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  • il y a 13 heures
Dans son édito du 27/09/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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Transcription
00:00Oui, pour en fait inscrire cette décision concernant Nicolas Sarkozy dans la trame de fond qui touche l'ensemble des sociétés occidentales,
00:09pour chercher à comprendre comment en fait les juges partout ont pris le pouvoir,
00:14mais comment cette prise de pouvoir des juges s'accompagne ou je dirais est indissociable d'un effacement du politique et d'un effacement de la démocratie.
00:22Donc en fait raconter l'histoire d'un basculement qui a eu lieu depuis 50 ans un peu partout en Occident.
00:28Alors le point de départ, je le dis, du gouvernement des juges, c'est l'effacement d'une conception plus classique, plus traditionnelle de la politique.
00:36La politique est un lieu de charge passionnelle où des intérêts se confrontent, où des projets se confrontent, où des idéologies se confrontent.
00:43À partir des années 70 et plus encore des années 80, le politique est un peu en crise partout en Occident.
00:49Pourquoi? Parce qu'il était jusqu'alors dominé par ce qu'on pourrait appeler une conception socialiste du politique.
00:55La politique devait changer la vie, la politique devait transformer fondamentalement l'être humain, la politique avait une charge utopique,
01:02elle devait accoucher d'une société révolutionnaire.
01:05Donc une forme d'idéologie, d'utopie en fait très forte, qui jusqu'aux années 70, on commence, on pourrait dire, dans ces années-là, on y croit de moins en moins.
01:14Le socialisme fait faillite, le communisme fait faillite, et dès lors on est à la recherche d'une utopie de substitution.
01:19L'utopie de substitution, qu'est-ce que c'est? Très rapidement, c'est l'utopie droit de l'homiste.
01:24L'utopie droit de l'homiste qui se conjugue à l'utopie mondialiste, qui se conjugue à l'utopie diversitaire.
01:28Donc l'utopie droit de l'homiste se substitue aux politiques, et dès lors, fixe un nouvel horizon à nos sociétés.
01:35Le nouvel horizon va être décrit par les chartes de droit, les différentes chartes que nos gouvernements vont signer les uns après les autres,
01:40un peu partout, chartes de l'environnement, chartes 2, si chartes 2, ça charte des droits de telle minorité, chartes 3.
01:45Et avec un pouvoir qui s'opère, donc on proclame les chartes, et qui a le pouvoir d'interpréter les chartes dans ce monde nouveau?
01:52Ce sont les tribunaux. Les tribunaux ont ce pouvoir nouveau de fixer les orientations normatives de nos sociétés.
01:59Et au même moment, on pourrait dire que les droits de l'homme, comme référence, se substituent au peuple, comme référence fondatrice de la politique.
02:06Le peuple, c'est dangereux. Le peuple, c'est inquiétant. Le peuple, ça a des préjugés.
02:09Le peuple a probablement traversé de vieilles scories, de vieilles passions inavouables.
02:16Donc, les droits de l'homme, c'est tout autre chose. On doit rééduquer le peuple au nom des droits de l'homme.
02:21Et il faut une classe de rééducateurs. Et les rééducateurs, ce seront les juges à qui l'on prête une forme d'objectivité,
02:26parce qu'ils seraient justement indépendants, affranchis des passions populaires.
02:31L'utopie des droits de l'homme va être portée par deux vecteurs.
02:34Je l'ai dit, les tribunaux et aussi les autorités, les autres autorités administratives, l'administration,
02:39qui, elle aussi, a ce pouvoir, cette marque particulière, de ne rien devoir au peuple.
02:44Et là, qu'on comprenne bien ce qui se passe à ce moment-là, dans les années 80, 90, 2000,
02:48c'est parce qu'un pouvoir ne dépend pas du peuple qu'il est apprécié.
02:52C'est parce qu'un pouvoir ne dépend pas d'un peuple qu'on a tendance à bestialiser,
02:56à présenter comme une collection de xénophobes, racistes, insupportables et toxiques.
03:00C'est parce qu'une autorité ne dépend pas du peuple qu'elle est célébrée.
03:03Et, vous noterez d'ailleurs que le pouvoir, les nouveaux pouvoirs qui se présentent à nous,
03:07le pouvoir des médias aussi, qui sont à la fois le magistère moral,
03:11qui prétendent être l'incarnation de l'objectivité,
03:13les tribunaux, l'administration revendiquent leur impersonnalité.
03:17Quand la justice parle, c'est la justice qui parle.
03:19Ce n'est pas tel juge qui parle, ce n'est pas tel magistrat qui parle.
03:23C'est la justice dans son impersonnalité.
03:25À un point même où, quand on dit, mais quel juge a parlé,
03:28quel est le profil de ce juge, quelle est son histoire, quel est son engagement,
03:31on nous dit, ah là là, vous n'avez pas le droit de critiquer une décision de justice.
03:35Et par ailleurs, si vous nommez le juge,
03:37si vous dites ce juge a une subjectivité, ce juge a une idéologie,
03:41ce juge est emparé du droit pour faire de la politique à sa manière,
03:44si vous dites cela, vous êtes accusé de remettre en question la démocratie,
03:49parce que la démocratie a changé de visage,
03:51c'est maintenant le culte de l'État de droit, l'État de droit absolu.
03:55Et l'État de droit n'a pas le droit de le critiquer en aucune circonstance.
03:57Donc, il y a un changement de pouvoir qui s'opère à travers ça.
04:00On pourrait dire que la politique est ramenée à une fonction purement gestionnaire.
04:03Donc, la politique est vidée de son contenu.
04:05Elle est vidée de sa charge.
04:06La démocratie est ramenée finalement à une alternance d'équipes gestionnaires de peu d'envergure.
04:11On pourrait dire que c'est l'olivierphorisation de la politique en France,
04:16mais on pourrait trouver des exemples ailleurs.
04:17La justin-trudoïsation ailleurs.
04:19La kirstarmerisation en Grande-Bretagne.
04:21Donc, désormais, la politique devient un gestionnaire.
04:24Le vrai pouvoir est ailleurs.
04:25Et les seules affaires de la politique dans ce monde nouveau,
04:28ce sont ceux qu'on appelle les populistes.
04:30Parce que les populistes, eux, n'ont rien à voir avec l'utopisme,
04:33que ce soit l'utopie socialiste ou l'utopie des droits de l'homme.
04:35Les populistes ont une conception plus réaliste, plus classique de la politique.
04:39Ils se préoccupent de l'identité, de la sécurité, de la prospérité,
04:42de la puissance de leur pays.
04:44Ils incarnent le vrai clivage dans nos sociétés.
04:46Ils sont dès lors renvoyés dans l'opposition illégitime
04:48parce qu'eux n'acceptent pas ce nouveau régime fondé
04:51sur un pouvoir à prétention impersonnelle
04:53qui, dans les faits, s'impose à nos sociétés
04:55sans qu'on nous donne le droit de le critiquer.
04:58Et justement, pourquoi le politique ne se révolte-t-il pas
05:02contre cette situation, Mathieu Bocoté?
05:04Il y a une révolte.
05:05C'est celle des populistes, justement.
05:06Les populistes sont là pour dire un instant,
05:08la politique, ça consiste à débattre des institutions.
05:11La politique, ça consiste à dire
05:12le cadre dans lequel nous exerçons le pouvoir,
05:14ce cadre doit être discuté, remis en question.
05:17La politique, ça consiste à dire
05:18qui est responsable de la décision.
05:21Mais de fait, un dispositif très efficace
05:24s'est mis en place, un dispositif répressif,
05:26en deux temps.
05:27D'un côté, il y a l'étouffement financier du politique.
05:29Vous le noterez, les sources de financement du politique
05:32se sont rétrécies de plus en plus.
05:34De plus en plus, ce qui fait partout en Occident,
05:36moins aux États-Unis, j'en conviens,
05:38ce qui fait en sorte que les partis, globalement,
05:40dépendent soit d'une base militante
05:41qui peut aller franchement à coups de financement minimal,
05:45ou alors dépendent du financement de l'État.
05:47Mais quel est le problème du financement
05:49des partis politiques strictement par l'État?
05:51Mais ça donne la crise des attachés parlementaires
05:52au Rassemblement national.
05:54C'est-à-dire que les partis sont désormais obligés
05:56de se traiter comme des succursales gestionnaires
05:58du grand pouvoir technocratique qui dit
06:00que vos militants, enfin vos employés,
06:02ne doivent pas faire de politique.
06:03Les partis ne doivent surtout pas faire de politique.
06:05Ils doivent se soumettre au système
06:06sans quoi on les accuse de faire des détournements de fonds.
06:09Autre manière de casser la politique,
06:12c'est la multiplication des lois,
06:13on en parle souvent ici,
06:14qui réprime la liberté d'expression comme jamais.
06:17Donc le droit accordé à toute une série de milices
06:19aujourd'hui militantes de traîner devant les tribunaux
06:23tous ceux qui s'éloignent de la ligne de pensée dominante,
06:26ce qui crée un climat d'inhibition généralisée,
06:29de censure généralisée.
06:30Donc des partis paralysés d'un côté,
06:32la liberté d'expression mutilée de l'autre,
06:34dans un contexte où le vrai pouvoir aujourd'hui
06:36est celui qui ne dépend pas du peuple.
06:38Encore une fois, oui, on parle d'un changement de régime.
06:39Mais certains font encore du gouvernement des juges
06:41un projet.
06:42Gabriel Attal, lors de son discours samedi dernier,
06:45a proposé d'intégrer un principe nouveau dans la Constitution,
06:48celui de non-régression sociétale.
06:52Que cache cette étrange expression?
06:54Alors j'ai été frappé par cette déclaration.
06:55Ce que Gabriel Attal nous dit dans le cadre de son discours,
06:57très politique, je le cite,
06:59« Face aux conservateurs et aux réactionnaires,
07:02dont les offensives n'ont jamais été aussi nombreuses,
07:04je formule une proposition.
07:06De la même manière que dans notre Constitution,
07:08il y a un principe de non-régression environnementale,
07:10inscrivons-y un principe de non-régression sociétale
07:13pour qu'aucune loi ne puisse revenir sur les droits,
07:16sur les progrès, sur les conquêtes,
07:18obtenues de hautes luttes pour l'égalité. »
07:20Fin de la citation.
07:21Qu'est-ce que ça veut dire concrètement?
07:23Qu'il faut rendre anticonstitutionnel le conservatisme.
07:25Il faut rendre anticonstitutionnel ce qu'ils appellent la réaction.
07:28Il faut rendre encore plus anticonstitutionnel
07:30ce qu'ils appellent l'extrême droite, en guillemets,
07:32ou les populistes.
07:33Donc, dans les faits, quand la gauche réussit
07:35à inscrire dans la Constitution,
07:38à force d'un travail politique,
07:39une revendication qu'elle impose ensuite,
07:41qu'elle présente comme un droit fondamental,
07:43il ne devrait plus être possible pour la population,
07:46si elle vote pour un parti qui voit les choses autrement,
07:48de changer la Constitution.
07:49Donc, la Constitution verrouille désormais,
07:51devrait verrouiller une forme de progressisme obligatoire
07:54dont elle ne pourra pas s'extraire.
07:56Donc, la Constitution est plus importante
07:58que la souveraineté populaire,
07:59qu'il faut encore une fois mater, mutiler, faire régresser.
08:03Mais la question que je pose, c'est qui va décider
08:05ce que sont les régressions sociétales?
08:07Je considère que le multiculturalisme
08:09est une régression sociétale.
08:10Est-ce que j'ai le droit de rendre le multiculturalisme
08:12comme idéologie anticonstitutionnelle?
08:14Je considère que l'impôt abusif est une régression sociétale,
08:18parce que ça tue l'énergie, ça tue le courage,
08:20ça tue la volonté de travail, ça tue la méritocratie.
08:22Est-ce que je peux rendre l'impôt progressif,
08:25à partir d'un certain seuil, anticonstitutionnel?
08:28En fait, ce qu'on voit, c'est lorsque Gabriel Attal nous dit
08:30qu'on doit rendre le progressisme obligatoire dans la Constitution,
08:33on doit faire en sorte que les conservateurs,
08:35ce qu'il appelle les réactionnaires,
08:36même lorsqu'ils gagnent les élections,
08:37ne puissent pas porter leur vision de la société,
08:39parce qu'elle est fondamentalement contre le progrès,
08:42dont il est le seul interprète,
08:44dont il est le seul...
08:45Est-ce qu'il nous dit?
08:46Dans les faits, ce que ça veut dire,
08:47c'est qu'on ne croit plus à la démocratie.
08:49L'extrême-centre ne croit plus à la démocratie.
08:51L'extrême-centre nomme État de droit un autoritarisme nouveau
08:54qui réclame non seulement le gouvernement des juges,
08:57mais peut-être une dictature des juges.
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