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Madagascar : "en 2009, Rajoelina se présentait comme un champion de la jeunesse"
France 24
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2 months ago
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00:00
Anne Corpé, bonjour. On va évidemment commenter ce qui est en train de se jouer.
00:03
On est là aussi en début d'après-midi à Antananarive et il y a encore des scènes de liesse.
00:07
On continue de fêter évidemment ce nouveau chapitre qui reste à écrire.
00:12
Il y a beaucoup de questions qui se posent déjà, notamment quelle place pour cette jeunesse
00:15
qui a quand même initié ce mouvement de contestation et qui risque quoi ?
00:19
De se faire voler la victoire, le pouvoir aussi ?
00:22
C'est le risque. D'abord, il faut rappeler que c'est un mouvement de contestation historique
00:25
parce que les manifestations n'ont pas eu lieu seulement dans la capitale.
00:30
Tana, mais aussi dans plusieurs régions et provinces depuis deux semaines.
00:37
Alors, elle portait, on l'a dit au début, la contestation sur les coupures d'eau et d'électricité incessantes
00:42
dues à l'incurie du pouvoir selon les manifestants.
00:45
Et puis, c'est devenu vraiment la défaite, le départ du président qui est devenu le mot d'or.
00:52
Donc, ils ont obtenu satisfaction sur ce point.
00:55
D'ailleurs, dès samedi, quand le colonel qui chapote le Capsat a annoncé le ralliement de l'armée au mouvement,
01:05
il a été évidemment très applaudi.
01:07
Donc, la destitution du président, c'est une victoire pour la Gen Z qui refuse de parler de coup d'État.
01:14
Il s'agit d'un réveil du peuple porté par les militaires.
01:19
C'est ce que disait un porte-parole du mouvement ce matin chez nos confrères d'RFI.
01:24
Mais la Génération Z reste vigilante.
01:27
Elle veut évidemment éviter la confiscation de sa révolte.
01:31
Elle demande une réelle implication de la société civile dans la transition qui s'annonce.
01:38
Alors, les négociations ont commencé.
01:40
Le mouvement n'est pas assuré du tout d'avoir une place au sein du prochain gouvernement.
01:46
Il faut dire que c'est un mouvement qui n'est pas structuré, qui n'a pas de leader.
01:50
Alors, ça a été un atout pendant les manifestations.
01:53
Ça a évité, notamment aux forces armées, de cibler des leaders potentiels.
01:59
Mais aujourd'hui, c'est plus compliqué puisqu'il s'agit éventuellement d'assumer des responsabilités,
02:04
d'occuper des postes de pouvoir.
02:06
« Nous attendons que les militaires retournent dans leurs casernes une fois la sécurité du peuple assurée »,
02:13
disait ce matin un porte-parole du mouvement.
02:16
On verra si ce sera le cas.
02:18
En tout cas, à la base du Capsat, on a vu hier, et ça c'est Gaëlle qui nous en témoignait tout à l'heure,
02:22
des vieux loups de la politique se presser, se succéder comme pour essayer de se faire une place dans cette espèce d'entre-deux si crucial.
02:30
Le Capsat, on connaît bien, comme ce colonel, aussi à Madagascar,
02:35
parce que c'est lui-même qui avait porté Ange Razouel au pouvoir en 2009.
02:38
Oui, et d'ailleurs, ce retour des militaires à la tête du pays n'a rien d'une première.
02:43
Depuis l'indépendance en 1960, les forces armées ont joué un rôle récurrent dans les luttes de pouvoir.
02:50
Ça a été le cas lors des crises de 1972, 1991, 2002 et 2009,
02:56
lorsque le Capsat a effectivement placé le président Horat Jowel au pouvoir pour le destituer hier.
03:05
Les militaires occupent d'ailleurs régulièrement aussi des postes au sein des gouvernements
03:09
et pas seulement au ministère de la Défense,
03:12
parfois dans des ministères qui n'ont rien à voir, comme celui de l'environnement par exemple.
03:16
Alors, le colonel Ranja Nirin, lui, il a par exemple été gouverneur d'une région qui se situe dans l'extrême sud du pays.
03:27
Il a toujours été un critique assez vocal du président.
03:32
Il a d'ailleurs été incarcéré entre novembre 2023 et février 2024 pour incitation à la mutinerie
03:39
et ensuite condamné à un an de prison avec sourcil pour atteinte à la sûreté de l'État.
03:44
Alors, c'est son intervention samedi qui a été décisive et qui a précipité le départ, la fuite du président hors du pays.
03:53
Lorsqu'il a appelé l'armée à la désobéissance, il a vraiment renversé le rapport de force en faveur de la rue.
04:01
Il se pose aujourd'hui en espèce de sauveur de la nation face à un président en rupture avec la population
04:07
et sa priorité, c'est de légitimer au fond sa prise de pouvoir.
04:11
D'ailleurs, le terme de coup d'État est vivement récusé par les militaires selon la Constitution.
04:18
C'est pourtant le président du Sénat qui aurait dû prendre la place du président en cas de vacances du pouvoir.
04:25
Mais celui-ci est introuvable. Il a d'ailleurs été démis par le bureau du Sénat.
04:29
Alors, dans ce cas, la Constitution prévoit normalement que c'est au gouvernement d'assumer la fonction présidentielle.
04:35
Mais le gouvernement qui a été nommé par Adjoel lors de la première semaine des manifestations
04:41
n'ont compte en fait que trois ministres des domaines de la sécurité.
04:47
Et puis, de toute façon, cette Constitution qui avait été adoptée en 2010
04:51
alors que le pouvoir avait été mis en place par un coup d'État,
04:56
cette Constitution a été jugée caduque par les militaires.
04:59
Donc, il va falloir en effet voir comment ça tourne.
05:04
Mais c'est très important pour les militaires que la communauté internationale
05:09
ne voit pas un coup d'État en leur action
05:12
parce que ça conditionne la poursuite de l'aide à Madagascar,
05:16
du soutien financier des bailleurs de fonds.
05:18
Et c'est un pays qui en a cruellement besoin.
05:20
Aide et soutien, évidemment, cruciaux.
05:21
C'est cruciaux quand on sait dans quel État se trouve l'île Madagascar,
05:25
l'un des pays les plus pauvres au monde.
05:27
Et c'est de là d'où est partie cette crise et les revendications de cette jeunesse.
05:30
Oui, tout à fait.
05:31
Et c'est un pays qui a d'importantes ressources naturelles
05:33
mais où trois quarts, 80% même, de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
05:39
C'est un pays aussi où la corruption est très importante
05:42
puisque selon l'indice de transparence internationale,
05:46
Madagascar est placé au 140e rang sur 180 pays.
05:51
La génération Z attend donc de pied ferme des réformes sur la corruption,
05:57
le système éducatif aussi, la liberté d'expression.
06:01
Le défi majeur des militaires pour éviter que l'histoire se répète,
06:05
c'est bien sûr de répondre aux revendications initiales du mouvement,
06:10
à savoir mettre un terme à ces coupures incessantes d'eau et d'électricité.
06:16
Les militaires devront aussi prouver qu'ils ne vont pas reconduire un système
06:21
qui profite aux élites, qui s'accaparent les richesses du pays,
06:25
des élites qui entretiennent des liens étroits et de longue date avec l'armée.
06:29
Alors vous l'avez dit, tous les opposants d'Angera Zohel
06:32
sont en train de se précipiter pour tenter d'occuper une place
06:36
auprès des militaires qui ont pris le pouvoir.
06:39
Un retour de figures politiques anciennes qui n'ont pas fait preuve
06:43
ni de probité, ni de leur capacité à partager la richesse du pays,
06:50
malgré leurs promesses.
06:52
Et d'ailleurs, pour rappel, lorsque Angera Zohel avait pris le pouvoir,
06:55
en 2009, par un coup d'État, il se présentait à l'époque
06:58
comme le champion de la jeunesse, la jeunesse qui l'a mis dehors cette fois-ci.
07:04
La boucle est bouclée, comme on dit.
07:05
Merci beaucoup.
07:06
Anne Corpet.
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