Elle se réjouit de la suspension de la réforme des retraites mais se méfie du budget en discussion à l'assemblée. Et surtout, elle veut alerter sur le nombre de plans sociaux qui explosent en France. Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, est l'invitée de RTL Matin. Regardez L'invité RTL de 7h40 avec Thomas Sotto du 30 octobre 2025.
00:03Elle est la patronne d'un syndicat qui se bat depuis le début pour l'abrogation de la réforme des retraites.
00:07Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, l'invité d'RTL Matin.
00:10Bonjour et bienvenue sur RTL, Sophie Binet.
00:11Bonjour.
00:12Pourquoi autant de Français, quel que soit leur travail, à 60-62 ans, ont-ils envie de quitter leur travail ?
00:19Eh bien parce que les conditions de travail sont devenues intenables.
00:22Vous savez qui a posé la question ?
00:23C'est une question qui a été posée par Jean-Pierre Farandou, le nouveau ministre du Travail devant une commission au Sénat.
00:28Il a raison.
00:29Il a raison.
00:29C'est parce qu'aujourd'hui, il faut s'interroger sur cette dégradation des conditions de travail
00:34qui fait que les accidents du travail et les morts au travail explosent en France.
00:39On est malheureusement un des champions européens.
00:41Et puis, il y a une perte de sens au travail, notamment sur tous les métiers du relationnel
00:45qu'on veut automatiser à coup de tableur Excel de façon très éloignée du sens et du contenu des missions.
00:51Alors, il veut mettre ce sujet à l'ordre du jour de la future conférence sur le travail et les retraites.
00:55Vous allez y participer, vous, à la CGT ou ça sera comme le conclave, ça sera non ?
00:58C'est un sujet très important de parler retraite et travail.
01:02Mais pour nous, ce sujet est trop important pour que ce soit un outil de com' comme l'a été le conclave.
01:07Donc, pour être traité sérieusement, il faut faire les choses dans l'ordre.
01:10D'abord, il faut un budget pour le pays.
01:13Il faut que ce budget soit juste socialement.
01:15Et une fois qu'il y aura un budget pour le pays, on pourra parler des retraites, du travail.
01:21Et nous, nous irons pour porter nos propositions de financement, pour permettre l'abrogation de cette réforme des retraites,
01:26pour permettre une vraie prise en compte de la pénibilité, le retour de la retraite à 60 ans.
01:30Donc, tout ça, d'accord, on en discute, mais pas avant le début de l'année prochaine, en fait,
01:34parce que le budget, ça sera plutôt fin décembre.
01:36Ah ben, ça n'a aucun sens.
01:37On ne peut pas tout faire en même temps.
01:39Il y a besoin d'un climat serein pour pouvoir travailler.
01:42Et là, manifestement, le climat ne l'est pas.
01:45Le ministre du Travail, qui parle aussi de remettre à plat l'ensemble du système de sécurité sociale et de son financement,
01:50c'est une bonne idée, ça ?
01:51Ça dépend pour faire quoi.
01:53Dégager plus de financement pour notre système de sécurité sociale, oui, c'est nécessaire.
01:57Ce qu'il faut remettre à plat, c'est les exonérations de cotisations sociales.
02:00Il y a 80 milliards d'exonérations de cotisations sociales.
02:03C'est énorme.
02:05Et ces exonérations de cotisations sociales, c'est des trappes à bas salaire.
02:08Et c'est du manque à gagner pour notre protection sociale.
02:10Donc ça, évidemment qu'il faut le remettre à plat.
02:12Par contre, notre sécurité sociale, qui fait de ses 80 ans cette année,
02:17est évidemment que c'est notre trésor le plus précieux.
02:19Ça nous a permis de passer toutes les crises.
02:21C'est ça qui permet à la France d'être encore un des pays les plus protecteurs.
02:25Il faut la renforcer et la conforter.
02:27En attendant tout ça, vous avez appelé à manifester les retraités le 6 novembre.
02:33Mais c'est manifesté contre quoi ?
02:35La réforme des retraites est suspendue jusqu'à la prochaine présidentielle.
02:38C'est quoi l'ordre du jour ?
02:38Les retraités, ils sont déjà à la retraite.
02:40Par contre, les retraités, ils subissent un matraquage violent dans ce projet de budget.
02:45Ça va être les premières victimes.
02:47Eh bien oui, sauf que là, on est quand même très inquiets de la façon dont les discussions avancent.
02:51Les retraités seront, si c'est adopté, les premières victimes de l'explosion de les frais de santé.
02:57Je rappelle que dans le projet de budget du gouvernement, ils veulent doubler les franchises médicales avec des restes à charge qui pourraient atteindre 350 euros par personne,
03:05sans compter les dépassements d'honoraires qui explosent et l'augmentation des frais de mutuel.
03:09Les retraités, évidemment, sont les premiers concernés par ça.
03:12Et puis la deuxième chose, c'est que de l'autre côté, ce budget prévoit la désindexation des pensions des retraités, non seulement pour l'année prochaine, mais jusqu'en 2030.
03:20C'est scandaleux, les retraités ne sont pas riches.
03:22A l'inverse, ce qu'il faut dans ce budget, c'est mettre en place la justice sociale et la justice fiscale et aller chercher l'argent là où il est.
03:29Est-ce que c'est une manifestation contre le gouvernement ?
03:31C'est une manifestation pour dire, vous ne voulez pas de ce budget et vous ne voulez pas de ce gouvernement.
03:35Il y a ça derrière ?
03:37Comme depuis le début, les choses sont très claires pour la CGT, pour les travailleurs et les travailleuses.
03:41Nous, le sujet, ce n'est pas le casting, c'est le contenu.
03:43Emmanuel Macron, depuis son passage en force sur la réforme des retraites,
03:46a été contraint de changer cinq fois de gouvernement pour tenter de conserver la même politique.
03:51Donc nous, tout changer pour ne rien changer, on connaît la musique.
03:54Il a changé de Premier ministre en passant de François Bayrou à M. Lecornu pour garder le même budget.
04:00Nous, ce que nous voulons changer, modifier, c'est ce budget qui est un budget d'une violence inédite, notamment pour les retraités.
04:07On sait que l'instabilité coûte très cher, coûte très cher y compris sur le marché du travail.
04:11Le nombre de chômeurs a augmenté au troisième trimestre.
04:13Le gouvernement explique que c'est parce que cette eau, c'est un trompe-l'œil, parce que les règles de radiation ont été modifiées.
04:18Il se veut plutôt rassurant.
04:20Il dit que le marché du travail reste solide et la dynamique de l'emploi est préservée.
04:25Vous êtes d'accord avec ça ?
04:26Non, pas du tout.
04:27Pourquoi ?
04:27Parce que les chiffres sont sans appel.
04:29Il faut arrêter d'inventer des histoires pour essayer de les minorer.
04:33Le chômage augmente dans toutes les catégories.
04:36C'est une tendance lourde sur toute l'année, pas seulement sur ce semestre.
04:40Il y a une très forte augmentation chez les jeunes, plus de 20% d'augmentation chez les jeunes.
04:45C'est une catastrophe sociale pour les jeunes.
04:47Il y a une explosion de la précarité et des contrats courts.
04:50Et puis, le dernier chiffre qui est très inquiétant, c'est l'augmentation du chômage de longue durée, notamment chez les seniors.
04:55Toutes celles et ceux à qui on dit qu'il faut travailler jusqu'à 64 ans, alors qu'à partir de 55 ans, on les licencie et qu'ils ne retrouvent jamais de boulot.
05:02Pour vous, tous les clignotants du chômage sont au rouge.
05:04En mai dernier, vous vous inquiétiez de l'explosion du nombre de plans sociaux.
05:07Vous en aviez dénombré à l'époque 381.
05:10On en est où aujourd'hui ?
05:11Aujourd'hui, dans notre recensement, on est à 444.
05:16444 ?
05:16Oui, mais c'est un recensement très partiel.
05:20Il nous en manque énormément.
05:22C'est juste le petit bout de l'iceberg.
05:24Ça fait un an et demi que la CGT tire la sonnette d'alarme.
05:27On a été les premiers à dire que nous sommes dans un moment de désindustrialisation massif.
05:33Et maintenant, tout le monde nous donne raison, puisque les chiffres officiels montrent qu'il y a maintenant plus de fermeture d'usines que d'ouverture.
05:41Quand vous dites 444 plans de licenciement, c'est sur quelle période ?
05:45C'est depuis le début de notre recensement, donc un peu plus d'un an.
05:49Parce que les plans de licenciement, ça ne se met pas en place en une semaine.
05:52En gros, c'est depuis septembre 2023.
05:54On a commencé notre recensement au moment des élections européennes.
05:58C'était au printemps.
05:59Et alors, ça fait combien d'emplois ? 444 plans de licenciement ?
06:03Combien d'emplois menacés ?
06:05Ça fait plus de 300 000.
06:06Plus de 300 000 emplois.
06:07Et, encore une fois, c'est un recensement très partiel.
06:11Mais ce que montre ce recensement, c'est que c'est l'industrie qui est pénalisée en premier,
06:15qui a une désindustrialisation du pays dans tous les secteurs.
06:18Et la conclusion, c'est quoi ?
06:19C'est que la politique de l'offre d'Emmanuel Macron, elle est non seulement très coûteuse,
06:23mais c'est une catastrophe sociale et un fiasco économique.
06:26Puisque ce qui nous a été quand même raconté à longueur d'antenne,
06:28c'est que c'est ça qui allait permettre de ramener l'industrie en France.
06:31Aujourd'hui, le bilan, c'est l'inverse.
06:33Notre industrie plie bagage.
06:34C'est combien de plans dans l'industrie, puisque c'est la plus touchée, vous savez, sur ces 444 ?
06:37Oui, tout à fait.
06:39C'est 325 sites industriels sur les 444 plans de licenciement qu'on a recensés.
06:44Donc, l'essentiel.
06:45Dans ce monde en évolution et en mutation, on en parlait avec François Langlais,
06:49Amazon a annoncé 14 000 suppressions de postes dans le monde liées à l'intelligence artificielle.
06:53Savez-vous si les sites français seront impactés ou pas ?
06:56Nous n'avons pas d'informations à ce stade.
06:58Nous sommes évidemment très inquiets.
06:59Je vais rencontrer ce matin le ministre de l'Industrie
07:02et donc je lui remettrai cette liste des plans de licenciement.
07:05La première demande que je vais lui faire,
07:07c'est de changer de politique économique et de politique industrielle.
07:11Ce n'est plus possible d'avoir une politique du carnet de chèques
07:13où on se contente de distribuer des aides aux entreprises.
07:17211 milliards d'aides publiques aux entreprises sans condition ni contrepartie.
07:20Ils ne sont pas toutes inutiles ?
07:21Non, mais sur les 211, il y en a beaucoup qui sont inutiles,
07:25qui sont captés par des multinationales qui, dans le même temps, licencient.
07:28Alors que ces aides publiques sont...
07:30Vous voulez quoi comme règle ?
07:31Quand on est aidé, on n'a pas le droit de licencier ?
07:34Parce qu'on peut être aidé et être en difficulté.
07:36Oui, justement, on est aidé, on est en difficulté
07:39et donc on s'engage à ne pas faire de plan de licenciement.
07:41Et donc, par exemple, je vais arriver avec beaucoup de dossiers concrets
07:43pour interpeller le ministre.
07:45Le premier dossier concret avec lequel je vais arriver,
07:47c'est la papeterie de Condat.
07:49Une papeterie avec 200 salariés
07:52qu'on a décarbonée avec des millions d'euros d'argent public.
07:55Ça date de l'année dernière.
07:56Et depuis l'année dernière, nous alertons en disant
07:59que le propriétaire de cette papeterie,
08:01donc c'est un Espagnol, n'a aucune stratégie industrielle.
08:05Le gouvernement avait refusé de nous entendre
08:07et aujourd'hui, ce propriétaire veut fermer la papeterie.
08:10Donc, il faut conditionner les aides publiques,
08:13interdire les licenciements quand on touche des aides publiques
08:17et il faut donner plus de pouvoir aux représentants du personnel.
08:20Que pensez-vous du BHV des Galeries Lafayette
08:22qui vont ouvrir leur rayon aux Chinois Chine ?
08:24C'est un vrai problème.
08:26L'ensemble des organisations syndicales sont vent debout
08:29contre cette arrivée de Chine au BHV.
08:32Il y a eu plusieurs journées de grève, ça continuera
08:34tant que ce plan n'est pas annulé.
08:37La SNCF a un nouveau PDG depuis hier,
08:39Jean Castex, l'ancien Premier ministre,
08:40qui estime qu'il faut faire un bilan dépassionné,
08:42ce sont ses mots, sur la concurrence sur le rail.
08:45Est-ce que vous êtes prête à participer
08:47à un bilan dépassionné sur la concurrence ?
08:49Nous, ça fait 40 ans qu'on le fait, ce bilan dépassionné sur la concurrence.
08:52Le meilleur moyen de le faire, c'est de regarder ce qui se passe à l'étranger.
08:55Comme ça, ça permet d'avoir de la distance.
08:56Vous faites le bilan, mais vous arrivez toujours à la même conclusion ?
08:58Oui.
08:58Vous ne voulez pas de concurrence ?
08:59Non, mais il faut regarder.
09:01Là, maintenant, la concurrence, on voit ce que ça donne.
09:03Regardez ce que ça donne au Royaume-Uni.
09:05L'état du système ferroviaire au Royaume-Uni est catastrophique.
09:09Ils sont retournés à l'âge de pierre
09:10alors que c'était un pays initiateur en matière ferroviaire.
09:14Et que fait le Royaume-Uni ?
09:15Ils renationalisent leur système ferroviaire
09:17parce qu'il n'y a eu aucun investissement du fait de la mise en concurrence,
09:22parce qu'il y a des retards catastrophiques, des accidents ferroviaires.
09:25Est-ce qu'on veut arriver à ça en France ?
09:26Maintenant, on sait ce que ça donne, la concurrence sur les infrastructures.
09:31Il faut en tirer des leçons et il faut arrêter de brader nos champions nationaux.
09:35Dernière question, rapidement.
09:36Les vacances de Noël approchent, même si on a encore congé de la Toussaint.
09:39C'est souvent une période de grève à la SNCF.
09:40Il y a des warnings en ce moment ?
09:41Il y a des clignotants ?
09:42Il y a des inquiétudes pour des grèves à Noël ou pas ?
09:45La grosse inquiétude, c'est le budget.
09:47C'est qu'on a un budget catastrophique à ce stade
09:49qui est proposé par le gouvernement.
09:51Il faut que la copie, elle change en profondeur.
09:53Et qui pourrait se traduire en mobilisation sociale ?
09:54Si la copie ne change pas, évidemment qu'on ne va pas rester l'arme au pied.
09:58Là, cette copie, elle est très violente
09:59parce que c'est la taxation des malades,
10:02c'est l'année blanche qui sera en fait une année noire
10:04et qui va se traduire par un appauvrissement généralisé de la population.
10:07C'est un recul pour tous nos services publics.
10:09Il faut aller taxer les plus riches, taxer les multinationales
10:12pour éviter qu'encore une fois,
10:14ce soit le monde du travail qui passe à la caisse.
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