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  • il y a 2 mois
Transcription
00:00Blade Runner est le parrain de nombreux films de science-fiction qui l'ont copié sans aucun scrupule.
00:30On peut de moins en moins affirmer que Blade Runner est de la science-fiction.
00:42Ce film a évolué de la science-fiction vers une sorte de réalité.
00:50Les gens voient Blade Runner comme un univers dystopique, avec d'immenses panneaux publicitaires et une pluie incessante.
00:56Je crois que Blade Runner a visé juste.
01:01Aujourd'hui, quand on se promène dans les rues de Los Angeles, on peut se dire que le 2019 de Blade Runner, c'est effectivement Los Angeles en 2019.
01:26Ce film pose des questions universelles.
01:44« Pourquoi suis-je ici ? Qui suis-je ? Pourquoi dois-je mourir ? Est-il possible de vivre un peu plus longtemps ? »
01:52La surpopulation, le réchauffement planétaire, l'isolement causé par la technologie.
01:58« Qu'est-ce que l'esclavage ? Qu'est-ce qu'un maître ? Une entreprise ? À quoi cela ressemble-t-il d'être l'esclave d'une entreprise, d'être prisonnier d'un enfer urbain ? »
02:07« La nécessité d'avoir un cadre moral qui intègre des possibles et de pouvoir porter des jugements sur ce qui est utile ou non. »
02:23« Qu'est-ce que cela fait de voir notre environnement s'effondrer autour de nous à cause de notre pollution ? »
02:27« Tout cela est abordé dans le film. Je suis le seul, Blade Runner. »
02:37« Cet objet est devenu un symbole. Montrez ça à n'importe qui ayant vu le film, il saura immédiatement de quoi il s'agit. »
02:48« Bienvenue dans le monde de Blade Runner. »
02:55« Blade Runner. »
02:57« Pardon ? »
02:58« J'ai vu la nouvelle version. »
03:01« Il a été filmé ici, c'est ça ? »
03:03« Il a été tourné ici. L'ancienne version, je veux dire. »
03:06« Dans le Bradbury Building. C'est super cool. »
03:11« Je visite Los Angeles et j'ai trouvé une photo de cet endroit. C'est magnifique. Et super pour Insta. »
03:19« Blade Runner a une forte influence, c'est clair. »
03:22« Je l'ai vu de nombreuses fois, dans de multiples versions. Et j'y reviens toujours pour m'inspirer des espaces et des structures urbaines. »
03:38« C'est un film qui inspire beaucoup les architectes. »
03:44« Je ne le connais pas très bien. Tout le monde croit connaître ce film, alors qu'en fait, personne ne sait réellement de quoi il parle. »
03:52« Je me souviens surtout que c'est très sombre et très triste, avec une ambiance de fin du monde. »
04:08« En 1980, Los Angeles était un endroit très différent, beaucoup moins développé. On ne voyait pas tous ces immeubles modernes au centre-ville. »
04:17« De fait, les inégalités entre riches et pauvres sont beaucoup plus marquées dans le Los Angeles d'aujourd'hui. »
04:26« Par rapport à 1980, il y a des gens qui cumulent trois boulots et qui, malgré ça, vivent dans la rue parce qu'ils ne gagnent pas assez pour s'offrir un toit. »
04:39« C'est une réalité. »
04:45« Il n'y a aucune connexion entre ceux qui vivent dans des maisons et les autres. »
05:06« Ce mode de coexistence est très difficile à comprendre. »
05:11« On trouve des appartements à un million et demi de dollars. »
05:16« Et dans des quartiers où les sans-abri ont envahi les rues. »
05:24« Voilà comment on en arrive à la situation que Blade Runner prédit avec tellement de justesse. »
05:33« Blade Runner ? »
05:35« Hé, c'est quoi Blade Runner ? »
05:37« Je n'ai pas revu Blade Runner depuis, je sais pas, 1989. »
05:42« J'ai voulu regarder la nouvelle version, mais je me suis retrouvé dans la rue. »
05:46« Alors, entre économiser pour manger et se priver pour voir un film, j'ai choisi. »
05:51« Oui, je me souviens l'avoir vu. »
05:55« Quelques années après sa sortie, je crois. »
05:59« Ça parle du futur, il me semble. »
06:03« Et de tout ça. »
06:08« Il y a un fossé profond. »
06:11« Les pauvres d'un côté. »
06:14« Et de l'autre, les apparts à plusieurs millions de dollars. »
06:18« Los Angeles est la ville des extrêmes. »
06:27« D'un côté, c'est une cité très riche. »
06:30« Et de l'autre, la pauvreté y est de plus en plus visible. »
06:35« Je ne sais pas si vous avez vu des sans-abris. »
06:38« Ils sont partout. »
06:40« C'est très violent. »
06:42« Et ça ressemble beaucoup à Blade Runner. »
06:55« Si c'était notre monde actuel, si l'année 2019 avait réellement ressemblé au film, »
07:01« ce serait un cauchemar. »
07:03« Et à certains endroits, c'est peut-être le cas. »
07:08« De quoi parle Blade Runner ? »
07:11« Nous avons d'abord l'intrigue classique, celle du détective, qui se recoupe avec une histoire d'amour. »
07:16« Et le tout se déroule dans un avenir pas si lointain. »
07:20« Le détective est chargé de retrouver des réplicants qui menacent la communauté, »
07:24« plus ou moins à la façon de terroristes. »
07:28« Il traque les réplicants, en élimine quelques-uns, mais fait aussi la connaissance d'autres. »
07:33« Dès lors, sa vision des réplicants évolue. »
07:39« Qu'est-ce qu'un androïd ? »
07:58« Qu'est-ce qu'un androïd ? »
08:07« Il s'agit d'un humain de synthèse. »
08:09« A-t-il des sentiments ? Des rêves ? »
08:12« Et de quoi rêvent-ils ? »
08:14« C'est forcément différent de nos rêves à nous. »
08:17« Un androïd peut être génétiquement structuré. »
08:20« Donc nous avons décidé de ne pas utiliser la parole parce qu'elle a été overused et misused. »
08:26« Et donc nous avons développé notre propre parole, qui est la parole réplicant. »
08:32« La question posée dans Blade Runner est, qu'est-ce que cela signifie d'être humain ? »
08:38« Dans Blade Runner, les réplicants envahissent le marché du travail. »
08:47« Nous vivons dans une époque où on attribue de nombreuses tâches à des robots. »
08:52« Blade Runner l'avait prédit. Allez voir chez Amazon. Tous les colis sont préparés par des robots. »
08:59« C'est très visible. Depuis les années 80 et Blade Runner, il n'y a plus que des dystopies. »
09:05« Notre image de l'avenir est visiblement assez négative. »
09:12« J'adore travailler avec des illustrateurs, des concepteurs de storyboards et les meilleurs directeurs artistiques que je peux trouver. »
09:20« C'est très agréable. On leur lance une idée et ils vous la renvoient. »
09:24« Sid est formidable. Il est à la fois artiste, artisan et sociologue. »
09:30« Il peut parler pendant des heures de la logique de la planification urbaine, du déclin urbain et sociologique et du désordre. »
09:38« Ce type a un flair incroyable pour imaginer la direction que pourrait prendre le monde. »
09:47« Au générique, on voit un hommage très spécial au concepteur néo-futuriste Sedmid, qui a eu la vision de cette ville. »
09:57« Il a exécuté des dessins merveilleux, qui ont donné toute sa densité au film. »
10:07« J'ai rencontré Ridley Scott et la première chose qu'il m'a dite, c'est qu'il ne voulait pas d'un décor tout blanc, propre et immaculé. »
10:19« Le blanc était la couleur de l'avenir dans les années 70. Les surfaces du futur étaient nettes, lisses et parfaitement aseptisées. »
10:28« Pour ce film, l'objectif était différent. Ridley voulait faire un film de science-fiction noir. »
10:36« L'astuce, quand on parle du futur, c'est d'avoir un élément d'identification qui permette au spectateur de comprendre ce qui l'attend. »
10:46« Là, il se dit, tiens, ça me paraît familier. Et le tour est joué. »
10:54« Les films noirs des années 1930-1940 sont dominés par des clairs obscurs, mais surtout par l'obscurité. L'éclairage y est très réduit. Il y a toujours des petits coins noirs où quelque chose pourrait se dissimuler. »
11:07« Le monde de Blade Runner est également très sombre. On ne voit jamais la lumière du soleil. Il pleut en permanence. Il fait noir. »
11:16« Ce qui est nouveau dans Blade Runner, c'est que cette spécificité ait été transposée dans un film de science-fiction. »
11:26« Je crois qu'à l'époque, la bande originale de Vangelis a également beaucoup joué. Ce travail avec des sons électros était très nouveau. »
11:46« Vangelis est un pionnier. Et il a largement contribué au phénomène Blade Runner. »
11:56« Vangelis est chargé de toutes les scènes en ville. Il a disposé d'énormes haut-parleurs de théâtre sur les bâtiments.
12:0515 de chaque côté de la rue, sur les toits. Et il a diffusé la bande-son de Vangelis sur le plateau.
12:15Il disait « Action ». Les spinners commençaient à voler. Et les gens à marcher dans les rues.
12:23« Les acteurs entendaient exactement la même musique que dans le film. Ils étaient tous dans la même ambiance. »
12:35« Mon trésor. La bande originale de Vangelis en Dolby Stereo. »
12:49« Vangelis a eu beaucoup d'importance pour la compréhension de ce film. Il en a fait une expérience audiovisuelle. »
12:59« Il était assis et il observait chaque plan, chaque réplique, chaque expression des acteurs. »
13:12« Il ne se contentait pas de superposer sa partition pour voir si ça fonctionnait. Il passait tout en revue. Il se projetait dans le film. »
13:21« L'intrigue se déroule dans une version dystopique de Los Angeles. Dans une société extrêmement polluée, transformée, avec une très forte présence asiatique. »
13:49« Ridley et moi avions vraiment envie de comprendre la dynamique culturelle du monde de 2019. »
14:07« Il faut se rappeler que nous avons fait ce film en 1980. Il n'y avait qu'une direction possible pour le futur Los Angeles. »
14:17« Il faut savoir une société profondément multiculturelle. »
14:20« J'ai présenté Eddie Olmos à Ridley. »
14:36« Je lui ai dit que je l'avais vu dans Chicanos Story et qu'il ferait un excellent gaffe. Quand Ridley l'a auditionné, il avait déjà inventé son propre langage. Il a été extraordinaire. Il avait même les lentilles bleues pour montrer le côté multi-ethnique de son personnage. »
14:55« Ce type parlait hongrois, japonais, allemand, français aussi, vietnamien, espagnol, anglais. »
15:05« J'ai fini par inventer le city speak, un argot urbain mélange de dix langues différentes. »
15:13« Tu as le mauvais gars, frère. »
15:15« Le hongrois est sans doute le plus marquant. »
15:26« Lofost, nehojman, tevaja blade runner. »
15:33« Ça veut dire espèce de bite de cheval. Tu es un blade runner. »
15:39« Quand les Hongrois ont vu le film, ils n'en revenaient pas. »
15:43« Nehojman, nehojman, nehojman, nehojman, nehojman, bladja blade. »
15:48« Il dit que tu es un blade runner. »
15:51« Nous l'avons montré dans Blade Runner, nous avons détruit notre planète. »
16:01« Tout le monde doit donc vivre dans cet apocalypse dont nous sommes la cause. »
16:05« Dans un air pollué. »
16:08« Sur une planète dans un état déplorable. »
16:12Il fait sombre en permanence, on ne voit jamais le soleil, et il pleut des pluies acides.
16:17Quel que soit le scénario, qu'il s'agisse d'une catastrophe nucléaire ou climatique,
16:23on se retrouve dans une situation prédite par Blade Runner.
16:32La chaleur, un réchauffement climatique extrême, l'élévation du niveau de la mer, tout cela va se réaliser.
16:42On vit tous dans une sorte d'illusion, on se dit que ce n'est que temporaire qu'on va s'en sortir.
16:49Mais il n'y aura pas d'avenir radieux dans lequel nous pourrons vivre,
16:54seulement un futur dans lequel nous ne ferons que survivre.
16:59Nos enfants et les enfants de nos enfants subiront les conséquences de notre comportement de manière catastrophique.
17:06C'est inévitable.
17:07Telle est la vision d'avenir que nous avons racontée en 1982.
17:15C'était réellement révolutionnaire.
17:17Les images étaient si intelligentes et impressionnantes.
17:20Seule Ridley et Sid Mead étaient capables de les réaliser.
17:23Elles prédisent notre époque actuelle avec une perspicacité absolument incroyable.
17:26Ma mission était surtout de trouver des idées pour les véhicules,
17:33parce que leur création est ce qui prend le plus de temps.
17:38Nous avons conçu le spinner, le taxi, mais aussi le camion de Sébastien et la voiture du peuple.
17:45J'ai présenté mes concepts dans l'ambiance dans laquelle ces véhicules étaient censés être utilisés dans le film,
17:53et Ridley a beaucoup apprécié.
17:57J'ai compris ce qu'il cherchait, et ça lui a plu.
18:02Une ambiance visuelle, brute, délabrée et morose.
18:07C'est en peinture que je me suis fait une place dans le reste du film.
18:10Sid Mead est le principal créateur de l'atmosphère de Blade Runner.
18:17Ce mélange intime d'ancien et de récent.
18:22L'ancien se trouve dans les étages inférieurs et le récent dans les supérieurs.
18:27La fusion de tous ces éléments sans vraie transition contribue à la magie du film.
18:33Le paysage urbain que j'ai conçu pour Blade Runner
18:37est un assemblage de structures élancées d'un kilomètre de hauteur.
18:43Et la base pyramidale permet d'entrer et de sortir de ces tours.
18:51Au 60e étage, à peu près, se trouve un sas.
18:55Et de là, la tour monte vers le ciel.
18:57J'ai imaginé l'accélération d'une tendance déjà en cours,
19:09à savoir la construction de hauts immeubles.
19:19Ces gratte-ciels font des rues le sous-sol de la ville.
19:22Je me suis inspiré de Cuba et de l'Inde
19:29où on ajoute des éléments sur d'autres
19:31au point que si on veut acheter quelque chose de neuf,
19:35ce n'est pas possible.
19:37C'était ça l'idée de départ.
19:40Il y a de gros câbles électriques
19:41qui serpentent le long des bâtisses pour les alimenter.
19:44C'est le principe de la superposition,
19:49faire fonctionner des choses qui sont déjà présentes.
19:53Pour moderniser cet environnement urbain,
19:56Sid Mead a imaginé l'ajout d'étranges conduites et de tuyaux.
20:00L'idée, c'est de prendre des éléments anciens
20:02et de les faire marcher en leur donnant de nouvelles fonctionnalités.
20:05C'est ce qu'on appelle la rétro-déco
20:12ou le trash chic.
20:14Et c'est cela qui a donné au film cet aspect,
20:16une accumulation de détails
20:18qui n'est pas très plaisante à l'œil.
20:20Il faut dire que ce n'est pas un endroit agréable.
20:32Après 1982,
20:33il est devenu impossible de tourner des films de science-fiction comme avant.
20:37C'en étaient finis des héros immaculés et des temps heureux.
20:41Nous étions arrivés dans l'univers dystopique
20:43et le côté obscur de la science-fiction.
20:46Blade Runner en a inspiré d'autres.
20:48Je pense notamment à Dark City.
20:50Ça devient de plus en plus sombre.
20:52Il y a aussi la voiture volante
20:54qui marque une étape cruciale.
20:56Dans Blade Runner,
20:57ce sont des véhicules fantastiques,
20:59les spinners,
21:00qui influencent aujourd'hui encore l'industrie automobile.
21:03Le spinner est un hélicoptère.
21:08C'était une façon innovante d'imaginer un véhicule
21:12capable de voler dans les airs
21:14ou d'être conduit dans la rue.
21:16Il permet une visibilité à 360 degrés.
21:19C'est une référence que j'emploie régulièrement
21:25quand quelque chose semble irréaliste dans un film.
21:29Des voitures volantes.
21:31Si ça se trouve, d'ici cinq ans,
21:32nous piloterons des voitures volantes.
21:36L'une des tâches les plus compliquées
21:38consiste à lier l'ancien monde au nouveau.
21:43J'imagine une époque
21:46où votre voiture indiquera aux autres
21:48qu'elle est conduite par un humain.
21:52Alors soyez très vigilants.
21:54Je ne plaisante pas.
21:55Les voitures autonomes
21:59ont quelque chose de miraculeux.
22:02Mais soudain,
22:03un incident survient,
22:04un bug dans le système.
22:06Le logiciel tombe en panne
22:07et vous voilà mort.
22:10Quel monde étrange.
22:10Dans la séquence d'ouverture du film,
22:25surnommée Hades Landscape,
22:27on voit ces cheminées
22:28qui crachent de la fumée
22:29et de la suie.
22:31On a la sensation
22:32que c'est une machine
22:33qui fait vivre cette société.
22:35On est dans un monde futuriste,
22:37mais où l'industrie
22:38est restée très présente.
22:40On se croirait presque
22:41au début du 20e siècle.
22:45J'ai grandi à Los Angeles
22:47à une époque
22:48où il y avait un smog terrible.
22:50Je suffoquais en allant à l'école.
22:52Je ne pouvais pas m'y rendre à vélo.
22:54On ne voyait rien
22:55à deux paquets de maisons.
22:57C'était vraiment dramatique.
23:00Lorsque nous avons imaginé
23:02le Hades Landscape,
23:03nous avons évoqué
23:04ce genre d'ambiance toxique.
23:08Nous avons simplement pris l'idée
23:10d'une usine pétrochimique
23:11composée de tuyaux
23:13d'où sortent des gaz toxiques
23:14et nous avons conçu
23:15tout notre décor
23:16à partir de ça.
23:19C'était une idée
23:20vraiment farfelue.
23:24Douglas est une sorte
23:26de savant fou.
23:27Vous lui soumettez un problème
23:28et au bout de quelques jours,
23:29il revient avec une solution.
23:31Pour moi, un film,
23:33c'est plus qu'un récit.
23:35C'est une expérience.
23:38C'est la qualité
23:40de cette expérience
23:40qui est importante.
23:42Vous devez transporter
23:43le public dans l'espace
23:44ou dans un environnement
23:45dystopique
23:46qui doit être vraisemblable,
23:48à la fois beau et laid.
23:51Il doit être crédible.
23:52Le processus de fabrication
23:59du Hades Landscape
24:00s'est effectué par étapes.
24:02Nous avons pris une silhouette
24:03que nous avons placée
24:04devant une autre silhouette,
24:06puis une autre
24:06et encore une autre.
24:08Ensuite,
24:09nous avons ajouté
24:09de la fumée
24:10entre chaque élément.
24:11Si en plus,
24:12vous y mettez un éclairage,
24:14vous obtenez
24:14différentes épaisseurs.
24:16C'est la perspective forcée,
24:18un concept très ancien
24:19emprunté au théâtre.
24:20Nous avons repris ce principe
24:22et nous l'avons appliqué
24:23à ce décor
24:23pour donner l'impression
24:24qu'il se déployait
24:26sur des kilomètres.
24:32Pour servir le récit
24:33de Ridley,
24:34nous sommes partis
24:35de quelque chose
24:36de très laid
24:37que nous avons rendu beau
24:39grâce à la couleur
24:39des lumières
24:40et à la densité
24:41de la fumée.
24:45Sans parler
24:46des explosions
24:47et des éclairs.
24:49Nous y avons fait voler
24:50les spinners
24:51et soudain,
24:52la magie a opéré.
25:08Ridley Scott
25:09s'est inspiré
25:12de beaucoup d'œuvres
25:13pour le visuel
25:13de Blade Runner,
25:14à commencer par le chef-d'œuvre
25:16de Fritz Lang,
25:17Metropolis,
25:18qui reste une prouesse
25:20extraordinaire.
25:25Je pense que c'est ce film
25:27qui est à l'origine
25:28de Blade Runner
25:29parce qu'on n'a jamais vu
25:31une mégapole
25:32telle que Metropolis.
25:33La référence à ce film
25:38est évidente.
25:39Ridley Scott
25:40a étudié Metropolis
25:41en détail.
25:42C'est très intéressant
25:44de regarder Blade Runner
25:45puis de revoir
25:47Metropolis.
25:50Il y a tout d'abord
25:51la ville verticale,
25:53les gratte-ciels,
25:53et au milieu,
25:54le bâtiment central
25:55de Metropolis,
25:56la tour de Babel.
25:57Dans Blade Runner,
26:00c'est le bâtiment
26:00de la Tyrell Corporation
26:02qui, lui,
26:03ressemble à une pyramide.
26:09Tous ces points communs
26:12sont saisissants,
26:13aussi bien en termes
26:14de contenu
26:14que d'esthétique.
26:18Pendant la pré-production,
26:20Ridley Scott
26:20a projeté le film
26:21à ses collaborateurs
26:22les plus proches.
26:23Il leur a dit
26:24« Je veux ça,
26:24et ça,
26:25et ça. »
26:27C'est très bien.
26:27C'est un hommage.
26:30Apprendre des succès
26:31du passé,
26:31ça fait partie
26:32de l'évolution
26:33de l'art cinématographique.
26:38Structurellement parlant,
26:39Metropolis est définie
26:40par la ville haute
26:41et la ville basse.
26:42En haut,
26:42on a la classe dirigeante,
26:44en bas,
26:44la classe ouvrière.
26:46Dans Blade Runner,
26:48ces niveaux se confondent,
26:49mais on conserve
26:50la tour qui s'élance
26:51vers le haut
26:51et les gratte-ciels.
26:53Au sommet,
26:53il y a les bureaux
26:54des directeurs.
26:55Le dirigeant
26:56de cette entreprise
26:56se trouve
26:57dans un immense bureau,
26:58devant une vaste baie vitrée
26:59et dans une attitude typique,
27:01il contemple la ville
27:02en contrebas.
27:10Dans les deux films,
27:11ce sont des entreprises
27:12qui dirigent
27:13et dominent cet état,
27:14cette ville.
27:14Un autre parallèle
27:24dans les deux films,
27:25ce sont les projecteurs
27:26qui balaient les bâtiments.
27:30Cet éclairage
27:31n'est pas sans évoquer
27:31la surveillance
27:32et la police secrète.
27:37Ce sont des éléments
27:37qu'on retrouve
27:38dans Blade Runner.
27:39Ce que je trouve
27:55fascinant aussi,
27:56c'est que la ville
27:57de New York,
27:58complètement délabrée
27:58de l'époque,
27:59a également eu
28:00une influence.
28:01J'ai suivi le schéma
28:05des rues
28:05de New York
28:06et de Chicago,
28:07qui sont des villes
28:08linéaires,
28:09pour exacerber
28:10la densité
28:11du paysage urbain
28:12que j'ai créé
28:13pour Blade Runner.
28:16Pour Métropolis,
28:24Fritz Lang s'est beaucoup
28:24inspiré de sa première
28:25visite à New York,
28:27lorsqu'il a vu
28:27les gratte-ciels.
28:28Il a notamment
28:29pris des photos
28:29de Wall Street.
28:31Il a ensuite demandé
28:32à Erich Kettlehoot
28:33et Otto Hunter
28:34de lui construire
28:35une ville
28:35qui ressemblerait
28:36à New York.
28:37Le duo a créé
28:38un décor fabuleux
28:39au moyen de techniques
28:40les plus diverses,
28:41par exemple,
28:42le map painting,
28:43mais aussi des maquettes
28:44et d'immenses constructions.
28:45C'est également
28:48quelque chose
28:49qu'on retrouve
28:49dans Blade Runner,
28:50à savoir les maquettes
28:51et la forme pyramidale
28:53de la tour Tyrell.
28:58Sid Mead a bien entendu
28:59lui aussi travaillé
29:00avec des éléments
29:01proches du map painting
29:02pour faire naître
29:03son décor urbain.
29:06Il faut le rappeler,
29:07Métropolis a fait
29:08un flop à sa sortie.
29:10Ça peut paraître fou,
29:11mais ça a été
29:11un vrai fiasco.
29:12Le plus étonnant,
29:13c'est que dans un premier temps,
29:14Blade Runner non plus
29:16n'a pas connu
29:16le succès aux Etats-Unis.
29:19Nous espérions tous
29:20qu'il décrocherait
29:21l'Oscar du meilleur film
29:22cette année-là.
29:24Ce mauvais accueil
29:25m'a anéanti.
29:26Les gens quittaient la salle
29:27et les critiques
29:28n'étaient pas terribles.
29:29J'avais l'impression
29:30d'accoucher en public.
29:32J'avais donné
29:32tellement de ma vie
29:33à ce film.
29:34Il était si important
29:35à mes yeux.
29:36Ça a été une expérience
29:39très douloureuse.
29:42En clair,
29:43ce sont deux films
29:44qui étaient en avance
29:45sur leur temps
29:45et qui n'ont été reconnus
29:47et appréciés
29:48à leur juste valeur
29:49que plus tard.
29:50Ils ont instauré
29:51et perpétué
29:52tout un univers esthétique.
29:56Je ne connaissais personne
29:57à Los Angeles
29:58et on ne me connaissait pas
29:59non plus,
30:00ce qui est encore pire.
30:01Ça m'a donc pris
30:03plus de temps
30:03de faire comprendre
30:04ce que je souhaitais
30:05et ne souhaitais pas.
30:08Et c'est comme ça
30:08que nous avons pris du retard.
30:10Il débarquait à peine
30:12dans l'industrie
30:13du cinéma américain
30:14et il a apporté
30:15à ce film
30:16un style,
30:18une ambiance.
30:20C'était toute
30:21une série de choses.
30:23Une atmosphère dense
30:24avec beaucoup de fumée,
30:25ce qui est énervant
30:26pour tout le monde
30:27sur le plateau.
30:28Tout comme la pluie
30:29qui ruisselle en permanence.
30:31et travailler toute la nuit,
30:34c'est tout aussi énervant
30:35lors d'un tournage.
30:37Donc,
30:40l'un des problèmes majeurs
30:41au cours de la production
30:42de ce film,
30:43c'est que l'équipe
30:44a pris en grippe
30:45ce nouveau réalisateur britannique
30:47qui essayait d'expliquer
30:48comment créer
30:49ces drôles d'éclairage
30:50et tous les éléments
30:52d'ambiance.
31:01les Américains
31:03regardaient
31:06cet enfant terrible
31:07venu du Royaume-Uni
31:08et disaient
31:10« Pourquoi ça clignote ?
31:12Pourquoi on doit faire ça ? »
31:15Parce que ça rend bien
31:16quelles questions.
31:18Les questions fusaient
31:19pourquoi ci,
31:20pourquoi ça ?
31:20Je me fichais
31:21qu'on me demande comment.
31:22Par contre,
31:23pourquoi ça m'agaçait
31:24prodigieusement ?
31:25parce que je savais
31:26parfaitement
31:26ce que je faisais.
31:28Il savait y faire
31:29et ça fonctionnait
31:31remarquablement bien.
31:33Mais personne
31:33ne voulait suivre.
31:35Il y avait de la résistance,
31:36de l'opposition
31:36et même de la colère.
31:39Il lui rendait
31:39la vie impossible
31:40jour après jour.
31:41Pourquoi c'est si sombre ?
31:42Pourquoi c'est si humide ?
31:43Pourquoi toute cette fumée ?
31:44Pourquoi on doit y passer
31:45la nuit ?
31:46Quelle attitude détestable.
31:49J'ai fini par hurler
31:50et être en colère
31:51en permanence.
31:54Ce qui n'est pas
31:55une bonne chose
31:55parce que l'écrit
31:56n'amène à rien.
31:57C'est juste que
31:58j'étais extrêmement
31:58concarié.
32:02Ridley a été interviewé
32:03par le journal britannique
32:04The Guardian.
32:06Ils lui ont demandé
32:06comment c'était
32:07de travailler aux Etats-Unis
32:08pour la première fois
32:09et ce qu'ils pensaient
32:11des équipes américaines.
32:14Ridley a répondu
32:15qu'il trouvait
32:16beaucoup plus facile
32:17de collaborer
32:17avec des équipes anglaises
32:19parce que,
32:20vu sa longue expérience
32:21avec elles,
32:22il lui suffisait
32:22de donner
32:23des instructions sommaires
32:24et elles comprenaient
32:25exactement ce qu'il voulait.
32:27On lui répondait juste
32:28« Oui, chef »
32:30et le travail était fait.
32:31Son chauffeur
32:33est tombé sur l'article.
32:35Il l'a confié
32:36aux accessoiristes
32:36qui en ont fait
32:37une centaine de copies
32:38et les ont placés
32:39près de la buvette
32:40sur le plateau.
32:43Le lendemain,
32:44toute l'équipe
32:46arborait des T-shirts
32:47disant
32:47« Oui, chef ? »
32:52Mon cul.
32:55Ridley est venu me voir
32:57et m'a dit
32:57« Qu'est-ce que je vais faire,
32:59Cathy ?
32:59Je ne peux pas
32:59continuer à tourner
33:00pendant encore des mois
33:01avec une équipe
33:02qui me déteste à ce point.
33:04Comment alléger
33:05l'atmosphère ? »
33:08Le lendemain,
33:10j'ai apporté
33:11des T-shirts
33:12pour Ridley,
33:12Michael Dilley,
33:15Ivor Powell
33:15et moi-même.
33:19La xénophobie,
33:20c'est nul.
33:25Là,
33:25un des membres de l'équipe
33:27est venu me voir
33:28et m'a demandé
33:28« Cathy,
33:30c'est quoi la xénophobie ? »
33:32Je lui ai répondu
33:33que c'était la peur
33:34de l'étranger.
33:35Il a ri
33:36et ça a calmé le jeu.
33:39Dès lors,
33:39la relation s'est apaisée
33:40entre Ridley
33:41et l'équipe de tournage.
33:42Pour tous ses films précédents,
33:53dont les Duelistes
33:54et Aliens
33:55qui avaient été tournés
33:56en Angleterre,
33:57Ridley Scott
33:58avait toujours tenu la caméra.
33:59Il avait donc l'habitude
34:01de voir ses acteurs
34:02à travers le viseur.
34:07Arrivé à Hollywood,
34:09il s'est retrouvé
34:10dans une situation délicate
34:11puisque les syndicats,
34:13en particulier ceux
34:14de réalisateurs
34:15et de caméramens,
34:16n'autorisaient pas
34:17le metteur en scène
34:18à manier la caméra.
34:21Donc,
34:21la seule solution
34:23qu'il ait trouvée
34:24pour pouvoir suivre
34:25la performance
34:26de ses acteurs
34:27ici,
34:27à Los Angeles,
34:28c'était un moniteur
34:30qui lui permettait
34:30de tout observer
34:31en détail,
34:32comme à travers
34:33l'objectif d'une caméra.
34:34ça a creusé
34:36un fossé énorme
34:37entre Harrison Ford
34:38et Ridley.
34:40Harrison était habitué
34:41à travailler
34:41avec des réalisateurs
34:42très présents
34:43comme Steven Spielberg
34:45ou George Lucas.
34:48Et d'un seul coup,
34:48le réalisateur
34:49n'était pas là
34:50pour le guider,
34:50ne serait-ce que
34:51pour confirmer
34:52que ce qu'il faisait
34:52était bien.
34:55Ça a vraiment créé
34:56une distance entre eux.
34:58Je ne suis pas du genre
35:01à passer beaucoup de temps
35:02à donner des explications
35:03ni à distribuer
35:04des flatteries.
35:08J'ai trop à faire
35:09pour obtenir
35:10ce que je veux
35:10parce que moi aussi
35:12j'ai une performance
35:12à livrer.
35:15J'avais passé
35:15un an sur Blade Runner.
35:17Je le connaissais
35:18par cœur.
35:21Tout ce que Harrison
35:22avait à faire,
35:23c'était avoir confiance
35:24en moi,
35:25mais il n'est pas habitué
35:26à cette façon
35:26de procéder.
35:27Leur rapport
35:28au cours du tournage
35:29du premier film
35:29était très tendu.
35:31Le courant n'est pas passé
35:32entre eux.
35:33Un des plus grands
35:34cinéastes du monde
35:35et une des plus grandes
35:36stars de cinéma du monde.
35:38Tous deux
35:38extrêmement perfectionnistes.
35:42Il faut reconnaître
35:43que Harrison et moi
35:44passions pratiquement
35:45tout notre temps
35:46à nous disputer.
35:50Et je crois
35:50que c'est en grande partie
35:51lié à moi
35:52et à mon habitude
35:54d'obtenir ce que je veux.
35:55Il y a eu une période
35:59où ils étaient
35:59à couteau tiré.
36:01Mais au bout
36:01d'un an,
36:02en 1983,
36:03ils se sont réconciliés.
36:08Je pense
36:08qu'il est excellent
36:09dans ce film.
36:12Il me semble
36:13qu'il refuse
36:13toujours d'en parler,
36:15ce qui est vraiment
36:15dommage
36:16parce qu'à mes yeux,
36:17ça reste
36:17un de ses meilleurs films.
36:18Harrison Ford,
36:24l'homme
36:24qui traque
36:24les réplicants,
36:25est en réalité
36:26un réplicant
36:27lui-même.
36:29On ne s'en rend pas
36:30compte tout de suite,
36:31mais c'est justement
36:32ce qui fait
36:33que le film fonctionne.
36:35Harrison Ford
36:36n'aimait vraiment
36:36pas cette idée.
36:38Il n'appréciait pas
36:39beaucoup d'être
36:40un réplicant.
36:42Il affirme
36:42ne l'avoir jamais
36:43joué comme tel.
36:45Ridley et moi,
36:46nous nous sommes disputés
36:47au sujet
36:47de mon personnage
36:48Descartes
36:48pour savoir
36:49s'il devait,
36:50oui ou non,
36:50être un réplicant.
36:56Ridley a gardé
36:57toutes les options
36:58ouvertes
36:59et à la fin,
37:01il indique,
37:01grâce à un petit origami,
37:06que Descartes
37:07peut effectivement
37:08être un réplicant.
37:12En ce qui me concerne,
37:14il me semblait
37:14très important
37:15pour le public
37:16d'avoir un personnage
37:17humain
37:17auquel s'identifier.
37:21J'ai donc
37:21résisté
37:22à l'idée
37:22d'être un réplicant.
37:26Comme le ferait
37:26un réplicant,
37:27j'imagine.
37:30Ridley a dit
37:31« C'est pour ça
37:31qu'on ne t'en a pas informé.
37:33Parce qu'on ne voulait pas
37:34que tu joues un réplicant.
37:35On voulait que tu joues
37:36Descartes. »
37:40Ridley voulait avoir
37:42toutes les facettes
37:43de Harrison.
37:44Qu'il ait l'air
37:45d'un chic type,
37:46de quelqu'un d'horrible,
37:48d'un drogué,
37:50d'un perdant.
37:52Il voulait que Harrison
37:54ait l'air d'un lâche.
37:55Le personnage
38:06de Harrison Ford
38:07est très intéressant.
38:08Pour le public
38:09de l'époque,
38:09c'était surprenant
38:10et un peu perturbant.
38:12On le connaissait
38:12en tant que Han Solo,
38:14un rôle
38:14qu'il avait rendu célèbre
38:15dans Star Wars,
38:16où il apparaît
38:17très décontracté,
38:18il a toujours
38:18une réplique cool
38:19à la bouche.
38:19Dans Blade Runner,
38:22on le découvre
38:23comme le descendant
38:23de Philip Marlowe,
38:24à la façon
38:25d'un Humphrey Bogart
38:26ou d'un autre héros
38:27de film noir.
38:28Un héros solitaire
38:29et dépressif,
38:30le verre à la main,
38:31qui ne sait pas
38:31toujours quoi faire.
38:32C'est une autre forme
38:33d'anti-héros
38:34à laquelle il a fallu
38:35s'habituer.
38:38Il fait très bien
38:41le clown.
38:43C'est très intelligent
38:45de sa part
38:46d'évoluer
38:46sur le même terrain
38:47que Zora.
38:49d'entrer dans
38:52ses bonnes grâces
38:53en se glissant
38:54dans le rôle
38:55d'un type pathétique
38:56du comité spécial
38:57sur les abus moraux.
39:06À mon expression,
39:09on voit bien
39:10que je l'ai reconnu.
39:11Je sais qu'il en a
39:12après moi.
39:14À ce moment-là,
39:16les réplicants
39:17savent qu'ils vont
39:17être tués.
39:19Là, c'est mon côté
39:21masculin
39:21qui s'exprime.
39:24Peu importe
39:25que je sois nue,
39:27je deviens un homme
39:29qui lutte
39:29pour sa survie.
39:30Je ne suis plus
39:31une femme.
39:33Une fois ce processus
39:36enclenché,
39:37mon personnage
39:37n'est plus qu'une boule
39:38de feu et d'énergie.
39:42Elle court
39:43pour survivre.
39:45Elle s'accroche
39:46à chaque seconde
39:47qui lui reste.
39:48on sent l'air
39:50qui sort
39:50de ses poumons.
39:53On sent que la fin
39:54de sa vie approche
39:55et on est avec elle.
40:01C'est extrêmement triste.
40:07Tuer des réplicants
40:08comme ça,
40:09quel affreux métier !
40:11être payé pour tuer
40:13des gens
40:14parce qu'ils sont
40:14des réplicants
40:15inadaptés à ce monde.
40:17Et alors,
40:19ils essaient juste
40:20de vivre.
40:23Blade Runner
40:24étant l'adaptation
40:25d'un roman
40:26de Philip K. Dick,
40:28il véhicule
40:28un message moraliste
40:29très fort
40:30sur la façon
40:31dont nous traitons
40:32les gens.
40:32Les androïdes,
40:39ou plutôt
40:39les réplicants,
40:40sont des objets
40:41jetables.
40:43Si on y réfléchit
40:44bien,
40:44les guerres
40:45et les conflits
40:46transforment
40:47les humains
40:47en objets jetables.
40:50C'est une façon
40:51détestable
40:52de considérer
40:53les choses,
40:54mais c'est
40:54la réalité.
40:57Je me suis dit
40:58que je devais
40:58la rendre
40:59plus humaine
41:00qu'une véritable humaine.
41:01Elle ne pouvait
41:03pas être
41:04qu'une machine
41:04recouverte de chair.
41:07Je voulais
41:07que le public
41:08souffre avec elle.
41:11J'ai beaucoup
41:12regardé la scène
41:13où elle passe
41:14à travers la vitre
41:15et où ils lui tirent
41:16dans le dos.
41:17Et je pleure
41:18à chaque fois.
41:19J'ai peut-être
41:19vu ce film
41:2030 fois
41:21et je pleure
41:21vraiment.
41:31les deux femmes
41:44Zora et Pris
41:46sont brutalement
41:46assassinées
41:47dans le film.
41:48Ça prend un certain temps
41:49avant qu'elles meurent
41:50et c'est le même destin
41:51qui frappe Maria,
41:52la machine.
41:52C'est une rebelle
42:00tellement menaçante
42:01qu'il faut
42:01l'exterminer.
42:03Et dans les deux films,
42:04ces figures féminines
42:05sont de pure
42:06projection masculine.
42:08C'en est presque effrayant.
42:10À chaque fois,
42:12les femmes ont un double.
42:13On a la gentille Maria
42:14et la méchante Maria.
42:17Dans Blade Runner,
42:18on a d'un côté
42:19Rachel,
42:20la réplicante
42:20douce et aimante,
42:21et de l'autre côté,
42:23Pris et Zora,
42:24deux combattantes
42:25anarchiques
42:26et rebelles.
42:28Dans ce film,
42:29nous faisons la connaissance
42:30de cinq réplicants.
42:32Chacun a son propre caractère
42:33et des tâches
42:34bien définies
42:34qui lui sont assignées.
42:37Ils doivent travailler,
42:37susciter l'envie.
42:39On leur implante
42:39certaines fonctions.
42:40On pense qu'ils peuvent
42:41accomplir leur travail
42:42mieux avec une conscience accrue.
42:45Mais bien sûr,
42:46ils doivent conserver
42:46leur rôle d'esclaves.
42:49C'est le débat typique
42:51sur l'intelligence artificielle.
42:53Jusqu'à quel point
42:54accorde-t-on de la conscience
42:55à ces robots ?
42:56Dans le cas présent,
42:56à ces réplicants ?
42:58C'est une question
42:59qu'on se pose aussi
43:00aujourd'hui.
43:02À l'époque
43:03de la révolution
43:03industrielle victorienne,
43:05la main-d'oeuvre humaine
43:06était moins coûteuse.
43:10Ce n'est plus vrai.
43:12Aujourd'hui,
43:12les machines sont moins chères
43:13que les humains
43:14et elles sont capables
43:14d'accomplir
43:15les mêmes tâches
43:16en mieux.
43:16Depuis très longtemps,
43:19Ridley Scott redoute
43:20que l'intelligence artificielle
43:22prenne le dessus sur nous.
43:24Ce n'est pas récent.
43:25Cela le préoccupe
43:26depuis des décennies.
43:29Si chaque camion
43:33qui circule dans le monde
43:34est autonome,
43:35ça veut dire
43:36qu'un vaste pan
43:37du marché du travail
43:38est remplacé.
43:39Dans Blade Runner,
43:41on voit qu'il n'y a pas
43:42de véritable emploi
43:43pour les gens.
43:43ils vivent dans la rue
43:45parce que cette société
43:46n'a pas besoin d'humains
43:47pour exister.
43:50Il n'est plus question
43:50d'une population active.
43:55Il existe une entreprise
43:57ici à Boston
43:58appelée Boston Dynamics.
44:00Elle a développé
44:01une machine
44:01qui ressemble à un chien.
44:03Voit comme un chien
44:04et vous suit comme un chien.
44:05On y arrive très vite.
44:08La technologie autonome
44:10aura une relation étroite
44:11avec l'être humain.
44:12Personnellement,
44:14je n'ai pas peur
44:15que l'intelligence artificielle
44:16se retourne contre nous.
44:19Mais je pense
44:19que nous devons
44:20changer notre comportement.
44:22La structure de notre société
44:23va être profondément modifiée.
44:26Nous devons nous adapter
44:27et non pas forcer
44:28la technologie
44:29à s'adapter à nous.
44:32Nos ordinateurs
44:33deviennent de plus en plus
44:34intelligents,
44:35mais pas nos cerveaux.
44:37Nous attendons
44:38de ces machines
44:39qu'elles pensent pour nous
44:40et qu'elles prennent
44:41nos décisions.
44:42Pour moi,
44:44c'est une vraie dystopie.
44:46L'idée d'une machine
44:48pensante
44:48et qui surpasse
44:50son créateur
44:51est très ancienne.
44:54Après tout,
44:55nous l'avons fait
44:56avec les animaux.
44:58Vous vous souvenez
44:58des brebis clonés ?
45:01Même dans Blade Runner,
45:03lorsque Tyrell parle
45:05avec Batty,
45:06il lui dit
45:06« Nous avons essayé
45:08et nous avons développé
45:09un cycle de vie
45:10qui se solde
45:11par l'autodestruction.
45:13Quatre ans,
45:14c'est tout ce que tu as. »
45:16Si à l'avenir,
45:30nous parvenons
45:30à créer
45:31de nouvelles versions
45:31de nous-mêmes,
45:33la nature fait ça
45:34depuis des millions d'années,
45:35nous ne ferons
45:36qu'accélérer
45:36ce processus.
45:38Et nous ne savons pas encore
45:39si c'est une bonne
45:40ou une mauvaise idée.
45:41Nous n'en savons rien.
45:42Lorsque la licorne apparaît,
45:46mieux vaut faire attention.
45:49Il pose ceci,
45:53une licorne,
45:55un indice de ce qui se passe
45:57dans le rêve de Descartes.
46:01Il la regarde
46:03et il regarde Rachel.
46:05Et puis,
46:06les portes se referment.
46:08C'est comme ça
46:08que le film
46:09était censé finir.
46:12C'est là que Descartes
46:15et le public
46:16devaient découvrir
46:16que Descartes
46:17était un réplicant,
46:19que j'étais le seul
46:20Blade Runner
46:21et que j'étais
46:22à sa poursuite.
46:26Et je déposais
46:29la petite licorne.
46:36C'est trop mal
46:37qu'elle ne vivra pas.
46:39Mais puis encore,
46:40qui le fait ?
46:41La question
46:50qui revient
46:51tout le temps
46:51au sujet
46:52de Blade Runner,
46:53c'est combien
46:53il y a eu de version
46:54et pourquoi.
46:56La version d'origine,
46:57sortie en salle
46:57en 1982
46:58aux Etats-Unis,
46:59comportait une voix off
47:00et un soi-disant
47:01happy end
47:02rajouté au dernier moment.
47:04On se retrouvait
47:04dans la forêt,
47:05tout allait bien
47:06et Rachel ne mourrait pas.
47:08C'était une solution
47:35de dernière minute
47:36pour obtenir du public
47:37les réactions
47:38que les créateurs
47:39estimaient nécessaires.
47:42Énorme erreur.
47:43Puis, il y a eu
47:44la version
47:45Director's Cut
47:46qui a laissé de côté
47:47la narration
47:47et le happy end.
47:50Et enfin,
47:51la plus célèbre,
47:52la version dite
47:52Final Cut
47:53qui est sortie en 2007.
47:56Blade Runner
47:57est seulement entrée
47:57dans la légende
47:58avec le Final Cut
47:59de Ridley
47:59des années après.
48:02Ceux qui regardent
48:04la version Final Cut
48:05de 2007
48:06voient le film
48:08que Ridley Scott
48:08voulait sortir
48:09dès 1982.
48:12Je suis ravi
48:13qu'on se soit débarrassé
48:14de la voix off
48:15et de la fin.
48:16Elle n'avait aucun sens.
48:18Celle qu'on a actuellement
48:19est parfaite.
48:20J'aurais aimé
48:22avoir plus d'action
48:23dès le début
48:23pour accentuer la tension.
48:24Mais apparemment,
48:27les gens n'ont pas besoin
48:27de ça
48:28puisqu'ils comprennent
48:28le film.
48:29Lorsque Ridley Scott
48:33et Harrison Ford
48:33ont décidé
48:34de retravailler ensemble
48:35sur Blade Runner
48:362049,
48:3725 ans après,
48:39je n'ai pas été surpris.
48:43Blade Runner
48:442019
48:44et Blade Runner
48:472049
48:48sont des chaînes-oeuvres.
48:51Et voilà
48:52à quoi je ressemble.
48:5340 ans après.
48:59Ce jeune type,
49:02Joe le réplicant,
49:04cherche Descartes
49:04qu'il croit être son père.
49:06À la fin,
49:08on place le petit mouton
49:09en origami devant lui.
49:11C'est comme un agneau
49:12qu'on conduit à l'abattoir.
49:15Mais
49:16Il n'y a pas de comparaison
49:39avec l'original.
49:39Le premier film
49:42avec son matte painting,
49:44ses maquettes
49:44et son absence
49:45d'effets spéciaux numériques
49:47est bien plus spectaculaire
49:49visuellement
49:49que celui-ci.
49:52Vous ne trouvez pas ?
49:53J'ai beaucoup d'admiration
49:56pour le réalisateur
49:57Denis Villeneuve.
49:59Je trouve que c'est
50:00un cinéaste brillant.
50:06Mais comparez les plans
50:08du Blade Runner
50:09d'origine
50:09et du nouveau film,
50:11en particulier
50:12les spinners
50:12et l'éclairage.
50:13Les effets numériques
50:15sont un peu décevants,
50:17je trouve.
50:19Je n'ai pas été impressionné
50:20par les spinners.
50:26Il y a une sorte
50:29de voile gris
50:30et trouble,
50:31surtout.
50:32Ils ont construit
50:33une ville entière
50:34pour la suite.
50:38Ensuite,
50:39ils ont rendu
50:40l'atmosphère
50:41de plus en plus dense.
50:43jusqu'au point
50:44où il n'y a même
50:45plus de ville du tout.
50:48Seulement
50:48un épais smog gris.
51:10Aussi sombre
51:11et dystopique
51:12que soit ce monde,
51:14il a de l'allure.
51:17On peut presque
51:18sentir son odeur.
51:20Cette pollution,
51:21cette humidité,
51:23cette obscurité
51:24et la violence
51:24de l'ensemble,
51:25c'est très puissant
51:27et avec une esthétique
51:28à part.
51:31C'est comme
51:32regarder une peinture
51:33et se dire
51:34que c'est énigmatique,
51:35que cette peinture
51:37continue de fasciner,
51:38comme le sourire
51:40de la Joconde.
51:51Il y a très peu
51:52de films
51:52où tout se met
51:53en place
51:53comme dans celui-ci.
51:55Seulement,
51:56ça ne se voyait pas
51:56au début.
51:58Blade Runner
51:58fera toujours
51:59des vagues,
52:00mais il ne mourra
52:01jamais.
52:02Ce film
52:02ne mourra
52:03jamais.
52:05Jamais.
52:05Sous-titrage Société Radio-Canada
52:18Sous-titrage Société Radio-Canada
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