00:00Ces quelques notes, vous les reconnaissez sans doute, que vous soyez fan ou non de la saga.
00:09Le thème d'Edwige, composé par John Williams, est devenu la référence musicale de Harry Potter.
00:18Après lui, d'autres compositeurs ont façonné l'univers magique.
00:22Patrick Doyle, Nicolas Sopper et Alexandre Desplat.
00:25En 2010, le compositeur français signe musicalement le grand final, les deux parties de Harry Potter et les Reliques de la Mort.
00:39Les challenges, c'est ça, que cette franchise est une franchise globale et que le monde entier attend les deux derniers Harry Potter et que vous avez cette responsabilité de finir en beauté.
00:50Mais comment clore en musique une telle saga ?
00:53Quels ont été ces choix de composition ?
00:55Et quels ont été ces défis face à une aussi grosse production ?
00:59Alexandre Desplat nous dit tout.
01:05Je me souviens que pendant les quelques semaines qui ont précédé le début de mon travail,
01:10j'ai essayé de tourner dans tous les sens, dans toutes les combinaisons possibles, le thème de Edwige, le thème de la chouette.
01:18J'imaginais toutes les possibilités comme un Rubik's Cube, puis lentement, dans une autre tonalité, en changeant la hauteur des notes.
01:24J'ai utilisé ce que j'avais recherché comme des petites citations de temps en temps.
01:34Pour les moldus, une contextualisation s'impose.
01:37On est à la toute fin de la saga, finis les aventures enfantines à Poudlard, le grand combat entre Harry Potter et Voldemort approche.
01:45Bref, la tension est à son max.
01:47Ce sont des films plus dark, plus sombres que les précédents.
01:51Alors la musique, forcément, l'est aussi un peu plus.
01:55Ça commence avec des cordes qui ont ce balancement...
01:59...qui installent comme ça un tapis de tension, comme une vibration, qui annonce les dangers à venir.
02:06Il y a un thème au corps.
02:12Et très vite, les cordes s'envolent dans une mélodie lyrique.
02:22Autre thème remarquable de la bande originale, le thème de Lydie.
02:25Pour ça, j'avais entendu la fille de Joyce Daishi, qui s'appelle Marie Fujizawa, qui est une chanteuse japonaise.
02:32J'avais entendu sa voix et j'avais été bluffé parce qu'elle chantait sans vibrato, d'une voix très, très, très, très, très pure, avec une grande justesse.
02:41Et j'ai pensé que pour cette mélodie associée à la maman d'Harry Potter, qui revenait de l'au-delà, en quelque sorte, ça pouvait donner quelque chose de vraiment magique.
02:52Quant aux grandes scènes de bataille à Poudlard, Alexandre Desplat choisit d'illustrer le chaos dans un thème lent et solennel.
03:06La seule influence que je peux imaginer, c'est que quand je regardais des films de James Bond, quand j'étais adolescent ou jeune homme,
03:13j'entendais parfois, dans des grandes scènes de bataille, la musique de John Barry, quasiment au ralenti.
03:18Ne marquant pas l'action et l'agitation qu'on avait sous les yeux.
03:24Et je pense que c'est ce que j'ai voulu faire aussi.
03:26Dans ce fracas et cette agitation totale, ajouter à cela une musique agitée n'aurait pas eu la même force.
03:34Pour donner naissance à plus de 4 heures de bandes originales, Alexandre Desplat a appliqué la même méthode que pour ses autres films.
03:48Quand je travaille, quand je compose, c'est le silence absolu chez moi.
03:51Composer, c'est penser.
03:53Donc je me sers du crayon, je remplis des cahiers entiers de motifs, d'idées, d'accords, de mélodies.
03:58Et puis très vite, parce qu'il faut aller très vite malheureusement, je travaille l'orchestration quasiment en même temps que la composition.
04:05J'écris toujours des maquettes de tout ce que je compose.
04:09Tout l'orchestre est là, dans mon ordinateur.
04:12Et le metteur en scène peut venir s'asseoir à côté de moi et regarder les scènes avec moi.
04:15Donc c'est vraiment à l'image.
04:16C'est vrai que le film est déjà dans un montage avancé.
04:19Et ensemble, on affine des détails d'orchestration, de placement, d'impact, d'énergie, d'émotion.
04:29Sur des grandes productions hollywoodiennes comme celle-ci, le montage n'est jamais terminé.
04:34Jusqu'à l'enregistrement et même jusqu'à après l'enregistrement, en général, le montage continue à être affiné.
04:40On est donc soumis à des changements permanents.
04:42C'est physiquement et mentalement fatigant.
04:44Il faut être prêt à affronter ces changements.
04:47Et puis, c'était peut-être le premier très grand film de ce genre, où à la fois la pression du metteur en scène s'additionne à la pression du producteur et à la pression que vous instillez vous-même à votre travail.
05:02Pour Alexandre Desplat, l'enjeu était aussi de marcher dans les pas d'un compositeur incontournable dans l'histoire de la musique de film, John Williams.
05:10John Williams est peut-être le dernier des grands compositeurs hollywoodiens issus de la vague d'immigration des années 30, que c'est un musicien à la fois classique et de jazz,
05:23qui a enregistré avec Henry Mancini dans les années 60 et avec quasiment tous les grands compositeurs de l'époque,
05:29qui a embrassé en fait toute la musique du XXe siècle et pas seulement, et donc qui a une virtuosité, un sens mélodique, un sens de l'image aussi, de la dramaturgie, qui est rare.
05:42Au-delà de cet hommage à John Williams et à la responsabilité qui était la mienne, c'était aussi d'écrire deux partitions symphoniques,
05:49de chacune de plus de deux heures, et avec le merveilleux London Symphony à Londres, à Bay Road,
05:55dans des conditions que je n'avais peut-être pas encore rencontrées auparavant.
05:59Donc oui, il y a un moment très important.
06:05Et quand on lui demande quels sont les ingrédients pour composer une bonne musique de film...
06:09Ah, c'est difficile une bonne musique de film parce qu'il n'y a pas vraiment de règles.
06:12Certains films n'ont pas de musique, c'est pas grave.
06:14C'est toujours un aller-retour entre le désir du metteur en scène,
06:17ce que le film vous propose, ce que vous avez rêvé du film,
06:22et comment votre imaginaire va venir embrasser ces dialogues différents.
06:28L'idée, c'est que la musique quand même apporte une vibration, quelque chose qui n'était pas là avant,
06:33en apportant une plus grande profondeur d'imagination.
06:38Je crois que c'est ça, la clé, c'est l'imaginaire.
06:40Il faut arriver avec un imaginaire que l'on partage avec le film.
06:43Sous-titrage Société Radio-Canada