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00:00Louis Martinez, bonjour.
00:01Bonjour.
00:02Quel est, à votre avis, le pays le plus exposé à l'instauration d'un éventuel califat jihadiste ?
00:07Aujourd'hui, très clairement, c'est le Mali qui apparaît dans l'agenda jihadiste,
00:12comme, disons, celui qui pourrait le plus facilement, dans les semaines, les mois, voire les années à venir,
00:18constituer un terrain nouveau d'instauration d'un califat.
00:23Alors pourquoi ? Simplement parce qu'il y a quand même un isolement de Bamako,
00:26à la fois vis-à-vis de la France, vis-à-vis du voisin algérien,
00:29mais également ses partenaires et alliés, que ce soit le Burkina ou le Niger,
00:33ont eux-mêmes de graves difficultés sur place pour pouvoir lui venir en aide.
00:36Et quant à la Russie, je pense que très clairement,
00:38les quelques milliers, deux ou trois mille mercenaires de l'Afrique à Corse
00:42ne peuvent strictement rien faire face à une insurrection jihadiste.
00:45On l'a vu avec la France, avec ses six mille hommes.
00:47Ce ne sont pas les deux ou trois mille hommes de la Russie qui vont modifier la donne.
00:50Et bien évidemment, la Russie a d'autres soucis en Europe et en Ukraine
00:54pour pouvoir considérer que le Mali est stratégique dans sa politique.
00:58Donc aujourd'hui, disons, l'armée malienne est quand même assez isolée
01:01pour pouvoir bénéficier d'une capacité non seulement de résistance,
01:05mais de reconquête de son territoire.
01:07Et quand vous voyez que les États-Unis et les grands pays européens
01:10appellent leurs ressortissants à quitter Bamako,
01:13est-ce que vous y voyez le signe d'une prise possible de cette capitale africaine,
01:18notamment par le JNIM d'Iyadagrali ?
01:20Alors je ne sais pas dans les détails si aujourd'hui Bamako peut tomber ou pas.
01:23Ce qui est sûr, c'est que depuis quelques années, le JNIM a construit une vraie stratégie
01:28pour, entre guillemets, isoler sur le plan territorial Bamako,
01:32isoler le pouvoir politique sur le plan sociétal, donc influence illimitée,
01:36et maintenant, sans doute, chercher à l'isoler économiquement, financièrement.
01:39Est-ce que toutes ces conditions vont faire que, finalement,
01:42les militaires à Bamako vont considérer qu'il n'y a plus d'échappatoire ?
01:45Ou bien est-ce qu'ils vont estimer qu'ils peuvent s'accommoder, finalement, un peu comme à Kaboul ?
01:49Pendant des années, on s'est accommodé de ne pas pouvoir sortir à 30 kilomètres de là de Kaboul
01:53parce qu'il y avait des talibans à côté.
01:55Voilà, donc ça va dépendre.
01:56Le JNIM n'a aucune capacité aujourd'hui, disons, de conquête au sens militaire du terme,
02:00d'entrer dans Bamako.
02:01Le JNIM a toujours recherché ce qu'on pourrait appeler des partenaires politiques, militaires et religieux
02:06pour lui ouvrir les portes de Bamako,
02:07c'est-à-dire faire en sorte qu'une certaine manière, de l'intérieur,
02:11eh bien on se débarrasse de la junte et on négocie des alliances avec le JNIM
02:15dans ce qu'on pourrait appeler une co-gouvernance de la capitale et de l'État malien.
02:19À une époque passée, pas très lointaine,
02:21il y avait l'imam Diko qui aurait pu remplir ce rôle.
02:23Lui-même avait fondé le KMAS,
02:25qui est donc une sorte de coordination de mouvements civils, religieux,
02:28qui avait encouragé un dialogue jusqu'en 2019-2020.
02:31Et puis à partir de 2022,
02:33les militaires au pouvoir à Bamako l'ont quasiment pourchassé.
02:36Il s'est exilé, il est en Algérie en ce moment.
02:38Voilà, mais c'est ce type de personnage que les groupes jihadistes recherchent,
02:41c'est-à-dire des figures religieuses, politiques, voire de mains militaires,
02:45qui puissent être des passerelles finalement pour ouvrir la porte de Bamako.
02:48Parce que les jihadistes du Sahel sont pour beaucoup des Arabes et des Touareg
02:52qui seraient minoritaires dans la ville de Bamako, c'est ça ?
02:56À la fois, il y a cette dimension ethnique, communautaire en qui jouer,
02:59mais en même temps, il y a l'expérience passée,
03:01c'est-à-dire la conquête militaire d'une ville, voire sa prise complète du pouvoir.
03:05Le JNIM a bien regardé ce qui s'est passé avec l'État islamique du côté de Sirte en Libye.
03:09Ça a généré immédiatement une coalition internationale
03:11pour déloger l'État islamique de la ville de Sirte en 2014-2015.
03:16Donc du coup, il y a cette idée que le JNIM ne veut pas apparaître
03:18comme un projet politique radical qui s'imposerait à la société,
03:23mais comme une alternative politique et religieuse
03:25que la société serait prête à accompagner.
03:28Ça fait quelques années que le JNIM « gouverne » un certain nombre de régions,
03:32et donc Bamako serait un peu la vitrine.
03:33Donc entrer par la force à Bamako pourrait susciter finalement
03:37des réactions tout à fait contraires à son projet.
03:40Il y a dix ans, les attentats de Paris et de Saint-Denis
03:43ont été prémédités et préparés au Moyen-Orient,
03:46et donc pas en Afrique de l'Ouest.
03:47Est-ce à dire que les djihadistes qui opèrent en Afrique et au Sahel
03:51ne représentent pas une menace terroriste pour l'Europe ?
03:54Alors moi, il me semble que le contexte du Moyen-Orient,
03:57qui était quand même un contexte d'ingérence de forces étrangères extrêmement importante,
04:01la guerre d'Irak, la guerre contre le Qaïda,
04:04enfin toute une série, disons, de variables avait quand même
04:06construit une vraie, je dirais, haine de l'Occident
04:09et des pays alliés à l'Occident.
04:11Il me semble qu'on n'a pas cette configuration aujourd'hui dans le Sahel.
04:14À la rigueur, je dirais presque que c'est une chance pour la France aujourd'hui
04:17de ne pas être associée à cette avancée spectaculaire des djihadistes
04:21et de ne pas chercher à les combattre militairement sur place,
04:24simplement parce que du coup, ça ne va pas générer finalement
04:26un certain nombre de griefs, de colères contre la France aujourd'hui.
04:30Louis Martinez, je vous remercie.
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