00:00Il est 8h18, le narco-banditisme semble avoir franchi un nouveau cap à Marseille après l'assassinat de Mehdi Kessassi.
00:12Ce gamin de 20 ans, visiblement tué pour faire taire son frère Amine Kessassi, engagé contre le narcotrafic.
00:18Ce matin, c'est l'avocat de la famille Kessassi, Mathieu Croizet, qui est votre invité en direct de Marseille.
00:22Marc-Olivier Frogiel.
00:23Bonjour Maître Croizet.
00:25Bonjour Marc-Olivier Frogiel.
00:26Vous prenez donc la parole quelques heures avant ces obsèques si particulières.
00:31On imagine des obsèques sous très haute sécurité tout à l'heure à Marseille.
00:36Écoutez, pour l'instant, je n'ai pas forcément été informé des protocoles de sécurité,
00:43mais je pense qu'u égard au fait qu'Amine est placée sous protection policière depuis environ un mois,
00:50je pense qu'effectivement la sécurité sera à la hauteur.
00:53On parle du raid. Le procureur a dit que Mehdi était extérieur à tout ce qui gangrène Marseille,
01:00le narcotrafic et la criminalité organisée.
01:03Pour vous, quel était le message clair des narcotrafiquants ?
01:06Alors, moi, encore une fois, je me plie, j'écoute surtout ce qu'a dit monsieur le procureur de la République de Marseille, Nicolas Besson,
01:16qui vendredi avait laissé toutes les options sur la table pour les raisons pour lesquelles Mehdi avait été tué.
01:24Donc, il avait indiqué parmi tant d'autres choses le fait que ce soit une erreur de cible ou effectivement un meurtre d'intimidation.
01:31Hier, lors d'un communiqué, il a dit que finalement, la piste du crime d'intimidation et d'avertissement était vraisemblablement la piste retenue.
01:43Donc, c'est une première, parce que moi, ça fait 24 ans que je suis avocat à Marseille.
01:49Alors, des pressions sur des familles, oui, des séquestrations même.
01:53Mais, je pense que c'est effectivement la première fois qu'une personne qui était, comme vous l'avez dit, inconnue des services de police,
02:01qui comptait devenir lui-même policier, se fait tuer en raison du militantisme d'un membre de sa famille.
02:08Est-ce que vous pensez que ça peut effrayer Amine ?
02:11Amine, je le rappelle, candidat aux législatives en 2024 sous la bannière Europe Écologie des Verts,
02:17puis Nouveau Front Populaire, engagé dans cette lutte contre le narcotrafic.
02:20Est-ce qu'il avait fait ce livre, Marseille essuie tes larmes ?
02:24Est-ce que vous pensez que ça peut l'effrayer, puisque c'est le but, le faire reculer dans son engagement ?
02:29Écoutez, ça, c'est une question qu'il faudra peut-être lui poser directement.
02:33Vous qui connaissez la famille.
02:35Je ne peux pas vous dire, ce serait à vous répondre, à répondre à une question dont je n'ai pas la réponse.
02:42Enfin, je ne peux pas répondre à la question.
02:44Excusez-moi, je suis encore un peu aussi sur l'émotion, parce que depuis jeudi,
02:48je suis partagé entre une infinie tristesse et une immense colère.
02:52Je ne sais pas ce qu'Amine va faire.
02:54Vous lui conseillerez quoi, vous, qui êtes l'avocat de la famille, s'il vous demandait conseil ?
02:58Vous lui conseillez quoi ?
03:00Ce n'est même plus en tant qu'avocat, c'est en tant qu'être humain.
03:04Je vous dis, ce qui est vrai, c'est que quand il y a un drame, il y a deux possibilités.
03:08Et malheureusement, il y a déjà des gens qui ont jeté l'éponge,
03:12puisque les dirigeants associatifs ont dit, on arrête les frais,
03:14on ne va pas continuer, c'est trop dangereux.
03:17Donc voilà, ils ont gagné.
03:19Donc il y a quelques militants associatifs à Marseille qui l'ont déclaré.
03:23En ce qui concerne Amine, je n'en sais rien.
03:25Je sais aussi que ça peut être aussi une émulation pour, je dirais, muscler le combat.
03:29Je pense que peut-être, ça va aussi entraîner des gens qui vont vouloir s'investir
03:34dans les associations, mais même en politique.
03:36Donc j'ose espérer que la mort de Mehdi puisse être, si vous voulez, un facteur déclenchant
03:44pour qu'on dise, plus jamais ça, on arrête.
03:47Mais concrètement, Maître Croisé, Amine, il est vraiment une menace directe pour le trafic,
03:51ses finances, son organisation ?
03:53Je pense qu'Amine, si vous voulez, en mettant l'emphase sur les trafiquants,
03:59en mettant la lumière sur les trafiquants, en ayant écrit le livre que vous avez évoqué,
04:04il met un coup de projecteur sur le narcotrafic à Marseille.
04:09Et comme vous le savez certainement, les narcotrafiquants ne souhaitent qu'une seule chose,
04:13c'est de passer sous le radar.
04:14Et si vous mettez un coup de projecteur sur eux, ça ne leur plaît pas.
04:18Donc je pense qu'il y a eu ça.
04:20Et puis il y a conscience, l'association Amine qui s'assiste,
04:22aussi une association qui prend en charge et qui aide les familles des victimes du narcotrafic,
04:28que ce soit d'ailleurs des membres de gang ou des victimes collatérales, comme on les appelle.
04:32Donc ce sont les premiers, les militants de conscience sont les premiers sur place
04:36lorsqu'il y a un meurtre, un assassinat, pour aider la famille.
04:41Donc ça aussi, ça a dû énerver certainement les narcotrafiquants
04:44parce qu'ils n'aiment pas que des gens puissent prendre le contrôle, entre guillemets,
04:49d'une partie de la population.
04:51On dit un cap a été franchi.
04:53Est-ce qu'on craint un nouveau cap, par exemple,
04:55que les narcotrafiquants s'en prennent, à vous, aux avocats, aux journalistes ?
05:01Est-ce que c'est ça la suite, Maître Croisé ?
05:04Le problème, vous savez, Marc-Olivier Fogel,
05:06il n'y a pas si longtemps, au début d'année, un confrère du Barreau de Marseille
05:10a été agressé dans son cabinet avec une arme blanche.
05:14Il a été frappé au visage parce qu'il était effectivement un des avocats
05:17dans le cadre de... il défendait les narcotrafiquants.
05:20Donc oui, tout le monde est susceptible aujourd'hui de faire les frais de la violence.
05:25Vous-même ?
05:26Il n'y a pas l'une.
05:27Peut-être, je ne sais pas, j'espère pas.
05:29Après, vous savez, au bout de 24 ans d'exercice professionnel,
05:33j'ai déjà reçu des menaces de mort dans le passé.
05:36Alors la première fois, ça fait un choc et puis après, on s'y habitue presque.
05:41Mais oui, on peut bien évidemment réfléchir à sa propre sécurité
05:44quand on voit que quelqu'un qui n'avait rien à voir avec la lutte contre le narcotrafiquant
05:49qui n'était inconnu des services de police puisse se faire tuer dans la rue.
05:53Est-ce que, maître, est-ce que les autorités ont assez protégé la famille Kessassi ?
05:59Est-ce qu'il y a une défaillance à ce niveau-là, vous diriez ?
06:01Ou on ne peut pas protéger tout le monde 24 heures sur 24 ?
06:05Même un jeune gars de 20 ans qui, lui, voulait être gardien de la paix ?
06:10Je ne peux pas vous dire.
06:13Après, sincèrement, j'ai lu tout et n'importe quoi.
06:16Donc au début, on m'a dit aussi, on avait dit que c'était la maman d'Amine Kessassi
06:19que je connais aussi bien et que j'embrasse.
06:22Parce que je sais qu'elle a déjà subi un deuil il y a 5 ans pour le frère aîné d'Amine.
06:30Mais j'avais lu qu'elle avait été elle-même placée sous protection policière.
06:34Je ne sais pas si c'est vrai d'ailleurs.
06:35Mais lorsque Bédia a été tué, il avait déposé sa maman à une pharmacie.
06:39Donc ça veut dire que peut-être qu'elle n'était pas protégée.
06:41Je n'en sais rien.
06:42Peut-être qu'il y aurait une enquête nécessaire pour savoir s'il y a eu des défaillances.
06:45Qu'il y ait eu des défaillances ou pas, en tout état de cause, le résultat est là.
06:49C'est que vous avez un gamin de 20 ans qui a été tué sous des balles par...
06:53Je dirais aussi avec un modus operandi qui m'a l'air d'être un peu plus professionnel
06:57que ce qu'on a pu voir dans le passé à Marseille.
06:59C'est-à-dire les morts par Kalachnikov.
07:01C'est-à-dire que vous avez un pistolet mitrailleur et celui d'appuyer sur la détente
07:05et de viser plus ou moins vers la cible.
07:08En ce qui concerne Médis, c'est une arme de poing qui a été utilisée vraisemblablement en 9mm
07:13et que tous les impacts, toutes les balles ont touché la victime.
07:17Donc ça a l'air d'être un peu plus professionnel et un peu plus dans le style de ce qu'on peut imaginer un contrat.
07:23Vous disiez que la famille, c'est la deuxième fois qu'elle a été touchée
07:26puisque la première fois, c'était en 2020, la mort de Brahim, l'aîné de la fratrie.
07:30C'est le seul à être tombé dans la drogue et tué pour un règlement de compte.
07:34Lui, pour le coup, il avait franchi le pas, contrairement évidemment à tous ses frères
07:38qui, eux, ont pris le contre-pied de tout ça.
07:41Tout à fait.
07:42Non mais là aussi, la famille connaissait le business de Brahim
07:49ce qui n'en demeure pas moins que la façon dont elle a été tuée est particulièrement horrible.
07:56Je vais dire le terme parce que c'est un terme générique
07:58mais je n'aime pas ça parce que pour moi, un barbecue, c'est quelque chose de convivial
08:02mais il a été tué dans ce qu'on appelle le barbecue marseillais.
08:04C'est-à-dire qu'on met un corps dans le coffre d'une voiture et on y met le feu.
08:09Oui, c'est donc dans des conditions barbares.
08:12Vous savez que ce matin, Emmanuel Macron organise une réunion d'urgence
08:15avec plusieurs acteurs de la lutte contre le narcotrafic.
08:17Vous en attendez quoi, vous, maître, vous qui vivez ça directement de Marseille ?
08:21Vous avez entendu l'invité de Thomas, Fabien Roussel, lui, il attend des moyens surtout, Fabien Roussel.
08:28En fait, je partage le sentiment de Fabien Roussel et moi ce que je constate
08:31c'est que si vous avez encore une énième réunion après un drame
08:35mais sans prise d'acte et de vraie volonté politique, ça ne sert à rien.
08:42Donc vous demandez quoi aux autorités concrètement ?
08:45Le problème c'est que vous savez très bien que notre pays est plus ou moins exsangue
08:48et qu'il y a un déficit de moyens de temps humain et matériel dans les services de la justice.
08:53Le procureur Nicolas Besson de Marseille, lorsqu'il avait été entendu lors de la commission sénatoriale
08:58il y avait 50 magistrats qui manquaient au parquet de Marseille
09:01ils en avaient obtenu une vingtaine
09:03et il a dit c'est super, on en a vingt, mais il en manque quand même trente.
09:07Donc si on veut avoir un vrai effet concrètement dans la vie de tous les jours
09:13il faut avoir des moyens humains et matériels.
09:15il faut mettre le paquet.
09:17Ou alors réfléchir à une autre façon d'appréhender le trafic.
09:19C'est peut-être aussi l'occasion de réfléchir à un changement de paradigme.
09:23C'est-à-dire, moi ça fait 24 ans que je fais ce métier d'avocat
09:26ça fait 24 ans que je vois l'État se battre avec tous les moyens nécessaires, etc.
09:31Les effets d'annonce, place nette, XXL, enfin peu importe
09:35avec l'arrivée de compagnies de CRS qui vont rester sur place deux semaines
09:38et puis ils vont repartir, les points de deal sont récupérés par les dealers.
09:42Peut-être réfléchir à une nouvelle appréciation de ce qu'est le trafic.
09:47Notamment, je parle du cannabis, mais il y a plein d'exemples européens
09:50sur une dépénalisation, sur un accompagnement des gens qui sont...
09:53Ré-imaginer, changer de logiciel.
09:55Oui, parce que vous savez ce qu'on dit.
09:58C'est-à-dire que si vous faites systématiquement la même chose
10:00en espérant un résultat différent, c'est que vous êtes fou.
10:02Et l'État, dans la lutte, dans le trafic de stupéfiants,
10:06fait, alors de manière, une amplitude plus grande ou plus petite,
10:09ça dépend des politiques, mais on fait systématiquement la même chose.
10:13Bien entendu.
10:14C'est-à-dire, de la répression à tout bas,
10:16mais vous savez aussi que, par exemple, le trafic de stupéfiants, c'est l'hydre.
10:20Vous coupez une tête, il y en a dix qui repoussent.
10:22Donc des moyens et un changement de paradigme.
10:24Merci beaucoup, Maître Croisé d'Archouard.
10:25Vous étiez aux côtés d'Étienne Baudu, le correspondant de RTL à Marseille.
Écris le tout premier commentaire