- il y a 11 heures
Frédéric Ploquin, grand reporter et spécialiste du grand banditisme, était l'invité du Face à Face ce mercredi 19 novembre. Il est notamment revenu sur le meurtre de Meurtre de Mehdi Kessaci, frère du militant écologiste Amine Kessaci.
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00:00Il est 8h29 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Frédéric Ploquin.
00:04Bonjour.
00:04Merci d'être avec moi ce matin sur RMC et BFM TV parce que vous êtes aujourd'hui, à mes yeux, l'un des meilleurs spécialistes du narcotrafic.
00:13Et je le dis d'autant plus que depuis plusieurs années que je vous reçois, vous avez toujours anticipé ce que les politiques semblent à chaque fois découvrir,
00:21comme si la vague avait devancé, mais cette vague-là, vous l'avez toujours vue, vous, venir de beaucoup plus loin.
00:28Ce que l'on vit aujourd'hui, le ministre de l'Intérieur parle d'un point de bascule.
00:34Il s'agit notamment de la mort du frère d'Amin Kessassi, militant antidrogue de Marseille, dont le frère a été ciblé, assassiné et il a été enterré hier.
00:47Est-ce qu'on assiste en effet aujourd'hui à un point de bascule dans le narcotrafic en France ?
00:52On a entendu parler de meurtre d'intimidation, d'assassinat d'intimidation.
00:57J'ai envie de m'attarder un instant sur ce mot.
00:59Qui veut-on intimider ?
01:01On veut intimider un frère qui est la conscience, on va dire, du crime dans les quartiers nord de Marseille.
01:08On veut l'intimider, on veut le faire taire.
01:10J'ai presque le sentiment d'ailleurs que le mot terroriser est plus fort et plus juste que le mot intimidé.
01:17On veut terroriser ce frère.
01:19On veut qu'il arrête d'écrire parce que ce n'est pas quelqu'un qui va venger les armes à la main senti frère.
01:24Donc il ne représente pas un danger classique pour les adversaires, pour ceux qui ont tué ce frère.
01:30Ce n'est pas une bande.
01:31Ce frère, il y a cinq ans, parce qu'il a perdu un premier frère il y a cinq ans.
01:35Et en fait, il est dans un combat depuis cinq ans pour essayer de démasquer les assassins de son frère,
01:40pour démasquer les commanditaires des assassins de son frère.
01:42Donc c'est ça qu'on veut faire taire.
01:43Ils ne craignent pas une vente d'État classique, mais ils craignent que les mots ne soient mis sur les choses et d'être désignés.
01:54Donc on veut intimider ce frère.
01:56Mais au-delà de ça, je crois que dans ce fait, c'est pour ça que c'est un point de bascule,
01:59on veut intimider tous les quartiers.
02:02On veut dire aux gens, taisez-vous, ne regardez pas, fermez les yeux, baissez la tête, ne regardez pas ce qui se passe,
02:08ne mettez pas des mots sur ce que vous voyez, sur la violence que vous utilisez, que vous déployez.
02:14On veut intimider, pour moi, au-delà de ça, les juges, les surveillants de prison, pourquoi pas les avocats.
02:23On veut intimider, au fond, la presse aussi, qui parle, qui écrit, qui a le tort d'écrire, qui a le tort d'enquêter, qui a le tort de dire.
02:31Et au-delà de cela, ce que je veux dire, c'est que c'est la société civile aujourd'hui,
02:34c'est pas un règlement de compte entre vous, pas du tout, il faut bien le dire aux gens.
02:39C'est la société civile qu'on veut terroriser, qu'on veut intimider, qu'on veut faire taire.
02:44Et au-delà de la société civile, c'est évidemment la République qui doit répondre.
02:47La République doit répondre.
02:48Il y a eu cette réunion hier, réunion d'urgence à l'Élysée, on va y revenir.
02:53Mais un mot, je voudrais également préciser.
02:56Camille Kessassi, face à cela, a répondu, je ne me tairai pas.
03:01Il l'écrit ce matin chez nos confrères du Monde, il dit « je ne me tairai pas ».
03:06Et il invite l'État à engager ce qu'il dit être une lutte à mort avec le narcotrafic.
03:11Et c'est de quoi il parle.
03:12Dans l'histoire de la République, il y a toujours comme ça un homme, une femme qui se lève et qui dit non.
03:17Amin Kessassi, c'est cela.
03:18C'est un homme qui, aujourd'hui, dit non.
03:20Et on sent qu'il va dire non jusqu'au bout.
03:24Moi, j'ai eu l'occasion de débattre à plusieurs reprises avec lui.
03:26C'est quelqu'un déterminé.
03:27Il est l'avocat de toutes les familles de victimes.
03:31Et pas seulement l'avocat des quartiers nord de Marseille.
03:33Et c'est quelqu'un qui, effectivement, va porter...
03:36Il est atteint... Vous avez perdu un premier frère, puis vous perdez un deuxième frère.
03:39Vous imaginez la blessure totale, la souffrance qui est en lui.
03:42Je pense que ça va être... J'ai l'impression que ça va être chez lui le moteur, justement, d'une révolte.
03:49Et ça va lui permettre d'interpeller l'État de manière assez forte.
03:53Précisément, il interpelle l'État.
03:55Et quand vous entendez les mots du ministre de l'Intérieur hier, du ministre de la Justice, qui sont à l'Élysée,
04:02la réponse, ils disent tous, on va tout faire.
04:05Mais j'ai presque envie de vous dire, j'ai l'impression moi-même en tant que journaliste,
04:09d'avoir commenté tant de réunions, soi-disant de crise ou d'urgence.
04:14Qu'est-ce qui a véritablement été fait ?
04:15Et qu'est-ce qui pourrait être fait et qui n'est pas fait, Frédéric Ploquin ?
04:18Il y a des choses qui ont été faites, il ne faut pas exagérer.
04:20Quand l'Office central des stups a adressé la liste, il y a quelques années,
04:24du top 50 des barons de la drogue en France,
04:28ce n'était pas juste pour avoir une belle liste devant soi, un espèce de hit parade.
04:31C'était pour les interpeller un par un.
04:34Et on peut considérer à ce jour que près de la moitié des membres de ce top 50
04:40ont été neutralisés, arrêtés, pas seulement localisés.
04:43Donc, il ne faut pas dire que l'État ne fait rien.
04:46L'État a fait beaucoup.
04:46L'État a fait.
04:47Simplement, l'État est engoncé dans un certain nombre de...
04:52Forcément, il doit respecter les textes.
04:55L'État avance à pas beaucoup trop lent.
04:57Et donc, on nous a promis un parquet central de lutte contre le crime organisé.
05:02On nous a promis un statut pour les repentis.
05:05On nous a promis un certain nombre de dispositions...
05:09Qui allaient dans le bon sens, à vos yeux.
05:10Oui, que pourraient employer les maires pour tenir à distance certaines personnes des quartiers.
05:15Tout cela a été décidé, mais n'est pas entré en application.
05:19C'est pour ça que je parle de l'ententeur.
05:20On est face à une machine.
05:22La machine, le narco-banditisme, va très très vite,
05:25se réinvente tous les jours, se remet en cause tous les jours.
05:28Et face à ça, on a un État qui dit...
05:31Qui met six mois, un an, quelquefois, à faire en sorte que les choses entrent en action.
05:35Donc, je dis que là, est-ce que ça va être un électrochoc ?
05:38Je l'espère.
05:39C'est-à-dire que...
05:40Je ne sais pas si vous avez entendu, depuis deux jours,
05:42on compare un petit peu la lutte contre le narco-banditisme à la lutte contre le terrorisme.
05:47Alors, je rappelle qu'en 2015, on a eu une vague terroriste sans précédent en France.
05:51On a eu le Bataclan.
05:52Le Bataclan a été un électrochoc, tel que l'Élysée, le président de la République à l'époque,
05:58a réuni autour de lui l'intégralité des chefs de la police, des chefs des services de renseignement.
06:02Il leur a dit, ça suffit, arrêtez de vous tirer dans les pattes,
06:05arrêtez d'être en concurrence, arrêtez...
06:08Je veux dire, soyons sérieux et travaillons ensemble.
06:10On a eu la création, dans la foulée, d'un immense, d'un grand service de renseignement français,
06:17la DGSI, la Direction Générale de la Sécurité Intérieure,
06:20qui a fait fusionner les renseignements généraux et la DST.
06:22On a eu donc un choc, on va dire, structurel...
06:25Pour vous, la mort du frère Damien Kessassi, c'est ce choc ?
06:28La mort du frère Damien Kessassi, ça pourrait être le Bataclan...
06:32De la lutte contre le narco-banditisme.
06:35C'est-à-dire, à un moment, on se dit, bon, ça suffit.
06:37Et or, aujourd'hui...
06:38Mais aura-t-il fallu cela ?
06:40Alors, je ne sais pas ce qu'il faudrait d'autre pour qu'on arrête.
06:44C'est-à-dire que vous avez remarqué hier, à l'Élysée, ont été convoqués
06:47les patrons, justement, des douanes, de la gendarmerie, de la police.
06:51Ce n'est pas pour rien.
06:53C'est qu'en fait, ces services sont malheureusement dans une lutte entre eux...
06:58De concurrence ?
06:58De concurrence, qui est le meilleur, qui va faire le plus gros chiffre ?
07:01Qu'est-ce qui va en ramasser le plus ?
07:02Qu'est-ce qui va faire le plus gros tas de cocaïne à la fin de l'année ?
07:05Non, mais ça suffit, il faut arrêter.
07:07C'est ça, je pense, que l'Élysée a voulu dire.
07:09Ça suffit.
07:10Maintenant, vous bossez ensemble, vous vous épaulez les uns les autres,
07:14et on va lutter à la fois, ensemble, contre le travail du CPF,
07:18mais pas seulement, aussi contre la corruption,
07:20contre toutes les attaques qui nous visent.
07:22Et on va parler aussi, dans un instant, de la question des consommateurs,
07:25puisque Emmanuel Macron les cible, en quelque sorte, disant qu'ils sont complices.
07:29Mais j'aimerais quand même qu'on s'arrête un instant sur qui.
07:32Qui sont aujourd'hui les grands patrons de la drogue ?
07:35Qui utilise-t-il ?
07:37Je vous ai souvent entendu dire, en fait, c'est un business,
07:40c'est comme tous les business, ils cherchent l'offre, la demande,
07:42ils vont là où ils doivent aller.
07:44Vous êtes, vous, Frédéric Ploquin, celui qui a décelé, en quelque sorte,
07:47le fait que ce que l'on croyait pendant longtemps,
07:51une affaire marseillaise, devenait beaucoup plus large.
07:54Vous avez écrit ce documentaire et ce livre sur la drogue dans les campagnes.
07:59La drogue est dans le pré, disiez-vous.
08:02Aujourd'hui, elle touche les moyennes villes, les petites villes, la ruralité.
08:06Mais il y a une tête et il y a ensuite des petites mains.
08:10Est-ce que vous pouvez nous faire la hiérarchie, en quelque sorte,
08:12de ce business, de ce narcotrafic ?
08:14Effectivement, le narcotrafic est, on va dire, une entreprise multiforme.
08:22On n'a pas, ce n'est pas la mafia italienne, on n'a pas un grand chef.
08:24On a de multiples organisations criminelles qui se partagent le terrain,
08:31avec qui sont, en gros, les supérettes du trafic de stupéfiants
08:37sont installés maintenant sur tout le territoire.
08:40Ils utilisent comme chair à canon de plus en plus des mineurs.
08:43On en a vu un de 12 ans qui est encore entre la vie et la mort,
08:46dans le coma, au moment où on se parle.
08:48Touché à 2h du matin sur un point de deal, 12 ans mineurs isolés.
08:51À Grenoble.
08:52Ça, c'est de la chair à canon ?
08:53C'est de la chair à canon.
08:54Donc, sur le terrain, on a ça.
08:55On a des petites mains qui sont malléables, corvéables à merci.
08:59On pourrait parler d'esclavage moderne, d'une certaine manière.
09:02Donc, ils touchent 100, 200 euros par jour.
09:04Ils risquent leur vie comme un ouvrier au fond de la mine en Afrique du Sud,
09:08tous les jours.
09:10Et on ne sait pas, ils ne savent pas.
09:12Puis, ils ont l'avantage, ils présentent l'avantage de connaître personne.
09:15Donc, s'ils se font arrêter, c'est ça tout l'intérêt.
09:18Ils ne connaissent même pas le nom de la personne qui les a embauchés.
09:21Ils ne connaissent pas le nom de la personne qui leur amène le produit.
09:24Donc, ils ne vont rien dire.
09:24Ils vont tomber.
09:25Et pourquoi pas tomber comme ce jeune à Grenoble qui est entre la vie et la mort,
09:30tout de même, à l'âge de 12 ans.
09:31Où sont les chefs, Frédéric Bloquin ?
09:33Où sont les chefs ?
09:34Là, je parlais de la base.
09:35Au-dessus, on a des organisations, genre la Ligue 2, on va dire,
09:40du travail avec des stupéfiants, comme la DZ Mafia,
09:42qui est implantée à Marseille, qui essaie de prospérer un petit peu.
09:46Et au-dessus de cela, et ça, c'est la grande nouveauté, on va dire,
09:49de ces dernières années.
09:51Au-dessus de cela, on a nos services de renseignement,
09:54nos services de police, ont identifié la création,
09:58pour la première fois dans l'histoire de France,
10:00d'un véritable cartel de la drogue.
10:02C'est-à-dire, quand on parle de cartel, ça veut dire qu'on aurait,
10:04aujourd'hui, on a, à Dubaï, en réalité,
10:08c'est-à-dire avec un certain nombre de frontières
10:10qui les séparent de la justice française et de la police,
10:14on a à Dubaï, on va dire, 5, 10 personnes qui sont sorties,
10:21qui sont issues.
10:21On ne les a pas vus grandir, ils sont tous issus de ce qu'on a appelé,
10:24dans les années, au siècle dernier, la mafia des cités,
10:27qui montait, qui montait.
10:28Et aujourd'hui, cette mafia des cités a accouché de véritables barons de la drogue,
10:32qui pèsent très, très lourds, qui pèsent des millions et des millions,
10:34et qui, depuis Dubaï, on va dire, partagent, s'organisent,
10:40partagent leurs moyens de logistique,
10:42et sont capables, autour d'une table comme ça, comme vous et moi,
10:45de mettre 10 millions d'euros sur la table par jour, par cargaison,
10:49pour faire venir du produit ensemble.
10:51C'est-à-dire qu'ils partagent les moyens.
10:53Du coup, d'une certaine manière, on va dire,
10:55ils s'entendent sur les prix aussi, pour ne pas que ça baisse trop,
10:59pour que le prix du gramme de cocaïne ou de shit ne s'effondre pas,
11:02parce qu'il y en a beaucoup sur le marché,
11:04donc ça pourrait s'effondrer.
11:05Donc, ils s'entendent sur les prix,
11:07ils s'entendent sur les moyens, on va dire, logistiques,
11:11et ce cartel, ces individus, évidemment,
11:16sont la cible numéro un des services de renseignement français.
11:19Qui parfois y arrivent ?
11:20Qui parfois y arrivent, il y en a quelques-uns qui sont tombés.
11:22Quels sont les obstacles à l'arrestation de ces patrons de la drogue ?
11:27Le principal obstacle, c'est la distance et la frontière.
11:30Et c'est le fait que dans les pays dans lesquels ils sont...
11:32Ils sont de nationalité française ?
11:33Ils sont de nationalité française,
11:34où souvent ils ont la double nationalité,
11:37franco-algérienne, franco-marocaine.
11:38Il y en a beaucoup d'origine marocaine ou algérienne, nécessairement,
11:41mais marocaine, parce qu'en fait, toute cette mafia...
11:43Marocaine produit une partie, parce qu'une partie de l'arrivage...
11:47Oui, en réalité, si vous voulez,
11:48tous les barons du shit d'il y a 20 ou 30 ans
11:51ont basculé dans la cocaïne.
11:53Donc, ils étaient millionnaires, maintenant ils sont milliardaires.
11:55Et pour beaucoup, ils venaient du Maroc,
11:57parce que le Maroc, c'est le grenier
11:59en termes de cannabis de toute l'Europe.
12:01Donc, c'est là qu'ils se sont fait,
12:03on va dire, de la maille,
12:05qu'ils ont commencé à augmenter leur surface financière.
12:07La cocaïne, elle, elle vient d'où ?
12:08Et la cocaïne, elle, elle vient de l'Amérique du Sud.
12:10Mais ils ont, justement, su basculer sur ce nouveau marché.
12:14Ils se sont adaptés à la demande, au business.
12:17Vous m'aviez dit,
12:18et j'ai toujours eu en tête ce point,
12:21en sortant du Covid,
12:23je vous avais reçu,
12:24et vous m'aviez dit, au fond,
12:25c'est exactement comme le reste
12:27de la consommation mondiale,
12:29de biens et de services.
12:30Tout s'est arrêté et a été gelé pendant le Covid,
12:33évidemment, puisqu'il y avait moins de transit
12:36et que tout était gelé.
12:39Donc, il y a du matériel à écouler.
12:42Il y a de la drogue à écouler.
12:44Et vous m'aviez dit,
12:45ils vont baisser les prix
12:46pour vraiment toucher un nouveau public.
12:49Et une fois que ce nouveau public
12:50aura, en quelque sorte,
12:52écoulé le stock,
12:53on remontera les prix.
12:55C'est un peu ce qui s'est passé.
12:55D'abord, pendant le Covid,
12:56ils ont montré qu'ils étaient capables,
12:58quand même, malgré la baisse du flux,
12:59parce qu'ils s'infiltrent dans le flux
13:02de circulation des marchandises.
13:04Ils ont été capables d'importer du produit.
13:06Ensuite, effectivement,
13:07il y avait un stock absolument colossal
13:09dans les pays andins de la Cordillère des Andes
13:11qui fallait écouler et qui est arrivé ici.
13:14Et là, vous avez toute une nouvelle génération,
13:16on va dire,
13:16qui s'est répandue sur nos territoires ruraux,
13:19dans les villes moyennes.
13:21Il y avait finalement,
13:22il y avait trop de monde.
13:24Il y avait trop de dealers potentiels en concurrence
13:27dans les grands centres urbains.
13:28Et donc,
13:29ceux qui ne voulaient pas mourir
13:31à cause de la concurrence
13:32sont partis,
13:33se sont déplacés.
13:34Et là,
13:34ils se sont aperçus très, très vite
13:36qu'ils ne faisaient pas fausse route.
13:38Et que quand ils arrivaient
13:38dans une petite ville à Lançon,
13:40mettons,
13:40au bout de quelques mois,
13:42ils commençaient déjà...
13:43Ça fonctionnait bien.
13:44C'est ça qu'ils disent.
13:46Ça fonctionnait bien.
13:47C'est-à-dire que partout
13:48où ils sont allés,
13:48ils ont trouvé du répondant,
13:50ils ont trouvé une clientèle.
13:52Et donc,
13:52c'est ce qui fait qu'aujourd'hui,
13:53on arrive,
13:53c'est ça le point très important
13:55de ces dix dernières années,
13:55à une massification
13:57du trafic de stupéfiants,
13:58à une saturation
13:59des services de police.
14:00Il y a 30 ou 40 ans,
14:02il y a 40 ans,
14:02vous parliez à un ministre
14:03de l'Intérieur,
14:04il vous dit,
14:04oui, c'est bon,
14:05on gère,
14:05on a la police judiciaire
14:07qui fonctionne bien,
14:08on a 400 ou 500 gros voyous
14:10en France,
14:10on les contrôle,
14:11on les connaît.
14:11C'était vrai.
14:13On les contrôlait,
14:14on les connaissait,
14:14on avait tous les noms.
14:15Mais on n'a pas vu
14:16qu'il y en avait d'autres
14:17qui arrivaient.
14:1740 ans plus tard,
14:18cette massification
14:19sature complètement
14:21des services de police.
14:22En plus,
14:22à un moment donné
14:23où la police judiciaire,
14:24il faut le dire,
14:25a été affaiblie.
14:26Avec la réforme,
14:27effectivement,
14:28de la police.
14:28Mais pourquoi ?
14:29Elle a été diluée
14:29parce que vous avez
14:30les patrons,
14:32on va dire,
14:32de la sécurité publique,
14:34la police de terrain,
14:36pas la police judiciaire,
14:37la police de tous les jours
14:39qui ont dit,
14:39nous,
14:39on n'arrive plus
14:40à écouler nos stocks
14:40de plaintes,
14:41on n'arrive plus
14:41à enquêter,
14:42ce qui était vrai.
14:43Et donc,
14:43la réponse ministérielle
14:44et gouvernementale,
14:45ça a été dire,
14:45bon,
14:46on va diluer,
14:46on va vous prêter
14:48main forte
14:49en demandant à la police judiciaire
14:50de s'occuper aussi
14:51de tout cela.
14:52Du coup,
14:52on a dilué
14:53les missions
14:54de la police judiciaire.
14:55En fait,
14:55il y en avait déjà
14:56qui étaient débordés
14:57et désormais,
14:57ils ont fait en sorte
14:58que tout le monde
14:59soit débordé.
14:59Ils ont été dilués
14:59dans le pays.
15:00C'est pour ça que
15:00j'entends un certain nombre
15:02de policiers
15:02proposer la création
15:03en marge
15:05de la formation
15:06de ce nouveau parquet
15:07contre le crime organisé
15:08d'un grand service
15:08type DGSI
15:10qui ferait renaître
15:11un peu d'abord
15:13des motivations,
15:14des vocations
15:15au sein de la police
15:17pour venir voter.
15:18Et une forme de spécialité
15:19qui permettrait en effet
15:19de lutter plus précisément.
15:21Frédéric Bloquin,
15:22vous avez évoqué Alençon,
15:24on se souvient
15:24des drames
15:25à Clermont-Ferrand.
15:27Clermont-Ferrand
15:28qui s'est retrouvé
15:28soudain,
15:30enfin je dis soudain
15:30mais vous l'aviez
15:31sans doute vu venir,
15:32une plaque tournante
15:33avec une vie
15:35pour les habitants
15:36de Clermont-Ferrand
15:37qui est devenue
15:38insupportable
15:39dans certains quartiers.
15:40J'y vais d'ailleurs
15:40cette semaine
15:40enquêter précisément
15:42parce que c'est
15:42typiquement
15:44le genre d'endroit
15:46où les gens ne comprennent pas
15:46pourquoi ça leur arrive.
15:48Mais il faut...
15:49Un mot sur les consommateurs.
15:50En même temps,
15:50quand vous dites
15:51qu'ils ne comprennent pas
15:51pourquoi ça leur arrive,
15:52quand vous entendez
15:53Emmanuel Macron hier
15:54qui dit
15:54les consommateurs
15:55sont complices.
15:57Vous dites
15:57quand ils arrivent
15:58à Alençon,
15:59ils créent la demande
16:00en quelque sorte.
16:01Mais la demande est là.
16:02Il y a en effet désormais
16:03partout en France
16:05des consommateurs
16:06et de manière massive.
16:07Absolument.
16:08Vous avez en France...
16:10Vous aviez des problèmes
16:11liés à l'alcoolisme
16:12dans les années
16:13au siècle dernier.
16:14C'était le fléau majeur.
16:16Donc les enfants d'alcooliques
16:17sont devenus cocaïnomales
16:19si j'ose dire.
16:19C'est-à-dire qu'il y a
16:20probablement
16:21une population
16:24extrêmement accro
16:26à toutes sortes de produits.
16:27Ça veut dire que derrière
16:28il y a un malaise profond.
16:29Ça veut dire que derrière
16:29il y a des choses
16:30qui ne vont pas.
16:31Il faut s'interroger
16:32quand vous avez une population
16:33comme ça qui sombre
16:33dans les psychotropes,
16:35dans l'usage
16:36de trafic de stupéfiants.
16:37Le protoxyde d'azote
16:37dont on nous parle désormais.
16:38Pour les plus jeunes.
16:39Il faut aussi
16:40là c'est une question
16:41de santé publique
16:42s'interroger
16:43sur l'état psychologique
16:44on va dire
16:44de ces Français
16:46qui basculent
16:47et qui considèrent
16:48qu'ils peuvent carburer
16:49pour aller au boulot
16:50à la cocaïne
16:51alors que c'est un produit
16:51qui va les détruire.
16:52Qui va les détruire.
16:53Flédéric Ploquin
16:54vous avez dit tout à l'heure
16:55ils veulent terroriser.
16:58Ils veulent terroriser
16:58d'abord les militants
16:59anti-drogue
17:01Amine
17:01aux premières loges.
17:03Ils veulent terroriser
17:03peut-être demain les magistrats
17:04les juges
17:05les policiers.
17:07La presse
17:08dites-vous
17:08est-ce que Frédéric Ploquin
17:09vous avez déjà eu peur ?
17:11On essaie de
17:12on essaie de pas
17:13de pas avoir peur.
17:14Moi j'ai toujours dit
17:15jusqu'à présent
17:16quand on me posait
17:17cette question il y a 10 ans
17:18je disais
17:18mais on est en France
17:19on n'est pas en Colombie.
17:20Je disais ça.
17:21Je répondais ça.
17:21Aujourd'hui je me pose
17:22la question de savoir
17:23si on se rapproche pas
17:24un peu
17:24des méthodes colombiennes.
17:27C'est-à-dire que
17:28quand Pablo Escobar
17:29en Colombie
17:29avait un souci
17:30il allait
17:32commanditer un contrat
17:33contre le ministre
17:34de la Justice un jour
17:35contre un journaliste
17:35le lendemain
17:36contre...
17:36C'était ça
17:37c'est ça
17:38l'Amérique du Sud.
17:39C'est une forme de mexicanisation ?
17:41Des esprits
17:41des esprits
17:42parce qu'il faut faire attention
17:43avec ce mot
17:44il est intéressant
17:45parce que
17:47on n'est pas au Mexique
17:48au Mexique
17:48il y a des charniers
17:49dans toutes les villes
17:51c'est par milliers
17:53que les personnes
17:54se font assassiner
17:54c'est par centaines
17:56que les policiers
17:56basculent dans le crime
17:57organisé
17:58donc on n'y est pas
17:59mais il y a une mexicanisation
18:01on va dire
18:01des esprits
18:02c'est-à-dire qu'il y a
18:03une culture du gang
18:04qui se répand
18:04chez les jeunes
18:05on a l'impression
18:06que chez un certain
18:07nombre de jeunes
18:08de quartier
18:08aujourd'hui
18:09le seul avenir
18:10si on ne peut pas
18:11être Mbappé
18:12et être star
18:13du football
18:13c'est le trafic
18:14de stupéfiants
18:15parce que là
18:15on va faire de l'argent
18:17assez rapidement
18:18moi je les côtoie
18:19ces jeunes
18:19je les vois basculer
18:20je les vois
18:21au départ
18:21ils commencent petits
18:22ils commencent en bas
18:23de l'échelle
18:23ils commencent par dîner
18:24un petit peu
18:24puis à un moment donné
18:25ils s'aperçoivent
18:26qu'ils peuvent s'acheter
18:26un petit commerce
18:27avec ce qu'ils ont gagné
18:28et puis ils rêvent
18:29de devenir
18:30et c'est le seul futur
18:32qu'ils s'imaginent
18:33évidemment
18:33ils sont en rupture scolaire
18:34c'est d'avoir
18:37leur premier million
18:38et puis après
18:38de pouvoir s'acheter
18:39je ne sais quoi
18:40bon outre
18:40d'abord ils consomment
18:42énormément
18:42et donc
18:43quand on parle
18:45de mexicanisation
18:47il y a aussi
18:47le modèle
18:48le modèle du gang
18:51du chef de gang
18:51qui se répand
18:52dans les esprits
18:53qui colonise
18:54et qui pollue
18:55d'une certaine manière
18:55ces jeunes en rupture de banque
18:58Merci Frédéric Ploquin
18:59pour cette analyse
19:01et ce récit
19:02vos investigations
19:03vous êtes donc
19:04le spécialiste
19:05du grand banditisme
19:06et je voudrais citer aussi
19:06votre dernier livre
19:07Insécurité
19:08Stop à la descente
19:10aux enfers
19:10c'est aux éditions Fayard
19:12écrit avec un commissaire de police
19:13Il est 8h48
19:14sur RMC BFM TV
19:15Merci à vous
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