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  • il y a 23 heures
Antoine Gallimard, PDG du groupe Madrigall et Kamel Daoud, écrivain et journaliste, sont nos invités pour réagir à la libération de Boualem Sansal. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-13-novembre-2025-7470332

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00:00La Grande Matinale
00:02Il est 7h49 et Benjamin Duhamel, vous revenez avec vos invités sur la libération de Boilem Sansal.
00:09Et on est très heureux de pouvoir ce matin penser à Boilem Sansal enfin libre après un an de détention en Algérie avec vous Antoine Gallimard.
00:16Bonjour.
00:16Bonjour.
00:17Merci d'être avec nous dans ce studio, président des éditions Gallimard, éditeur de Sansal.
00:22Et je salue à distance Kamel Daoud, merci d'être avec nous.
00:26Prix Goncourt, écrivain franco-algérien, ami de Boilem Sansal.
00:30Je voudrais commencer par l'émotion qui vous a saisi tous les deux quand vous avez appris sa libération.
00:34Kamel Daoud, vous qui êtes son ami, vous aussi menacé par les autorités algériennes.
00:39Qu'est-ce que vous avez ressenti quand vous avez appris sa libération hier ?
00:43Écoutez, c'était avec beaucoup d'émotion.
00:45Pour être sincère, ça m'a bouleversé.
00:49Parce que c'est quand même une année de détention.
00:51C'est une année de vie ôtée à la vie de quelqu'un qui nous est précieux.
00:57Et puis, c'est une année de malentendu et de la vie d'un faux problème que l'Algérie aurait pu éviter.
01:04Cela n'a servi à rien, finalement.
01:06Et donc, c'était bouleversant.
01:08On va revenir effectivement sur ce que vous appelez un faux problème, les relations entre la France et l'Algérie.
01:13Antoine Gallimard, vous êtes son éditeur.
01:15Je le rappelle, vous avez été en lien pendant un an avec lui à travers sa femme qui allait le voir tous les 15 jours en prison.
01:22Même question.
01:22Qu'est-ce que vous vous êtes dit quand vous avez appris la nouvelle de sa libération ?
01:26Écoutez, j'avais renoncé à espérer qu'il soit libéré tellement la complexité des relations entre l'Algérie et la France me semblait énorme.
01:34Et donc, c'était une magnifique nouvelle.
01:37Je sais que certains pensaient qu'il fallait avoir la manière forte.
01:40Moi, je pensais que la manière diplomatique serait la meilleure pour avoir un résultat.
01:44Je me suis réjoui que le président allemand, qui est un homme littéraire, qui avait rencontré Boislem,
01:50puisqu'il avait eu le prix de la paix en 2012, ait pu de cette façon intervenir et soit libéré quasiment un an après.
02:01Vous faites référence, Antoine Gallimard, à la manière forte.
02:04C'est-à-dire que vous considérez que la stratégie du bras de fer, qui était notamment celle du précédent ministre de l'Intérieur de Retailleux, n'était pas la bonne ?
02:10Non, je considère que ce n'était pas la bonne.
02:11Par exemple, il était question d'un moment impossible d'arriver en France de tous les étudiants.
02:17Mais c'est une erreur totale.
02:19Je veux dire, les étudiants, on a besoin d'eux.
02:21C'est bien s'ils ont de la université.
02:22Je peux prendre des gens dans ma maison.
02:26Enfin, ça me semblait une énorme erreur.
02:28Juste un mot avant de revenir avec vous, Kamel Daoud, sur des nouvelles de Boislem Sansal.
02:34On sait qu'il a atterri hier soir à Berlin.
02:37Il va aller à l'hôpital pour être soigné.
02:39Est-ce que vous avez ce matin des nouvelles de lui par sa femme, de son état de santé ?
02:44Je ne l'ai pas eu ce matin.
02:44J'en ai eu hier soir.
02:45Mais c'est vrai qu'il a été soigné là-bas.
02:48Il sera sûrement très bien soigné en Allemagne.
02:51Mais c'est quelqu'un qui a passé un an comme un vrai poète aussi.
02:56Comme quand on était dans la Seconde Guerre mondiale
02:59ou qu'on connaissait des gens qui écrivaient leurs prochains romans dans leur tête.
03:04Il a lu tout Victor Hugo.
03:07Il a passé un temps fou à devenir ami avec ses voisins.
03:11Il m'en souffert.
03:12Il était très très malheureux de ne pas avoir sa femme, ses amis,
03:14de ne pas avoir du papier pour écrire.
03:16Mais en même temps, il a une vie intérieure immense.
03:18C'est un vrai poète.
03:19Vous dites qu'il a son prochain livre dans sa tête ?
03:21Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre.
03:22Et il a lu Victor Hugo, Balzac, Dostoyevski dans les Jeules Algériennes.
03:26Kamel Daoud, est-ce qu'il y a aussi chez vous ce matin
03:29de la colère contre votre pays, l'Algérie,
03:32qui a pu embastiller un écrivain pendant un an
03:34contre un pays qui préfère passer par l'Allemagne
03:36pour libérer Boilem Sansal
03:37plutôt que de donner l'impression de concéder quelque chose à la France ?
03:41Je ne confonds pas le pays et le régime politique
03:44et les enjeux politiques.
03:45Parler de Boilem Sansal nous mène toujours à parler de tout le reste.
03:48Comme le disait Antoine Gallimard,
03:50c'est-à-dire on parle d'immigration, on parle de tension, on parle d'histoire.
03:53Et je pense qu'on est à un moment où il faut isoler les choses
03:55pour pouvoir recueillir et accueillir un écrivain
03:57qui est enfin parmi nous.
03:59Maintenant, en tant qu'Algérien aussi,
04:02je ressens de la colère parce que mon pays s'est battu
04:04pour sa liberté et que la valeur de la liberté
04:06est une valeur haute en Algérie.
04:08Je ne comprends pas cette décision,
04:12enfin cette démarche, ce parcours
04:14qui fait passer un pays qui a le culte de la liberté
04:16vers l'emprisonnement d'un écrivain.
04:18Et j'espère et je crois aussi que
04:20dans la libération de Boilem Sansal,
04:22il y a une opportunité incroyable
04:23pour l'Algérie de s'apaiser,
04:25d'apaiser son lien avec la France et le reste du monde
04:27et de construire quelque chose pour elle-même d'abord,
04:30pour notre pays, pour nos enfants aussi.
04:31apaiser les liens avec ses écrivains,
04:33c'est apaiser les liens avec ses enfants,
04:35c'est apaiser les liens avec ses imaginaires,
04:36ses contradictions.
04:37Donc, il y a de la colère parce que je suis un Méditerranéen,
04:40je suis un Algérien,
04:41j'ai de la fête et j'ai de la passion,
04:43mais je ne veux pas que cette colère serve
04:45à entretenir des tensions.
04:47Nous avons toujours Christophe Glaze de l'autre côté.
04:49Il ne faut pas l'oublier et je pense que pour le moment,
04:53revenons à la littérature,
04:54revenons à la joie d'avoir pu libérer l'un de nos amis
04:59et puis revenons à parler de ce qu'est un écrivain
05:01entre la France et l'Algérie,
05:03de ce qu'il peut faire et de ce qu'il ne peut pas faire aussi
05:05parce qu'on surcharge et on surinvestit l'écrivain
05:08dans cette relation qui est très complexe
05:09et on lui demande tout et rien de faire l'histoire,
05:11de faire de la politique, de faire de la solution.
05:14Ça, je pense qu'il faut qu'on apaise un peu les choses.
05:16Donc, pour répondre simplement à votre question,
05:18bien sûr, j'ai de la colère
05:19parce que pour moi, l'Algérie, c'est un pays de liberté
05:21et ce n'est pas le pays qui est en prison des écrivains.
05:23Mais vous parlez d'apaisement, Kamel Daoud,
05:25quand on voit la nature des relations
05:27entre la France et l'Algérie,
05:28même si effectivement, certains annoncent une forme de dégel
05:31à la suite de la libération de Voile M. Sansal,
05:32vous y croyez vraiment,
05:34compte tenu du poids, du passif entre ces deux pays,
05:38de voir à quel point le débat s'enflamme
05:41dès qu'il s'agit des relations entre la France et l'Algérie
05:43d'un côté comme de l'autre de la Méditerranée ?
05:45Oui. Alors, on trouve peut-être parfois de la jouissance
05:47à voir se cracher les tentatives de réconciliation,
05:51mais mon rôle n'est pas là.
05:52Le rôle d'un écrivain, c'est de trouver
05:54ce qu'il y a d'humain et d'universel entre les deux.
05:56J'ai été invité par votre émission
05:58lorsque je disais que dans ce caprici,
06:01il y a quatre pays.
06:02L'Algérie est un problème de politique interne en France
06:04et la France est un problème de politique interne en Algérie.
06:06Donc, il s'agit de trouver une solution et d'équilibre
06:08entre ces imaginaires et ces passions.
06:12Est-ce que j'y crois ? Est-ce que cela va marcher ?
06:14Peut-être pas.
06:15Mais quel est notre rôle, nous ?
06:16C'est d'apaiser, de raconter des histoires
06:18et de dire que cela ne sert à rien d'emprisonner un écrivain.
06:22Et de l'autre côté, cela ne sert à rien de missionner un écrivain
06:25pour ses propres croyances politiques.
06:27Donc, oui, vous avez raison du point de vue de la raison.
06:30Est-ce que cela va redémarrer ?
06:31On a connu tellement de désillusions
06:33et peut-être on se complait dans l'échec de part et d'autre.
06:35Mais je ne peux pas ajouter ma voix à cela.
06:38Je ferai autre chose.
06:40Et justement, Kamel Daoud,
06:41je voudrais qu'on parle de l'écrivain magnifique
06:43qui est Boilem Sans Salle,
06:44du serment des barbares jusqu'à 2084
06:45en passant par le village de l'Allemand.
06:47Antoine Gallimard, un auditeur qui n'aurait pas encore lu Sans Salle
06:50et qui ce matin, en vous écoutant,
06:52aurait envie de commencer.
06:54Qu'est-ce que vous avez envie de dire sur son œuvre,
06:56sur cet écrivain magnifique, sur son style ?
06:59J'entendais hier soir M. Laclaftine,
07:01son éditeur, qui disait qu'en lisant le premier manuscrit,
07:04il avait pensé à Rabelais.
07:06Oui, parce que c'est à la fois une langue physique,
07:08c'est une langue qui touche au corps même d'un vivant.
07:14Il est très sensible à une littérature goyeuse,
07:18une littérature qui donne le sentiment
07:21qu'il est vraiment en vie, en chair.
07:24Je crois que ce n'est pas...
07:27Il a ses combats, sa violence,
07:29mais c'est pour lutter aussi contre la violence qu'on lui inflige,
07:32qu'on inflige à son pays, à sa langue.
07:35Et donc, il a forgé une langue à lui,
07:37qui n'est pas ni forcément une langue française,
07:39ni une langue arabisante.
07:41Il y a...
07:42Sa question pour lui, c'est l'importance,
07:45vraiment, comment on fait passer une émotion de vie
07:49dans une langue renouvelée.
07:50Et je pense que je recommanderais, évidemment,
07:54son premier livre, « Ça m'a dit barbare ».
07:56Et puis moi, personnellement, j'ai beaucoup aimé
07:58le village de l'Allemand,
07:59parce qu'on voit à la fois comment il met en opposition
08:02l'islamisme et puis le nazisme.
08:06Et là, c'est sûr le fait que leur père l'aura caché
08:10et qu'il collaborait avec des nazis,
08:13et comment, progressivement, le fils va s'en rendre compte
08:15et que faire de cet héritage.
08:17C'est fait avec beaucoup d'émotion et de tendresse.
08:21Je me suis mis à écrire, comme on enfile,
08:22une tenue de combat.
08:23Voilà ce que dit Boilem Sansal.
08:25Et on invite, effectivement, nos éditeurs à le lire,
08:27à partager tous les combats qui sont les siens.
08:30Merci infiniment, Kamel Daoud, Antoine Gallimard.
08:32On espère lire bientôt, chez vous,
08:35le prochain livre de Boilem Sansal.
08:36Et on pense aussi, ce matin, bien évidemment,
08:38sur France Inter, à Christophe Glez,
08:39journaliste, lui encore, détenu dans les geôles algériennes.
08:42Et merci, Benjamin Duhamel, à tout à l'heure,
08:44pour le grand entretien.
08:45France Inter, il est 7h58.
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