- il y a 3 heures
DB - 10-11-2025
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00:00:00C'est parti !
00:00:30C'est parti !
00:01:00C'est parti !
00:01:30C'est parti !
00:02:00C'est parti !
00:02:29C'est parti !
00:02:59Je suis étranger à la ville. Je marche depuis une heure. Je tourne en ronce. Il me semble que je suis pris dans une toile d'araignée.
00:03:08C'est qu'aujourd'hui, le brouillard recouvre le ciel et la terre. Il fallait venir cet été avec les touristes. Nous sommes le 12 novembre, monsieur.
00:03:17C'est parti !
00:03:47Le 12 novembre, je vous l'ai déjà dit. Le 12 novembre, je vous l'ai déjà dit. Le 12 novembre, elle s'imberge. Bonsoir.
00:03:54Attendez un instant, attendez. Je pourrais-je faire quelques pas avec vous. La nuit vient, seul, je vais m'égarer encore.
00:04:06Je vais donc marcher à vos côtés. Je vais donc marcher à vos côtés en m'excusant, monsieur, en m'excusant. Mais que puis-je faire dans cette tempête ? Rien. Rien. Rien si un habitant ne m'indique pas. Le chemin à suivre.
00:04:21Vous êtes venu pour vos affaires à El Semberg ? Non, je suis venu par hasard.
00:04:27Que peut-on contre le hasard ? Pourrions-nous vous tenir rigueur d'une indiscrétion que vous ignorez ? Faut-il que la ville toute entière rejette votre présence ?
00:04:49Au bout de cette ruelle, au pied de la tour du guetteur,
00:05:20Voilà le café des remparts. C'est une salle où ne viennent que les habitués, mais vous pouvez vous y arrêter.
00:05:41C'est ici. Vous voyez la lumière près de la voûte.
00:05:49Puis-je vous offrir d'entrer avec moi ? Non, merci.
00:06:01Vous avez trouvé un abri ?
00:06:04Bonsoir.
00:06:20Enfin de la chaleur.
00:06:23Des flammes.
00:06:24Que cette salle est belle.
00:06:36Bonsoir, monsieur.
00:06:38Vous m'avez tant, n'est-ce pas ?
00:06:41Je suis le patron de ce café.
00:06:46Monsieur admire les poutres et les boiseries.
00:06:47Elles sont du XIIIe siècle, comme les remparts.
00:06:55Monsieur désire s'asseoir ici ?
00:06:58Oui, s'il vous plaît.
00:07:00Près du feu.
00:07:00Toutes les tables sont encore libres.
00:07:07Monsieur peut prendre celle qui est devant la cheminée.
00:07:12Je voudrais un thé.
00:07:13Brûlant.
00:07:16Un thé, Hilda.
00:07:18Et bien servi.
00:07:19Tout à l'heure, ce sera la bousculade.
00:07:27Et pour l'instant, les servantes ont les bras ballants.
00:07:32La salle ne va pas tarder à se remplir.
00:07:36Nous sommes le 12 novembre.
00:07:40C'est une date importante ici.
00:07:44Monsieur est étranger à la ville.
00:07:47Monsieur ignore donc.
00:07:49Est-ce une fête locale ?
00:07:51Une fête ?
00:07:53Oh non, monsieur, ce n'est pas une fête.
00:07:56Comment monsieur a pu prononcer un mot pareil ?
00:07:58Une fête ?
00:08:01Voilà votre thé.
00:08:06Hilda,
00:08:08sers, monsieur.
00:08:09Je ne veux plus m'occuper de lui.
00:08:10Merci.
00:08:20Dis-moi, Hilda,
00:08:21que se passe-t-il ce soir ?
00:08:24J'ai parlé d'une fête et le patron a fui.
00:08:27Comme si je l'avais insulté.
00:08:28Il s'agit bien d'une fête, pourtant.
00:08:32La seule fête d'Helzenberg.
00:08:34Ah, j'avais donc raison.
00:08:36Une fête locale, Hilda.
00:08:38Moi, je crois que c'est une fête,
00:08:40mais le patron ne le croit pas.
00:08:42Beaucoup de gens ici ne le croient pas,
00:08:44ils pensent...
00:08:44Quoi donc, Hilda ?
00:08:47Sans savoir ce que pense le patron,
00:08:50il faut être le patron.
00:08:51Moi, je suis la servante.
00:08:53C'est une fête pour les servantes.
00:08:57Non.
00:08:59Plutôt,
00:09:00une représentation de théâtre.
00:09:03Un jeu, ils appellent ça.
00:09:07Hilda !
00:09:08Hilda !
00:09:09Ah, tenez en bachier.
00:09:15Ça fait du bien de se retrouver au chaud.
00:09:17Non, mais quel pays.
00:09:18Vous avez vu ça, monsieur,
00:09:19pour se diriger dans cette brouillasse,
00:09:21ces cotons.
00:09:22Je vous le dis, moi, ces cotons.
00:09:23Oh, cette place est libre.
00:09:39Je peux m'asseoir à votre table.
00:09:46Vous êtes un débrouillard, vous, hein ?
00:09:48La meilleure planque à côté du mur, là.
00:09:50Vous êtes voyageur, monsieur ?
00:09:53Oui, voyageur.
00:09:55Dans quelle branche ?
00:09:57Je ne comprends pas votre question.
00:10:01Vous ne m'avez pas dit
00:10:02que vous étiez voyageur de commerce ?
00:10:04Non, voyageur.
00:10:07Simplement voyageur.
00:10:08Pour votre plaisir,
00:10:10pour voir du pays.
00:10:12Oui, pour voir du pays.
00:10:16Moi, je suis représentant en bonnetterie.
00:10:18Rien que les grandes marques, hein.
00:10:20Malheureusement, les affaires ne vont pas fort.
00:10:23La crise, monsieur, la crise.
00:10:25Le pouvoir d'achat limité,
00:10:26l'argent qui manque.
00:10:28C'est pourquoi je suis obligé de visiter
00:10:30de petites villes comme celle-là
00:10:31à cette époque de l'année.
00:10:33Aucun représentant n'a jamais eu l'idée
00:10:36de venir ici en ce moment.
00:10:38Mais moi, hein ?
00:10:39Ah !
00:10:40Vous savez, dans les affaires,
00:10:42il faut de l'idée, de l'audace
00:10:44si on veut gagner sa croûte.
00:10:46Hé, patron !
00:10:47Patron, un verre de vie, s'il vous plaît.
00:10:49Parce qu'alors, dehors,
00:10:50qu'est-ce que ça souffle ?
00:10:52Oh !
00:10:52Excusez-moi, monsieur.
00:10:55Il est trop tard, maintenant,
00:10:56pour que nous puissions vous servir.
00:10:58Vous feriez mieux de rentrer à votre hôtel
00:11:00et de vous enfermer dans votre chambre.
00:11:04Ça, alors, on peut dire
00:11:05que vous avez la bosse des affaires, vous.
00:11:08Refuser des clients,
00:11:09normalement, il y a l'hôtel.
00:11:10Monsieur,
00:11:11le jeu qui se joue ce soir dans cette ville
00:11:13se joue depuis six siècles.
00:11:16Nous préférons rester entre nous.
00:11:18N'est-ce pas notre droit ?
00:11:20J'ajoute que ce jeu comporte des risques
00:11:22que nous ne pouvons laisser ignorer
00:11:24à ceux qui se fourvoient à Elsenberg.
00:11:27Ce jour-là,
00:11:28je répète,
00:11:29qui se fourvoient.
00:11:31Eh bien, j'irai à la taverne du coq.
00:11:33Non, à la brasserie du commerce.
00:11:35Elle vaut bien votre salle basse
00:11:36et vos poutres noircies.
00:11:37C'est autrement luxueux, là-bas.
00:11:39Le jeu se joue aussi
00:11:40à la brasserie du coq à la taverne.
00:11:44Les patrons de ces cafés
00:11:45vous parleront comme je viens de le faire.
00:11:47Mais vous êtes bizarre dans votre pâtonnet.
00:11:49Rentrez à l'hôtel
00:11:50au moment où l'on va peut-être
00:11:51pouvoir rire un peu,
00:11:52mais vous ne m'avez pas regardé.
00:11:54Moi aussi, je veux m'amuser.
00:11:56Je ne puis vous contraindre,
00:11:58mais je ne vous servirai pas votre eau de vie.
00:12:00Eh bien, je resterai sans eau de vie.
00:12:02Ça vous avancera
00:12:02d'avoir voulu faire le dictateur.
00:12:04Vous perdrez le prix de ma consommation.
00:12:06C'est pas un tout.
00:12:07Consommation.
00:12:09Consommation.
00:12:10Comme s'il s'agissait
00:12:12de consommation ce soir.
00:12:14Tenez, monsieur.
00:12:15Vous me faites rire.
00:12:17Votre ignorance,
00:12:18votre suffisance
00:12:19me font rire,
00:12:20tristement rire.
00:12:22Mais je ne m'occupe pas plus de vous.
00:12:24J'ai autre chose à faire.
00:12:26Mes respects, monsieur le professeur.
00:12:34Bonsoir, madame Adol.
00:12:35Bonsoir, madame.
00:12:39Bonsoir, monsieur Martin.
00:12:49Mademoiselle Marie,
00:12:50vous êtes seule ?
00:12:51Voulez-vous prendre la place ?
00:12:53Ah, je vous salue, monsieur Antime.
00:12:57Vous prenez cette place ?
00:12:59Mais n'était-ce pas à cette place
00:13:01qui était celui
00:13:01qui a perdu le jeu
00:13:02l'année dernière ?
00:13:03Je vous en supplie, patron,
00:13:04je refuse cette place.
00:13:05Je refuse cette place.
00:13:06Alors, alors, monsieur Antime,
00:13:08il ne faut pas être superstitieux.
00:13:09Ah, voilà notre jeune notaire,
00:13:26madame Lucie, monsieur Jean-Marc.
00:13:29Je salue le plus beau couple
00:13:31d'Helsenberg,
00:13:33le plus amoureux.
00:13:35Malheureusement,
00:13:35vous arrivez bien tard.
00:13:37Il ne me reste plus de feu.
00:13:41Là-bas.
00:13:43Mais j'ai encore une place très bien.
00:13:45Ici, vous serez très bien,
00:13:46vous verrez.
00:13:46Venez.
00:13:46Excusez-moi.
00:13:58Lisbeth,
00:14:00porte-t-on une bûche sur le feu
00:14:01et il s'éteint.
00:14:05Tout de même,
00:14:07tout de même,
00:14:10j'aimerais avoir des explications
00:14:11sur ce jeu.
00:14:13Vous savez peut-être quelque chose,
00:14:15vous, monsieur,
00:14:15qui avait parcouru
00:14:16tous les pays du monde
00:14:17pour votre plaisir.
00:14:18Non ?
00:14:19Vous ne connaissez pas
00:14:20l'Helsenberg,
00:14:21ni les usages d'Helsenberg,
00:14:23ni les fêtes d'Helsenberg ?
00:14:25Bon, j'ai compris.
00:14:27Je dois me renseigner seul,
00:14:28ne pas compter sur vous.
00:14:31Le patron.
00:14:33Il est trop mal embouché
00:14:34pour que l'on puisse l'interroger.
00:14:37Les servantes.
00:14:38Ça, c'est une idée.
00:14:39Je vais demander aux servantes.
00:14:41À la petite blonde,
00:14:42elle est mignonne,
00:14:42cette poulette-là.
00:14:43Oh, son sourire me plaît.
00:14:45Hé, petite.
00:14:48Petite.
00:14:49C'est moi que vous appelez ?
00:14:50Oui, oui.
00:14:56Moi ?
00:14:57Oui.
00:14:57Je veux savoir,
00:14:58ce fameux jeu,
00:15:00enfin, où se joue-t-il ?
00:15:01Il se joue ici.
00:15:04Il se joue à la taverne du coq,
00:15:06à la brasserie,
00:15:06à la vieille auberge,
00:15:08dans toutes les salles de la ville,
00:15:09même dans les maisons,
00:15:11partout.
00:15:13Comprenez ?
00:15:15Partout.
00:15:16Oui, oui, oui.
00:15:17Mais qui joue, ce jeu ?
00:15:19Nous tous.
00:15:22Ah, ce n'est pas gai.
00:15:24Oui, dis-donc,
00:15:25explique-toi un peu, hein.
00:15:26Hé ?
00:15:27Oui, dans un moment.
00:15:28Bon, elle me plante, là.
00:15:37Vous n'avez plus de chance que moi, hein.
00:15:41Ils ont tous la gorge serrée
00:15:43par l'angoisse.
00:15:43Personne ne boit.
00:15:47Personne n'a soif.
00:15:49Hilda,
00:15:51viens t'asseoir ici.
00:15:53Pas du coup.
00:16:04Est-ce bien ton nom, Hilda ?
00:16:06Oui.
00:16:08Hilda.
00:16:10Un nom qui va avec Elsenberg.
00:16:11Ma mère disait que c'est un nom
00:16:15pour appeler doucement la nuit.
00:16:18Peut-être ailleurs,
00:16:18les filles ont-elles des noms
00:16:19que l'on peut crier dans le soleil ?
00:16:22Ailleurs,
00:16:24dans des villes qui sentent l'œillet.
00:16:28Ici, à toute saison,
00:16:29on ne respire que le lierre des murailles.
00:16:32Un si vieux lierre,
00:16:34avec tant de racines
00:16:35et tant de cadavres d'oiseaux
00:16:38dans ses racines.
00:16:41Laisse-moi regarder les flammes
00:16:45sur ton visage.
00:16:49Que tu es belle, Hilda.
00:16:53Ta figure brûle,
00:16:55tes yeux flambent.
00:16:56Non, je ne suis pas belle.
00:16:59Ce sont les flammes
00:17:00qui sont rouges et dorées.
00:17:03La véritable Hilda
00:17:03est triste et pâle,
00:17:04tout le monde vous le dira.
00:17:05Pour moi,
00:17:06la véritable Hilda
00:17:07est couleur de feu,
00:17:09couleur de joie.
00:17:11Quand les flammes disparaîtront,
00:17:13je m'éteindrai.
00:17:15Il faudra que vous partiez
00:17:16au moment où les braises deviennent bleues.
00:17:18Elles deviennent bleues
00:17:19juste avant de mourir.
00:17:22Si vous restiez une minute de plus,
00:17:25vous emporteriez pour toujours
00:17:26une Hilda couleur de cendre.
00:17:31Hilda,
00:17:31connaiss-tu la mer?
00:17:35Celle d'ici
00:17:36qui est grise
00:17:37et sans transparence?
00:17:39Elle n'est pas grise.
00:17:41C'est le ciel au-dessus d'elle
00:17:42qui est bas et noir.
00:17:44Regarde-la un soir
00:17:45où le ciel est plein d'étoiles.
00:17:47L'eau aussi roule des étoiles.
00:17:51Hilda,
00:17:52ton visage est comme la mer.
00:17:56Il a la couleur
00:17:56qu'un regard lui donne.
00:17:58Un regard où le feu
00:18:00j'ai cherché un visage, Hilda,
00:18:08à travers des foules,
00:18:11au coin de chaque rue sombre la nuit.
00:18:16Il y a longtemps
00:18:16que je cherche un visage.
00:18:20Je viens enfin de le découvrir
00:18:21sous les étincelles et la flamme.
00:18:25C'est ton visage, Hilda.
00:18:26Voilà près de dix années
00:18:29que j'attends un homme
00:18:30qui me dirait
00:18:31que tu es belle, Hilda.
00:18:33ton visage brille comme le feu, Hilda.
00:18:39Dix années, voyageur.
00:18:41Je te cherchais.
00:18:45Je ne connaissais pas cette force
00:18:47qui me poussait à voir des pays nouveaux,
00:18:49des villes inconnues.
00:18:52Maintenant, je sais.
00:18:55Je te cherchais, Hilda.
00:18:58Au petit matin,
00:18:59j'ai des rides au coin des yeux.
00:19:02Voyageur,
00:19:03tu as cherché trop longtemps.
00:19:04Non, Hilda.
00:19:09Enfin, j'ai trouvé
00:19:10ma certitude et ma paix.
00:19:14Lorsque je te touche,
00:19:16il n'y a plus que toi, Hilda.
00:19:17Tu te mens à toi-même.
00:19:19Tu t'égares, voyageur.
00:19:22Enfin, j'ai trouvé mon repos.
00:19:24J'ai trouvé l'herbe fraîche,
00:19:27la source,
00:19:28l'eau qui coule.
00:19:29Ne me dis pas ce que tu as trouvé.
00:19:30Ne me le dis pas.
00:19:31Une douceur envahissante
00:19:33et dont je devine le nom.
00:19:38Je suis peur de le connaître mieux que toi
00:19:40ce nom que tu cherches encore.
00:19:43Et c'est à moi de te dire
00:19:44ces mots qui m'arrachent l'âme.
00:19:47Je devine ce qu'annonce cette douceur.
00:19:52Elle ne s'appelle pas amour.
00:19:55Elle ne s'appelle pas amour.
00:20:01Bonsoir, Mme Clarisse.
00:20:06Bonsoir, M. Robert.
00:20:07Vous arrivez bien tard.
00:20:09Bien tard.
00:20:17Isbeth.
00:20:21Le vigile de la mer n'est pas arrivé.
00:20:23Non.
00:20:24Vous savez bien qu'il entre toujours le dernier.
00:20:27Tu ne penses pas qu'il a choisi un autre café ?
00:20:29Je voudrais bien,
00:20:32avec cette façon qu'il a d'écouter à travers la porte,
00:20:35de voir malgré l'épaisseur du bois,
00:20:37malgré la nuit,
00:20:39si pour une fois il pouvait rester
00:20:40sur les remparts à surveiller les bateaux.
00:20:43Ce soir, aucun bateau ne rentre au port.
00:20:46Personne n'a le droit de regarder la mer.
00:20:48Personne.
00:20:49Je sais bien.
00:20:50Mais ce serait toujours un plaisir
00:20:53d'être délivré de cet homme-là.
00:20:55Si vous voulez le savoir,
00:20:57le vigile
00:20:57me donne la chair de poule
00:20:59avec ses visions.
00:21:00Tais-toi.
00:21:01Tu ne comprends rien.
00:21:04Il a le don.
00:21:05Tu ne comprends rien.
00:21:35Si.
00:21:37J'ai ce qu'a fallu pour toi.
00:21:39Tu ne sais.
00:21:39Tu n'as pas de sou talvez.
00:21:41Tu ne sais pas.
00:21:42...
00:22:11...
00:22:31Ma veille est terminée.
00:22:34...
00:23:08Il n'y a plus une barque sur la mer, plus un être vivant sur l'air, plus un être vivant sur la mer.
00:23:25La route est libre pour sa venue.
00:23:31Le chemin est fait pour elle.
00:23:37...
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00:30:46Ils arrivent.
00:30:48Ils arrivent.
00:30:54Maintenant ils vont à la vieille auberge.
00:30:57La vieille auberge.
00:31:01Ses chevaux passent si près des portes que l'on entend le souffle de leur naseau.
00:31:06Elle tient leur reine serrée dans ses mains.
00:31:09Elle maintient la force tremblante de leur galop.
00:31:12Elle leur impose une ronde furieuse et sans halte.
00:31:15La tempête court avec elle d'un bout à l'autre du ciel.
00:31:18Comme une meute de chien enragé qui crie dans la brume invisible et la bave aux dents.
00:31:24Ma foi, il n'a pas l'air drôle du tout ce jeu-là.
00:31:27Oh là là.
00:31:29Vous savez, et vous monsieur, qui êtes pas d'ici, qu'en dites-vous.
00:31:34Ah, moi je l'ai vu des jeunes étudiants.
00:31:36Je l'ai vu.
00:31:38Au bal des quatre sars, les filles qui comparaient leur forme.
00:31:42Le prix est la plus belle.
00:31:43Ça valait le coup d'œil.
00:31:45Et à Munich, dans les brasseries, les concours d'endurance avec la bière et les eaux dures.
00:31:50Un boc aux œufs durs, un boc aux œufs durs, un boc aux œufs durs.
00:31:52J'ai vu un gagnant avaler 14 œufs durs à la suite.
00:31:55Oui monsieur.
00:31:56Avec 15 bocs.
00:31:58Ah, c'est un jeu ça monsieur.
00:32:00Mais ces espèces de chevaux qu'on n'entend pas, qu'on ne voit pas, c'est pas marrant.
00:32:05Alors, ça alors, c'est pas marrant.
00:32:07Vous ne voulez pas répondre ?
00:32:10Oui.
00:32:12Moi aussi, j'aurais pas envie de parler si j'avais la petite blonde dans les bras.
00:32:15Il-da, pourquoi est-tu si pâle ? Pourquoi trembles-tu ?
00:32:23Je ne comprends pas ce jeu mystérieux, mais je souffre de ta crainte, Il-da.
00:32:28Il y a un instant, vous ne me connaissiez pas.
00:32:30Tu es né dans mon sang tout à l'heure, dans la brume et le vent de ce soir, Elsenberg.
00:32:37Voyageur.
00:32:40Voyageur, il revient.
00:32:43Il ne s'est pas arrêté encore.
00:32:46Bientôt, ses chevaux fourbus vont refuser la course.
00:32:50Alors, elle appellera.
00:32:52C'est là qu'il faudra rassembler toutes vos forces.
00:32:55Elle appellera.
00:32:56Eh, Isbeth.
00:33:03Viens, ma belle.
00:33:05Viens à peu près de moi.
00:33:07D'où ce fille que tu es ?
00:33:10Je te signerai bien un bail, hein.
00:33:12Joliette, mignonnette.
00:33:14Allez, laisse-toi un peu aller, là.
00:33:17Ça fait plaisir de voir ta jolie figure au milieu de ses têtes de carême.
00:33:21Ah, je n'aime pas cette comédie, hein.
00:33:23Ah non, alors.
00:33:24Enfin, ces étudiants pourraient trouver une pièce plus rigolarde.
00:33:28Quel rôle jouent celle-là avec ses chevaux ?
00:33:31Toi qui es si malade, tu n'as pas deviné.
00:33:33Non.
00:33:35La mort.
00:33:37La mort ?
00:33:38Ah, ah, ben ça c'est marrant, alors.
00:33:40La mort.
00:33:41Ils auraient pu trouver quelque chose de moins vieux jeu.
00:33:43On voit ça sur toutes les vieilles peintures.
00:33:45Tu dis qu'elle appelle ?
00:33:47Et que fait celui qui l'appelle ?
00:33:49Il répond.
00:33:51Il discute, il se défend.
00:33:54S'il gagne le jeu, il reste.
00:33:56Mais s'il le perd, il sort.
00:33:59Pourquoi sortirait-il ?
00:34:01Qui l'obligerait à sortir ?
00:34:03Elle.
00:34:05Elle sait parler.
00:34:06Il faut avoir du courage pour lui résister.
00:34:11Elle s'adresse surtout aux jeunes, à ceux qui hésitent encore un petit peu avant de vivre ou qui ont besoin d'aventure.
00:34:17Eh bien, avant de me faire foutre le carrément, il en faudrait des mots.
00:34:21Et autre chose que des mots.
00:34:23Par exemple, que pourrait-elle inventer pour me faire quitter la salle ?
00:34:27Pour me faire perdre le jeu ?
00:34:28Eh ?
00:34:29Oui.
00:34:29Que pourrait-elle inventer ?
00:34:30Rien.
00:34:31Mais rien.
00:34:32Et si elle te disait qu'il y a des filles derrière la porte ?
00:34:35De belles filles, des prix de beauté.
00:34:39Si elle m'a raconté.
00:34:40Tu vois.
00:34:42Tu vois, on ne peut pas faire le fier à bras avec elle.
00:34:44On ne peut pas se vanter.
00:34:45Mais on ne sait pas le boniment qu'on va entendre.
00:34:49C'est pour ça qu'on a peur.
00:34:51Oui.
00:34:52Il faudrait la croire en quand même.
00:34:54On la croit toujours.
00:34:56Mais si elle a dit des mensonges...
00:34:57Oh, des mensonges ou la vérité.
00:35:00Qu'est-ce que ça peut bien faire ?
00:35:01Personne n'est jamais revenu pour dire le contraire.
00:35:06Revenu d'où ?
00:35:12Revenu du chemin des remparts.
00:35:15Oh, ce que tu es dur à comprendre quand même.
00:35:23Hilda.
00:35:25As-tu entendu ?
00:35:27Oui, je sais.
00:35:29Ceux qui sortent.
00:35:31Ceux qui perdent le jeu.
00:35:34Ce sont ceux qu'aucune main ne retient.
00:35:35Regarde-moi, Hilda.
00:35:43Réponds-moi.
00:35:45Je ne peux pas répondre.
00:35:46Voilà.
00:35:56Elle approche.
00:35:59Elle arrête ses chevaux.
00:36:03Non, elle passe.
00:36:06Elle court à la vieille auberge.
00:36:07Non.
00:36:11Non, elle tourne devant la tour du guetteur.
00:36:15Elle revient vers nous.
00:36:17Elle revient.
00:36:19Elle approche.
00:36:21Elle approche.
00:36:23Elle ralentit.
00:36:25Elle s'arrête.
00:36:25Cette fois, elle s'arrête.
00:36:28Elle tourne.
00:36:29Elle revient.
00:36:29Elle revient.
00:36:30Elle revient.
00:36:30Elle revient.
00:36:42Hilda.
00:36:44Hilda.
00:36:45J'appelle Hilda.
00:36:47As-tu entendu, Hilda ? Dois-je répéter ton nom ?
00:36:58Ne te donne pas cette peine. Je suis là.
00:37:06Je le sais. À travers cette porte, à travers ces murs, je te reconnais.
00:37:12Debout et pâle. Devant toi, je ne vois qu'une table vide.
00:37:20Où est le verre à moitié plein, où tu pourrais demander en grâce d'avoir le temps de boire encore ?
00:37:27Où est la cigarette à demi-consumée, dont il faudrait pendant une interminable minute éteindre la braise ?
00:37:37Il n'y a pas sous tes mains un objet qui réclame tes soins.
00:37:42Ta présence. Tu es prête, Hilda. Tu es libre. Avance. Fais un pas vers moi. Ouvre la porte.
00:37:57Non.
00:37:57Pourquoi refuses-tu ? Je t'ai entendu hier, la tombée de la nuit. Tu désirais cette heure. Tu m'appelais.
00:38:07Je n'ai pas ouvert la bouche.
00:38:08Je t'ai entendu, Hilda. Le soleil se couchait derrière la tour du guetteur.
00:38:12Tu appuyais tes bras nus contre la pierre des remparts. Le patron t'avait envoyé aux quatre coins de la ville. Tu avais froid. Tu étais lasse.
00:38:25Le soleil se couchait. Et j'étais lasse. Tu as traversé la grande place des remparts. Et pas un seul des jeunes gens qui riaient là n'avait regardé ton corps avec envie, avec délice.
00:38:42Les maçons qui réparaient le présbytère n'ont pas crié ton nom, Hilda.
00:38:49Les dames de l'église ont détourné leur regard plein de mépris. Tu avais traversé une ville indifférente. Tu étais vieille, Hilda.
00:39:05Alors tu as appelé mes chevaux. Tes lèvres n'ont pas bougé, mais ton cri a passé sur la ville, plus fort que le vent des remparts.
00:39:15Ainsi, tu as marché jusqu'à la tour du guetteur. Tu t'es appuyé contre le mur de pierre.
00:39:26Oui, tu as appelé mes chevaux. Tu as désiré cette course que tu ferais avec moi au travers d'une ville accablée, d'une ville qui t'aimerait.
00:39:38Enfin, tu as pensé aux hommes qui te verraient partir en criant « Pourquoi ne l'avons-nous pas prise dans nos bras quand nous pouvions encore la saisir, l'embrasser ? »
00:39:54Tu as pensé aux femmes qui regretteraient en disant « Pourquoi l'avons-nous rejetée le soir où elle passait honteuse au milieu de nous ? »
00:40:04Tu as voulu mes chevaux, Hilda. Et tu étais un lac de révolte, d'amertume et de désespoir.
00:40:15Ose dire que je mens.
00:40:17Tu ne mens pas. C'était hier.
00:40:21Que t'as donc apporté ce nouveau jour d'Helsenberg, ce jour plein de vent et de nuées ?
00:40:30Puisque tu vois à travers les murs, pourquoi le demandes-tu ?
00:40:35Une main.
00:40:39Seulement une main d'homme posée sur mon bras.
00:40:43Un poignet dont les veines sortent comme des cordes.
00:40:47Et ce poignet, cette main me tienne, ainsi que le câble retient le navire au port,
00:40:53Sans que la vague puisse l'emporter.
00:40:56Une main d'homme.
00:40:59Tu n'as pas de chance, Hilda.
00:41:01Une main d'enfant, si menue que d'un seul coup une aile de colombe la brise.
00:41:06Une main de vieillard qui s'agrippe.
00:41:09Voilà celles qui peuvent accrocher, saisir.
00:41:13Mais une main d'homme, pauvre Hilda.
00:41:15Tu ne sais donc pas combien est bref, le temps où elle reste posée sur une tendre chair de femme.
00:41:23Combien de minutes, Hilda, sans serrer un couteau, sans répandre un jeu de cartes sur un tapis.
00:41:31Voyons, réponds-moi.
00:41:33Tu as de l'expérience.
00:41:36Tant d'expérience.
00:41:38Je n'ai rien à vous dire.
00:41:40Combien de minutes, Hilda ?
00:41:42Je retourne à mes chevaux.
00:41:46Je reviendrai.
00:41:48Garde bien la main qui te garde.
00:41:51Mais tu n'as jamais su.
00:41:55Pour cette dernière fois, tu ne sauras pas encore.
00:41:57Ylda ?
00:42:14Elle est partie.
00:42:19Elle est partie, Hilda.
00:42:21C'est terrible ce qu'elle a dit.
00:42:28Tu avais toute cette tristesse dans le cœur et personne n'en savait rien.
00:42:33Mais pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ?
00:42:37Moi, je suis ton amie.
00:42:38Moi, je t'aime.
00:42:40J'aurais bien su d'empêcher d'avoir du chagrin.
00:42:42Tu es si jolie, Hilda, quand tu t'habilles bien, quand tu veux bien sourire.
00:42:49Alors, tu sais ce que je vais faire.
00:42:51Le velours que tu as trouvé beau l'autre jour dans la vitrine des tissus d'or.
00:42:56Tu sais bien, le velours vert.
00:42:58Je l'achèterai pour toi.
00:43:01Et tu te feras une robe longue, bien serrée.
00:43:04Et nous irons balle ensemble.
00:43:06Et tous les garçons se battront pour danser avec toi.
00:43:09Mais j'en suis sûre, ils se battront.
00:43:13Qu'est-ce que ça peut bien faire que les dames de l'église tournent la tête quand tu passes ?
00:43:20Ces punaises, ces vieilles jalouses.
00:43:23Elles se vengent parce qu'aucun homme n'a envie d'elles.
00:43:26Elles tournent aussi la tête quand je passe.
00:43:30Est-ce que cela me rend triste ?
00:43:31Est-ce que cela me fait pleurer ?
00:43:39Mais réponds-moi, Hilda.
00:43:42Réponds-moi.
00:43:50Dis donc.
00:43:52Tu vois bien qu'elle ne fait pas attention à toi.
00:43:55Qu'elle n'écoute rien.
00:43:58Passez-les donc tous les dames ensemble.
00:44:00Ah, allez.
00:44:00J'espère que nous allons avoir un petit moment tranquille.
00:44:05Eh ?
00:44:06Qu'elle va se taire un peu l'autre derrière la porte.
00:44:09C'est qu'elle a la langue bien pendue, cette fille-là, hein ?
00:44:12Si elle était drôle encore, elle n'est pas marrante, là.
00:44:14Ça non, alors, elle n'est pas marrante.
00:44:16C'est vrai qu'on lui a donné un sale rôle à jouer.
00:44:17Tu ne trouves pas que c'est un sale rôle ?
00:44:19Si, par exemple.
00:44:21Elles le sentiront pas mal, remarque.
00:44:22Dis donc.
00:44:28Mais celui-là qui parle sans arrêt, là.
00:44:32Celui-là ?
00:44:34Son rôle, c'est de commenter le jeu.
00:44:43Je reviens.
00:44:45Jean-Marc.
00:44:47Jean-Marc et Lucie.
00:44:50Il vous attend.
00:44:52Eh bien, elle peut nous attendre longtemps.
00:44:57Si tu crois qu'elle va nous convaincre,
00:44:59je me défendrai.
00:45:01Je défendrai Jean-Marc.
00:45:02Jusqu'à n'avoir plus une goutte de salive dans la gorge.
00:45:06Elle est belle parleuse.
00:45:08Mais elle peut retourner d'où elle vient.
00:45:11Si tu crois que je ferai un pas vers elle...
00:45:14Si tu crois...
00:45:21Lucie.
00:45:22Je t'aime.
00:45:27Je t'aime.
00:45:41Je t'aime.
00:45:43D'être si jeune et si dur.
00:45:48Si sûr de ta force.
00:45:50Comment vas-tu te défendre, dis-moi ?
00:45:54Je hurlerai.
00:45:55Je crierai.
00:45:55Je crierai.
00:45:56Je mordrai.
00:45:57Je ne discuterai pas avec toi.
00:45:59Mon sang me gardera de toi.
00:46:01Mon sang chaud.
00:46:02Et mes poumons qui veulent respirer l'air froid d'Alsenberg.
00:46:06Et mon ventre qui n'a pas encore donné son fruit.
00:46:08Voilà mes défenses.
00:46:10Et je ferme l'oreille à tes discours.
00:46:11Tu ne peux rien sur moi, je te dis.
00:46:13Rien !
00:46:14Pauvre Lucie.
00:46:15Que fais-tu de Jean-Marc ?
00:46:17De ton amour pour Jean-Marc.
00:46:20Pour que tu ne redoutes rien, il faudrait que Jean-Marc ne soit pas en toi plus fort que ton sang.
00:46:26Il faudrait que Jean-Marc soit sourd.
00:46:28Es-tu sourd, Jean-Marc ?
00:46:30Il ne t'entend pas.
00:46:31Je ferme ses oreilles avec mes mains.
00:46:32Il m'entend, il me répond.
00:46:35Écoute ce que dit Jean-Marc, Lucie.
00:46:38Toi qui viens dans le vent d'Alsenberg.
00:46:41Sais-tu que j'ai compté les soirs qui me séparaient de ce soir ?
00:46:45Je voulais connaître ta voix.
00:46:47Je me moquais de ces bourgeois craintifs, de ces lâches qui avaient peur de ta venue.
00:46:52Je t'espérais.
00:46:52Tais-toi, tais-toi, Jean-Marc.
00:46:54Tais-toi, tais-toi.
00:46:56Laisse-le parler, ma douce.
00:46:59J'adore ta voix.
00:47:00Ouvre cette porte, Jean-Marc.
00:47:04Viens.
00:47:04Non ! Non !
00:47:07Je ne peux pas bouger.
00:47:09Lucie me serre dans ses bras.
00:47:12Lucie m'empêche de faire un seul geste.
00:47:15C'est bien, je te parlerai à travers le corps de Lucie.
00:47:18Que tu es beau, Jean-Marc.
00:47:21Raconte-moi tes projets, tes espoirs.
00:47:25Alors tu viens d'épouser Lucie, la fille du notaire,
00:47:28qui va passer avec elle ton existence à Elzenberg.
00:47:32Bravo ! Bravo, Jean-Marc.
00:47:35C'est une belle fille, Lucie.
00:47:37Sans doute avec les années se mettra-t-elle à ressembler à sa mère,
00:47:40ce tonneau gonflé de prières et de pâtisseries.
00:47:44Mais tu ne veux pas le savoir.
00:47:46Et son père va mourir bientôt.
00:47:49Tu reprendras l'étude.
00:47:51Tu feras un bon notaire, Jean-Marc.
00:47:54Non.
00:47:55Non, jamais.
00:47:55Mais oui, Jean-Marc, mais oui.
00:47:57L'étude le matin et le soir et les dossiers et la bedaine.
00:48:02Les petits verres de liqueur clandestins pour vous aider à supporter la longueur.
00:48:07L'invraisemblable longueur des jours.
00:48:10Oh, tu auras des compensations.
00:48:14Le samedi soir, la partie de billard à la taverne du Coq.
00:48:17Et le dimanche, tu promèneras ta famille sur les remparts.
00:48:20Pour une fois, tu parles bien.
00:48:23Je la connais, moi, cette existence que tu lui promets.
00:48:26Je sais qu'elle sera la plus longue, la plus douce.
00:48:31Et qu'il la suivra, heureux, dans mes bras.
00:48:34N'est-ce pas, Jean-Marc ?
00:48:35Non, je méprise cet avenir.
00:48:38Je le refuse.
00:48:39Tu veux l'aventure.
00:48:41Tu veux la liberté.
00:48:43La jeunesse éternelle.
00:48:45Tu veux ouvrir cette porte, Jean-Marc ?
00:48:47Il ne te rejoindra pas.
00:48:49Je pèse le poids d'un amour.
00:48:52Le poids d'un bonheur de chaque matin.
00:48:55De chaque soir.
00:48:57D'une éternité de bonheur.
00:49:02Oh, tu ne peux pas te lever, Jean-Marc.
00:49:04Non.
00:49:09Tu as gagné, Lucie.
00:49:12Pour un temps tout au moins.
00:49:13Mais je reviendrai.
00:49:26Bon.
00:49:29Voulez-vous mon avis ?
00:49:31Cette femme qui vient de parler, là,
00:49:33eh bien, elle n'est pas aussi maligne que vous l'imaginez tous.
00:49:38Ce qu'elle a dit à la fille du notaire et à son mari, là.
00:49:41Ce qu'elle a dit.
00:49:41Il n'y avait pas de quoi les effrayer.
00:49:45Cette vie qu'elle leur a fait voir tranquille, agréable.
00:49:48Beaucoup de gens sont heureux que ce soit leur vie.
00:49:51Et moi, quand je pars le matin,
00:49:52est-ce que je sais si je vais faire mes frais ?
00:49:55Notaire, c'est une situation, notaire.
00:49:57Pas d'inquiétude pour le lendemain ?
00:49:59Celui-là.
00:50:00Celui-là.
00:50:01Chut.
00:50:04Écoutez.
00:50:07Elle est encore là.
00:50:09Alors, Hilda,
00:50:24toujours la main du voyageur dans ta main ?
00:50:27Toujours.
00:50:29Jamais un homme
00:50:30n'est resté si longtemps à ton côté.
00:50:33Ne parle pas de ce que tu ignores.
00:50:35Je n'ignore rien.
00:50:37Les gens rassemblés dans cette salle le savent aussi.
00:50:41Tu es une servante aimable.
00:50:44Une servante qui monte facilement à l'escalier de sa chambre.
00:50:48Qui monte avec les beaux gars,
00:50:49ceux qui ont une petite lueur dans l'œil.
00:50:52Ou avec les gros clients pour boire généreux.
00:50:55Tu le sais bien, Hilda.
00:50:56Pourtant, parmi ces hommes, plusieurs t'ont sincèrement aimé.
00:51:03Mais le patron n'avait pas envie de perdre sa servante.
00:51:08Elle me met en cause.
00:51:10Je vous prends tous à témoin.
00:51:13Oui, tous.
00:51:14Hein ?
00:51:15Qu'ai-je fait, je vous le demande ?
00:51:17Bon commerçant, honnête, loyal,
00:51:20donnant toujours la bière fraîche.
00:51:21La bière fraîche et les servantes chaudes.
00:51:23Tu te moques de moi, mais...
00:51:26Tu es un jury, un homme respecté.
00:51:29Tu essaies de le tremper dans la boue, dans la fange.
00:51:31Mais je proteste.
00:51:33Oui, je proteste.
00:51:35Ce n'est pas dans tes attributions.
00:51:37Non !
00:51:38Non !
00:51:38Tu dépenses tes droits.
00:51:39Cher, cher patron,
00:51:41quel silence autour de ton indignation,
00:51:44de ta bouffonne indignation.
00:51:46Ah, tu savais leur parler aux amoureux d'Hilda.
00:51:48Ils crachaient par terre devant elle et s'en allaient sans un regard.
00:51:52Elle pleurait.
00:51:53C'était une faible fille.
00:51:56Elle pleurait, mais remontait dans ton lit.
00:52:00Depuis qu'elle a 15 ans, elle est toujours remontée dans ton lit.
00:52:03Tu écoutes cette belle histoire, voyageur.
00:52:07Je l'écoute.
00:52:09Voici ce visage
00:52:10que tu as cherché sur toutes les routes du monde
00:52:13et que tu as découvert dans la brume et le feu
00:52:16à Elsenberg.
00:52:18Ce visage, il est beau.
00:52:27Il est si beau.
00:52:28blessé par toutes les meurtrissures et les humiliations de la vie.
00:52:32Il enlève les yeux sur le patron,
00:52:35admire sa bouche gluante, ses lèvres entrouvertes
00:52:39et le petit filet de bave
00:52:41qui sort d'un pli de sa joue pour se perdre dans la graisse molle de son menton.
00:52:46Pas une parcelle du visage de ta chère Hilda
00:52:49qui n'était souillée par ses bouches.
00:52:54Que veux-tu faire, voyageur ?
00:52:57Embrasser Hilda sur les lèvres ?
00:53:01Si elle le permet.
00:53:09Devant tous ces gens réunis
00:53:11et ce sera le premier baiser qu'elle recevra depuis qu'elle a eu 15 ans.
00:53:18Veux-tu m'embrasser, Hilda ?
00:53:22Veux-tu me faire l'honneur de m'embrasser ?
00:53:31Elle t'embrasse, la salle vous regarde !
00:53:38Beau spectacle, vraiment !
00:53:40Je m'en vais.
00:53:42J'ai le droit d'appeler trois fois, je n'ennuise pas souvent.
00:53:44Peut-être le ferai-je ce soir.
00:53:48Peut-être.
00:53:55Alors, alors, voyons, voyons.
00:53:58Voyons.
00:54:00Elle est loin maintenant.
00:54:01Elle court d'un café à l'autre.
00:54:06Rien, le temps passe, le temps passe.
00:54:10Et rien ne prouve qu'elle reviendra ici ce soir.
00:54:13Non, rien.
00:54:16Maintenant, elle appelle peut-être au coq ou à la brasserie.
00:54:23Ils doivent répondre, c'est malheureux là-bas.
00:54:26Je tremble pour eux.
00:54:28Oui, on voudrait les aider, demander grâce.
00:54:33Nous ne pouvons que craindre et pleurer.
00:54:37Alors, alors, n'y pensons plus, n'y pensons plus.
00:54:38Lisbeth, Lisbeth, Lisbeth, portez-nous encore une bûche sur le feu.
00:54:43Allez.
00:54:46Vous pourrez peut-être faire un peu de musique ?
00:54:49La musique, ça adoucit le cœur.
00:54:56Non ?
00:54:57Non ?
00:54:58Vous préférez avoir l'oreille libre pour écouter les bruits qui viennent du dehors.
00:55:05Eh bien, à votre aise, madame.
00:55:07À votre aise, monsieur.
00:55:08Elle est toujours à votre service.
00:55:13Elle revient.
00:55:14Elle revient.
00:55:15Derrière cette porte, j'attends, sans impatience,
00:55:32La vie qu'auront les sentiments, détruits les visages.
00:55:38Moi, je fixe pour toujours dans la beauté ou l'horreur inaltérable
00:55:42La marque des êtres et des choses.
00:55:47Je promets à ceux qui se confient à moi
00:55:49L'innuable, l'inchangé.
00:55:55Je sais que la jeunesse me désire
00:55:57Un jeune mort et beau d'une beauté sans fin
00:56:01Ses enfants s'avélissent dans les déchéances de la vieillesse
00:56:06Et lui rit dans leurs souvenirs
00:56:09Étincelant, couronné de feuilles vertes
00:56:14Aimé d'un amour immortel
00:56:16Menteuse !
00:56:18Jean-Marc et Lucie, je viens à vous pour la dernière fois
00:56:22M'entends-tu encore, Jean-Marc ?
00:56:25Non, non, je ne t'entends pas !
00:56:27Pourquoi, Jean-Marc, cet autre visage de la vie
00:56:31L'as-tu cherché avec des pinceaux et d'hésitantes couleurs ?
00:56:36Le désir de peindre était en toi plus fort que le désir de respirer ?
00:56:41Tu ne le sais pas, Lucie
00:56:43Ton père, le notaire, s'est moqué d'étoiles de ton mari
00:56:48Maintenant, Jean-Marc ne peint plus qu'en se cachant
00:56:52Mais tu mens, tu mens !
00:56:54Comme tu as crié, Jean-Marc, la fureur et le désespoir
00:56:59T'ont brûlé comme un acide
00:57:01Le désespoir de ne pouvoir vaincre Elsenberg
00:57:06Les brumes d'Elsenberg
00:57:09Mais as-tu assez désiré ces villes de soleil
00:57:13Où la couleur éclate comme la joie ?
00:57:17Avec quelle force ardente
00:57:19As-tu demandé au destin d'aller
00:57:22Libre de toute entrave
00:57:24Sur les routes de lumière ?
00:57:27Mais tu ne sais pas ce que tu dis ?
00:57:29Oui, oui, Jean-Marc a pas quelques toiles
00:57:32Mais c'était d'affreux barbouillages
00:57:33Et nous avons ri
00:57:35Et Jean-Marc a ri avec nous
00:57:37Oui, il a ri
00:57:38Mais son rire le déchirait
00:57:41Comme un couteau
00:57:42Quand Ton père, la semaine passée
00:57:45L'a envoyé dans cette ville chaude
00:57:48Près de la mer
00:57:49Il a joué tout l'argent de l'étude
00:57:52L'argent déposé dans le coffre
00:57:55Il a joué pour gagner sa liberté
00:57:58La joie de peindre et sa liberté
00:58:01Oui, pour être moi-même
00:58:03Et tu as perdu l'argent de l'étude
00:58:06Ruiné ta famille
00:58:07Que dira le notaire, Jean-Marc ?
00:58:10Quand il verra son coffre vide
00:58:12Alors Lucie, que penses-tu ?
00:58:16Je devine tes bras lourds tout à coup
00:58:19Tes bras qui s'ouvrent
00:58:21Ah non, non, non, tais-toi
00:58:24Je tiens Jean-Marc contre moi
00:58:27Jamais je n'ai plus aussi fort
00:58:29Les coffres sont au vide
00:58:31Eh bien, nous remboursons
00:58:32Nous vendrons tout
00:58:33Je travaillerai toute la journée
00:58:35Pour que Jean-Marc soit libre
00:58:36Qu'il puisse peindre librement
00:58:38J'admiserai sa peinture
00:58:40Je baiserai ses mains
00:58:41Je t'avais méconnue
00:58:44Tu es généreuse, fille de nos pères
00:58:46Qu'est-ce que tu attends encore ?
00:58:48Toi, il faut la porte
00:58:48Va-t'en !
00:58:50On dit que tes chevaux peuvent courir
00:58:51Sur les vagues et voler dans la tempête
00:58:52Alors va-t'en !
00:58:54Va-t'en !
00:58:54Va-t'en dans la tempête !
00:58:56Je quitterai mon pays, ma famille, mes amis
00:58:59Que je crois au talent de mon mari
00:59:01Ou que je n'y crois pas
00:59:02Qu'est-ce que ça peut faire ?
00:59:04Puisque je serai vivante
00:59:06Vivante
00:59:07Avec Jean-Marc, vivant !
00:59:09Vivant !
00:59:10Vivant !
00:59:11Je n'entends !
00:59:12Je n'entends plus rien
00:59:14Lucie
00:59:17J'ai encore quelques mots à te dire
00:59:22Après avoir perdu l'argent de l'étude
00:59:26Là-bas dans cette ville de soleil
00:59:28Qu'a fait Jean-Marc ?
00:59:32À côté de lui, il y avait une fille
00:59:34Une rousse à la peau dorée
00:59:37Qui gardait la lumière
00:59:38Tu es blanche, Lucie
00:59:43Et tes cheveux sont sans reflet
00:59:46Elle va mentir
00:59:47Elle va mentir, Jean-Marc
00:59:51Puisqu'elle ne peut rien contre nous
00:59:53Avec ses vérités
00:59:54Non, Lucie
00:59:56Elle ne mentira pas
00:59:59Cette fille
01:00:02Elle a passé la nuit dans son lit
01:00:05Oh non
01:00:10Oh non, Jean-Marc
01:00:13Non
01:00:14Non
01:00:15Tu pleures ici
01:00:23Comme tes larmes coulent
01:00:27Tu es jeune
01:00:28Tu sais bien pleurer
01:00:30Tu pleures comme une petite fille
01:00:33La figure cachée dans tes mains
01:00:35Mais
01:00:37Mais il n'y a plus de lien autour de ton mari
01:00:43Plus de mains exigeantes
01:00:45Plus de poignets solides
01:00:48Il parle ici
01:00:52Il va vers la porte
01:00:56La porte avec ses verrous
01:00:59Mais il suffit d'un regard
01:01:04D'un désir
01:01:08Et les verrous se tirent seuls
01:01:12Tu as pleuré trop longtemps, Lucie
01:01:17Jean-Marc
01:01:29Trop tard, Lucie
01:01:31Cette fille, ce n'était rien pour ton mari
01:01:37Rien qu'une chair sans couleur
01:01:40Pour l'aider à supporter la nuit et le désespoir
01:01:43Jean-Marc t'aimais, Lucie
01:01:46Je t'aimais
01:01:47Ouvre la porte
01:01:49Laisse-moi ouvrir la porte
01:01:51Je veux rejoindre mon mari
01:01:53Ouvre la porte
01:01:55Je ne refuserai pas
01:02:01Tu es libre
01:02:04Viens, Lucie
01:02:12Viens
01:02:14Je viens, Jean-Marc
01:02:16Je viens
01:02:17Je viens
01:02:17Celle qui vient
01:02:41Elle a appris le chemin de la mer
01:02:43Ses chevaux courent maintenant
01:02:46Sur la crête des vagues
01:02:48Sans doute peut-elle revenir
01:02:53Et appeler Hilda
01:02:55Une troisième fois
01:02:57Depuis un siècle
01:03:00Elle n'a pas usé de ce droit
01:03:01Elle ne passera peut-être plus ce soir
01:03:05Dis donc, Lisbeth
01:03:17Je ne voudrais pas que tu me prennes pour un idiot
01:03:20Mais je n'ai pas compris grand chose à ce jeu
01:03:23Bon, elle a emmené la fille du notaire et son mari
01:03:27Ils ont perdu le jeu, ça c'est clair
01:03:30Ce que je veux savoir
01:03:32Le prix
01:03:33Oui, le prix du jeu
01:03:35S'ils avaient gagné
01:03:36Qu'auraient-ils gagné ?
01:03:37De l'argent ?
01:03:38Enfin, quoi donc, Lisbeth ?
01:03:40Rien
01:03:41Rien ?
01:03:44Ils ont joué pour l'honneur ?
01:03:46Ils auraient gagné l'honneur ?
01:03:49Mais ce n'est pas grave
01:03:49Et ceux qui ont perdu ?
01:03:52Qu'ont-ils perdu ?
01:03:56On les trouvera demain
01:03:57Sur le chemin des remparts
01:04:01Étendu le dos contre la terre
01:04:03Ils regarderont le ciel
01:04:06Avec des yeux vides
01:04:08Ils auront au front
01:04:11Une grande plaie rouge
01:04:13C'est au front que frappent les sabots des chevaux
01:04:17Une fois, une seule
01:04:19Ils seront morts
01:04:22Morts ?
01:04:29Vraiment morts ?
01:04:33Mais Lisbeth, tu m'as fait marcher, ma cocotte
01:04:37Tu n'y comprends rien
01:04:38Pourquoi sommes-nous là avec une chueur d'angoisse sur le visage ?
01:04:44Oui, pourquoi ?
01:04:46As-tu entendu ?
01:04:47Mais regarde-les tous
01:04:50Mais enfin, Lisbeth, comment veux-tu qu'on imagine une histoire pareille ?
01:04:57Vous n'avez donc pas de gendarme pour arrêter cette fille-là ?
01:05:01Puis d'abord, qui est-elle ?
01:05:02La mort, ça n'existe pas ?
01:05:04C'est une fille qui se déguise et qui joue ce rôle
01:05:07C'est ce que tu m'as raconté tout à l'heure
01:05:09Qu'elle soit vraiment la mort
01:05:11Et qu'elle tue
01:05:12Qu'elle soit une fille qui se déguise, comme tu dis
01:05:14Et que les perdants se tuent eux-mêmes en se jetant sous les sabots de ses chevaux
01:05:19Pouvons-nous le savoir ?
01:05:21Que ce soit une tradition, une légende
01:05:23Depuis des siècles, des siècles, des siècles que ça dure, nous l'avons oublié
01:05:28Ça n'a aucune importance d'ailleurs, le résultat est pareil
01:05:31Ils seront demain sur le chemin des rencarts
01:05:35Voilà ce qui compte
01:05:36Mais c'est abominable
01:05:42Mais comment peut-on vivre dans cette ville d'assassins ?
01:05:48Tous complices
01:05:49Tous criminels
01:05:51Oh là là, moi alors je ficherai le cas
01:05:55Ça alors je ficherai le cas
01:05:57Vous aussi, monsieur le voyageur
01:06:00Vous qui faites le tour de la terre pour votre plaisir
01:06:03Nous prendrons le même train tous les deux
01:06:05Le premier qui passera demain
01:06:07Et bien le bon jour à Elzenberg
01:06:09Je crois que tu partiras seul
01:06:17Et les cipres noirs de la nuit reprennent lentement leurs couleurs
01:06:33Ils arrachent leur vert au bleu de l'aube
01:06:37Ainsi que ruissellantes d'eau et brillantes
01:06:41Une algue s'arrache à la mer
01:06:44Les douze collines pâlissent
01:06:48Devant les hautes montagnes imaginaires
01:06:51Les montagnes d'or
01:06:54Qui se tiennent debout derrière elles
01:06:56Et c'est ainsi qu'arrive le matin sur la Toscane
01:07:02Raconte-moi encore le bonheur des matins qui se lèvent sur le monde
01:07:08Au-dessus des étangs
01:07:11Passent les ailes jointes
01:07:14Celles des oiseaux qui sortent des joncs
01:07:17Et de la terreur du sommeil
01:07:19Alors au ras de l'eau
01:07:22Se répand une lumière blanche
01:07:25Le jour commence
01:07:28Porté par des milliers d'ailes
01:07:31Qui le détachent de la surface des eaux
01:07:33Qui s'élèvent avec lui dans l'air
01:07:36Et le dispersent au fond du ciel
01:07:39Soudain bleuissant
01:07:41Et
01:07:43C'est l'offrande que les étangs de Camargue
01:07:46Font à la nuit
01:07:47J'entends une rumeur dans le vent
01:07:57Une rumeur qui vient de l'ouest
01:08:02Peut-être est-ce un lointain orage
01:08:06Non
01:08:10Non je reconnais ce bruit
01:08:13Je ne puis le confondre avec aucun autre
01:08:16Elle revient
01:08:19Elle revient
01:08:27Voyageur
01:08:32Je t'ai entendu
01:08:36Tu te promenais avec Hilda
01:08:39Au milieu des prés
01:08:40Au bord d'un étang
01:08:42Tu montrais à Hilda
01:08:44La naissance du jour sur le monde
01:08:46Pauvre voyageur
01:08:49Tu perdais Hilda
01:08:50Je la gagnais
01:08:53Je la gagnais
01:08:56Réponds-lui Hilda
01:09:00N'attends pas d'Hilda autre chose que du silence et de larmes
01:09:05Tu lui offrais la clarté, l'innocence du matin
01:09:09Elle, elle y voyait refléter comme par un miroir
01:09:13Sa propre déchéance
01:09:17Crois-tu Hilda aveugle
01:09:20Crois-tu Hilda sans fierté
01:09:23Elle sait
01:09:25Que lorsqu'elle sera sortie de l'enchantement de cette nuit d'Elsenberg
01:09:29Il faudra qu'elle affronte à ton côté
01:09:32Les aubes pures
01:09:34Et la virginité cruelle du jour
01:09:37Hilda, qui a été le vice pour tous les hommes de la ville
01:09:41N'acceptera pas d'être sauvée par toi
01:09:46Elle ouvrira la porte
01:09:49Elle courra se jeter dans mes chevaux
01:09:51Elle courra vers cette pureté
01:09:58Cette jeunesse
01:10:00Que seule je peux lui rendre
01:10:04J'attends ta réponse
01:10:10Hilda
01:10:12Je veux partir
01:10:16Avant que le feu s'éteigne
01:10:19Je tiens toujours ta main Hilda
01:10:29Il faudra que tu m'entraînes
01:10:32Je me coucherai avec toi devant les chevaux
01:10:35Voilà pourquoi tu m'as aimée dans les reflets du feu
01:10:39Cette paix que tu as trouvée en touchant mes cheveux
01:10:43Cette paix dont je craignais de connaître le nom
01:10:46Elle ne s'appelait pas Amour
01:10:48Ce n'était pas moi que tu voulais
01:10:50C'était celle qui se tient debout derrière cette porte
01:10:53Ce que tu désirais c'était sa promesse sur mon visage
01:10:57C'était toi Hilda
01:10:58Toi seule
01:11:00Je ne te crois pas
01:11:01Lâche ma main, la porte va s'ouvrir
01:11:03Qu'elle s'ouvre Hilda
01:11:10Qu'elle s'ouvre pour nous deux
01:11:15Celle qui attend sur le chemin des remparts
01:11:21Je la connais
01:11:22Je l'ai souvent rencontrée sur les chemins de la terre
01:11:26Elle m'est indifférente
01:11:30Si je passe la porte
01:11:32Ce ne sera pas pour la rejoindre
01:11:34Non
01:11:35Pour t'accompagner
01:11:40Simplement
01:11:42Pour t'accompagner
01:11:45Voyageur
01:11:49Tu avais raison
01:11:54Cette paix que tu as trouvée dans les reflets du feu
01:11:59Elle s'appelait Amour
01:12:02Je t'aime
01:12:06Je t'aime
01:12:10Laisse-moi partir maintenant
01:12:17Heureuse
01:12:20Heureuse et seule
01:12:25Nous partirons ensemble
01:12:33Je ne te quitterai plus
01:12:37Je t'aime
01:13:07Encore en sept dollars, emmenés, perdus, anéantis, si j'avais pu les retenir, si vous m'aviez aidé, si un de vous avait fait le moindre petit geste pour les empêcher de sortir.
01:13:34Oui, je sais, vous pensez qu'on ne pouvait rien pour les retenir. Je suis moins fataliste que vous, moi, j'ai du bon sens et du cœur.
01:13:50Laissez les gens se perdre sous vos yeux sans leur porter secours, mais c'est une honte pour une ville.
01:13:57Qu'aurait-il pu faire l'autre si vous vous étiez unis pour les défendre ? Oui, qu'aurait-il pu faire ?
01:14:04Lisbeth, ne plairons pas, pauvre petite. Je comprends que tu es du chagrin. Il l'a été ton ami.
01:14:22Et puis l'avenir dans cette ville humaine avec cet horrible patron, ce n'est pas gué pour toi.
01:14:26Bientôt, ce sera mon tour.
01:14:30Mais non, mais non.
01:14:31Mais si, dans quelques années, je serai comme Hilda, faible et lasse, et je n'aurai jamais la force de dire non.
01:14:45Lisbeth, ma jolie, jamais elle ne deviendra pour toi.
01:14:48Écoute, nous allons partir demain, tous les deux, bras dessus, bras dessous.
01:14:53Je te ferai une belle vie. J'ai des économies, tu sais, autant que nous en profitions un peu.
01:14:59Tout ce qui te fera plaisir, je te l'offrirai. Je t'épouserai, si tu veux.
01:15:04Tu verras, on sera bien tous les dents ensemble.
01:15:07On oubliera le vent et le brouillard.
01:15:08Et cette sale nuit, grâce à moi, il y aura une fille qui sera sortie d'Elsenberg, qui sera sauvée.
01:15:18Tu vas voir comment on va danser, comment on va rire.
01:15:24Jean d'Elsenberg, minuit va sonner.
01:15:30Minuit va sonner.
01:15:31Vous allez pousser un soupir de soulagement.
01:15:38Maintenant, vous savez que vous êtes sauf,
01:15:42que vous avez un an à vivre bien tranquille jusqu'au 12 novembre prochain.
01:15:52Un an.
01:15:56Un an.
01:15:57Je crains que cette année ne me paraisse longue.
01:16:04Terriblement longue.
01:16:07Oui, bien sûr.
01:16:09Je pourrais engager de jeunes servantes.
01:16:13Les former à nouveau.
01:16:16Leur apprendre des belles manières.
01:16:18Je n'en ai plus envie.
01:16:23Je n'ai plus de souffle.
01:16:26Plus de désir.
01:16:29Oui, je sais.
01:16:31Vous méprisez mon chagrin.
01:16:34Vous pensez que je suis fourbe et vicieux.
01:16:38Être vicieux, est-ce que ça empêche d'être désespéré?
01:16:48Oui, c'est vrai, on peut toujours se tuer.
01:16:51Mais il faut du courage.
01:16:54Et je suis lâche.
01:16:56Je devrais donc attendre jusqu'au 12 novembre prochain
01:17:00pour retrouver enfin,
01:17:05enfin celle qui vient ce jour-là à Elsenberg.
01:17:08Je ne sais pas.
01:17:38Sous-titrage MFP.
01:18:08...
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