Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, est notre invitée à 7h50, au lendemain de l'annonce de la suspension de la réforme des retraites par Sébastien Lecornu. Elle salue une victoire, qui va permettre selon elle "une nouvelle réforme", mais veut rester vigilante sur l'austérité à venir. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-15-octobre-2025-4912777
00:00Benjamin Duhamel, votre invitée, est la secrétaire générale de la CFDT.
00:04Bonjour Marie-Lise Léon, merci d'être avec nous ce matin sur France Inter pour votre toute première réaction après l'annonce par Sébastien Lecornu de la suspension de la réforme des retraites.
00:13C'était votre combat à la CFDT, vous l'avez gagné. Vous dites bravo et merci aux socialistes, ils ont été plus convaincants que vous ?
00:20Bravo et c'est une grande victoire d'abord pour les travailleurs et travailleuses qui se sont battus avec beaucoup de dignité depuis 2023.
00:30On a couru un peu un marathon et c'est une victoire collective, on a porté cette question de la suspension depuis le début de l'année 2025
00:41puisque c'était une des conditions que nous souhaitions poser avant l'ouverture des discussions du conclave qui était proposé par François Bayrou à l'époque.
00:50C'est un travail de longue haleine et c'est souvent ça le combat syndical.
00:54Mais c'est surtout grâce aux politiques, grâce aux socialistes qui ont réussi à...
00:57Il ne vous aura pas échappé que la CFDT ne siège pas à l'Assemblée Nationale, donc ça fait partie effectivement du jeu
01:02et d'une bonne articulation entre le travail syndical et le travail politique.
01:07Marie-Lizion, il y a deux types de critiques à cette suspension.
01:10D'abord ceux qui considèrent que ça ne va pas assez loin.
01:12La patronne de la CGT, Sophie Binet, parle d'une première brèche, s'en félicite, mais pour elle c'est, je cite, un décalage plus qu'une suspension.
01:20Qu'est-ce que vous lui dites ?
01:21Moi je ne joue pas sur les mots et je ne joue pas avec la réalité des 700 000 personnes qui vont bénéficier de cette avancée.
01:27Et c'est une victoire, c'est une victoire, il faut savoir la savourer.
01:31Moi rien ne me gâchera ce plaisir aujourd'hui de...
01:34J'ai en tête tous ces visages pendant les manifestations de 2023 qui nous disaient
01:38il faut qu'on puisse obtenir un bouger, il faut qu'on puisse continuer de porter notre combat.
01:43Et là ça va se concrétiser.
01:45Mais Marie-Lizion, sur le fond, Sophie Binet n'a pas tort en l'état.
01:48Ce qu'a proposé Sébastien Lecornu, si au 1er janvier 2028 il n'y a pas de nouvelle réforme, on repartira vers les 64 ans.
01:53Oui mais vous croyez sincèrement qu'il n'y aura pas de nouvelle réforme, il n'y aura pas un nouveau débat aux élections présidentielles de 2027.
02:00Et on a toujours été extrêmement clairs, la CFDT elle est contre les 64 ans.
02:04Donc vous continuez de défendre la brogation totale de cette réforme ?
02:06On est sur le remplacement de cette réforme par un système plus intelligent, beaucoup plus juste qu'il y ait le régime par points
02:13qui va pouvoir être débattu justement puisque le Premier ministre a annoncé qu'il y aurait une discussion, une conférence sur les retraites.
02:20C'est ce que vous porterez à l'occasion de cette grande conférence sociale ?
02:23Oui mais moi je suis la CFDT et ce n'est pas une girouette.
02:25Nous on a des textes de congrès, on en débat collectivement et la ligne pour la CFDT c'est le régime par points, le régime universel, le régime à la carte, vous l'appelez comme vous voulez.
02:36Mais c'est la liberté de choix et c'est exactement ce que les manifestants nous ont dit quand ils se sont mobilisés en 2023.
02:44Vous remarquez Marie-Lise Léon, quand un gouvernement a essayé de mettre en place une retraite par points, ça n'a pas été un franc succès.
02:50Vous pensez que ça marchera la prochaine fois ?
02:52Alors il n'y a pas de raison que ça ne fonctionne pas cette fois-ci, il ne vous aura pas échappé qu'on n'a pas le même Premier ministre qu'en 2019 et je pense que s'il nous laisse faire, on pourra imaginer un système qui est beaucoup plus juste socialement.
03:07Parce que cette question de l'âge légal et du décalage qui soit uniforme pour tout le monde, c'est profondément injuste et je me permets juste de penser plus particulièrement aujourd'hui à ce qu'on appelait les essentiels et qui s'appellent toujours les essentiels,
03:23qui étaient très nombreux et nombreuses dans les cortèges en 2023 et qui aujourd'hui ont enfin une concrétisation de leur combat et une première victoire.
03:32Qu'est-ce que vous dites dans les critiques que l'on entend à ces députés de gauche qui s'apprêtent à voter la censure malgré tout parce qu'ils considèrent que c'est de l'enfumage ?
03:40Je sais qu'il y a une séparation entre le combat syndical et le combat politique, mais qu'est-ce que vous leur dites ? Allez-y, ne votez pas la censure ?
03:48Chacun sa responsabilité, chacun sa responsabilité.
03:51Moi je pense qu'aujourd'hui, une partie de l'hémicycle avait fait de cette suspension une condition à la non-censure.
03:58Aujourd'hui, elle est obtenue. La stabilité politique, c'est aussi une aspiration des travailleurs et des travailleuses.
04:04Ils nous disent tous les jours, nous on en a marre de responsables politiques qui ne parlent que de leurs prochaines échéances électorales,
04:09qui ne parlent pas des vrais sujets. La question des retraites, c'est un sujet.
04:12Donc là, il faut prendre le point et faire en sorte qu'il y ait stabilité, que ce gouvernement puisse tenir.
04:17Mais si on n'engrange pas les points positifs lorsqu'ils arrivent, on ne le fait jamais.
04:20Donc c'est aujourd'hui. Et ça ne veut pas dire que la CFDT sera en phase avec les projets de budget dont on sait qu'ils seront extrêmement durs.
04:27Et donc on reste mobilisés, bien entendu. Mais cette suspension, elle est inédite, elle est absolument inédite pour la CFDT.
04:37C'est une victoire, il n'y a pas photo. On le savoure aujourd'hui et on continuera de se mobiliser sur les projets de budget.
04:43Je parlais des critiques qui viennent de la gauche. Il y a celles qui viennent de l'autre bord et qui considèrent que cette suspension crée un précédent par son coût.
04:49D'abord pour les finances publiques, plus de 2 milliards d'euros sur 2 ans.
04:53Qui considèrent aussi qu'il n'y a pas un seul pays au monde qui soit revenu sur une réforme reportant l'âge légal.
04:58Qu'est-ce que vous répondez à ces arguments ?
05:00Moi je me méfie toujours des comparaisons, qu'elles soient internationales ou européennes.
05:04Moi je pense qu'aucun pays au monde n'avait mené cette réforme dans ses conditions démocratiques.
05:09Et aujourd'hui, on a toujours évoqué cette réforme comme une blessure démocratique.
05:17Vous savez qu'elle n'est pas passée, elle n'a jamais été digérée.
05:21Elle n'est pas passée, elle est passée par 49.3 selon les règles de la 5ème République.
05:23Oui, mais démocratiquement, ça a laissé une blessure extrêmement importante.
05:28Donc les personnes qui ont manifesté et qui aujourd'hui peuvent se réjouir de cette suspension,
05:33il faut que les responsables politiques qui considèrent que c'est timidit,
05:36ils doivent bien se rendre compte qu'on n'a jamais été dans la situation politique et démocratique comme aujourd'hui en France.
05:42D'accord, sur la blessure démocratique, si vous voulez, mais simplement sur le fond du sujet,
05:46sur la pyramide des âges, sur l'équilibre démographique qui veut qu'il y aura de plus en plus de gens à la retraite
05:51et donc de plus en plus de retraites à financer.
05:53Là encore, je répète ma question.
05:54Est-ce que vous avez un exemple d'un système en Europe, dans le monde,
05:58qui sera revenu sur un report de l'âge légal ?
06:02Est-ce que vous avez un seul exemple à nous donner ?
06:03Non, mais je n'ai pas d'exemple.
06:05Donc la France est une île.
06:06Et quand on nous dit... Comment ?
06:07Donc la France est une île.
06:08La France est le seul pays à pouvoir se permettre de mettre sur nos sa préforts.
06:11Il y a aujourd'hui des responsables politiques qui ont compris l'ampleur de cette blessure démocratique
06:15et que, je l'ai dit cette semaine et répétée,
06:19la condition sine qua non de la stabilité politique, c'est la suspension de la réforme des retraites.
06:23Aujourd'hui, on y est, on le concrétise très bien.
06:25Mais vous comprenez, Marizon, que certains puissent juste se dire, pardonnez-moi,
06:28que c'est encore une forme de cadeau fait aux boomers
06:31qui vont être payés par les actifs pour pouvoir permettre à certains,
06:35et qui le méritent sans doute, de partir quelques mois plus tôt à la retraite ?
06:38Non, je ne considère absolument pas que ce soit un cadeau.
06:40Et je ne veux pas rentrer dans ce débat conflictuel,
06:43soi-disant qui existerait entre générations.
06:47On est aujourd'hui à un moment où il y avait besoin d'avoir ce signal politique
06:51pour pouvoir avoir une stabilité qui permette d'aborder les débats de façon,
06:57je ne dirais pas sereine, parce que je pense que ça va être très compliqué
06:59à l'Assemblée nationale et au Sénat, sur les projets de budget de l'État et de la sécurité sociale.
07:05Mais ce qui est sûr, c'est que la CFDT, elle sera responsable aussi,
07:10et on s'est toujours engagé dans la question de la réforme des retraites,
07:13et pour les prochaines discussions, sur la question de l'équilibre financier à horizon 2030.
07:17Je n'ai aucun problème sur cette question d'un retour arrière.
07:21On sera nous aussi au rendez-vous pour pouvoir assurer la pérennité du régime.
07:26Avant de donner la parole à un invité un peu spécial, vous allez voir dans un instant,
07:29sur le coût, 400 millions l'année prochaine, 1,8 milliard en 2027,
07:34comment est-ce qu'on compense ça ?
07:35Est-ce qu'il faut que ce soit des augmentations de cotisations patronales ?
07:39Comment est-ce qu'on trouve cet argent-là ?
07:41Vous savez, là, on va retomber sur les discussions qu'on a eues pendant le conclave,
07:45donc c'est vraiment un moment qui a été extrêmement important.
07:48Je vous rappelle qu'on a aussi l'amélioration des retraites pour les femmes,
07:52qui ont eu des enfants, qui va être intégrée au PLFSS.
07:54On va ouvrir des discussions sur la pénibilité,
07:57ce qu'on demande depuis très longtemps à la CFDT,
08:00et la question de l'équilibre financier, elle sera discutée.
08:02Nous, on a des propositions, par exemple,
08:04revenir sur les modalités de cumul emploi-retraite.
08:08Aujourd'hui, il y a des économies à faire de ce point de vue-là,
08:10ça fait partie des propositions de la CFDT.
08:12Marie-Lise Léon, c'est une journée un peu particulière ici à France Inter,
08:14parce qu'on lance, vous l'avez sans doute entendu,
08:17mon petit France Inter, une radio pour les plus jeunes à partir de 6 ans.
08:21J'ai à côté de moi Armand, qui attend sagement depuis 6-7 minutes,
08:25peut-être futur syndiqué, on ne sait pas.
08:27Et il a une question pour vous, Armand, à toi, tu as Marie-Lise Léon en face de...
08:31À deux questions, alors vas-y.
08:33Bonjour, je voudrais vous poser deux questions sur la retraite.
08:36C'est à quel âge la retraite pour mon père, elle a 56 ans ?
08:40C'est quand la retraite pour lui, et moi j'ai 9 ans.
08:42Est-ce que j'aurai une retraite ?
08:43Ah, alors, ton papa, qui a 56 ans, aujourd'hui, l'âge légal, il est à 62 ans et 9 mois.
08:51Enfin, ça va être la disposition qui sera adoptée.
08:54Après, l'âge de départ à la retraite, ça dépend de l'âge à laquelle tu as commencé à travailler.
09:00Et si tu as travaillé tout le temps, ou si tu as eu des interruptions,
09:04ça va un petit peu décaler l'âge auquel tu vas pouvoir partir à la retraite.
09:08Et si on se bat aujourd'hui, la CFDT, d'autres organisations syndicales,
09:13Armand, c'est qu'aujourd'hui, tu as 9 ans, je pense que tu penses à plein d'autres choses que la retraite.
09:19Mais ce qu'on fait aujourd'hui, c'est pour que tu aies, toi aussi, une retraite par répartition.
09:23C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les gens qui travaillent payent pour les personnes qui sont en retraite.
09:28Et moi, j'espère que quand arrivera aussi pour toi l'âge de la retraite,
09:33le régime sera toujours là, que tu auras un régime à la carte
09:37et que tu pourras choisir le moment où tu peux partir.
09:40Armand, tu penses déjà à la retraite ou pas ?
09:42Oui.
09:43Ah ben, écoute, voilà, formidable.
09:46J'espère que tu penses à plein d'autres choses aussi.
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