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  • il y a 3 mois

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00:0011h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le magistrat honoraire Dominique-Henri Matagrin.
00:05Bonjour Dominique-Henri Matagrin, bonjour.
00:09Bienvenue sur Europe 1, ancien président de l'association professionnelle des magistrats.
00:12Le problème de la police, c'est la justice.
00:15On se souvient tous de ce slogan policier lorsqu'ils avaient manifesté il y a 4 ans devant l'Assemblée Nationale
00:20en mémoire du brigadier Eric Masson qui avait été tué sur un point de deal.
00:24Alors cette fois, pas de mort mais quand même une incrédulité.
00:27Comment se fait-il que les 5 suspects mis en examen pour avoir violemment agressé un policier de la BAC à Tourcoing vendredi dernier,
00:34on a les images, ils ont eux-mêmes filmé leur acte, et bien comment se fait-il qu'ils aient tous été libérés ?
00:40Il y a là, Dominique-Henri Matagrin, je pense que vous le partagez, un message d'impunité absolument incompréhensible.
00:47Le problème de la justice, c'est la loi.
00:52Quand on lit le texte du Code de la justice pénale des mineurs, applicable donc dans ce cas particulier,
01:01puisqu'il s'agissait d'un problème de détention provisoire,
01:06quand on lit ce texte, on se demande, tellement les conditions prévues sont restrictives,
01:12comment on peut encore arriver à placer un mineur en détention provisoire ?
01:17On a de la part d'un législateur en chambre qui préfère adopter des postures flatteuses,
01:23qu'il croit sans doute humanistes, une espèce de sanctuarisation, une espèce de sacralisation des mineurs.
01:33Donc ça, c'est quelque chose qui est tout à fait naïf et rétrograde, désuet ou obsolète, pour parler comme M. Darmanin.
01:45Et c'est bien là-dessus qu'il faut réfléchir.
01:50Oui, alors c'est important ce que vous venez de dire, parce qu'ils restent mis en examen,
01:53ils seront jugés, peut-être qu'ils auront-ils en prison, on ne sait pas, mais en tout cas...
01:56Et d'abord, il y a appel du parquet, il y a appel du parquet.
01:59Absolument. Mais il y avait effectivement cette question de,
02:01est-ce qu'on va les garder en détention provisoire en attendant la suite des suites de l'affaire ?
02:06Et c'est là qu'un juge de liberté de la détention a estimé, non, non, ils doivent sortir parce que mineurs.
02:11Mais alors, vos collègues magistrats, Dominique-Henri Matagrin, j'aimerais bien avoir l'écho de l'intérieur de la profession,
02:16finalement, parce que vous, vous nous dites, il y a un problème pour le juge avec la loi.
02:21Vos collègues magistrats partagent-ils votre agacement, si je puis dire,
02:25face à cet allègement considérablement de ce qui arrive aux délinquants par rapport à ce que la loi prévoit en théorie ?
02:33Bon, chacun peut avoir sa sensibilité à cet égard.
02:36Il est certain que le laxisme, il n'est pas seulement dans la loi, il est parfois dans les têtes aussi,
02:42dans la tête des décideurs judiciaires.
02:44On sait qu'il y en a, il se manifeste assez bruyamment à l'occasion,
02:49on sait qu'il y a chez certains de mes collègues un préjugé défavorable,
02:55une réticence à l'égard, bon, de la police en général,
03:00vis-à-vis de la détention, vis-à-vis de l'incarcération en général aussi.
03:05Oui, vous parlez de carcérophobie, vous étiez venu nous en parler, la carcérophobie de certains de mes collègues.
03:09Eh bien oui, mais c'est une réalité aussi, bien sûr, elle n'est pas partagée par tout le monde,
03:16mais c'est un fait qu'on a un syndicat de magistral, syndicat de la magistrature
03:21qui avait voté comme son objectif l'abolition des présents,
03:26qui avait rédigé un texte à l'usage des personnes en difficulté avec la police
03:34pour leur apprendre à se défendre contre la police,
03:37et dont une figure historique qui s'appelait Osphal de Baudot, dans une harangue,
03:42avait appelé ses collègues à être, pour le voleur, contre la police.
03:47Oui, ça c'est quand même un état d'esprit très particulier.
03:51Alors bon, bien sûr, ce n'est pas l'état d'esprit de tout le monde.
03:54Bien sûr, bien sûr.
03:54Il serait absurde de vouloir généraliser.
03:57Non mais je vais rappeler, je vais rappeler quelque chose.
03:58C'est une réalité.
03:59Bien sûr, je vais rappeler, vous avez travaillé, vous, cette question, Dominique-Henri Matagrin,
04:02pour l'Institut pour la Justice, vous étiez venu nous en parler avant l'été.
04:06Vous avez étudié les peines d'emprisonnement prononcées par nos juges,
04:10inscrites au casier judiciaire national.
04:12Donc c'est véritablement ce qui est fait.
04:14Alors vous donnez des exemples, vol avec effraction par exemple.
04:17Le vol avec effraction, le code pénal prévoit 7 ans de prison.
04:217 ans de prison, en réalité à peine 9 mois en moyenne.
04:25Voilà, c'est quand même ça la réalité aujourd'hui, la réalité carcérale si je puis dire.
04:29Et c'est une moyenne.
04:31Mais il faut aussi prendre en compte que dans la très grande majorité des cas,
04:36ce sont des peines qui sont inférieures à un an.
04:38C'est-à-dire qu'elles sont aménageables, comme on dit pudiquement.
04:41C'est-à-dire qu'en réalité, dans bon nombre de cas,
04:44elles ne seront pas exécutées.
04:46Et celui qui est condamné à une peine de prison ferme ne fera pas un seul jour de prison.
04:51Et puisqu'on parle d'agression contre les membres des forces de l'ordre,
04:55vous aviez dans cette étude aussi des chiffres absolument éloquents et effarants.
05:00puisque c'est seulement dans un tiers des cas, ou à peine plus,
05:05qu'une peine de prison ferme, avec ou sans sursis, était prononcée.
05:11C'est la peine moyenne pour des faits qui, dans la loi, peuvent aller de 3 à 10 ans d'emprisonnement.
05:22La peine moyenne était à peine supérieure à 6 mois et demi.
05:26C'était 6,7 mois.
05:28Et la proportion des peines inférieures à un an, donc aménageables, était de 86%.
05:36Donc d'un côté, la loi nous dit, agression contre un policier selon les circonstances aggravantes.
05:41Très grave, ça vaut 10 ans.
05:42On doit avoir la totale, ça va de 3 à 10 ans.
05:45La réalité, 6 mois et demi, et 86% des cas inférieurs à un an.
05:51Donc ça, effectivement, ça mérite qu'on se penche dessus.
05:57Alors justement, Dominique-Henri Matagrin, votre confrère, Georges Fenech, ancien magistrat lui aussi,
06:02qu'on entend régulièrement, notamment chez Pascal Praud,
06:05il accuse, Georges Fenech, l'école nationale de la magistrature,
06:09donc c'est là où on forme les magistrats,
06:11de cultiver un esprit antipunitif, d'une certaine manière.
06:14Ce n'est pas comme ça qu'il le dit, mais c'est ainsi que je l'interprète.
06:17Est-ce qu'il y a un problème, effectivement, au niveau de la formation, vous pensez, Dominique-Henri Matagrin ?
06:21Oui, bon, les élèves de l'école nationale de la magistrature,
06:26ce n'est pas non plus de la cire molle dont on ferait absolument ce qu'on veut.
06:30Donc, bon, bien sûr, il y a dans l'enseignement une certaine attitude idéologique,
06:38c'est celle qui est dominante dans les cénacles intellectuels,
06:44au Parlement et bien souvent au gouvernement,
06:50songeons à Dupond-Moretti, à Mme Belloubet, à Mme Taubira.
06:56Voilà, c'est une idéologie qui est effectivement anti-carcérale,
07:01pour ne pas dire largement anti-pénale.
07:04Mais il serait beaucoup trop simpliste de tout imputer à l'école nationale de la magistrature.
07:09D'abord, la véritable formation, elle ne se fait pas à l'école,
07:12elle se fait sur le tas, quand les gens sont en stage,
07:15et puis elle se fait aussi tout au long de la vie.
07:17Mais voilà, les attitudes idéologiques, les préjugés,
07:21ils ont leurs racines bien au-delà d'un enseignement de quelques mois.
07:27C'est une vision extrêmement simpliste,
07:29et je n'y souscris absolument pas.
07:31Merci beaucoup en tout cas de vos lumières.
07:32Sur la réalité judiciaire,
07:34le magistrat honoraire Dominique-Henri Matagrin
07:36était l'invité d'Europe 1 ce matin.
07:38Bonne journée à vous !
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