un peu pompeux,
08:06mais on est aussi des gens qui travaillent.
08:07C'est des métiers qui sont, soit,
08:09on le fait par passion,
08:10mais c'est des métiers qui sont souvent
08:12extrêmement mal payés
08:14et qui demandent beaucoup de sacrifices.
08:17Juste pour vous redonner des chiffres,
08:19il y a eu des états généraux de la BD
08:20qui ont dit que la moitié des auteurs
08:23et des autrices de BD
08:24touchaient moins que le SMIC
08:26et que 35% vivaient en dessous
08:28du seuil de pauvreté.
08:29Donc aujourd'hui, c'est aussi cette reconnaissance-là
08:33dont on a besoin, dont on a envie.
08:35Et d'un point de vue plus général,
08:38en termes de changement
08:39dans ce qui se passe pendant ce festival,
08:42qu'est-ce que vous souhaiteriez modifier ?
08:44C'était trop axé sur le Bercantil ?
08:47C'était l'une de vos critiques ?
08:49Oui, c'était un événement de toute façon.
08:51Après, moi, je ne vis pas au milieu des Bisounours.
08:53Je sais que pour mener un salon,
08:54il faut quand même que ce soit un petit peu rentable.
08:56Maintenant, je pense que ce qu'on demande,
08:58c'est plus de transparence
08:58et peut-être éventuellement d'être consulté
09:01sur certains choix qui sont faits,
09:03que ce soit artistique, économique.
09:04Je sais que, par exemple,
09:05il y a eu un partenariat avec Quick
09:06qui a été extrêmement mal vécu
09:08par une partie de la profession
09:09parce qu'on ne valide pas forcément...
09:11Quick a le droit d'exister.
09:12Mais de là à l'associer au festival,
09:13ce n'était pas hyper populaire.
09:16Je pense qu'il y a des décisions
09:17qu'on a envie de pouvoir partager
09:20sur lesquelles on a envie de pouvoir être consulté.
09:22Ce n'est pas moi personnellement,
09:23mais qu'il y ait, je ne sais pas,
09:25dans les comités,
09:26qu'il y ait des personnes représentées,
09:29que toute la société de la BD
09:31soit représentée au sein de ce salon,
09:33qui, ne l'oublions pas,
09:34est un salon qui est né dans la passion
09:37et qui est né dans l'amour de la BD
09:38et qui est animé par des gens
09:40qui sont amoureux de leur métier.
09:44Donc, c'est ça que ça doit redevenir.
09:46Et ce n'est pas une marchandise.
09:48En fait, c'est un endroit incroyable
09:50qui est un des plus gros festivals du monde
09:51si ce n'est pas aujourd'hui le plus gros.
09:53et nous, on a envie que ce soit ça qui ressorte,
09:57l'amour qu'on a de faire notre métier,
09:59le temps qu'on passe à rencontrer notre public,
10:01que le public soit heureux,
10:02que l'on soit heureux
10:03et que les dépenses soient compréhensibles pour nous.
10:08Aujourd'hui, c'est un salon qui est extrêmement coûteux.
10:09Les éditeurs payent des sommes folles
10:11pour le déstand.
10:13L'entrée est quand même chère
10:14et pourtant, il y a des subventions.
10:18Donc, c'est dire, mais comment se passe ?
10:21C'est quoi le modèle économique de ce salon ?
10:23Voilà, il y a plein de choses
10:23qui, pour nous, restent mystérieuses.
10:25Moi, je ne dis pas que...
10:26Aujourd'hui, je ne dis pas que
10:27si on avait tous les chiffres,
10:29on se rendrait compte qu'il y a un truc incroyable.
10:31C'est déjà, donnez-nous les chiffres,
10:33expliquez-nous comment ça marche.
10:34Il y avait un manque de transparence
10:35que vous regrettez.
10:37Qu'est-ce qu'ils vous disent, vos lecteurs ?
10:39Est-ce qu'ils soutiennent cette initiative ?
10:41Oui, on est beaucoup soutenus
10:43parce qu'on explique aussi pourquoi on le fait
10:45et que nos lecteurs sentent aussi
10:48la nécessité qu'il y a à bouger les lignes
10:52pour que cet événement et cette fête
10:55restent une fête.
10:56Vous allez faire quoi fin janvier, du coup ?
10:58On va faire autre chose.
10:59On est en train de réfléchir,
11:00on se fédère, on réfléchit tous ensemble
11:02et tout ensemble à ce qu'on veut voir exister
11:06ce dernier week-end de janvier.
11:07Donc, ce sera une année un peu exceptionnelle,
11:08mais en tout cas, ce sera une année
11:10où la bande dessinée sera au rendez-vous
11:12et dans toute la France, je pense.
11:14Eh bien, on attend des annonces en ce sens.
11:16Merci beaucoup, Lisa Mandel,
11:17d'être venue sur le plateau de France 24.
11:19Restez avec nous.
11:20Tout de suite, c'est le Journal de l'Afrique
11:22présenté par Fatima Tawan.
11:23Sous-titrage Société Radio-Canada
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