Carlos Ghosn est face à Marc-Olivier Fogiel

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il y a 22 heures

Sept ans jour pour jour après son arrestation au Japon, un séjour en prison et une évasion rocambolesque, comment Carlos Ghosn vit-il aujourd'hui à Beyrouth ? Va-t-il rendre des comptes à la justice japonaise et à la justice française ? L'ex-PDG de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est renvoyé en correctionnelle avec Rachida Dati pour corruption et trafic d'influence. Carlos Ghosn est l'invité de RTL, depuis le Liban.
Regardez Face à Fogiel du 19 novembre 2025.

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00:00Il est 8h19, c'était le 19 novembre 2018.

00:09Celui qui était alors le PDG surpuissant de Renault-Nissan était arrêté au Japon,

00:13soupçonné d'avoir caché une partie de ses revenus au fisc japonais.

00:16Il a fait de la prison avant de s'évader de manière très spectaculaire, on s'en souvient.

00:20Depuis fin 2019, Carlos Ghosn, puisque c'est de lui qu'il s'agit vite exilé au Liban,

00:24et c'est de là-bas qu'il a donc accepté de répondre à vos questions.

00:27Marc-Olivier Fogiel.

00:28Bonjour Carlos Ghosn.

00:29Vous avez été arrêté il y a pile 7 ans, en 2018, après une centaine de jours de prison à Tokyo.

00:37On va dire que vous vous êtes fait la malle dans une évasion rocambolesque.

00:41Pour commencer, comment vous vivez cette vie de fugitif finalement ?

00:45Écoutez, un fugitif c'est quelqu'un qui se cache quelque part, on ne sait pas où il est, etc.

00:51Moi je suis au Liban, mon adresse est connue, donc je ne me considère pas comme fugitif.

00:56Si j'ai fui quelque chose, c'est bien sûr la persécution et l'injustice, ou du moins le système de l'otage japonais.

01:02C'est comme ça que je le vis.

01:03Mais est-ce que vous avez l'impression malgré tout d'être dans une prison à ciel ouvert,

01:07puisque vous ne risquez aucune poursuite, puisqu'il n'existe pas d'accord d'extradition entre Beyrouth et Tokyo,

01:12mais vous ne pouvez pas sortir du pays à cause de votre notice rouge Interpol.

01:16Est-ce que vous vivez comme un prisonnier à ciel ouvert ?

01:19C'est vrai que la contrainte géographique est difficile.

01:22Je parcourais le monde, et pour l'instant, je suis confiné au Liban.

01:26J'ai perdu beaucoup sur le plan de la liberté géographique.

01:29D'un autre côté, je dois dire que j'ai beaucoup gagné sur le plan de la liberté en matière de disposer de mon temps,

01:35de mes priorités, et aussi de disposer des gens que je souhaite rencontrer.

01:38Alors vous savez, quand vous êtes patron d'une grande entreprise,

01:40cette marge de manœuvre est quand même assez limitée.

01:42Mais vous vivez comment, Carlos Ghosn ?

01:44Ça vous a coûté beaucoup d'argent, tout ça.

01:46Les deux cautions vous ont coûté plus de 10 millions de dollars.

01:48L'évasion se compte en millions également.

01:50La justice vous a privé d'une retraite chapeau de 770 000 euros par an de votre poste de PDG chez Renault.

01:56Aujourd'hui, votre fortune, elle a complètement fondu ou vous vivez de façon confortable ?

02:01Elle a bien sûr complètement fondu.

02:02Vous oubliez le fait qu'en plus de tout cela, la justice française a bloqué tous mes comptes

02:08et elle a mis la main sur tous les biens dont je dispose en France.

02:12Donc vous voyez, la série, elle est quand même assez large.

02:14Heureusement pour moi, j'ai quelques ressources au Liban

02:17et qui me permettent de vivre de manière confortable.

02:20Mais par rapport à ce que j'avais avant, évidemment, j'ai beaucoup perdu.

02:23Il vous arrive jamais de déprimer, vous qui aviez tout ce pouvoir, Carlos Ghosn ?

02:27Moi, je ne suis pas un homme de regret et je ne suis pas un homme du passé.

02:31Donc les choses sont arrivées, j'ai réagi par rapport à ce qui est arrivé, je regarde l'avenir.

02:36J'essaye de faire au mieux par rapport à la situation que je subis en grande partie.

02:41Si on vous dit que vous subissez tout ça, il faut dire qu'il y a évidemment des actions de justice contre vous au Japon et en France.

02:47Au Japon, d'abord, est-ce qu'à un moment donné, vous allez répondre des accusations qu'ils font contre vous

02:52puisqu'on vous soupçonne d'avoir tenté de faire couvrir par Nissan des pertes sur des investissements personnels

02:57au moment de la crise financière, accusé aussi d'avoir minimisé vos revenus dans vos déclarations aux autorités boursières.

03:02Est-ce qu'à un moment donné, vous allez répondre de tout ça devant un tribunal japonais ?

03:06Un tribunal japonais, c'est vraiment une farce.

03:09Quand vous voyez les statistiques de la justice japonaise dans lesquelles les procureurs gagnent à 99,4% des cas,

03:16je ne me livrerai pas à ce genre de farce.

03:18Par contre, je suis prêt à répondre de toutes les actions qui me sont reprochées au Japon

03:22tout en sachant que je n'irai jamais au Japon.

03:24Donc ils le savent.

03:25Et il y a le volet judiciaire français, en plus d'un mandat d'arrêt émis par la justice nippone.

03:30Vous êtes donc sous le coup de deux mandats d'arrêt émis par la justice française.

03:33L'un dans le cadre d'une enquête instruite à Nanterre pour abus de biens sociaux et blanchiments.

03:37Et l'autre dont on parle beaucoup dans le cadre de l'affaire Datigone pour corruption et trafic d'influence.

03:41Vous serez jugé en correctionnel à ses côtés en septembre 2026.

03:45Déjà, la concernant elle, on va évidemment laisser la justice parler,

03:49mais elle se présente, vous l'avez vu, au municipal avant cette échéance.

03:52Est-ce que vous trouvez ça normal, d'une certaine manière,

03:55qu'avant l'échéance, elle se présente au municipal ?

03:58Moi, je ne ferai pas de commentaire sur Madame Datigone et sur son cas.

04:02Mais puisque vous parlez de ce cas, de l'affaire Datigone,

04:05je voulais vous dire que sur le plan judiciaire,

04:08toutes mes demandes d'accès au dossier ont été refusées par le juge d'instruction.

04:12Un mandat d'arrêt a été prononcé contre moi

04:14parce que je ne me suis pas présenté au juge d'instruction à Paris,

04:18alors qu'il savait très bien que je ne pouvais pas sortir du Liban.

04:20Je n'ai reçu aucune notification, aucun document et aucun acte.

04:24Donc pour l'instant, je ne sais pas ce qui m'est reproché.

04:27Mais je voudrais quand même dire, puisque vous avez mentionné l'affaire Datigone,

04:29dans cette affaire, il y a des choses qui sont quand même assez surprenantes.

04:33C'est que si jamais il y a crime, comme on dit,

04:35c'est-à-dire qu'elle aurait fait du lobbying au niveau de la Commission européenne

04:41au profit de Renault.

04:43C'est ce qu'on lui reproche.

04:44En tout cas, il s'est interdit, c'est de la corruption.

04:45Oui, mais alors, si c'est au profit de Renault,

04:48comment ça se fait que Renault est uniquement partie civile ?

04:52C'est-à-dire, puisque le bénéficiaire du supposé crime, c'est l'entreprise,

04:56je ne vois pas comment Renault peut être partie civile.

04:58Vous voulez dire que Renault devrait être sur le banc des accusés ?

05:00Pour moi, il n'y a pas de crime.

05:01Mais supposons qu'il y ait crime.

05:03A priori, vous regardez le bénéficiaire du crime.

05:05Mais le bénéficiaire du crime, c'est l'entreprise.

05:07Moi, je n'ai bénéficié de rien dans toutes les affaires.

05:08Sauf que Renault estime avoir été lésé par votre initiative.

05:12C'est vous qui auriez demandé à Rachida Dati de faire ce lobbying interdit.

05:16Et Renault, finalement, le subit aujourd'hui.

05:19Il n'y a absolument aucun fait qui le démontre.

05:22Vous comprenez bien qu'étant patron de Renault et patron de l'ACEVA,

05:26c'est-à-dire l'ensemble des constructeurs européens,

05:29je n'avais pas besoin d'un député européen parmi 500

05:32pour porter ma voix et faire valoir les arguments de Renault

05:35vis-à-vis de la Commission européenne.

05:37Nous avions accès directement au commissaire européen.

05:40Mais ces 900 000 euros qui sont reprochés à Rachida Dati,

05:42en l'occurrence pour des lobbying interdits,

05:44les juges disent qu'elle a touché cette somme en toute confidentialité,

05:47voire en toute opacité.

05:49Vous l'avez payé pourquoi, Rachida Dati, Carlos Ghosn ?

05:51Vous savez très bien que quand il y a un contrat

05:53vis-à-vis de n'importe quel individu,

05:56vous avez les juristes de l'entreprise qui le contresignent.

06:01Madame Dati a été bien payée par la trésorerie de Renault.

06:04Ça a été monté sur la comptabilité de Renault.

06:07Tous les comptes du patron de l'entreprise sont souvent audités,

06:10non seulement en interne mais en externe.

06:12Alors je dirais que quand on parle franchement d'opacité et de secret,

06:16ça veut dire qu'on ne connaît pas les mécanismes d'une grande entreprise

06:19comme Renault en ce qui concerne les paiements.

06:21En tout cas, vous étiez donc à la tête d'une énorme entreprise.

06:25Une entreprise aujourd'hui automobile et l'entreprise automobile européenne

06:28qui prend l'eau, qui a des difficultés, qui est dans la tourmente.

06:33Quel regard vous avez-vous maintenant de Beyrouth

06:35de ce qui arrive à l'industrie automobile européenne ?

06:38Je pense que l'industrie automobile européenne est en difficulté.

06:41Danger de mort, comme dit Stéphane Séjourné,

06:43le vice-président de la Commission européenne ?

06:45Oui, effectivement, pas très loin du danger de mort.

06:47Vous savez, quand une entreprise est en difficulté,

06:49il y a toujours responsabilité du management.

06:51Mais à côté de ça, il ne faut quand même pas oublier aussi

06:53la responsabilité des autorités européennes,

06:56qui n'ont quand même pas trop pris au sérieux les risques

06:59qu'encourait l'industrie automobile

07:01en multipliant les contraintes sur cette industrie.

07:04Ce qui a laissé effectivement la voie ouverte,

07:06notamment aux constructeurs chinois.

07:09Et vous voyez les conséquences aujourd'hui.

07:10Mais aujourd'hui, comment on en sort ?

07:11Vous préconisiez qu'il fallait gagner la bataille de l'électrique.

07:14On en est loin quand même.

07:16On en est loin parce que malheureusement,

07:18le management depuis dix ans n'a pas pris au sérieux

07:22le risque de louper la voiture électrique.

07:24Vous savez très bien que nous avions été les premiers

07:26à lancer les voitures électriques avec la Nissan en 2010

07:30et puis suivi par la Zoé en 2011.

07:32Malheureusement, cet élan initial ne s'est pas poursuivi

07:35après 2017-2018.

07:38Et donc aujourd'hui, on est en train de se retrouver dans une situation

07:39dans laquelle les Chinois ont pris des positions

07:41très très fortes sur les voitures électriques.

07:43Ils ont développé ces technologies.

07:45Ils n'ont pas hésité.

07:46Ils n'ont pas fait un avant, un pas en arrière.

07:48Et maintenant, ils sont en train de concurrencer

07:50l'industrie automobile sur les moteurs thermiques.

07:54Quand vous regardez aujourd'hui la situation économique en France,

07:57vous qui avez été le redresseur de Nissan

07:59qui était au bord de la faillite,

08:02la France est au bord de la faillite.

08:04Comment vous percevez la dérive des finances publiques de la France ?

08:06Je trouve inquiétant qu'il n'y ait pas de solution

08:08quant à la situation de la dette.

08:10Je rappelle quand même que la dette de la France

08:12aujourd'hui a dépassé 3500 milliards d'euros.

08:16Et je trouve aussi inquiétant qu'il y ait autant de débats

08:19pour essayer de trouver 40 milliards d'économies

08:23sur le budget à venir,

08:25alors que les dépenses totales de l'État,

08:28c'est plus que 1600 milliards d'euros.

08:31Mais vous voulez dire que les politiques doivent être courageux

08:33quitte finalement à demander aux Français

08:35de se serrer un peu plus la ceinture ?

08:37Ce que j'aurais fait, c'est d'abord serrer la ceinture de l'État.

08:40Et ce n'est pas les Français, c'est l'État.

08:41Les frais de fonctionnement de l'État sont aujourd'hui,

08:44d'après mes informations, à plus de 500 milliards d'euros.

08:48Il y a largement de quoi puiser à l'intérieur de 500 milliards d'euros

08:51et d'épargner les retraités, d'épargner la population

08:54et les taxations excessives qui, à mon avis,

08:57nuisent à la France, non seulement aux Français,

09:00mais en plus à l'étranger.

09:01Et cette fameuse taxe Zuckmann qui a été écartée,

09:03mais en gros ici, on parle beaucoup de taxer les ultra-riches,

09:07alors autrement, mais finalement, d'aller les taxer.

09:09Vous en pensez quoi, vous, qui avez été un de ces ultra-riches, Carlos Ghosn ?

09:13Cette taxe, dans un premier temps, elle va rapporter

09:15et puis avec le temps, compte tenu de son existence,

09:18elle rapportera de moins en moins,

09:19non seulement parce que les gens deviendront moins riches,

09:21mais surtout parce qu'un certain nombre d'ultra-riches

09:23quitteront la France.

09:24Donc franchement, je ne pense pas que ce soit une solution à terme.

09:27D'autant plus que d'après ce que j'ai compris,

09:28cette taxe rapporterait 10 ou 15 milliards d'euros.

09:32Franchement, c'est une goutte d'eau

09:33qui ne fait qu'aggraver la situation.

09:36Pour terminer, un mot sur Nicolas Sarkozy qui a fait l'actualité.

09:39Nicolas Sarkozy qui s'était manifesté,

09:41le seul à avoir eu de l'empathie pour vous, disiez-vous,

09:43au moment de votre arrestation.

09:44Il est aussi passé par la casse prison.

09:46J'imagine que ça a résonné pour vous ?

09:48Oui, bien sûr.

09:49J'ai beaucoup de respect pour Nicolas Sarkozy.

09:52La façon dont il a été traité, j'ai mal pour lui.

09:55Moi, je voudrais rendre hommage à sa conviction,

09:58son courage, sa dignité.

09:59Vous savez, ce sont des qualités, malheureusement,

10:01qui deviennent de plus en plus rares.

10:03Pour conclure, Carlos Ghosn, puisqu'on est à la fin de cet entretien,

10:06cette évasion rocambolesque en millions d'euros,

10:08ça a coûté combien ?

10:09Plusieurs millions.

10:10Plusieurs dizaines de millions ?

10:11Je ne dirais pas jusque-là, quand même.

10:13Merci beaucoup, Carlos Ghosn,

10:14d'avoir été en ligne avec nous de Beyrouth ce matin.

10:16Merci à vous.

10:16Merci.

10:17Merci beaucoup, Marc-Eli et Fogel.

10:18On vous retrouvera évidemment demain matin à 8h15.

10:20Un petit rectificatif.

10:21Qu'un tout à l'heure, j'ai appelé le...

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