00:00Alors, c'est un discours, effectivement, dont on parle beaucoup depuis hier, qui a fait réagir peu à peu et qui fait réagir énormément maintenant.
00:07Alors, Emmanuel Macron livre une analyse et un plaidoyer tout à la fois sur l'état de nos démocraties et de quelle manière sauver nos démocraties de ce qu'il est menace.
00:18Et notamment, il cible particulièrement les réseaux sociaux en disant qu'il déstabiliserait fondamentalement notre espace public, notre manière de vivre collectivement.
00:27Il dit, comme argument, il dit « Aujourd'hui, notre espace public est contrôlé par des entreprises chinoises, par des entrepreneurs américains, les Européens sont dépossédés de leur destin et la vie démocratique serait abîmée par les réseaux sociaux. »
00:40Et il donne une série d'exemples. Par exemple, il nous dit qu'il y a une perte de confiance en la science aujourd'hui.
00:46Et il dit « D'ailleurs, on sera tous demain un continent complotiste si ça continue. »
00:51Mais le problème, on pourrait demander, je réponds presque à chaque argument un par un,
00:54Est-ce que la perte de confiance en la science vient véritablement des seuls méchants réseaux sociaux ?
00:59Ou est-ce qu'elle ne vient pas du fait que depuis plusieurs années, les sciences sociales, par exemple à l'université, sont véritablement victimes de corruption idéologique ?
01:07Les sciences sociales, aujourd'hui, sont dans un effondrement intellectuel total.
01:12On nous expliquera, par exemple, en sociologie, que le concept de racisme anti-blanc n'existe pas.
01:16La science l'a dit, apparemment.
01:17Est-ce qu'au moment de la pandémie, on n'a pas vu une justification de mille et une directives contradictoires au nom de la science, encore une fois ?
01:26Autrement dit, est-ce que les institutions qui se réclament de la science, dans les faits, ne sont pas toujours à la hauteur de leur propre idéal ?
01:32Est-ce qu'on doit vraiment blâmer les réseaux sociaux ou est-ce qu'on ne doit pas critiquer plus largement l'université ?
01:37Emmanuel Macron dit « À cause des réseaux sociaux, la haine se normalise et se banalise ».
01:42Mais est-ce qu'on ne pourrait pas répondre que lorsqu'on décide d'assimiler près de 60% de la population aux extrêmes ?
01:47Extrêmes qu'on doit garder à tout prix à l'extérieur du jeu politique.
01:50Quand on mobilise sans arrêt la mémoire du fascisme et du nazisme pour dénoncer ce qu'ils appellent l'extrême droite,
01:57comme si on était devant toujours des revenants fascisants et nazis, hitlérisants et ainsi de suite,
02:02est-ce que véritablement, on n'est pas en train d'alimenter la haine contre une partie importante de la population ?
02:08Emmanuel Macron dit « L'État de droit est remis en question ».
02:10Mais quand l'État de droit aujourd'hui correspond trop souvent, non seulement au gouvernement des juges,
02:14mais presque à la dictature des juges, un État de droit qui, dans les faits,
02:17dit qu'on n'a pas le droit de critiquer, par exemple, les décisions de justice,
02:20donc c'est le seul pouvoir sans contre-pouvoir, est-ce que la faiblesse de l'État de droit ne vient pas de là ?
02:26Quand on parle plus largement d'une perte de maîtrise du débat public, de l'espace démocratique,
02:31parce que les extrêmes et tout ça, est-ce que dans les faits, ce qu'on condamne,
02:34ce n'est pas le fait qu'aujourd'hui, le système médiatique officiel ne contrôle plus tous les faits
02:38qui s'y rejusent dans l'espace public ? Est-ce que les réseaux sociaux n'ont pas permis,
02:42justement à plusieurs faits, des éléments qui étaient autrefois laissés de côté, invisibilisés,
02:47chassés du récit public ? Est-ce qu'une part du réel ne surgit pas dans l'espace public
02:51grâce aux réseaux sociaux ? Et de ce point de vue, c'est les faits qui troublent,
02:54qui remettent en question le récit de la diversité heureuse.
02:57Est-ce que ces faits, on ne voudrait pas encore une fois les chasser de la vie publique ?
03:00Alors moi, ce que je note finalement, c'est qu'il y a une vaste offensive en Europe aujourd'hui,
03:04de la part des élites européistes, pour reprendre le contrôle de l'espace public
03:08parce qu'ils sont convaincus généralement que s'ils perdent les élections de plus en plus,
03:12si le monde leur échappe de plus en plus, c'est parce que des voix non autorisées
03:17ont accès à l'espace public aujourd'hui.
03:19Il pouvait s'agir autrefois, rappelez-vous, d'un seul chroniqueur, Éric Zemmour,
03:22lorsqu'il était dans le rôle de chroniqueur, on disait « Zemmour déstabilise la vie politique française ».
03:26Mais il faut vraiment être dans une situation où on doit tout contrôler,
03:29les leviers de la vie publique pour qu'une seule voix puisse troubler la vie civique française.
03:35Autre élément dans cette idée d'un contrôle de l'espace public qui est de plus en plus revendiqué,
03:40il y a le projet Chat Control, dont on parle insuffisamment et dont on devrait parler.
03:44Le projet Chat Control, c'est au nom de la lutte contre la pédocriminalité,
03:48qui est une lutte absolument essentielle, ça va de soi,
03:51c'est une idée de surveiller, de contrôler, de scanner, si vous le souhaitez,
03:56les conversations privées sur les messageries pour s'assurer,
03:59mais vos conversations privées, je vous envoie quelque chose sur WhatsApp,
04:02vous me répondez sur WhatsApp ou sur Signal ou Telegram, Instagram, tout ça,
04:06les conversations privées seraient scannées au nom de la lutte contre la pédopornographie.
04:10Alors on comprend bien que l'objectif et la dérive,
04:13c'est que c'est une société de surveillance intégrale de nos conversations
04:16et ce projet sera débattu cette semaine dans le cadre des institutions européennes
04:21et l'Allemagne semble favorable désormais à ce projet alors qu'elle s'y opposait auparavant.
04:24Donc l'idée d'une surveillance intégrale de vos conversations,
04:27personnellement, je trouve ça un peu inquiétant.
04:29On nous dira, ceux qui n'ont rien à cacher ne devraient pas s'inquiéter,
04:32mais le pouvoir trouve toujours des raisons de nous inquiéter.
04:35Dans le même état d'esprit,
04:36Mme von der Leyen parle depuis 2024 d'un bouclier démocratique européen.
04:41L'objectif, c'est de lutter contre l'ingérence étrangère en Europe,
04:45contre la désinformation qui frappait l'Europe.
04:47Le problème, c'est que l'ingérence étrangère,
04:49je ne sais plus exactement quelle définition en avoir.
04:51Quand, par exemple, Mme von der Leyen se mêle d'une élection italienne,
04:54est-ce que c'est de l'ingérence étrangère?
04:55Quand les Russes se mêlent d'une élection en Moldavie,
04:57c'est de l'ingérence étrangère, je suis d'accord.
05:00Mais quand les puissances européennes se mêlent d'une élection en Moldavie,
05:02est-ce que c'est de l'ingérence étrangère ou non?
05:04Donc le problème, c'est qu'au nom de l'ingérence étrangère,
05:06on est en train de dire que tout ce qui se passe mal dans nos pays,
05:09chaque fois qu'on échappe le débat, c'est la faute des Russes.
05:12Alors moi, je suis le premier à me méfier de l'impérialisme russe.
05:15Mais je constate qu'aujourd'hui,
05:16« Le prétexte russe est utilisé en toutes circonstances pour réduire les libertés ».
05:21Nathalie Loiseau, cette semaine, a dit
05:22« En 2027, attendez-vous à ce que les Russes fassent une très, très grande ingérence étrangère
05:26dans la présidentielle française ».
05:28Autrement dit, si les partis du Bloc central perdent l'élection,
05:31c'est de la faute de Moscou.
05:32De ce point de vue, l'instrumentalisation de l'ingérence étrangère dans le débat public
05:36sert à restreindre, encore une fois, le périmètre de la pensée autorisée.
05:39Autrement dit, selon vous, l'Union européenne connaît en ce moment
05:41une sorte de mue post-démocratique.
05:44Alors, je dirais presque même anti-démocratique.
05:47C'est-à-dire, l'Union européenne, telle qu'on la connaît aujourd'hui,
05:50bon, elle n'a jamais été très démocratique, l'Union européenne, on s'entend.
05:52Quand les peuples votaient contre l'Union européenne,
05:54on les faisait re-voter, re-voter, pensait aux Danois,
05:57en d'autres temps, pour les forcer, en fait, à adhérer à l'Union européenne.
06:02Ce qu'on voit aujourd'hui à l'échelle de l'Europe,
06:03c'est que l'Europe est devenue, on en a souvent parlé ici,
06:05une forme politique impériale.
06:07Et les nations qui constituent l'Union européenne
06:10sont traitées comme des nations résiduelles,
06:13des provinces rebelles qu'il faut mater lorsqu'ils votent mal.
06:17Et ce qu'on voit, c'est que le contrôle du vocabulaire public,
06:20la production de normes européennes
06:23qui viennent chaque fois limiter la souveraineté des nations,
06:26tout cela mis ensemble, ça fait que l'Europe, dans les faits,
06:28tolère de moins en moins la vie politique nationale,
06:31la souveraineté nationale.
06:32Alors, on a laissé les partis dits populistes s'exprimer pendant des années,
06:35tant qu'ils ne menaçaient pas le système,
06:38tant qu'ils étaient enfermés dans la fonction tribunicienne,
06:41mais dès lors, dès lors qu'ils ont sa capacité de l'emporter,
06:44comme on l'a vu avec Trump aux États-Unis,
06:46comme on l'a vu avec le Brexit, et ainsi de suite,
06:48dès lors qu'on est dans cette situation,
06:50eh bien, il y a une crise de panique.
06:51Et là, on se dit, qu'est-ce qu'on peut faire
06:52pour que ces partis ne soient plus en capacité
06:54de prendre le pouvoir de main
06:56et de dérégler la belle construction européenne,
06:58et surtout, tous les intérêts qui y convergent,
07:01parce que n'oublions pas qu'il n'y a pas que des idées là-dedans,
07:03il y a des intérêts qui convergent, il y a une classe bureaucratique,
07:06il y a une nomenclatura bureaucratique,
07:08il y a une intelligentsia, il y a une oligarchie,
07:10et ces gens-là veulent conserver non seulement leur idéologie,
07:12mais leur poste, leur place et les institutions qu'ils contrôlent.
07:15Mathieu Pouss, on plus loin, la démocratie, à vous entendre,
07:17n'est-elle pas tout simplement en train de mourir en Occident ?
07:20C'est ce que je redoute, c'est ce que je crains,
07:22c'est ce que je pleure, cette démocratie qui nous échappe de plus en plus,
07:26parce que vous savez, dans une démocratie, il y a un principe de base,
07:29c'est que ce qui a été choisi par le peuple
07:30peut être renversé par le peuple.
07:32On débat, on prend une décision, on en change,
07:34on en prend une autre, et ainsi de suite, c'est le jeu démocratique.
07:37Qu'est-ce qu'on voit depuis, je dirais, une vingtaine d'années ?
07:40L'adversaire est délégitimé.
07:42Quand ceux que vous appelez les populistes,
07:43vous les réduisez à l'extrême droite, au fascisme, au nazisme, et ainsi de suite,
07:46quand vous êtes dans cette logique-là,
07:48vous chassez du champ de la légitimité démocratique
07:50tous ceux qui pensent mal,
07:52tous ceux qui ne sont pas d'accord avec l'idéologie du moment.
07:54Et de ce point de vue, ce qu'on a appelé le droit de l'homisme,
07:56pas les droits de l'homme, pas les libertés publiques,
07:58mais le droit de l'homisme qui s'imposait à partir des années 80-90,
08:02peut-être était-ce la première étape
08:04de la déconstruction contemporaine de la démocratie,
08:06parce qu'on disait, ça, vous ne pouvez pas en parler,
08:07c'est un droit de l'homme.
08:08Ça, vous ne pouvez pas le remettre en question, c'est un droit de l'homme.
08:10Et qu'est-ce qu'on a vu à travers tout ça ?
08:12S'étendre le périmètre du gouvernement des juges.
08:15J'ai vu Raphaël Glucksmann, cette semaine, dire sur France Inter,
08:18la démocratie, ce ne sont pas que des élections.
08:21Je suis d'accord.
08:22Mais quand j'entends cela, j'ai l'impression qu'on nous dit
08:24« La démocratie, ce n'est surtout pas des élections aujourd'hui.
08:26On voudrait définir la démocratie en l'éloignant le plus possible des élections
08:31parce qu'on se méfie d'un peuple qu'on bestialise,
08:33en le présentant comme une collection, comme un troupeau malheureux,
08:37animé par des phobies et des passions tristes
08:39qu'on devrait tenir le plus éloigné possible du pouvoir.
08:42Je m'inquiète de ces pseudo-démocrates
08:43qui se méfient finalement des élections et du peuple.
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