00:26La seule réponse, c'est qu'on n'a pas de place.
00:28Un jour, deux jours, trois jours, quatre jours.
00:31Après, au bout d'un moment, c'est plus satisfaisant, cette réponse.
00:34Et stigmatisation.
00:36Il y a autant de stéréotypes sur les soignants
00:40que sur les soignés en psychiatrique.
00:44Avec un Français sur cinq concernés,
00:47la santé mentale est la grande cause nationale 2025.
00:51Immersion aux urgences psychiatriques à Saint-Denis,
00:54en banlieue parisienne.
00:58Une déchetsante, en banlieue parisienne.
01:05Un jour, un jour, un jour, un jour.
01:15Bonjour.
01:15Comment ça va ?
01:17Ça va, le juge, le bûche tremble un peu.
01:19Ouais.
01:21Vous avez passé une nuit difficile ?
01:23Vous êtes au courant quand même, ce qui s'est passé, nous inquiète.
01:29Donc il va falloir peut-être qu'on se donne le temps de vous évaluer tranquillement, de vous donner un traitement.
01:38J'ai été dans un état de démence quand je suis arrivée à l'hôpital, à cause d'une drogue qui s'appelle le 2CB.
01:44Ça fait combien de temps que tu es là ?
01:45Ça fait trois jours.
01:46Trois jours qu'il était dans ce cours-là ?
01:47Parce qu'en fait, il ne savait pas trop me mettre, parce que j'avais une situation.
01:52Cette jeune fille à peine majeure est enfin entre les mains du docteur Moifak.
01:58Je marche un peu vite.
02:00Une nouvelle journée au pas de charge.
02:03Les passages aux urgences pour motifs psychiatriques ont augmenté de 21% entre 2019 et 2023 dans le pays.
02:10Depuis 10 ans, Feysal Moifak dirige un service à l'hôpital Ville-Evrard en Seine-Saint-Denis.
02:17Toutes les démarches administratives, juridiques qu'il faut réaliser, ça c'est un des aspects un peu contrariant dans notre fonctionnement, c'est qu'on a beaucoup de papasses.
02:31Au suivant, allez.
02:36Celui-ci, c'est le monsieur qui est enfant de plus 50 ans d'origine tunisienne inconnue.
02:41Ici pour patient angélication.
02:44Bon, allez, on les voit comme ça, petit à petit, on évacue.
02:51L'obsession du docteur Moifak, laisser les malades le moins longtemps possible dans les couloirs des urgences.
03:03Le bruit et l'agitation ambiante peuvent amplifier leurs symptômes.
03:114 malades ont passé au moins toute la nuit sur des brancards.
03:14Encore faut-il lui trouver un lit disponible.
03:45Repéré errant et délirant, le jeune homme est probablement sans abri.
03:51Son transfert est une victoire pour le docteur Moifak.
03:54Akima, il peut partir tout de suite.
03:56Il peut partir tout de suite.
03:58Oui, chez moi.
04:00J'ai trouvé une place chez moi.
04:03Oui, au CRUP.
04:04On peut y aller.
04:05Le CRUP, le centre renforcé d'urgence psychiatrique.
04:09C'est bon monsieur, on va y aller.
04:10C'est mis à fait ?
04:11Oui.
04:12Je peux le prendre près de moi ?
04:13Bien sûr.
04:13Vous êtes à l'hôpital ?
04:15Le patient est emmené quelques couloirs plus loin au CRUP.
04:18Un centre ouvert il y a deux ans entre les murs de l'hôpital.
04:2315 malades y sont soignés.
04:25Le temps de rentrer chez eux ou d'obtenir une place d'hospitalisation longue durée.
04:31Ici, ils sont au calme.
04:34Dans une vraie chambre.
04:35Une planche de salut pour les patients et leurs soignants.
04:41On en était à un point où même moi, je ne me retrouvais pas dans mon médecin.
04:44Quand on a des patients qui passaient 1, 2, 3, 4 jours aux urgences, pour lesquels les soins se contentaient, contention, sédation, c'est compliqué pour nous.
04:57C'est difficile à voir, c'est difficile à supporter et encore plus le patient.
05:01Donc là, ben oui, là ça donne du sens à notre travail, ça change quand même la donne largement.
05:06Ce projet, porté depuis 2016 par le docteur Moifac, a enfin pu se concrétiser après la crise sanitaire.
05:15La pandémie de Covid-19 a beaucoup dégradé la santé mentale des Français, surtout des plus vulnérables.
05:23La Seine-Saint-Denis est le département le plus pauvre de l'Hexagone.
05:26La période de la Covid, elle a ouvert les yeux aux décideurs sur les difficultés de la psychiatrie, parce qu'on a vu affluer des vagues de patients souffrant de troubles psychiatriques sévères.
05:41Et c'est là où on a obtenu un budget. On a obtenu un budget de quelques millions d'euros.
05:49Jousser les murs n'a pas suffi.
05:52Les médecins passent encore une bonne partie de leur journée à chercher des places.
05:56À Avicenne, il y a combien de patients en attente, pardon Nicolas ?
06:02J'ai 5 patients sans orientation à Avicenne.
06:07Moi j'ai 10 patients.
06:0910 patients ?
06:10Dans les services de psychiatrie des hôpitaux publics français,
06:168 800 places ont été supprimées en 15 ans, selon un rapport parlementaire.
06:23Ce qui est frustrant, c'est ça, c'est cette recherche de places.
06:26Quand on appelle les secteurs référents, la seule réponse, c'est qu'on n'a pas de place.
06:32Un jour, deux jours, trois jours, quatre jours, après au bout d'un moment, c'est plus satisfaisant cette réponse.
06:37Pour offrir plus de lits, il faudrait davantage de personnel.
06:42La psychiatrie est parmi les spécialités les moins choisies par les étudiants en médecine.
06:47En tout cas, pour moi, c'était mon premier choix et je ne regrette pas, en tout cas.
06:56La responsable du CRUP, le docteur Sheffi, est d'origine tunisienne comme Faisal Moifak.
07:02A l'hôpital public, 16% des psychiatres ont obtenu leur diplôme à l'étranger.
07:09Un renfort insuffisant, un tiers des postes sont vacants.
07:13Les gens, peut-être, ils ont peur de la psychiatrie parce qu'ils voient la psychiatrie comme un milieu peut-être où il y a de la violence, où il y a de l'agressivité.
07:26Ils ne connaissent pas.
07:27En fait, c'est par méconnaissance.
07:28Mais il n'y a pas plus de violence que ça.
07:30Cet homme a été amené par la police à cause de son comportement agressif dans la rue.
07:48Le patient est transféré dans une chambre d'isolement.
08:01On est les médecins, je suis le docteur Sheffi.
08:04D'accord ?
08:05Là, on va vous installer dans votre chambre.
08:08D'accord ?
08:09Donc ça doit bien se passer.
08:11Ok ?
08:12L'équipe est au complet assistée des agents de sécurité.
08:18S'il vous plaît, on arrive.
08:21Tout à coup, le silence.
08:24Les visages se ferment.
08:27Les soignants ont recours à un geste qu'ils détestent.
08:31La contention.
08:36Pas d'inquiétude, d'accord ?
08:39C'est des mesures qui sont provisoires.
08:41Avec le traitement, ça va aller mieux.
08:44Là, je ne peux pas.
08:44Parce que j'ai pas...
08:45Un geste censé aussi protéger le patient de lui-même.
08:49En dernier recours.
08:52Un traitement approprié en amont permet d'éviter ce genre de crise.
08:56Ça ne saisit pas des reins.
09:02On en a encore pour quelques patients.
09:05Cet antipsychotique par voie injectable agit pendant un mois.
09:11Ce traitement-là, il est en voie de rupture.
09:14Et ça, ça peut être très, très compliqué pour des patients qui sont déjà stabilisés sous ce traitement-là.
09:20Parce qu'il y a un risque de décompensation pour beaucoup de patients qui sont déjà stabilisés.
09:26Et c'est un pas en arrière pour ces patients.
09:30Face à la pénurie, une alternative existe bien.
09:34Mais il faut prendre un comprimé tous les jours.
09:37Difficile pour les personnes précaires et isolées.
09:40On vous faisait une injection une fois par mois ?
09:43Ce jeune homme est arrivé en décompensation schizophrénique aux urgences.
09:55Une fois la crise passée, vient la tristesse d'apprendre sa rechute.
10:00Vous vous êtes exhibé.
10:01Je me suis déshabillé.
10:02Oui, c'est ça.
10:04La pénurie touche plusieurs psychotropes.
10:07Elle pourrait avoir des conséquences dramatiques.
10:11Allez, on fait un stop.
10:13Pour les infirmières du jaune, pourquoi ce patient qui a deux heures, il n'est pas installé ?
10:19Les troubles mentaux sévères réduisent en moyenne de 10 à 20 ans l'espérance de vie.
10:25Salvatrice, la psychiatrie est parfois dévalorisée au sein du monde médical.
10:30Il ne faut pas me répondre que c'est normal.
10:31Faisal Moifak et Mathias Wargon, le chef des urgences, veulent tordre le cou aux idées reçues.
10:40Très souvent, dans les échanges, on voit affleurer les stéréotypes.
10:46Ce n'est pas vraiment de la médecine, la psychiatrie.
10:48La psychiatrie, dans mon service, je demande, alors ce n'est pas toujours le cas, mais je demande à ce que ça soit considéré comme le reste de la médecine.
10:57En fait, c'est une maladie.
10:59On donne des médicaments comme pour d'autres pathologies.
11:02Les médicaments qu'on donne, ce n'est pas des médicaments pour étouffer la maladie.
11:08Parce que c'est ce qu'on croit, la camisole chimique, tout ça.
11:10Non, c'est pour soigner les gens.
11:12De la même façon qu'on soigne l'hypertension artérielle.
11:15Ce n'est pas des maladies qu'on guérit, mais c'est des maladies qu'on stabile.
11:18Comme le diabète.
11:19Comme le diabète, comme l'hypertension artérielle.
11:21La plupart des maladies existantes sont des maladies qu'on ne guérit pas.
11:25C'est des maladies qu'on...
11:26C'est une maladie chronique.
11:30L'équipe de nuit prend le relais.
11:33Chambre après chambre, le sommeil s'empare du cru.
11:37Venez, est-ce qu'on diminue un peu le stock pour pouvoir dormir ?
11:42Un autre centre renforcé d'urgence psychiatrique devrait ouvrir à Bobigny.
11:48Faisal Moifak espère une généralisation du modèle alors que la psychiatrie est sous les projecteurs.
11:54La santé mentale a été décrétée grande cause nationale 2025.
12:00Sans budget supplémentaire pour les urgences psychiatriques.
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