00:00Et à 8h14 sur Europe 1, Alexis, vous recevez maintenant Philippe Juvin, professeur de médecine, ancien chef de clinique et aujourd'hui député LRD Hauts-de-Seine, rapporteur général du budget.
00:15Bonjour Philippe Juvin. Bonjour.
00:17Sébastien Lecornu a donc proposé un budget pour 2026. L'examen du projet de loi de finances pour 2026 va débuter demain lundi en commission des finances de l'Assemblée Nationale.
00:27Depuis le 2 octobre, on le disait Philippe Juvin, vous êtes rapporteur général de ce budget, c'est un rôle clé.
00:33Vous avez la main sur tout le travail budgétaire au Parlement, vous êtes un peu le monsieur budget au Parlement.
00:38En quelques mots peut-être pour débuter, est-ce que vous pouvez nous expliquer votre mission dans les prochains jours qui a déjà débuté ?
00:44Comme vous le savez, les députés déposent ce qu'on appelle des amendements, c'est-à-dire des modifications du texte qui est présenté par le gouvernement,
00:51une modification du budget. Et mon rôle consiste à étudier la totalité de ces amendements, les uns derrière les autres,
00:58et de donner des avis favorables et défavorables pour aider les députés à déterminer leur vote.
01:04En fait, mon rôle est de guider la discussion budgétaire, et moi, ma philosophie elle est simple,
01:13je crois que la situation est tellement grave que nous devons globalement, collectivement, dépenser moins et dépenser mieux,
01:20et produire plus de richesses pour pouvoir les redistribuer.
01:23Vous êtes un homme de droite, Philippe Juin, vous êtes du parti Les Républicains, j'imagine qu'il y a de nombreuses propositions
01:29qui doivent vous faire bondir dans ce budget pour 2026.
01:34J'ai noté quelques taxes, et il y en a beaucoup.
01:38Prolongation d'un an sur la taxe sur le bénéfice des grandes entreprises,
01:42taxe sur les mutuelles, taxe sur les holdings patrimoniales,
01:46gel du barème de l'impôt sur le revenu, hausse des franchises médicales,
01:49la gauche dit qu'elle veut réintroduire la taxe Zuckmann, taxe sur les hauts patrimoines,
01:54est-ce que ce n'est pas un peu le concours l'épine de l'impôt ?
01:57Ça commence à faire beaucoup quand même.
01:58Vous avez un budget, c'est assez simple, quand vous voulez trouver de l'argent, vous avez deux solutions,
02:03soit vous baissez les dépenses, soit vous augmentez les impôts.
02:07Donc moi je crois qu'il faut plutôt baisser les dépenses.
02:10Alors comment on baisse les dépenses ?
02:12Par exemple, dans le projet de budget de M. Lecornu,
02:14qui n'est pas celui de M. Lecornu, il a expliqué qu'il avait trouvé le budget,
02:17et il nous le donne comme ça,
02:19il y a une augmentation du nombre de fonctionnaires à l'éducation nationale.
02:23Une augmentation.
02:24Alors qu'il y a moins d'enfants et qu'on ferme des écoles.
02:27Donc moi je ne suis pas pour baisser le nombre de fonctionnaires tout de suite,
02:30de toute façon on n'y arrivera pas,
02:31mais au moins qu'on ne l'augmente pas.
02:33C'est un exemple de dépenses en moins que je propose de faire.
02:37Le gouvernement prévoit 17 milliards d'efforts sur les dépenses,
02:40et 14 milliards sur les recettes.
02:4217 milliards sur les dépenses, vous l'avez dit, ce n'est pas assez.
02:45Non, ce n'est pas assez, parce qu'encore une fois,
02:48nos marges de manœuvre, il faut bien le comprendre,
02:50aujourd'hui elles sont plutôt sur les dépenses.
02:53Nous dépensons trop.
02:54D'ailleurs, tous les Français le savent,
02:56promenez-vous un peu partout en France,
02:58vous n'êtes pas surpris.
02:59Je prends cet exemple qui est un peu anecdotique,
03:01mais je trouve révélateur.
03:02Il y a des ronds-points partout.
03:04Tous les 300 mètres, vous trouvez un rond-point.
03:06Ça coûte entre 500 000 euros et 2 millions un rond-point.
03:09Est-ce qu'ils sont tous utiles ?
03:10Vous voyez, en fait, nous devons apprendre la frugalité.
03:14La frugalité.
03:16On peut être aussi heureux collectivement,
03:19probablement en dépensant plus intelligemment.
03:21Nous jetons l'argent par les fenêtres.
03:23On dépense n'importe comment.
03:24Je veux qu'on arrête de jeter l'argent des Français par les fenêtres,
03:27parce que l'argent public, ça n'existe pas.
03:30L'argent public, c'est toujours de l'argent qui est pris dans la poche de quelqu'un.
03:33Sur les impôts, Philippe Juvin, vous ne m'avez pas répondu.
03:36J'ai cité beaucoup, la liste est longue.
03:38Oui, il y en a des pages et des pages.
03:41Il y a une inventivité fiscale très grande.
03:43Alors, on est déjà un pays qui paye beaucoup d'impôts.
03:45Absolument.
03:45C'est pour ça que je vous dis que les marges de manœuvre,
03:47elles sont plutôt sur baisser les dépenses plutôt qu'augmenter les impôts.
03:50Mais c'est vrai qu'on a beaucoup de députés,
03:52mais c'est leur droit d'ailleurs,
03:53qui proposent des augmentations de taxes.
03:56Déjà, le gouvernement lui-même augmente de 14 milliards la charge fiscale.
04:02Je trouve que c'est beaucoup trop important
04:03et qu'il faut revoir probablement à la baisse un certain nombre de ces taxes.
04:08Sur la taxe Zuckman, par exemple,
04:10la gauche a dit qu'elle allait vouloir,
04:13qu'elle veut la réintroduire par amendement.
04:15Il n'y a pas que la taxe Zuckman.
04:16Ça, c'est ce que la gauche propose.
04:18Mais le gouvernement lui-même propose une taxe,
04:20c'est très technique,
04:21mais ça revient quasiment à ça.
04:22On appelle ça une taxe sur les holdings.
04:25Alors, le mot holding, ça fait toujours sourire
04:26parce qu'on a l'impression de voir un patron avec un gros cigare dans une holz.
04:29Mais une holding, ça n'existe pas d'ailleurs en droit commercial français.
04:34C'est un abus de langage.
04:35C'est une société qui...
04:37Il y a 20 000 PME ou 30 000 PME qui ont des holdings
04:40qui vont être taxés avec cette affaire-là.
04:44Et ce sont des PME qui mettent de l'argent de côté
04:45en vue de leur transmission ou de futurs investissements.
04:48Ça, le gouvernement veut les taxer.
04:49C'est une sorte de taxe Zuckman.
04:51C'est absurde. Pourquoi ?
04:52Parce qu'il faut bien comprendre que si on veut s'en sortir un jour,
04:55ça sera comment ?
04:56Évidemment, en ayant dépensé moins, mais en produisant plus.
04:59C'est-à-dire qu'il faut produire plus de richesses.
05:01Vous savez ?
05:02Et donc, si vous taxez Zuckman ou la taxe sur les holdings,
05:06vous affaiblissez les sociétés françaises
05:08qui, elles, ont besoin d'être aidées.
05:10Si vous aviez le taux d'emploi en France
05:13égal au taux d'emploi rapporté à la population en âge de travailler
05:17de la Hollande, par exemple,
05:19nous n'aurions pas de problème de déficit.
05:21Nous ne produisons pas assez en France.
05:23Et de grâce, je dis à tous mes camarades
05:26et collègues députés
05:28et sénateurs de main,
05:30n'affectez pas l'outil de production.
05:33L'avenir de la France,
05:35c'est que nous avons encore une industrie,
05:36un commerce, un artisanat.
05:37Donc moi, je veux le protéger.
05:39Est-ce que ce budget, il est pris en otage
05:40par la gauche et par le Parti Socialiste,
05:43qui, on le sait,
05:43l'EPS a la main sur la censure
05:46et aurait pu faire tomber le gouvernement
05:48il y a quelques jours ?
05:50Le mot otage,
05:52ce n'est pas très glorieux,
05:53donc je ne vais pas l'utiliser,
05:55parce que j'ai beaucoup de respect pour tous les députés
05:56et à commencer par les députés socialistes,
05:59qui sont aussi légitimes d'avancer leur pion.
06:02Je dis seulement qu'à partir du moment
06:03où il n'y a pas de majorité,
06:04le risque,
06:05c'est qu'on ait un budget
06:07qui soit épars
06:08et qui n'ait plus de colonne vertébrale
06:09et qu'on donne un peu à chacun
06:11pour essayer de tricoter une majorité.
06:15Je comprends qu'il faille donner un peu
06:17à chaque parti politique,
06:18mais ça ne peut pas être au détriment
06:20d'une colonne vertébrale
06:22qui, je le rappelle,
06:23est la suivante,
06:24nous sommes un pays qui dépensons trop,
06:26nous devons dépenser moins,
06:28qui ne produit pas assez,
06:29nous devons produire plus
06:30si nous voulons nous en sortir.
06:32Vous savez,
06:33c'est un état d'esprit.
06:34D'accord.
06:35Moi j'attends un état d'esprit.
06:36L'état d'esprit,
06:37c'est...
06:37Du compromis.
06:38Comprendre,
06:38comprendre qu'il faut faire...
06:40Ça ne va pas être simple.
06:40Qu'il faut faire d'une manière,
06:42effectivement,
06:42dans une situation compliquée,
06:44et qu'il faut avoir les réalités en tête.
06:45Un budget,
06:47c'est probablement ma mission principale,
06:49c'est d'abord un objet économique,
06:50ça paraît une évidence de dire ça,
06:52ce n'est pas un objet moral.
06:53On ne fait pas de la morale avec un budget.
06:55C'est de l'économie réelle.
06:56Vous êtes député Les Républicains,
06:58rapporteur,
06:59Philippe Juvin,
07:00du général de ce budget 2026.
07:02Je voulais quand même
07:03vous faire parler de cette réforme,
07:05cette suspension de la réforme des retraites.
07:07Comment on va s'en sortir ?
07:09Moi je suis très opposé à la suspension,
07:12ou pire encore à l'annulation.
07:13Pourquoi ?
07:14Parce qu'on n'annule pas la réalité.
07:17Bien sûr.
07:18On ne suspend pas la réalité.
07:19J'ai longuement écouté Pierre Moscovici,
07:21qui dit qu'il y a un déficit de 6,6 milliards d'euros
07:24sur le financement des retraites
07:25sur le régime général en 2025.
07:27Il dit que si ça continue comme ça,
07:28il y aura 15 milliards en 2035,
07:3030 milliards en 2045.
07:32Pierre Moscovici,
07:32président de la Cour des comptes.
07:33Donc on ne peut pas ne rien faire.
07:35Non mais bien sûr.
07:36Et encore, Moscovici est sympa de ne pas tout vous dire.
Écris le tout premier commentaire