Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 2 semaines
Au milieu de l’été, une bande d’amis décide de descendre une rivière dans un radeau de fortune. Les obstacles, physiques et vivants, qu’ils rencontrent témoignent des transformations comme des altérations des cours d’eau par les humains. Mêlant road trip et parole scientifique, le film tisse des liens entre les mondes immergés et submergés dont les prismes multiples engagent une rencontre réparatrice entre humains et non-humains.
Transcription
00:00:00Les dossiers posent de multiples questions.
00:00:24Celle de la parentalité, celle de l'éducation,
00:00:27celle de l'abnégation de ces mères
00:00:30qui sacrifient leurs intêles, leur confort et leur vie
00:00:34pour que leurs enfants et leurs conjoints ne manquent de rien,
00:00:40qu'ils mangent leur faim,
00:00:43pour qu'ils dorment l'esprit tranquille
00:00:44à l'abri des cris et des pleurs,
00:00:48pour être toujours désirables.
00:00:51Des mères courage
00:00:52qui n'ont pas le droit à l'erreur,
00:00:55pas le droit de se mettre en colère,
00:00:58pas le droit de se plaindre lorsqu'elles sont épuisées
00:01:00de ces mères qui doivent faire bonne figure
00:01:03et se cacher pour pleurer.
00:01:05Donc, c'est parti, c'est parti, c'est parti.
00:01:35Dans les documents qui circulent entre les différents ministères,
00:01:38je tombe sur un chiffre.
00:01:40Un enfant est tué par sa mère tous les dix jours en France.
00:01:44En note de bas de page,
00:01:45les experts écrivent que c'est sûrement sous-estimé,
00:01:48qu'on ne disposerait pas des bons outils
00:01:49pour connaître le nombre exact.
00:01:53Elles sont infirmières, cadres, mères au foyer.
00:01:56Elles utilisent les mêmes méthodes,
00:01:58suivent les mêmes raisonnements,
00:02:00disent les mêmes phrases.
00:02:01La majorité des enfants tués, eux,
00:02:08n'étaient pas des nourrissons.
00:02:10Ils étaient en âge de marcher,
00:02:11d'aller à l'école,
00:02:12d'avoir une couleur préférée.
00:02:13Pourtant, sur le meurtre de ces enfants-là,
00:02:17je n'ai rien trouvé.
00:02:22J'ai accumulé des dizaines de dossiers
00:02:24pour tenter de comprendre.
00:02:25J'ai cherché ce qui les reliait entre elles.
00:02:28J'ai appris que c'était souvent des mères aimantes.
00:02:31Beaucoup tentaient de se suicider par la suite.
00:02:33Dans les PV d'audition,
00:02:36à la question du pourquoi,
00:02:37elles répondent toutes la même chose.
00:02:39Je n'avais pas le choix.
00:02:42Mais les interrogatoires restent sur les faits.
00:02:44L'heure, le choix du lieu, le déroulé.
00:02:46Comme si on n'avait pas posé les bonnes questions.
00:02:49Alors j'ai écrit à ces femmes en prison.
00:02:52J'ai écrit aux personnes qui les ont soutenues.
00:02:54À leurs avocats, à leurs mères, à leurs sœurs.
00:02:57J'ai écrit à celles qui ont failli passer à l'acte.
00:02:59Pour qu'elles me racontent.
00:03:01Pour qu'elles se racontent.
00:03:03Chère maître, chère Léa,
00:03:11chère Julie, chère Sophie,
00:03:13chère Cécile, chère Blanche, chère Alexia.
00:03:15J'aimerais comprendre ce qui se passe
00:03:17dans la vie d'une femme pour en arriver là.
00:03:19Pour estimer qu'il n'y a pas d'autre choix.
00:03:22Je veux prendre le temps de déplier les choses.
00:03:24D'observer là où la machine s'est enrayée.
00:03:28Si vous acceptez de me confier votre parole,
00:03:30je promets d'en prendre soin.
00:03:33Bien à vous, Sophia Fischer.
00:03:37Et j'ai attendu leur réponse.
00:03:39J'ai rencontré Blanche et Alexia le premier hiver de mon enquête.
00:04:03Elles m'ont parlé d'Hélène, la fille de Blanche, la sœur d'Alexia.
00:04:07Hélène a tué son fils de 4 ans
00:04:09et s'est suicidée au bout de la deuxième tentative.
00:04:13Avec elle, je me suis confrontée pour la première fois
00:04:15à l'onde de choc qui survient dans ces histoires.
00:04:18On a parlé longtemps, toutes les trois.
00:04:21Au départ, elles avaient peur.
00:04:24Elles avaient construit un barrage autour de cette histoire
00:04:25pour tenter de la tenir à distance.
00:04:28Et puis elles m'ont rappelée
00:04:29et ont accepté de témoigner.
00:04:32C'est pour aider les autres, Hélène.
00:04:34Celles pour qui ce n'est pas encore trop tard, a dit Blanche.
00:04:43Hélène, elle n'avait pas une tête de déprimée.
00:04:45Elle était déprimée clairement au fond d'elle
00:04:47depuis des années, depuis plus de 10 ans.
00:04:50Ça n'allait pas, peut-être même plus.
00:04:52Mais non, ça ne se voit pas sur elle.
00:04:54Ça ne se voit pas.
00:04:56Sourire H24,
00:04:58malgré tout, on la connaît, évidemment.
00:05:01Donc on sait qu'elle ne va pas bien.
00:05:04Mais ça ne se voit pas.
00:05:05Elle rigole tout le temps, elle sourit tout le temps.
00:05:07Pour assurer l'entourage, je pense.
00:05:09Mais au fond d'elle, elle devait le savoir.
00:05:11Ça n'allait pas.
00:05:13Mais elle ne voulait pas non plus.
00:05:15Peut-être qu'on s'inquiète pour elle.
00:05:18De toute façon, quand on s'inquiète pour elle
00:05:20et qu'on lui demande si ça va ou quoi,
00:05:25c'est bon, c'est rien.
00:05:27Oh là là, je n'ai pas le temps.
00:05:28Je n'ai pas le temps pour parler de ça,
00:05:30pour m'occuper de ça.
00:05:31Elle n'a pas le temps, quoi.
00:05:32Clairement, il y a le travail,
00:05:35il faut s'occuper de Valentin,
00:05:37la vie, la maison, l'école, nanana.
00:05:40Vous vous rendez compte
00:05:41que vous parlez d'elle au présent ?
00:05:44Non, je ne peux pas attention.
00:05:50Moi, je ne sais pas.
00:05:57Des fois, souvent, on me dit
00:05:58« Mais comment tu arrives à réagir comme ça ? »
00:06:01« En parler, sans t'effondrer, sans pleurer ? »
00:06:04Je ne sais pas.
00:06:05C'est mon moyen de défense.
00:06:07C'est pour ça que j'ai souvent le sourire.
00:06:13Je n'appelle pas ça du paraître,
00:06:16mais c'est pour se protéger.
00:06:19Puis, à quoi bon ça sert ?
00:06:20On ne peut pas se mettre à pleurer devant les gens
00:06:22en racontant le drame qui nous est arrivé.
00:06:25« Oui, c'est arrivé. »
00:06:30Et voilà, quoi.
00:06:30Dans une lettre d'adieu,
00:06:47Hélène écrit
00:06:47« Je vous passe le parcours chaotique de ma vie
00:06:50avec ces zones d'ombre que vous ne connaissez pas
00:06:52et qu'il vaut mieux ne pas connaître.
00:06:55Je suis triste aujourd'hui.
00:06:57Je suis très triste du mal que je vous fais.
00:06:59Mais je sais que vous allez moins souffrir
00:07:00que Valentin n'aurait souffert de son existence.
00:07:04Je vais enfin pouvoir ne plus m'obliger à vivre.
00:07:07Et c'est ça, ma libération.
00:07:09Je vous aime.
00:07:12Et Valentin aussi.
00:07:21Mais c'était un mercredi.
00:07:22Je me souviens parce qu'elle a pris le bus de midi
00:07:25pour descendre sur Montpellier.
00:07:27Voilà, donc le matin,
00:07:30rien de plus.
00:07:30Et je lui ai dit « Tu rentres ce soir ? »
00:07:32Et elle me dit
00:07:33« Non, non, comme j'ai d'autres examens le lendemain,
00:07:36j'ai une copine qui va nous héberger.
00:07:38Ne t'inquiète pas.
00:07:39Et le lendemain, je rentre en bus
00:07:41ou je t'appellerai.
00:07:43On verra. »
00:07:43Et puis toi, tu as discuté avec elle.
00:07:45Tu as même vu Valentin.
00:07:47Tout était normal, toi.
00:07:48C'était normal.
00:07:49Moi, je l'ai eu au téléphone la veille.
00:07:52Et pareil, rien du tout.
00:07:54On rigolait.
00:07:56Normal.
00:07:57Impossible de se douter de ce qu'il allait se passer.
00:08:02Le soir, apparemment,
00:08:04elle est allée à l'hôtel.
00:08:05Et après, elle a donné des cachets à son fils.
00:08:10Puis après, elle l'a poignardé.
00:08:12Et après, elle a pris des cachets, elle.
00:08:14Et elle s'est aussi poignardée.
00:08:18Elle avait, au niveau de la jugulaire et tout ça.
00:08:21Et c'est au niveau de l'hôtel
00:08:25où ils se sont aperçus.
00:08:27Donc, ils ont appelé les ambulances.
00:08:30Et donc, Valentin était décédé, sur le coup.
00:08:34Et Hélène, non.
00:08:35Elle avait raté son suicide.
00:08:37Donc, ils l'ont emmenée aux urgences.
00:08:40J'ai eu un coup de fil de la police.
00:08:43Qui m'a dit,
00:08:44« Bon, voilà, vous êtes la maman de Hélène. »
00:08:46« Oui, oui. »
00:08:47J'ai dit, « Bon, attendez, je suis au volant.
00:08:50Je m'arrête. »
00:08:51« Votre fille a tué son fils. »
00:08:54Alors, j'étais complètement...
00:08:56J'ai dit, « Quoi ? Non, mais ce n'est pas possible. »
00:08:57Surtout qu'Hélène, bon,
00:08:59elle a adoré son fils.
00:09:00Donc, non, non.
00:09:01J'ai dit, il y a eu un accident.
00:09:03Il y a eu...
00:09:04Je ne sais pas, moi.
00:09:05Qu'elle l'ait tuée volontairement,
00:09:06je n'arrivais pas à le croire.
00:09:08Et donc, j'ai dit à ma fille,
00:09:10elle m'a dit,
00:09:11« Votre fille est à l'hôpital
00:09:12parce qu'elle a tenté de se suicider,
00:09:14mais elle s'est ratée. »
00:09:15Je me suis dit,
00:09:16« Mais je ne sais pas de quel droit, quoi. »
00:09:20« Ils m'annoncent ça comme ça. »
00:09:21« Ils ne prennent pas de gang. »
00:09:23« Ils me laissent revenir
00:09:24faire 10 kilomètres en voiture. »
00:09:27« Ah, non, ça que mon petit-fils a été tué. »
00:09:29« Mais où on est, là ? »
00:09:32« Où on est ? »
00:09:33J'ai fait répéter, je crois, trois fois.
00:09:37J'ai dit, « Non, mais attends,
00:09:38je n'ai pas compris. »
00:09:40Je ne sais pas, ça doit...
00:09:41Je répète.
00:09:42Elle répète.
00:09:43« Non, mais attends, attends. »
00:09:44« Elle a fait quoi ? »
00:09:45« J'ai dit, « Non, mais qui est mort ? »
00:09:48Je crois que j'ai fait répéter
00:09:49moins quatre fois.
00:09:51J'y croyais,
00:09:52mais pas du tout, du tout.
00:09:53J'ai dit,
00:09:53« Non, mais ce n'est pas possible. »
00:09:54« Il y a eu un accident. »
00:09:55« Il y a eu quelque chose de pareil. »
00:09:57« La policière, là,
00:09:59ou le commissaire,
00:09:59je ne sais plus qui. »
00:10:00« Nous a convoqués. »
00:10:01« Du coup, voilà,
00:10:01elle nous a convoqués. »
00:10:03« Mais moi,
00:10:03il s'est passé peut-être
00:10:04quelques jours avant la convocation. »
00:10:06« Je n'y croyais toujours pas. »
00:10:07« Quand j'ai été convoquée,
00:10:09j'y croyais toujours pas. »
00:10:10« Elle m'arrivait tellement
00:10:11quatre fois. »
00:10:12« Mais stop ! »
00:10:13« Si C.L. n'essayait pas
00:10:14de chercher un autre coupable,
00:10:16C.L. s'est fait. »
00:10:18« Elle l'avait écrit. »
00:10:18« Elle l'a dit,
00:10:19elle l'a fait. »
00:10:21« Pour eux,
00:10:21c'est un dossier de plus. »
00:10:23« Voilà. »
00:10:26« Ils veulent le finir
00:10:26et point. »
00:10:28« Je pense,
00:10:29en plus,
00:10:29il doit avoir
00:10:30une quantité astronomique
00:10:32de dossiers ouverts. »
00:10:35« C'est juste un de plus. »
00:10:39« Sauf que moi,
00:10:40c'était ma soeur,
00:10:40mon neveu. »
00:10:42« Donc pour moi,
00:10:42c'est pas un de plus. »
00:10:44« C'est celui de trop. »
00:10:47« Le seul est celui de trop. »
00:10:52« À Blanche,
00:10:55Elan écrit. »
00:10:57« Maman,
00:10:58c'est pour toi
00:10:58que j'ai le plus de peine. »
00:11:01« Je sais que ça va être dur,
00:11:02mais tu vas y arriver. »
00:11:04« Continue à vivre. »
00:11:05« Tu as fait tout ce qui était
00:11:06humainement possible pour moi. »
00:11:12« Elle ne disait jamais
00:11:17qu'elle était dépassée ? »
00:11:20« Si,
00:11:20un peu. »
00:11:21« Un peu. »
00:11:22« Voilà. »
00:11:22« Parce que moi,
00:11:22j'ai élevé les trois gosses
00:11:24assez seules. »
00:11:25« Elle me disait,
00:11:25mais comment t'as fait ? »
00:11:26« Moi, j'en peux plus. »
00:11:27« Rien qu'un. »
00:11:28« Oui, mais en rigolant. »
00:11:29« Voilà. »
00:11:31« Elle me disait,
00:11:31en rigolant,
00:11:32genre,
00:11:33« Oh là là,
00:11:33je ne sais pas comment t'as fait
00:11:34avec trois gosses. »
00:11:35« Déjà, un,
00:11:36c'est difficile. »
00:11:38« Elle avait du mal à gérer. »
00:11:39« Oui, parce qu'elle en faisait trop. »
00:11:40« Elle en faisait trop,
00:11:41en fait. »
00:11:41« C'est tout. »
00:11:43« Elle en faisait trop. »
00:11:44« Elle voulait que tout soit parfait. »
00:11:46« Et qu'il ne soit jamais mal,
00:11:47en fait. »
00:11:48« Donc,
00:11:49elle donnait trop
00:11:51de son énergie,
00:11:53clairement. »
00:11:54« Elle s'épuisait toute seule. »
00:11:56« C'était pas... »
00:11:57« Il y a dans la confrontation
00:12:12avec ces femmes,
00:12:13quand on est soi-même une femme
00:12:14et qu'on a des enfants, etc.,
00:12:16il y a toujours dans la confrontation
00:12:17avec une femme
00:12:18un questionnement
00:12:19qu'on se dit
00:12:21mais qu'est-ce qui fait
00:12:24qu'elle a basculé
00:12:24de ce côté-là ?
00:12:25Qu'est-ce qui fait
00:12:26qu'une femme
00:12:26en arrive là
00:12:28alors qu'elle mène
00:12:30par ailleurs
00:12:30une existence
00:12:31qui n'est pas forcément
00:12:32une existence
00:12:33apparemment si difficile ? »
00:12:36« C'est plus rassurant
00:12:36dans l'esprit collectif
00:12:37de cataloguer ces femmes
00:12:38à des monstres
00:12:39plutôt que de chercher
00:12:41à comprendre
00:12:42pourquoi elles ont fait ça.
00:12:43On ferme la porte immédiatement.
00:12:45Et je crois qu'il faut aussi,
00:12:48et c'est comme ça
00:12:48que j'essaye d'expliquer
00:12:50les choses aux jurés,
00:12:51juger avec humilité,
00:12:54avec considération
00:12:55et justesse
00:12:56en n'oubliant pas
00:12:57moi c'est mon cas
00:12:58que j'ai la chance
00:13:00de grandir
00:13:00à l'abri de l'abandon
00:13:01de la violence
00:13:02de la pauvreté
00:13:04mais que les personnes
00:13:06que je défends
00:13:06pas forcément
00:13:07et qu'on n'est pas
00:13:09à l'abri
00:13:10demain
00:13:10qu'un proche,
00:13:11un frère,
00:13:11une mère,
00:13:12un fils
00:13:12puisse se retrouver
00:13:14sur le banc
00:13:14des parties civiles
00:13:15mais aussi dans un box.
00:13:17Et c'est vrai que
00:13:18pour juger,
00:13:20je crois qu'il faut
00:13:20comprendre cela.
00:13:21C'est la mère
00:13:43qui pose le cadre,
00:13:44qui donne la sécurité
00:13:45et c'est la mère
00:13:47qui se sacrifie
00:13:49dans son identité
00:13:51et sa fonction.
00:13:52On passe du statut
00:13:53de femme
00:13:53au statut de mère.
00:13:54Ça change tout.
00:13:56Alors qu'il y a un paquet
00:13:56de pères
00:13:57qui continuent
00:13:57d'être des hommes
00:13:58sans être des pères.
00:13:59Sauf que même
00:14:00si on ne le veut pas
00:14:01et là on s'est rattrapé
00:14:02j'allais dire
00:14:02par la patrouille
00:14:03par la fonction
00:14:03être mère
00:14:05on ne peut pas
00:14:06s'en dégager.
00:14:07On est rattrapé.
00:14:08Et plus il y a
00:14:09d'injonctions
00:14:10plus il y a
00:14:11des représentations
00:14:12autour de ces mères
00:14:13qui doivent être parfaites
00:14:15enfin executive woman
00:14:16en même temps
00:14:17élégante, sexy
00:14:19des épouses
00:14:20des machins etc.
00:14:21Plus on risque
00:14:22effectivement
00:14:22de se confronter
00:14:24à une impasse
00:14:25c'est-à-dire
00:14:26à être dans l'incapacité
00:14:27de répondre
00:14:28à la commande sociale
00:14:28familiale
00:14:30culturelle
00:14:30professionnelle
00:14:31etc.
00:14:32C'est un vaste débat
00:14:33de savoir
00:14:33quel rôle
00:14:34on colle sur les mères
00:14:35mais je pense
00:14:36que le problème
00:14:37c'est que les mères
00:14:38elles doivent être
00:14:39toujours au rendez-vous
00:14:40par définition
00:14:42du bonheur
00:14:43de leurs enfants
00:14:44et c'est comme ça
00:14:45qu'on voit
00:14:45le rôle maternel
00:14:48et
00:14:49quand elles ne peuvent
00:14:52pas
00:14:53être à ce rendez-vous-là
00:14:56elles le vivent
00:14:58souvent
00:14:59comme un effondrement
00:15:00de tout
00:15:00et ça peut les amener
00:15:02effectivement
00:15:02à des actes
00:15:04et à des gestes
00:15:05absolument terribles
00:15:06je reçois une lettre
00:15:15de dix pages
00:15:16Cécile m'a répondu
00:15:17depuis sa cellule
00:15:18elle a tué son fils
00:15:20il y a sept ans
00:15:21et elle accepte
00:15:22de me raconter
00:15:23son histoire
00:15:23chère Sophia
00:15:27j'ai bien reçu
00:15:30votre lettre
00:15:30j'y ai beaucoup réfléchi
00:15:33je me permets
00:15:35simplement
00:15:36de vous demander
00:15:36dans le cas
00:15:37où vous utiliseriez
00:15:38mon témoignage
00:15:39de bien vouloir
00:15:40changer mon prénom
00:15:40si vous en faites
00:15:42la demande
00:15:43à la directrice
00:15:43nous pourrions
00:15:44nous rencontrer
00:15:45au parloir
00:15:45je préférerais
00:15:47parce que
00:15:48ici
00:15:48tout notre courrier
00:15:50est ouvert
00:15:50élu par l'administration
00:15:52il faut que vous compreniez
00:15:56qu'on ne se réveille
00:15:58pas un matin
00:15:58avec l'envie
00:15:59de tuer son enfant
00:16:00c'est
00:16:00un très long processus
00:16:03c'est important
00:16:06de le dire
00:16:06pour toutes ces femmes
00:16:07qui en ce moment
00:16:08sont en train
00:16:09de vivre
00:16:09la même chose
00:16:11que moi
00:16:11et que personne
00:16:12n'entend
00:16:13mon fils
00:16:19c'était un petit
00:16:19garçon facile
00:16:20elle est adorable
00:16:21il aimait grimper
00:16:23partout
00:16:24il aimait beaucoup
00:16:26la mer aussi
00:16:26elle était à 100 mètres
00:16:28de la maison
00:16:28on y allait
00:16:28à toutes les saisons
00:16:30et le vélo
00:16:32il aimait le vélo
00:16:34le dimanche
00:16:36on faisait des grandes balades
00:16:37et oui
00:16:40vous m'avez demandé
00:16:41où j'ai grandi
00:16:42j'habitais près de Paris
00:16:43maman était maquettiste
00:16:46pour l'opéra
00:16:46mon père était ostéo
00:16:48je m'entendais bien
00:16:50avec eux
00:16:50enfin
00:16:52on s'entend toujours bien
00:16:53d'ailleurs
00:16:53au lycée
00:16:57j'ai eu un petit ami
00:16:58violent
00:16:58un jour
00:17:00il m'a dit devant mon père
00:17:01qu'il allait me défigurer
00:17:02alors mes parents
00:17:04m'ont envoyé en Angleterre
00:17:06pour m'éloigner de lui
00:17:07j'ai débarqué
00:17:09à Bristol
00:17:10il faisait froid
00:17:11un soir d'octobre
00:17:14je suis allée
00:17:15à une soirée
00:17:15ce soir-là
00:17:18j'ai été violée
00:17:19j'ai pas voulu
00:17:21en parler à mes parents
00:17:22ils venaient d'avoir
00:17:23un grave accident
00:17:24de voiture
00:17:24ils étaient déjà
00:17:25très perturbés
00:17:26c'est là que j'ai demandé
00:17:29de l'aide à ma marraine
00:17:30et elle m'a fait revenir
00:17:32en France
00:17:33pour que je puisse avorter
00:17:34et jusqu'à mon procès
00:17:36personne
00:17:37à part elle
00:17:38n'a jamais rien su
00:17:39de cette histoire
00:17:40j'ai relu tous les dossiers
00:17:48que j'avais accumulés
00:17:49ceux où la mère
00:17:50était morte elle aussi
00:17:51et qui me paraissaient
00:17:52si floues et incomplets
00:17:53j'ai eu comme la désagréable
00:17:55sensation que ces femmes
00:17:56étaient mortes
00:17:57avec leur vérité
00:17:58et pour combler le vide
00:17:59on avait attribué
00:18:00leurs gestes
00:18:01à des difficultés professionnelles
00:18:02ou à des ruptures amoureuses
00:18:03je me suis repassée
00:18:06le film
00:18:06des conversations
00:18:07que j'avais pu avoir
00:18:07avec des policiers
00:18:08sur des vieilles affaires
00:18:09au fur et à mesure
00:18:11des discussions
00:18:12des questions remontaient
00:18:13en eux
00:18:13ils me disaient
00:18:13que c'était vrai
00:18:14ils avaient eu des doutes
00:18:15sur des compagnons
00:18:16des beaux-pères
00:18:16mais ils n'avaient pas
00:18:17réellement creusé
00:18:18les pistes
00:18:19pas le temps
00:18:20et puis la coupable
00:18:21et les victimes
00:18:21étaient mortes
00:18:22je me suis demandé
00:18:24combien de dossiers
00:18:24aujourd'hui
00:18:25prennent la poussière
00:18:26sans qu'on ne sache
00:18:26où ni comment
00:18:27ils avaient réellement
00:18:28pris racine
00:18:29la maternité
00:18:32c'est une aventure
00:18:34qui semble être
00:18:35la plus banale
00:18:36au monde
00:18:36mais qui est aussi
00:18:37la plus extraordinaire
00:18:38parce qu'on ne sait pas
00:18:39la mère qu'on sera
00:18:40avant d'avoir
00:18:40un bien enfant au monde
00:18:41on ne sait pas
00:18:42l'angoisse qu'on aura
00:18:43on ne sait pas
00:18:43ce qu'on va projeter
00:18:44sur cet enfant
00:18:45on ne sait pas
00:18:46ce que ça va venir
00:18:47réparer ou interroger
00:18:48on ne sait pas
00:18:49si ça ne va pas faire
00:18:50réaffleurer
00:18:52et réactiver
00:18:52des souffrances
00:18:53qu'on avait oubliées
00:18:54on ne sait rien
00:18:55de tout ça
00:18:55hier
00:19:01j'ai reçu l'appel
00:19:02de Christelle
00:19:03elle avait tout prévu
00:19:05ça ne s'est pas joué
00:19:06à grand chose
00:19:07pour qu'elle ne passe pas
00:19:08à l'acte
00:19:09c'était il y a 18 ans
00:19:10et aujourd'hui
00:19:11ces filles vont bien
00:19:11mais en l'écoutant
00:19:13je réalise que
00:19:14toutes livrent
00:19:14la même histoire
00:19:15celle de violence
00:19:16qu'on a consigné
00:19:17au fond de soi
00:19:18et d'un très long naufrage
00:19:19des histoires de femmes
00:19:21finalement
00:19:22tu veux qu'on s'arrête ?
00:19:43non
00:19:43j'ai vu que les autres mamans
00:19:46et qu'on prête
00:19:47qu'elles doivent
00:19:47aux et on va parler aussi
00:19:48merci
00:19:51bon j'y vais alors
00:20:04c'était il y a 18 ans
00:20:07donc à l'époque
00:20:09j'étais maman célibataire
00:20:10j'avais une petite
00:20:11qui allait avoir 6 ans
00:20:12et une autre petite
00:20:15qui allait avoir un an
00:20:16jusque là
00:20:24j'avais eu l'impression
00:20:25que j'étais assez forte
00:20:26pour les élever
00:20:27mais c'était pas si vrai
00:20:30en fait
00:20:31j'avais l'impression
00:20:32que l'amour
00:20:32que je leur portais
00:20:33que je leur portais
00:20:34était suffisant
00:20:36pour que
00:20:36pour que nos journées
00:20:39soient belles
00:20:40et que le soleil brille
00:20:41mais je savais pas
00:20:44qu'être adulte
00:20:44c'était si compliqué
00:20:45en vrai
00:20:45depuis que je suis toute petite
00:20:49j'ai un mal être profond
00:20:52mais l'idée d'être maman un jour
00:20:55ça m'a toujours réconfortée
00:20:57j'avais l'impression
00:21:00qu'on avait pu choisir
00:21:01de mon enfance
00:21:02mais que personne
00:21:02ne pourrait choisir
00:21:03de ma vie
00:21:06quand je serais adulte
00:21:07et je pensais
00:21:09qu'être maman
00:21:10allait me donner des ailes
00:21:14quelque part
00:21:15comme j'avais décidé
00:21:17de les élever seule
00:21:19je m'étais promis
00:21:20d'être une maman
00:21:21à 300% disponible
00:21:23et je me rendais compte
00:21:24que certaines choses
00:21:26m'échappaient
00:21:27et plus je m'en rendais compte
00:21:29et plus je perdais pied
00:21:31j'avais personne
00:21:35autour de moi
00:21:35pour en parler
00:21:36je me sentais seule
00:21:38et
00:21:38quand j'amenais
00:21:44la plus grande
00:21:45à l'école
00:21:45j'avais toujours
00:21:46le même sourire
00:21:47mais au fond de moi
00:21:48ça n'allait pas du tout
00:21:49en fait j'ai toujours
00:21:55eu du mal
00:21:55à me plaître
00:21:56parce que quand j'étais petite
00:21:57c'était pas trop permis
00:21:59ces choses là
00:22:00en fait j'ai eu une maman
00:22:01super courageuse
00:22:03super forte
00:22:04j'ai eu ce modèle
00:22:06de maman
00:22:07qui se plaignait jamais
00:22:08et donc je pensais
00:22:12qu'on devait tout être
00:22:15comme ça
00:22:15je pensais que chacun
00:22:20devait vivre sa peine
00:22:21et faire avec
00:22:22et qu'au final
00:22:25ce que je vivais
00:22:26c'était pas si grave
00:22:27ça remonte à mon enfance
00:22:32donc j'ai vécu
00:22:34de l'inceste
00:22:34en grandissant
00:22:40j'ai bien compris
00:22:41que
00:22:41les adultes
00:22:43avaient remarqué
00:22:43certaines choses
00:22:44mais préféraient
00:22:45se taire
00:22:45je pense que de voir
00:23:02ma première grandir
00:23:03a fait un écho
00:23:06sur ma propre vie
00:23:07d'enfant
00:23:07et que
00:23:09la vérité
00:23:10m'a rattrapée
00:23:11Noisychamps
00:23:30en Seine-et-Marne
00:23:31pardon
00:23:31une femme de 28 ans
00:23:32s'est suicidée
00:23:32elle aurait auparavant
00:23:34tué ses deux enfants
00:23:35de 18 mois
00:23:36et 4 ans
00:23:37le geste apparaît
00:23:38insensé
00:23:39au regard de l'entourage
00:23:40de l'accusé
00:23:41elle avait laissé
00:23:42un écrit
00:23:43écrit qui n'est pas
00:23:44disons d'une clarté
00:23:45extraordinaire
00:23:46sur les raisons fondamentales
00:23:48il y a évidemment
00:23:48une disproportion
00:23:49flagrante
00:23:50entre ce qui a été fait
00:23:51et les raisons éventuelles
00:23:53qu'elle peut évoquer
00:23:54la violence
00:24:02elle n'apparaît jamais
00:24:04ex nihilo
00:24:04de nulle part
00:24:05la violence
00:24:06elle est le plus souvent
00:24:07dans un continuum
00:24:08d'abord subie
00:24:10et puis agie
00:24:11alors subie
00:24:12de différentes manières
00:24:12mais
00:24:13il y a deux mouvements
00:24:15dans ce passage
00:24:17à l'acte
00:24:17ultime
00:24:18d'une mère
00:24:19qui tue son enfant
00:24:19un
00:24:20la souffrance
00:24:22de cette femme
00:24:23qui a pu être alimentée
00:24:25par des vulnérabilités
00:24:27antérieures
00:24:27voire des violences
00:24:28subies
00:24:28voire un contexte
00:24:29de violence
00:24:30avec des problèmes
00:24:31très précoces
00:24:33de violence
00:24:33de troubles de l'attachement
00:24:34de négligence
00:24:35etc.
00:24:36ou de violence sexuelle
00:24:37subie
00:24:37ce qui vient forcément
00:24:38entraîner une vulnérabilité
00:24:40et puis
00:24:41dans l'ombre
00:24:43de la femme
00:24:43qui tue
00:24:43il y a
00:24:44souvent
00:24:45au moins un homme
00:24:46soit
00:24:47qui a participé
00:24:49aux violences
00:24:49c'est à dire
00:24:50cette destructivité
00:24:51de la fonction maternelle
00:24:53soit
00:24:54qui n'a pas pu
00:24:55qui n'a pas su
00:24:56qui n'a pas vu
00:24:56mais dans une forme
00:24:57de déni aussi
00:24:58cette femme
00:24:59parfaite en faux self
00:25:01qui assume tout
00:25:01c'est très confortable
00:25:03pour l'homme
00:25:03alors lui
00:25:04non mais sérieux
00:25:04il est tranquille
00:25:05il rentre le soir
00:25:06le repas est fait
00:25:07les enfants sont lavés
00:25:08sont propres
00:25:08sont couchés
00:25:09il y a juste à aller raconter
00:25:10une petite histoire
00:25:11et puis sortir
00:25:12faire un coup de vélo
00:25:13un coup de ballon le week-end
00:25:14c'est cool quand même
00:25:15j'ai fait des études
00:25:32d'événementiel
00:25:33je travaillais sur
00:25:34des gros événements
00:25:35à Paris
00:25:35et à Cannes
00:25:36j'étais vraiment
00:25:39heureuse au travail
00:25:40et puis j'ai rencontré
00:25:41un homme
00:25:42ensemble
00:25:44on a eu
00:25:45une jolie petite fille
00:25:46mais notre mariage
00:25:48n'a duré que 4 ans
00:25:49et il a disparu
00:25:51de ma vie
00:25:51et de celle
00:25:53de ma fille
00:25:53il était gentil
00:25:56mais
00:25:57il était un peu perdu
00:25:59il m'a jamais versé
00:26:02de pension alimentaire
00:26:03alors
00:26:03moi je continue
00:26:05à travailler
00:26:05mais
00:26:06en tant que mère célibataire
00:26:07c'était pas tous les jours
00:26:08facile
00:26:09et c'est là
00:26:12que j'ai rencontré
00:26:13l'autre
00:26:14bon au début
00:26:16ça a été
00:26:16le coup de foudre
00:26:17le lendemain
00:26:19de notre rencontre
00:26:20il m'a envoyé
00:26:20un immense bouquet de fleurs
00:26:22des roses
00:26:23il était charmant
00:26:26prévenant
00:26:27serviable
00:26:28je savais pas
00:26:30à l'époque
00:26:31mais
00:26:31le piège
00:26:33venait de se refermer
00:26:34sur moi
00:26:35et sur ma fille
00:26:35je suis très vite
00:26:38tombée enceinte de lui
00:26:39et là
00:26:41il a commencé
00:26:43à changer de comportement
00:26:44il est devenu
00:26:47jaloux
00:26:48maladivement jaloux
00:26:50il a commencé
00:26:52à me frapper
00:26:52à exiger des rapports
00:26:55la vie est devenue
00:26:58un enfer
00:26:59alors je lui ai demandé
00:27:00de partir de chez moi
00:27:01et là
00:27:03il m'a répondu
00:27:03une phrase
00:27:04que j'oublierai jamais
00:27:06il me faudra
00:27:08un coup de carabine
00:27:09pour partir
00:27:10bon
00:27:14il a quand même
00:27:15fini par partir
00:27:16d'ailleurs
00:27:18comme mon fils est né
00:27:19il ne l'a pas reconnu
00:27:20à la mairie
00:27:21mais
00:27:23il nous surveillait
00:27:25de loin
00:27:25il continuait
00:27:27à venir
00:27:27à la maison
00:27:28pour hurler
00:27:30pour me frapper
00:27:31il m'a violée
00:27:34de nombreuses fois
00:27:35une fois
00:27:38il a dégondé
00:27:39une porte
00:27:39et il me l'a jeté dessus
00:27:41heureusement
00:27:42la petite était à l'école
00:27:43mais
00:27:44mon fils
00:27:45il était à côté de moi
00:27:47et quand je me suis libérée
00:27:49de sous la porte
00:27:50j'ai vu
00:27:52qu'il poussait
00:27:53avec ses petites mains
00:27:54il avait 4 ans
00:27:56il m'a dit
00:27:57heureusement que j'étais là
00:27:59maman
00:27:59oui mon amour
00:28:04heureusement que tu es là
00:28:06dans une étude américaine
00:28:18sur l'infanticide
00:28:19je lis
00:28:20de manière générale
00:28:21les pères tuent les enfants
00:28:23dans la continuation
00:28:24des violences
00:28:24qu'ils exercent
00:28:25les mères
00:28:27elles
00:28:27tuent dans la continuation
00:28:29des violences
00:28:29qu'elles subissent
00:28:30tu m'avais dit
00:28:42que
00:28:43vous étiez
00:28:44disputée avec Hélène
00:28:46un peu de temps avant
00:28:47c'est vrai
00:28:49qu'on a
00:28:50soupçonné
00:28:52que
00:28:52son père
00:28:53enfin notre père
00:28:54Patrick
00:28:55il aurait pu
00:28:55avoir des attouchements
00:28:57envers elle
00:28:57mais
00:28:58la question
00:28:59avait déjà été posée
00:29:00auprès d'elle
00:29:01quand elle était plus jeune
00:29:032-3 fois dans sa vie
00:29:05par ma mère
00:29:06ou par moi
00:29:07et ça a toujours été
00:29:08non
00:29:08ça a toujours été
00:29:09non
00:29:09il n'y a pas de
00:29:10il m'a rien fait
00:29:12j'ai jamais subi
00:29:13d'attouchement
00:29:14par notre père
00:29:15etc
00:29:15et donc ce jour là
00:29:18quand on s'est un peu engueulé
00:29:19je lui ai dit
00:29:20que peut-être
00:29:20c'était vraiment arrivé
00:29:22mais qu'elle ne s'en rappelait pas
00:29:23qu'elle avait oublié
00:29:24quoi
00:29:24et je lui ai avoué
00:29:27que c'était arrivé
00:29:28à une de notre demi-sœur
00:29:33qui elle a eu des attouchements
00:29:36de notre père
00:29:38quand elle était jeune
00:29:39et voilà
00:29:41qu'elle n'était pas au courant
00:29:43et quand je lui ai dit ça
00:29:44ça lui a fait un
00:29:46je ne sais pas
00:29:48un gros choc
00:29:49un gros déclic
00:29:50dans sa tête
00:29:51et trois jours après
00:29:54elle a écrit
00:29:57trois grandes lettres
00:30:00recto verso
00:30:01avec tous les flashbacks
00:30:04qui lui sont revenus
00:30:05de tout ce qu'elle a pu subir
00:30:06par notre père
00:30:09et elle a tout mis par écrit
00:30:11et en disant
00:30:11qu'en fait
00:30:12elle se rappelait de tout
00:30:13maintenant
00:30:14elle se rappelait de tout
00:30:15et que
00:30:15que ça allait changer
00:30:20que ça lui avait fait du bien
00:30:21de remettre tout ça à jour
00:30:25et que ça remonte à la surface
00:30:28et que les choses seraient différentes
00:30:31à présent
00:30:31et ça c'était ?
00:30:36ça c'était dix jours avant
00:30:37une semaine
00:30:38ouais
00:30:39une semaine
00:30:40dix jours
00:30:41une semaine
00:30:41une semaine
00:30:41une semaine
00:30:41un soir
00:31:04on a sonné à ma porte
00:31:06j'ai ouvert
00:31:10et c'était lui
00:31:12donc c'était mon père
00:31:15que j'avais plus vu
00:31:16depuis des années
00:31:17je lui ai ouvert
00:31:23comme si
00:31:24on ouvrait à son papa
00:31:25j'ai cru que tout
00:31:28allait bien se passer
00:31:28peut-être qu'il était venu
00:31:30me demander pardon aussi
00:31:31mais c'était tout sauf ça
00:31:45ce jour-là
00:31:48il m'a rappelé
00:31:48combien il m'a aimé
00:31:50j'ai compris que c'était pas fini
00:31:57et là j'ai revécu les choses
00:32:05mais beaucoup plus fortes
00:32:07et j'arrivais plus à les cacher
00:32:09j'arrivais plus à faire comme si
00:32:10elles n'existaient pas
00:32:11j'ai attendu qu'il s'en aille
00:32:17et pour la première fois
00:32:19depuis la venue
00:32:20d'Aurore
00:32:22où je me sentais super forte
00:32:24parce que j'étais maman
00:32:26que je les aimais
00:32:27je me suis sentie super faible
00:32:29j'avais perdu cette force
00:32:32et je redevenais comme un enfant
00:32:34comme l'enfant que j'étais
00:32:36j'arrivais plus à être maman
00:32:38j'arrivais plus à être forte
00:32:40je trouvais plus la force
00:32:42et chaque fois que je regardais mes filles
00:32:46je me demandais comment c'était possible
00:32:48qu'on puisse faire ça à un enfant
00:32:50et j'ai essayé d'imaginer
00:32:59comment je pouvais partir
00:33:02et prendre les petites avec moi
00:33:03sans les faire souffrir
00:33:04parce qu'il n'était pas question
00:33:05de leur faire du mal
00:33:06bien évidemment
00:33:06je les aime bien trop pour ça
00:33:08j'avais l'impression d'être leur repère
00:33:16et que j'avais pas le droit de les laisser
00:33:18j'avais décidé de les mettre au monde
00:33:20donc j'avais pas le droit
00:33:21de les laisser sans moi
00:33:23enfin j'avais la pression
00:33:24cette pression là
00:33:25donc j'ai ruminé toute la nuit
00:33:35et j'ai opté pour la solution
00:33:40qui me semblait la plus efficace
00:33:41en tout cas pour les petites
00:33:44donc c'était le matin
00:33:50elle était très tôt
00:33:51je sais maintenant que j'étais vraiment dissociée
00:33:59de la réalité
00:34:00que je m'égarais dans tous les sens
00:34:04et que j'arrivais plus à réfléchir
00:34:07la souffrance elle était tellement énorme
00:34:14que même l'idée de respirer
00:34:17ça m'était insupportable
00:34:18donc j'ai commencé par prendre des médicaments
00:34:26puis j'ai été préparée deux biberons
00:34:31pour chacune
00:34:33j'ai écrasé des médicaments
00:34:37que j'ai mis dans les biberons
00:34:38assez bien pour être sûre qu'elles se réveillent pas
00:34:42et j'ai été posée dans leur petit lit
00:34:48mais j'ai eu peur
00:34:54j'ai eu peur qu'elles boivent ces biberons
00:34:59et qu'au lieu de s'en aller
00:35:02elles finissent soit handicapées
00:35:06soit avec des graves séquelles dans le cerveau
00:35:09donc j'ai repris un peu de
00:35:16je sais pas comment expliquer
00:35:19j'ai eu un moment de lucidité
00:35:21et j'ai été retirée des biberons
00:35:22et quand j'ai été retirée des biberons
00:35:27l'idée de les laisser seules
00:35:29je me suis sentie encore plus mal
00:35:34et du coup
00:35:36je me suis ouvert les veines
00:35:38pour essayer que ça finisse le plus vite possible
00:35:42et avant ça j'ai été leur faire un dernier bisou
00:35:52donc je leur ai rappelé combien je les aimais
00:35:56et je leur ai fait un gros calais
00:36:00et je leur ai demandé pardon
00:36:03mais voilà
00:36:09j'habitais dans un appartement
00:36:29et en face
00:36:30il y avait la maîtresse d'Aurore
00:36:33nous avions des bons contacts
00:36:40et ce jour là
00:36:42évidemment j'avais pas mis Aurore à l'école
00:36:44elle s'en est inquiétée
00:36:46elle a senti qu'il y avait quelque chose qui se passait
00:36:48peut-être qu'inconsciemment
00:36:52elle avait remarqué
00:36:54et que j'allais pas si bien que ça
00:36:57du coup elle avait les clés de la maison
00:37:00de l'appartement
00:37:02et sur son temps de midi elle est venue voir
00:37:05si tout allait bien et c'est elle qui m'a trouvé inconsciente
00:37:12et de quoi elle a appelé l'ambulance
00:37:14bien sûr la précarité
00:37:43la solitude
00:37:45les mères seules
00:37:46les difficultés professionnelles
00:37:48etc
00:37:48au sens le plus vital du terme
00:37:51si je puis dire
00:37:52peuvent jouer un rôle
00:37:53parce que les gens sont d'autant plus seuls
00:37:55et que quand tu es très seul
00:37:56tu peux être amené à commettre des gestes épouvantables
00:37:59mais
00:38:00ça se passe aussi dans les meilleurs milieux
00:38:03entre guillemets
00:38:04où on a l'impression que tout va très bien
00:38:08que tout est lisse
00:38:09et bien sûr
00:38:10à côté de ça on a des femmes qui
00:38:14ne sont peut-être pas armées non plus
00:38:16pour des questions d'héritage
00:38:20pour affronter certaines difficultés de la vie
00:38:22là où d'autres pourraient trouver les leviers
00:38:26et je pense qu'on est face à cela
00:38:28et je crois que dans tous les milieux sociaux
00:38:30on peut être désarmé aussi
00:38:32faute d'avoir hérité des ressources
00:38:35et des ressorts
00:38:36et des armes qui nous permettent en fait
00:38:38de pouvoir affronter des situations
00:38:40compliquées
00:38:43il y a toujours une transmission parentale
00:38:49aux enfants
00:38:50les grands-parents
00:38:51il y a toujours une transmission
00:38:54moi je ne pense pas qu'on est avec un tempérament
00:38:57un caractère
00:38:58on se le forge
00:38:58par rapport à l'environnement
00:39:00dans lequel on évolue
00:39:01dans lequel on grandit
00:39:02moi j'ai un tempérament très résigné
00:39:05très fataliste
00:39:06mais c'est vrai que petite
00:39:07moi j'étais dans un contexte un peu violent
00:39:10et je m'y suis accommodée
00:39:13et c'est vrai qu'après
00:39:14je me suis mariée
00:39:16j'étais amoureuse d'un gars violent
00:39:18et bon à un moment donné
00:39:21j'ai quand même mis 10 ans
00:39:22pour dire stop
00:39:24pour partir
00:39:24je n'ai jamais parlé à mes parents
00:39:26je n'ai jamais parlé à mes soeurs
00:39:28parce que ça ne se disait pas
00:39:29ça ne se faisait pas
00:39:30et moi j'étais comme ça
00:39:32la vie elle me donne ça
00:39:34et je suis obligée de prendre ça
00:39:36et bon inconsciemment
00:39:38je l'ai transmis à ma fille
00:39:39et peut-être que
00:39:44voilà
00:39:45en mettant fin à sa vie
00:39:48en mettant fin à la vie à Valentin
00:39:50elle a coupé
00:39:51elle a coupé ce processus familial
00:39:54dans lequel on était
00:39:55dans un engrenage infernal
00:39:57mais voilà
00:40:00à un moment donné
00:40:01c'est un moyen de survie
00:40:03la mort c'est un moyen de survie
00:40:07d'arrêter tout ça
00:40:09tu m'arrêtes quand tu veux
00:40:26toi tu t'es déjà posé la question
00:40:29ou aussi sur les violences
00:40:31sexuelles ?
00:40:33sur moi ?
00:40:35tu te rappelles la première fois
00:40:35où on en a parlé ?
00:40:37non
00:40:37parce qu'il s'était passé du tout
00:40:38dans la voiture
00:40:39parce que je t'ai demandé
00:40:41pourquoi tu t'es déjà posé des questions
00:40:42c'est quand tu gigoutais
00:40:45dans la voiture ?
00:40:46c'est délicat la parole
00:41:04ça coûte cher à ceux qui la livrent
00:41:07toutes ces femmes acceptent de répondre à mes questions
00:41:10pour la même raison
00:41:11l'espoir d'en sauver d'autres
00:41:12mais c'est dur de les observer
00:41:15en train de regarder dans le rétroviseur
00:41:17j'ai porté plainte plusieurs fois
00:41:28mais c'est toujours resté sans réponse de la police
00:41:31alors j'ai fui de l'autre côté de la France
00:41:35et là aussi il m'a retrouvée
00:41:37j'ai appelé les gendarmes
00:41:39pour leur dire qu'il était là
00:41:40devant l'école de mes enfants
00:41:41qu'il était dangereux
00:41:43et un d'eux m'a rappelé une heure plus tard
00:41:46après être passé lui parler
00:41:47il m'a dit
00:41:48vous savez c'est pas un mauvais bougre
00:41:50il avait le don de manipuler les gens
00:41:52même après avoir rencontré une nouvelle femme
00:41:55il continuait de venir chez moi
00:41:57il cassait ma porte d'entrée
00:41:59il rentrait par le balcon
00:42:01il me disait
00:42:01tu vois
00:42:02tu seras toujours à moi
00:42:04comme si j'étais un meuble
00:42:06j'ai redéménagé
00:42:09pour être près de chez mes parents
00:42:11parce que je m'en sortais pas toute seule
00:42:13et là aussi
00:42:14il m'a retrouvée
00:42:16on vivait dans la peur
00:42:19tout le temps
00:42:21le petit grandissait
00:42:24il avait un comportement difficile
00:42:26il cassait ses jouets
00:42:27il faisait des terreurs nocturnes
00:42:30quand il a eu 6 ans
00:42:31l'autre
00:42:35s'est pointé
00:42:36à la maison
00:42:37et il a demandé à le voir de temps en temps
00:42:39on venait de fêter l'anniversaire du petit
00:42:43et on avait fait une pêche à la ligne
00:42:44dans le jardin avec ses copains
00:42:45j'ai demandé à la psy son avis
00:42:48elle a dit que ça pourrait être bien
00:42:50qu'il passe du temps avec lui
00:42:52il l'a pris un week-end
00:42:54puis un deuxième
00:42:55et un jour
00:42:57alors qu'il l'avait
00:42:58ça sonne à la porte
00:42:59vers midi
00:43:00c'était mon petit garçon
00:43:02tout seul
00:43:03l'autre était déjà en train de repartir
00:43:05et il a juste crié
00:43:06vous pouvez le prendre
00:43:08j'en ai plus besoin
00:43:09de toute façon
00:43:09je vais en avoir un autre bientôt
00:43:10voilà
00:43:13et il ne l'a plus jamais revu
00:43:15il l'avait utilisé
00:43:17jeté comme un objet
00:43:18comme il avait fait avec moi
00:43:20dans le processus
00:43:27cela qui peut être lent
00:43:29et insidieux
00:43:31de cette souffrance
00:43:32c'est une sorte de tempête permanente
00:43:34qui vient comme ça s'aggraver
00:43:36imaginez vous êtes dans des creux
00:43:38de 4 mètres
00:43:38dans le noir complet
00:43:39et il n'y a pas d'issue
00:43:41il n'y a pas de perspective
00:43:42vous avez perdu le contact
00:43:43avec la tour de contrôle
00:43:44avec le port
00:43:45vous êtes seul
00:43:45avec l'enfant
00:43:47et donc du coup
00:43:48s'il n'y a qu'une seule solution
00:43:52envisagée
00:43:52c'est-à-dire
00:43:53un événement sur lequel
00:43:54vous pourriez avoir prise
00:43:56avec l'illusion
00:43:57de retrouver quelque chose
00:43:59de l'ordre
00:43:59d'un libre arbitre
00:44:01c'est-à-dire
00:44:02d'un choix des possibles
00:44:03c'est la mort
00:44:04je ne peux pas arrêter
00:44:06la tempête
00:44:06par contre
00:44:07je peux arrêter
00:44:09la sensation de tempête
00:44:10je peux arrêter
00:44:11la douleur de la tempête
00:44:13je peux arrêter
00:44:15de vivre la tempête
00:44:16en me tuant
00:44:17et donc du coup
00:44:18le suicide
00:44:19devient
00:44:20la seule issue
00:44:22envisagée
00:44:23envisageable
00:44:23et accessible
00:44:25elle se dit
00:44:26je ne supporte plus cette vie
00:44:28je veux mettre fin à mes jours
00:44:29ça c'est la première
00:44:30c'est la première idée
00:44:31qui émerge chez elle
00:44:32mais ensuite
00:44:33la deuxième idée
00:44:34qui émerge chez elle
00:44:35c'est qu'est-ce que je fais
00:44:36de mon enfant
00:44:36et en définitive
00:44:39puisqu'il existe un lien
00:44:40souvent dans ces dossiers-là
00:44:41fusionnel avec l'enfant
00:44:43symbiotique
00:44:44ce lien fusionnel
00:44:46combiné à la souffrance
00:44:47de cette mère
00:44:48va faire qu'elle va prendre
00:44:49la décision de ne pas
00:44:50l'abandonner
00:44:50et de partir avec lui
00:44:51la conviction de ces femmes
00:44:53au moment où elles
00:44:54tuent leur enfant
00:44:55c'est qu'il n'y a pas
00:44:56d'autre choix
00:44:57pour elle
00:44:58et pour l'enfant
00:44:59c'est pour ça que c'est
00:45:00très important
00:45:01et pour l'enfant
00:45:02dont elles se vivent
00:45:04d'ailleurs à ce moment-là
00:45:04comme très souvent
00:45:06protectrices
00:45:07aussi paradoxales que ce soit
00:45:09que de quitter la vie
00:45:11il n'y a pas d'autre
00:45:14possibilité pour elle
00:45:16j'allais dire
00:45:17pour protéger
00:45:18l'enfant
00:45:20d'un malheur
00:45:21qui est bien plus grand
00:45:22s'il devait rester vivant
00:45:25dans ces affaires-là
00:45:26l'accusé et la victime
00:45:28sont indissolublement liés
00:45:31avant
00:45:34pendant
00:45:36et après
00:45:37le passage à l'acte
00:45:40on peut pas les séparer
00:45:43et on a des mères
00:45:48en faux self
00:45:49c'est-à-dire
00:45:50qui ont ce vernis extérieur
00:45:51de perfection
00:45:52qui sont très détendues
00:45:54parce qu'elles ont déjà
00:45:55pris la décision
00:45:55elles ont l'idée
00:45:57du suicide élargi
00:45:58c'est-à-dire
00:45:59de l'infanticide
00:46:00qui s'est imposé
00:46:01et au moment
00:46:02où on est dans la tempête
00:46:04avec des creux
00:46:05de 10 mètres
00:46:06dans le noir
00:46:06et qu'on a très froid
00:46:07et qu'on est mouillé
00:46:08et qu'on prend la décision
00:46:10de se tuer
00:46:11et bien c'est marrant
00:46:12mais du coup
00:46:13on vit mieux la tempête
00:46:14on est détendu
00:46:16on va engager
00:46:18la planification
00:46:19du passage à l'acte
00:46:21tel jour
00:46:21telle heure
00:46:22par que les circonstances
00:46:23s'y prêtent
00:46:24on va récupérer
00:46:25son gamin
00:46:25à la sortie de l'école
00:46:26aller à un endroit
00:46:28qu'on aimait bien
00:46:29où on a partagé
00:46:30des moments particuliers
00:46:31ou sinon à l'hôtel
00:46:32parce que c'est isolé
00:46:33qu'on est sûr
00:46:33que personne ne nous trouvera
00:46:34et puis ensuite
00:46:36on met en place la séquence
00:46:37mais même si vous êtes encore
00:46:39dans les creux de 12 mètres
00:46:40à partir du moment
00:46:41où vous avez pris la décision
00:46:42et que vous avez
00:46:43la perspective
00:46:44que vous la tenez bien en main
00:46:46en termes de planification
00:46:47de mettre fin à la douleur
00:46:48apaisement
00:46:50je ne ressens plus le froid
00:46:51je ne ressens plus la nuit
00:46:53je ne ressens plus la douleur
00:46:54mon aîné est parti
00:46:58faire ses études
00:46:59et mon petit garçon
00:47:01lui
00:47:01il grandissait
00:47:03quelques semaines
00:47:04avant le drame
00:47:05j'ai fini
00:47:06aux urgences psychiatriques
00:47:08je sentais que je partais
00:47:11que je tenais plus
00:47:12ils m'ont gardé
00:47:14quelques heures
00:47:15et ils m'ont laissé sortir
00:47:17avec un mot
00:47:18où il y avait écrit
00:47:18tendance suicidaire
00:47:20sans ordonnance
00:47:22rien
00:47:22je ne comprenais plus rien
00:47:25et puis
00:47:27mon fils
00:47:28s'est mis à changer
00:47:30de comportement
00:47:31il n'arrêtait pas de dire
00:47:33qu'il voulait tuer son père
00:47:34je ne voulais pas
00:47:36qu'il finisse en prison
00:47:37je le voyais
00:47:39décrépire
00:47:40j'avais l'impression
00:47:42qu'il allait mal finir
00:47:43qu'il souffrirait
00:47:45toute sa vie
00:47:52parfois
00:47:55ces femmes sont réanimées
00:47:57ça a été le cas d'Hélène
00:47:59l'enquête n'avait pas encore été ouverte
00:48:01alors Blanche et Alexia
00:48:03ont été autorisées à la voir
00:48:04et puis
00:48:06peu de temps après leur visite
00:48:07le jour de l'enterrement de Valentin
00:48:10Hélène s'est pendue
00:48:11dans sa chambre d'hôpital
00:48:12il y a le psychiatre
00:48:18qui nous a téléphoné
00:48:19et qui nous a permis de la voir
00:48:20donc on l'a vu deux fois
00:48:22on a vu Hélène deux fois
00:48:24et
00:48:25pour elle
00:48:26voilà
00:48:27elle avait fait
00:48:29ce qu'il fallait faire
00:48:30qu'il n'y avait rien d'autre
00:48:31comme solution
00:48:31et qu'elle ne comprenait pas
00:48:33comment elle avait pu se rater
00:48:34parce qu'elle était infirmière
00:48:36donc quand même
00:48:36elle savait
00:48:37comment elle aurait pu
00:48:38en finir
00:48:39Vous vous souvenez de la première question
00:48:43que vous lui avez posée
00:48:43quand vous êtes arrivée
00:48:44dans la chambre ?
00:48:46Moi je lui ai demandé d'abord
00:48:47comment elle allait
00:48:47et elle m'a dit
00:48:48ah mais ça va
00:48:50j'ai connu vraiment pire
00:48:52Elle était soulagée ?
00:48:54Oui
00:48:54très soulagée
00:48:55complètement sereine
00:48:56et même à un moment donné
00:48:59il y a la juge
00:48:59qui l'a interrogée
00:49:01qui lui a dit
00:49:02bon
00:49:02comment vous voyez votre avenir ?
00:49:04Elle a dit
00:49:05pendue au bout d'une corde
00:49:07c'était sa fin à elle
00:49:08c'était
00:49:09il n'y avait que ça
00:49:10je veux dire
00:49:11c'était la solution
00:49:13la solution
00:49:14Je pense que c'était nécessaire
00:49:17de l'avoir vue
00:49:18d'avoir entendu de sa bouche
00:49:22ses justifications
00:49:26pourquoi elle a fait ça
00:49:28pourquoi elle pensait
00:49:29bon de faire ça
00:49:31après même quand elle
00:49:35ça ne servait à rien
00:49:37de lutter
00:49:38quand elle m'a dit
00:49:40quand elle m'a dit
00:49:41mais c'est pour son bien
00:49:43j'avais pas d'autre choix
00:49:47qu'est-ce que tu veux dire ?
00:49:49Elle est là
00:49:50sous écrou
00:49:52en psychiatrie
00:49:53ça ne sert à rien
00:49:55d'essayer
00:49:56de dire
00:49:57mais non
00:49:58tu as tort
00:49:59en fait
00:49:59tu t'es trompée
00:50:00non
00:50:02c'est trop tard
00:50:05de toute façon
00:50:05donc bon
00:50:07Hélène
00:50:13elle a fait
00:50:13ce qu'elle a cru
00:50:14bien faire
00:50:15C'était un lundi soir
00:50:41la veille de la rentrée
00:50:45j'avais préparé
00:50:46son cartable
00:50:47j'avais tourné en rond
00:50:50toute la journée
00:50:51et
00:50:53je regardais
00:50:54ce cartable
00:50:55et je me suis dit
00:50:58je vais pas y arriver
00:51:00pas une année de plus
00:51:01il faut qu'on parte
00:51:03j'étais là
00:51:06mais
00:51:06pas là
00:51:08j'ai écrit une lettre
00:51:10pour mes parents
00:51:11j'ai mis
00:51:12deux petits anges
00:51:13dedans
00:51:14et des photos
00:51:15j'ai préparé
00:51:20un cocktail
00:51:20de médicaments
00:51:21quand mon fils
00:51:25est arrivé
00:51:25j'ai dit que
00:51:26c'était un vaccin
00:51:27qu'il fallait prendre
00:51:28par la bouche
00:51:28il s'est endormi
00:51:32je pleurais
00:51:36je pleurais
00:51:36je pleurais
00:51:38je hurlais
00:51:39et
00:51:41tout à coup
00:51:43j'ai eu peur
00:51:46qu'il ne meure pas
00:51:47j'avais pas prévu ça
00:51:51alors je lui ai taillé
00:51:55les veines
00:51:55je l'ai tenu dans mes bras
00:51:58sur mon coeur
00:52:00jusqu'au dernier instant
00:52:02je lui répétais que je l'aimais
00:52:05que je l'aimais très fort
00:52:06qu'on allait se retrouver
00:52:07très vite
00:52:07très vite
00:52:08et
00:52:09quand c'était fait
00:52:14j'ai avalé
00:52:15les médicaments
00:52:16je me suis ouvert
00:52:19les poignets
00:52:19je me suis ouvert
00:52:21le ventre
00:52:22j'ai tout tailladé
00:52:23j'ai tenté
00:52:24de me pendre
00:52:25et puis
00:52:26je suis tombée
00:52:26dans le noir
00:52:27j'avais plus peur
00:52:31j'étais tellement soulagée
00:52:33et puis
00:52:36je me suis réveillée
00:52:37plusieurs jours plus tard
00:52:39d'un coma
00:52:39et c'est là
00:52:41qu'on m'a expliqué
00:52:42que j'étais en garde à vue
00:52:43on a beaucoup
00:52:54comme ça
00:52:54de suicides
00:52:56réalisés
00:52:57avec réanimation
00:52:59de l'auteur
00:53:00du suicide élargi
00:53:01ce qui vient
00:53:03ramener
00:53:04l'agresseur
00:53:05l'auteur
00:53:06la mère
00:53:07à une situation
00:53:08absolument horrible
00:53:09d'être
00:53:10le survivant
00:53:11d'un homicide
00:53:13c'est-à-dire
00:53:13du meurtre
00:53:14de son enfant
00:53:14alors qu'elle avait
00:53:16envisagé de disparaître
00:53:17avec son enfant
00:53:18elle se retrouve
00:53:20seule
00:53:20sans son enfant
00:53:21ça veut dire que
00:53:22non seulement
00:53:23vous n'êtes pas mort
00:53:24mais qu'en plus
00:53:25vous devez
00:53:25en vie
00:53:26supporter
00:53:27le chagrin
00:53:28d'avoir tué
00:53:28la personne
00:53:29que vous aimiez
00:53:29le plus au monde
00:53:30bien les mères
00:53:31qui sont dans
00:53:32ces situations-là
00:53:33en tout cas
00:53:33celles que j'ai défendues
00:53:36ou que j'ai accompagnées
00:53:39et qui n'auront pas
00:53:41de procès
00:53:41c'est pour ça
00:53:42qu'il faut pouvoir
00:53:42parler de ces mères-là
00:53:43parce qu'il n'y aura
00:53:44jamais de procès
00:53:45elles n'ont pas
00:53:46survécu à ça
00:53:47aucune
00:53:48voilà
00:53:49un jour
00:53:51je me souviendrai
00:53:51toute ma vie
00:53:52j'étais en rendez-vous
00:53:53dans mon cabinet
00:53:55avec
00:53:56c'est un pompier
00:53:57d'ailleurs
00:53:57je ne sais plus
00:53:58pourquoi il venait me voir
00:53:58mais il a compris
00:54:00et mon téléphone
00:54:02ma secrétaire
00:54:02m'a passé quelqu'un
00:54:03en me disant
00:54:03c'est important
00:54:04c'était le mari
00:54:05de cette dame
00:54:05qui m'a dit
00:54:08voilà
00:54:08maître
00:54:08elle n'est pas revenue
00:54:10à l'hôpital
00:54:11on l'a cherché
00:54:13et
00:54:14on vient la retrouver
00:54:17elle est morte
00:54:19on l'a trouvée
00:54:20elle s'est jetée
00:54:21à la mer
00:54:21à Palavas
00:54:23elle s'est jetée
00:54:24dans les rochers
00:54:25elle s'est noyée
00:54:26et la mer
00:54:27vient de rendre
00:54:27son corps
00:54:28sur la plage
00:54:30je ne l'ai pas bien vécu
00:54:32je dois bien le dire
00:54:35je ne l'ai pas bien vécu
00:54:37parce qu'on met toute son énergie
00:54:39de femme
00:54:40de mère
00:54:42moi j'étais mère
00:54:43depuis pas longtemps
00:54:44aussi
00:54:44je mesurais tout ça
00:54:49mais ça parle toujours
00:54:50de nous
00:54:50ces affaires là
00:54:53il faut pouvoir
00:54:54se préparer
00:54:55à la mort
00:54:56de celui qu'on défend
00:54:57parce que
00:54:59on peut le défendre
00:55:01contre les autres
00:55:03mais on ne peut jamais
00:55:04les défendre
00:55:04contre eux-mêmes
00:55:05voilà
00:55:06pendant un rendez-vous
00:55:10avec deux policières
00:55:10d'une brigade de mineurs
00:55:11près de Paris
00:55:12l'une d'elles
00:55:13m'a dit quelque chose
00:55:14qui m'a marqué
00:55:15elle m'a expliqué
00:55:16que si la mer y passait
00:55:18tout le monde pleurait
00:55:19et on organisait
00:55:20des marches blanches
00:55:21mais si elle survivait
00:55:23alors elle prendrait 20 ans
00:55:25ça m'a semblé absurde
00:55:28à elle aussi je crois
00:55:29demain
00:55:31je vais rencontrer
00:55:32Fabienne et Florence
00:55:33elles ont été jurées
00:55:35dans un procès d'infanticide
00:55:36en Belgique
00:55:36il y a 15 ans
00:55:37elles sont restées amies
00:55:39depuis
00:55:39elles disent qu'il n'y a
00:55:41qu'entre elles
00:55:42qu'elles peuvent parler
00:55:42de tout ça
00:55:43d'avoir dû juger
00:55:44une femme qui avait coulé
00:55:45et de rentrer
00:55:45embrasser leurs propres
00:55:46enfants le soir
00:55:47je me suis demandé
00:55:49l'écho que ça peut avoir
00:55:50dans une vie
00:55:51un rôle pareil
00:55:52moi j'ai été
00:56:05très surprise
00:56:07en la voyant arriver
00:56:08dans le box
00:56:08j'ai une expression
00:56:11qui m'est arrivée en tête
00:56:12c'était
00:56:13c'est un oiseau
00:56:14pour le chat
00:56:15c'était une petite femme
00:56:17pratiquement transparente
00:56:20très petite
00:56:22très menue
00:56:23c'est pas l'image
00:56:25qu'on attend
00:56:27par rapport aux actes
00:56:29qui ont été commis
00:56:29c'était une femme
00:56:31qui avait l'air
00:56:32si fragile
00:56:33on allait devoir
00:56:35juger une maman
00:56:38sur son rôle
00:56:39et du coup
00:56:42ça nous ramenait
00:56:43à nous
00:56:43à notre entourage
00:56:46et psychologiquement
00:56:48moi
00:56:48c'était surtout ça
00:56:49au fur et à mesure
00:56:53du procès
00:56:54on s'est rendu compte
00:56:54que cette femme
00:56:55était une maman
00:56:56exemplaire
00:56:57avec ses enfants
00:56:58donc ça devenait
00:57:00de plus en plus
00:57:01ahurissant
00:57:03pour nous
00:57:04et malgré
00:57:06l'aide
00:57:08qu'elle a demandé
00:57:09personne n'a répondu
00:57:12donc elle a dû
00:57:15se sentir encore
00:57:15plus seule
00:57:16une petite intervention
00:57:18extérieure
00:57:20aurait peut-être pu
00:57:21casser ce processus
00:57:23il n'y a rien
00:57:24qui s'est passé
00:57:25il n'y a rien
00:57:26qui est intervenu
00:57:27vous aviez l'impression
00:57:28qu'elle allait servir
00:57:29d'exemple
00:57:29au moment où vous étiez
00:57:30sur le procès
00:57:30ou pas ?
00:57:32non
00:57:33non
00:57:34exemple
00:57:35de punition
00:57:36oui
00:57:36la société
00:57:37l'a punie
00:57:39ça
00:57:41dès le départ
00:57:42ça
00:57:42oui
00:57:46moi je pense
00:57:48que la société
00:57:49n'était pas prête
00:57:50à faire
00:57:51un
00:57:51un procès
00:57:53en profondeur
00:57:54et gratter
00:57:56le dossier
00:57:56jusqu'au bout
00:57:58jusqu'à
00:57:59jusqu'à l'os
00:58:00pour voir
00:58:00qu'est-ce qu'il y avait
00:58:02d'autre
00:58:04derrière
00:58:05cette affaire
00:58:07mais bon
00:58:09il y a
00:58:09est-ce que ça
00:58:11a évolué
00:58:12toute cette
00:58:13toute cette approche
00:58:15de la
00:58:15de la souffrance
00:58:17qu'une mère
00:58:17peut avoir
00:58:18pendant sa maternité
00:58:20je pense que bon
00:58:21il y a eu
00:58:2220 ans
00:58:22qui sont passés
00:58:23donc
00:58:24j'espère que
00:58:26la société
00:58:27a appris
00:58:27de tout ça
00:58:30une cour d'assises
00:58:35c'est un endroit
00:58:35
00:58:36forcément
00:58:37comme on va
00:58:37juger
00:58:39vous savez
00:58:40c'est cette phrase
00:58:41qui dit
00:58:41il faut
00:58:43comprendre
00:58:46pour juger
00:58:47mais si on comprend
00:58:49vraiment
00:58:49on ne peut plus juger
00:58:50parce qu'on comprend trop
00:58:51donc il y a une espèce
00:58:52de complexité des choses
00:58:53et je crois que ces femmes-là
00:58:55elles essaient de
00:58:56elles essaient de se faire
00:58:57comprendre à elles-mêmes
00:58:58les choses
00:58:59et de faire passer ça
00:59:00le monstre d'abord
00:59:01ça n'existe pas
00:59:02le monstre c'est celui
00:59:02qu'on montre
00:59:03c'est peut-être parce qu'on a
00:59:05tous quelque chose
00:59:06à se rapprocher
00:59:06en tant que mère
00:59:07et que finalement
00:59:09dans un procès d'assises
00:59:11cette mère-là
00:59:12qui est l'emblème absolu
00:59:13de la mauvaise mère
00:59:13on va projeter sur elle
00:59:15tout
00:59:15comme une forme
00:59:16de bouc émissaire
00:59:17et qu'à la fin
00:59:18on la condamne
00:59:19terriblement
00:59:20toutes les mères du monde
00:59:20sont rachetées
00:59:21j'ai eu un cas
00:59:22il y a quelques années
00:59:23
00:59:24donc
00:59:28ma cliente
00:59:29est accusée
00:59:29d'avoir donné la mort
00:59:30à son fils
00:59:31donc on arrive
00:59:32sur cette audience
00:59:33et d'emblée
00:59:34je vois que la présidente
00:59:35se focalise
00:59:36essentiellement
00:59:36sur les faits
00:59:38et lorsqu'elle donne
00:59:39la parole
00:59:40à ma cliente
00:59:41et que ma cliente
00:59:43tente d'expliquer
00:59:44que
00:59:45sa vie de couple
00:59:47la violence
00:59:48qu'elle a subie
00:59:49l'abandon
00:59:51du père de famille
00:59:52ont pu avoir
00:59:53un rôle déterminant
00:59:54dans cette décision
00:59:56de passer à l'acte
00:59:57la présidente
00:59:58tout de suite
00:59:58disait
00:59:58mais c'est pas le sujet
00:59:59madame
00:59:59vous cherchez
01:00:01à minimiser
01:00:02votre responsabilité
01:00:02alors que c'est pas du tout
01:00:03le cas
01:00:03on explique simplement
01:00:05que c'est
01:00:06la vérité
01:00:07c'est une vérité
01:00:07qu'il faut entendre
01:00:08et la difficulté
01:00:10c'est que ça
01:00:11ça renvoie aussi
01:00:12aux failles du système
01:00:14que finalement
01:00:15ça contribue
01:00:16à alimenter
01:00:17ce sentiment d'impunité
01:00:17de tous ces hommes
01:00:18ben à l'hôpital
01:00:35quand je me suis réveillée
01:00:36j'étais juste très triste
01:00:39et toujours en vie
01:00:40en fait
01:00:40je pensais que c'était fini
01:00:45mais là j'avais juste
01:00:49l'impression
01:00:49d'avoir ajouté
01:00:50un problème en plus
01:00:51mais j'étais soulagée
01:00:58de savoir
01:00:59que les filles
01:00:59allaient bien
01:01:00par contre
01:01:00je regrettais vraiment
01:01:03pas d'avoir été
01:01:04enlevé leur brion
01:01:05c'était la meilleure chose
01:01:07que j'ai faite
01:01:08alors on m'a posé des questions
01:01:16bien évidemment
01:01:17et puis on m'a envoyé
01:01:19une psychologue
01:01:20Sophie
01:01:22on a discuté longuement
01:01:27elle m'a surtout fait comprendre
01:01:30que j'avais le droit
01:01:31d'aller mal
01:01:31et c'était la première fois
01:01:32de ma vie
01:01:33qu'on m'entourisait
01:01:34à aller mal
01:01:34surtout elle m'a fait confiance
01:01:37j'ai vu qu'elle me faisait confiance
01:01:40j'ai vu qu'elle
01:01:41qu'elle croyait
01:01:42en ce que je lui racontais
01:01:44et du coup
01:01:48je lui ai fait confiance aussi
01:01:49elle a compris
01:01:52que pour sauver les filles
01:01:53il fallait d'abord
01:01:54me sauver moi
01:01:55pourquoi tu as parlé
01:01:59des buberons
01:02:00à la psychologue ?
01:02:05parce que j'avais peur
01:02:06un jour
01:02:08de le refaire
01:02:10et parce que
01:02:13je culpabilisais
01:02:14j'avais besoin d'en parler
01:02:15j'avais besoin de dire
01:02:16ce que j'avais voulu faire
01:02:18comme si ça allait enlever
01:02:21le poids que je portais en moi
01:02:24de culpabilité
01:02:25et j'avais honte
01:02:27et surtout
01:02:30j'avais compris que
01:02:32c'était peut-être pas
01:02:34une bonne idée
01:02:36il valait peut-être mieux en parler
01:02:39pour être sûre
01:02:40de ne pas avoir ces idées
01:02:41là justement
01:02:41donc
01:02:45elle a compris
01:02:46que j'étais surtout
01:02:47très fatiguée
01:02:48et elle m'a parlé
01:02:50elle m'a proposé
01:02:51elle m'a parlé
01:02:53des familles d'accueil
01:02:54elle m'a rassurée aussi
01:02:58sur le fait
01:02:58qu'on les choisirait bien ensemble
01:03:00et j'ai pu lâcher prise
01:03:06elle m'a autorisée
01:03:07à penser à moi
01:03:09sans me juger
01:03:11elle a surtout compris
01:03:14que j'aimais mes enfants
01:03:14par-dessous de tout
01:03:15mais que
01:03:16j'avais besoin d'aller mieux
01:03:17pour aller mieux pour elle
01:03:18et je me sentais moins sale
01:03:23du coup
01:03:23j'avais l'impression
01:03:25d'avoir quelqu'un
01:03:26qui me comprenait
01:03:27pour une fois
01:03:27et pendant cette période
01:03:32j'ai compris que
01:03:33que j'étais
01:03:34coupable de rien
01:03:35mais plutôt victime
01:03:37j'ai pu aider
01:03:39écouter
01:03:40comprise
01:03:42j'ai pu faire la paix
01:03:44avec moi-même
01:03:45j'ai pu apprendre
01:03:50à m'aimer
01:03:51à m'accepter
01:03:55comme j'étais
01:03:55et je me suis sentie
01:04:02de nouveau prête
01:04:03à reprendre une vie à trois
01:04:04donc j'ai eu ce besoin
01:04:06de partir
01:04:08reprendre les petites
01:04:09de rentrer à la maison
01:04:10et de revivre comme avant
01:04:14comme quand c'était beau
01:04:16comme quand j'étais forte
01:04:19et toutes ces années
01:04:22qui ont suivi ce jour-là
01:04:23on a vécu des choses
01:04:24formidables
01:04:25voilà
01:04:30on est dans un paradoxe absolu
01:04:41où on veut protéger
01:04:42les enfants
01:04:42mais
01:04:43on a du mal
01:04:45à envisager
01:04:46la question de la mère
01:04:46la mère est toujours
01:04:47soit très très bonne
01:04:49soit une sorcière
01:04:50être mère c'est une sacrée responsabilité
01:04:52être parent en général
01:04:53mais être mère encore plus
01:04:55et donc du coup
01:04:56de pouvoir
01:04:56diminuer
01:04:58réduire
01:04:59la culpabilité
01:05:00de se sentir
01:05:01en difficulté
01:05:02en tant que mère
01:05:02voire d'éprouver
01:05:03de l'agressivité
01:05:04contre son enfant
01:05:05tiens
01:05:06régulièrement
01:05:07une maman
01:05:09épuisée
01:05:10par son enfant
01:05:11qui me dit
01:05:11des fois
01:05:11j'ai envie de le balancer
01:05:13par la fenêtre
01:05:13super
01:05:15c'est verbalisé
01:05:17et je lui dis
01:05:18c'est cool
01:05:18c'est normal
01:05:19alors
01:05:20à la fois cette idée
01:05:22et de le verbaliser
01:05:23c'est bon signe
01:05:24vous voyez
01:05:24par contre
01:05:25d'y penser
01:05:27de se rapprocher
01:05:28de la fenêtre
01:05:29de regarder
01:05:30si c'est assez haut
01:05:30c'est un problème
01:05:32vous voyez
01:05:32un
01:05:33on doit envisager
01:05:34qu'une maman
01:05:35puisse aller mal
01:05:35en tant que mère
01:05:36et deux
01:05:37à partir du moment
01:05:38où on l'envisage
01:05:39on doit penser
01:05:40que l'enfant
01:05:41puisse être en danger
01:05:42parce que la culpabilité
01:05:44c'est le pire obstacle
01:05:46c'est à dire que
01:05:46si je pense
01:05:47que d'envisager
01:05:49d'avoir pensé
01:05:49tuer mon enfant
01:05:50c'est honteux
01:05:51je ne peux en parler
01:05:52à personne
01:05:52mais la honte
01:05:54malheureusement
01:05:56la soeur du secret
01:05:57du silence
01:05:58et donc du coup
01:05:59ça enferme finalement
01:06:00le sujet
01:06:00dans sa difficulté
01:06:02sa souffrance
01:06:03et son symptôme
01:06:04donc à condition
01:06:05à condition de pouvoir
01:06:06rassurer
01:06:07d'abord
01:06:07ces mères
01:06:09sur l'idée
01:06:10que c'est compliqué
01:06:10c'est difficile
01:06:11et qu'à certains moments
01:06:12elles puissent être
01:06:12en difficulté
01:06:13on peut effectivement
01:06:15proposer des espaces
01:06:16neutres
01:06:17anonymes
01:06:18bienveillants
01:06:19d'écoute
01:06:20et d'orientation
01:06:21par des professionnels
01:06:22aguerris
01:06:22la question c'est
01:06:23vous allez très très mal
01:06:25et c'est légitime
01:06:26quand on va très très mal
01:06:28de penser
01:06:29que ça puisse s'arrêter
01:06:31avec le suicide
01:06:32c'est légitime
01:06:34c'est naturel
01:06:35et dans l'évolution
01:06:36de la dépression
01:06:37il y a cette perspective
01:06:38qui se dessine
01:06:39systématiquement
01:06:39pour tous les êtres humains
01:06:41donc vous êtes normal
01:06:42vous êtes quelqu'un de normal
01:06:43et en plus
01:06:45comme vous êtes très attaché
01:06:47à certaines personnes
01:06:47il se peut
01:06:49que vous ayez pensé
01:06:50que vous ayez envisagé
01:06:52de les emmener avec vous
01:06:53demandez à une jeune maman
01:06:55est-ce que vous avez déjà pensé
01:06:56à tuer votre enfant
01:06:58aujourd'hui
01:06:59je pense que
01:07:00quasi personne
01:07:01ne l'envisage
01:07:02et ne le fait
01:07:03pourtant ça fait partie
01:07:04du dépistage
01:07:05chère Sophia
01:07:25merci pour ta lettre
01:07:28mon papa est mort
01:07:30j'ai croisé la directrice
01:07:33de la prison
01:07:33qui m'a demandé
01:07:34s'il m'avait pardonné
01:07:35il n'y a pas à pardonner
01:07:38il y a à comprendre
01:07:40vous savez combien
01:07:42j'aimais mon fils
01:07:43ma fille
01:07:45elle
01:07:46elle a mis du temps
01:07:48à comprendre
01:07:48c'est normal
01:07:50elle est venue en prison
01:07:52me voir
01:07:53et petit à petit
01:07:54au parloir
01:07:56j'ai pu lui raconter
01:07:58tout
01:07:59elle ne connaissait pas
01:08:01toute l'histoire
01:08:02alors
01:08:04on s'est retrouvés
01:08:06comme ça
01:08:07tout doucement
01:08:08il n'y a pas longtemps
01:08:11elle a eu une petite fille
01:08:13elle est venue
01:08:14me la présenter
01:08:15c'est drôle
01:08:17la petite lui ressemble
01:08:19tellement
01:08:19alors je lui ai dit
01:08:21tu vois
01:08:23comme tu aimes ta fille
01:08:24et ben
01:08:25j'aimais ton frère
01:08:27pareil
01:08:27et je t'aime toi
01:08:29pareil
01:08:30elle a hoché la tête
01:08:33je crois qu'elle a compris
01:08:35chère Cécile
01:08:40dans le dossier d'instruction
01:08:42d'une femme belge
01:08:43qui a tué ses enfants
01:08:44j'ai trouvé des lettres
01:08:45de soutien
01:08:45écrites par des femmes
01:08:46qui habitaient un peu
01:08:47partout en Belgique
01:08:48ce sont des femmes
01:08:50qui ne la connaissaient pas
01:08:51mais qui ont vu passer
01:08:51l'histoire aux infos
01:08:52des profs
01:08:54des boulangères
01:08:54des juristes
01:08:55des femmes au foyer
01:08:56qui ont écrit spontanément
01:08:57à la juge d'instruction
01:08:58pour lui dire
01:08:59qu'elles aussi
01:08:59elles auraient pu avoir
01:09:00le même geste
01:09:01elle demande à la justice
01:09:03de la clémence
01:09:04je me suis dit
01:09:05que leur lecture
01:09:06pourrait peut-être
01:09:06te faire du bien
01:09:07PS
01:09:09c'est la saison des pivoines
01:09:11faute de pouvoir
01:09:13envoyer des fleurs
01:09:14je te dessine le bouquet
01:09:15bien à toi
01:09:17Sophia
01:09:18Madame la juge
01:09:22d'instruction
01:09:23nous avons tous
01:09:25pris connaissance
01:09:26et été bouleversés
01:09:26par le drame atroce
01:09:27qui s'est produit
01:09:28la semaine dernière
01:09:29le geste de cette femme
01:09:31aurait pu être le mien
01:09:32et celui de la plupart
01:09:34de mes amis
01:09:34coincés entre quatre murs
01:09:36avec un homme
01:09:37qui ne comprend pas bien
01:09:38j'ai moi-même
01:09:39élevé deux fils
01:09:40âgés à présent
01:09:41de plus de 30 ans
01:09:42et je sais à quel point
01:09:43il est parfois difficile
01:09:44de faire face à l'éducation
01:09:45à l'entretien
01:09:46et à l'instruction des enfants
01:09:48dès l'annonce du drame
01:09:49j'ai compris
01:09:50et avec moi
01:09:51beaucoup d'autres
01:09:51qu'elle avait posé
01:09:52un acte d'amour
01:09:53personne n'a le droit
01:09:54de la juger
01:09:55l'irréparable a été commis
01:09:58mais à présent
01:09:58je pense que pour elle
01:10:00l'enfer continue
01:10:01de plus belle
01:10:02je suis sûre
01:10:03qu'ils doivent terriblement
01:10:04lui manquer
01:10:05malgré son geste fou
01:10:06dans un moment
01:10:07de total désespoir
01:10:08ainsi je vous demande humblement
01:10:11de bien vouloir tenir compte
01:10:12de tout cela
01:10:12dans votre enquête
01:10:13afin d'alléger
01:10:15la sentence
01:10:15que la justice prendra
01:10:17à l'égard de cette pauvre femme
01:10:19qui
01:10:19si elle ne se supprime pas
01:10:21ne fera plus que survivre
01:10:23sans aucun doute
01:10:23et dans un monde
01:10:25si indifférent
01:10:25à la souffrance morale
01:10:26je garde l'espoir pour elle
01:10:28je vous prie d'agréer
01:10:30madame la juge d'instruction
01:10:31l'expression
01:10:32de ma haute considération
01:10:33mon fils
01:10:44je lui chante une chanson
01:10:46tous les soirs
01:10:47je regarde la lune
01:10:49et je lui demande
01:10:51lune d'argent
01:10:53berce mon enfant
01:10:55à l'égard de cette pauvre femme
01:11:55Abonnez vous ...
01:12:25...
01:12:55...
01:12:57...
01:12:59...
01:13:01...
01:13:03...
01:13:05...
01:13:07...
01:13:09...
01:13:11...
01:13:13...
01:13:15...
01:13:17...
01:13:19...
01:13:21...
01:13:23...
01:13:25...
01:13:27...
01:13:31...
01:13:33...
01:13:35...
01:13:37...
01:13:41...
01:13:43...
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations

0:28
Télé 7 Jours
il y a 9 mois