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  • il y a 2 mois
Aujourd'hui dans le débat : Wally Bordas, grand reporter politique et correspondant parlementaire au Figaro et Blanche Leridon, directrice éditoriale de l’Institut Montaigne, responsable des questions démocratiques et institutionnelles. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-de-la-grande-matinale/le-debat-du-7-10-du-lundi-15-septembre-2025-8511302

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00:00Débat ce matin sur l'Assemblée nationale où va se jouer l'avenir du nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu.
00:08Première urgence, trouver un compromis sur le budget.
00:12Compromis, ce mot qu'on entend depuis la dissolution de 2024 qui a produit une Assemblée nationale fracturée en trois blocs.
00:21Mais la France a-t-elle la culture du compromis ou au contraire une pulsion de zizanie comme le soulignait tout à l'heure Patrick Cohen dans son édito ?
00:32Et Sébastien Lecornu, peut-il réussir là où ses deux prédécesseurs ont échoué ?
00:37On va en parler avec Wally Bordas, bonjour.
00:40Bonjour Nicolas.
00:40Vous êtes grand reporter politique et correspondant parlementaire au Figaro.
00:44Vous êtes l'auteur d'un livre au titre, on va dire fracassant, Palais Bourbier, chronique d'une France ingouvernable.
00:52C'est en librairie jeudi chez Robert Laffont.
00:56Blanche Clery, donc bonjour.
00:57Bonjour.
00:57Directrice éditoriale de l'Institut Montaigne, responsable des questions démocratiques et institutionnelles.
01:05Alors, un mot quand même.
01:06Palais Bourbier, France ingouvernable.
01:09Wally Bordas, votre livre nous plonge dans les coulisses du Palais Bourbon, dans les coups bas, la vie quotidienne des députés.
01:16Question simple pour commencer.
01:18Cette assemblée est-elle gouvernable ?
01:22Peut-elle jouer le compromis ?
01:27Ou Sébastien Lecornu est-il condamné à vivre ce que ses deux prédécesseurs ont récemment vécu, à savoir la chute ?
01:35Écoutez, j'ai l'impression que depuis un an, on a quand même un début de réponse à cette question, avec deux premiers ministres qui sont déjà tombés,
01:43avec quasiment aucune loi qui n'ont été votée, avec des députés, effectivement, qui ne savent pas trop où aller, qui ne savent pas trop quoi défendre.
01:54Et effectivement, la tâche qui va être celle aujourd'hui de Sébastien Lecornu, elle est gigantesque, elle est très difficile, elle est très complexe,
02:05parce qu'il va devoir à la fois contenter le Parti Socialiste et les Républicains, qui sont les alliés de la Macronie depuis maintenant un an, sans brusquer le RN.
02:16Donc j'ai l'impression que l'équation va être complexe, comme elle l'est depuis le début de cette législature.
02:22Et dans votre enquête, vous n'avez pas vu de traces ou de volonté de compromis de passer, comme on l'a dit à un moment,
02:28vu qu'il n'y a plus de majorité, la France va peut-être aller, comme d'autres pays, vers la culture du compromis, ça, non ?
02:35Ils apprennent, ils apprennent quand même. Les macronistes, ils sont bien contraints, de toute façon, depuis une année.
02:41Les LR, stratégiquement, l'ont fait, avec les macronistes, et ça leur a fait, en quelque sorte, regagner un peu de notoriété, de légitimité.
02:54Et le Parti Socialiste, depuis quelques mois, commence à le faire, on l'a vu sous le budget de François Bayrou en février dernier,
03:00où ils ont réussi à obtenir quelques petites victoires pour ne pas censurer.
03:04La question, c'est, est-ce qu'aujourd'hui, ces deux entités extérieures aux macronistes, à savoir les Républicains et le PS, vont poursuivre sur cette voie ?
03:14Le compromis, vous le voyez, Blanche Leridon, ou en tout cas, il y en a quelques signes en avance, on progresse ?
03:19Oui, vous avez parlé d'équations complexes, complexes oui, insolubles non.
03:23Je crois, effectivement, que si l'on se replonge dans l'année passée, comme vous le faites dans votre livre, on peut voir un certain nombre de petits signaux.
03:31Déjà, se rappeler que cette assemblée, elle a fonctionné pendant un an,
03:33qu'il y a un certain nombre de textes qui ont été adoptés, votés, déposés, avec d'ailleurs une inversion entre les textes d'initiative gouvernementale
03:41au profit des textes d'initiative parlementaire.
03:44Et donc, un Parlement qui, petit à petit, retrouve une forme de pouvoir.
03:48Il y a aussi, au-delà, et pour s'intéresser de manière plus générale, ce que votre livre s'appelle Palais-Bourbier, pour nuancer un petit peu cette vision très négative de notre assemblée,
03:59le Parlement ne fait pas que voter des lois.
04:02Il a aussi une prérogative de contrôle de l'action gouvernementale qui s'est manifestée via le lancement d'un certain nombre de commissions d'enquête.
04:09C'est important de le rappeler.
04:10Les commissions d'enquête sont toujours...
04:11Vous trouvez qu'il y a eu du bon travail qui a été fait ?
04:13Il y a eu du bon travail.
04:14Alors, il y a eu aussi une instrumentalisation de ces commissions d'enquête à des fins politiques.
04:18On ne peut le nier.
04:19Mais l'intérêt de...
04:20Et pour rejoindre votre question sur le compromis de ces commissions d'enquête,
04:23c'est qu'elles sont toujours présidées par un député qui n'appartient pas au groupe politique du rapporteur.
04:30Donc, il y a nécessairement du compromis.
04:32Je voudrais en citer trois.
04:33On en a beaucoup parlé la semaine dernière.
04:34La commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok.
04:37C'est une initiative parlementaire entre deux députés qui, a priori, ne partagent absolument pas les mêmes opinions.
04:43La commission d'enquête sur les violences commises dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel.
04:47Là encore, Erwann Balanant et Sandrine Rousseau qui réussissent à joindre leurs efforts là-dessus.
04:51Encore aujourd'hui, parce qu'il ne faut pas l'oublier, peut-être que les députés ne sont pas en séance publique,
04:55mais ils travaillent en commission.
04:56On a une autre commission d'enquête sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap.
05:02Tout ça, c'est du travail, du travail qui est mené.
05:04C'est pour ça que moi, je ne plaide pas pour l'hypothèse de la crime de régime et pour l'instant de la crise politique.
05:11Et même pas pour la crise parlementaire, parce que qualifier uniquement de parlementaire cette crise-là,
05:15ce serait donner toute la responsabilité des blocages actuels au Parlement.
05:20Or, on sait qu'il y a quand même un grand responsable de tout ça qui est le président de la République
05:23lorsqu'il a décidé de dissous l'Assemblée nationale.
05:26Donc oui, je pense que via ces exercices extra-législatifs, il y a une certaine culture du compromis
05:31qui se développe.
05:33Et puis, vous l'avez dit, il y a aussi, depuis le refus du Parti Socialiste de voter la censure au mois de janvier dernier,
05:41des comportements qui évoluent, alors évidemment de façon très lente et progressive,
05:47mais qui évoluent tout de même.
05:48Est-ce mieux ailleurs ?
05:50Ce n'est pas forcément mieux ailleurs, mais...
05:52On dit toujours, regardez l'Allemagne par exemple, ils ont la culture du compromis et de la coalition.
05:58Et voilà, c'est ça la dignité de la politique de créer ensemble, même si on doit abandonner certaines de ses idées.
06:05Bon, c'est ça ce qui est montré du doigt positivement.
06:09De toute façon, nous, nous sommes dans un régime très présidentiel, depuis le début de la Ve République,
06:15où le Président de la République a la plupart du temps une majorité pléthorique,
06:21qui lui permet de voter ses lois de manière très simple.
06:26Et ça n'est pas le cas depuis 2022.
06:28Ça, il ne faut pas l'oublier.
06:29De 2022 à 2024, on a une situation politique à l'Assemblée nationale, de majorité relative,
06:35où finalement, les macronistes sont déjà dans cette situation difficile de devoir nouer des compromis.
06:41Alors la plupart du temps, ils l'ont fait à l'époque avec les Républicains.
06:45Aujourd'hui, la situation est éminemment complexe.
06:48Je reviens sur ce que vous disiez tout à l'heure, notamment sur les commissions d'enquête.
06:53Pour moi, tout ça, c'est très utile.
06:55Ça suscite le débat, mais c'est, pour l'instant, du blabla médiatique.
07:03C'est pour faire du buzz.
07:04On a vu la commission d'enquête suite à l'affaire Betaram, évidemment.
07:09Vous l'avez trouvé inutile ?
07:10Non, non, pas du tout inutile.
07:12Mais on voyait très bien quand même que la volonté du rapporteur insoumis, Paul Vannier,
07:18était de mettre à défaut le Premier ministre François Bayrou, mis en cause dans cette affaire.
07:23Et pour moi, la plupart des commissions d'enquête ont cette volonté-là, ces derniers
07:30temps, qui est de faire du bruit médiatique, d'attirer l'attention.
07:34Et c'est légitime, notamment sur ce sujet des violences scolaires.
07:38Mais ça ne fait pas avancer la France et ça ne fait pas avancer les lois.
07:41Et en l'occurrence, vous disiez qu'il y a des lois qui ont été votées à l'Assemblée
07:43nationale.
07:45Moi, à part le budget qui a été voté en février, je ne vois que des toutes petites propositions.
07:50Moi, sur la fin de vie, ce n'est même pas rien, elle n'est pas encore définitivement
07:53adoptée, mais bon, ça a quand même été adopté.
07:55Il y a eu le narcotrafic, certes, qui était une proposition de loi d'origine parlementaire.
08:00Effectivement, vous parliez des lois proposées par des députés ou des sénateurs.
08:04On n'a eu que ça, effectivement, au cours de l'année 2025, parce que François Bayrou
08:09avait une stratégie d'évitement de l'Assemblée nationale et donc ne souhaitait pas mettre
08:13de projet de loi pour éviter d'être censuré.
08:15Donc, effectivement, on a eu énormément d'initiatives parlementaires, mais quand même, au niveau
08:21des sujets de fond, on en a eu très peu.
08:24C'est 2027, Blanche Leridon, qui vitrifie, si j'ose dire, le travail parlementaire, le
08:31fait de se dire « bon, nous ne sommes pas d'accord, mais mettons-nous autour d'une
08:34table ». Est-ce que, voilà, cette perspective-là est tellement proche et présente que désormais
08:40elle crispe l'ensemble du jeu politique ?
08:42Avant même cette échéance-là, il y en a une autre, qui est celle des municipales
08:45de 2026.
08:46Et là aussi, on voit qu'il y a un dilemme très difficile à résoudre pour un certain
08:50nombre de parlementaires qui, à la fois, se disent « si je m'oppose au gouvernement
08:54en place, on va m'accuser de participer à la grande bordélisation de la vie politique
08:59française ». Et en même temps, si je m'allie à eux-mêmes de manière très à distance,
09:05on va m'accuser d'accointance avec l'ennemi qui sape la politique de la
09:09nation depuis 2017.
09:12Donc, il y a effectivement déjà pour les municipales, et en particulier pour les LRLPS,
09:17qu'il ne faut pas oublier, qu'ils restent quand même très très présents.
09:20Oui, implantés, très implantés.
09:22Donc, oui, il y a ces deux échéances-là qui figent un petit peu tout.
09:25Mais je voudrais revenir sur la question que vous posiez à l'instant, sur « est-ce
09:28que c'est mieux ailleurs ? ». En Espagne, ça fait deux ans qu'ils n'ont pas voté
09:31de budget.
09:32Ça fait depuis 2023 qu'on reconduit à l'identique le même budget, faute de parvenir à un accord
09:38au Parlement. C'est vrai qu'on parle beaucoup de l'Espagne, qui aujourd'hui montre d'ailleurs
09:41des performances économiques dont la France pourrait rêver.
09:44Mais voilà, il ne faut pas non plus fantasmer des régimes parlementaires européens qui
09:49nous dépasseraient en tout point.
09:50L'Allemagne, Frédéric Merz, vient à peine d'être nommé.
09:53Il est au plus bas dans les sondages.
09:55Il est dépassé de cinq points par l'AFD qui atteint des niveaux historiques.
09:59Regardez le Royaume-Uni, Kirstenmer, pareil.
10:02Ça ne fait pas longtemps du tout qu'il vient d'être nommé.
10:04Quand on regarde des images, des manifestations islamophones d'extrême droite dans les rues,
10:09on se rend compte que le pays ne va pas très très bien non plus.
10:11Quand on se compare, on se console.
10:13Voilà, et il y a aussi des, je crois, à l'œuvre des mouvements et des forces un tout
10:17petit peu plus profondes qui viennent aussi expliquer les grandes difficultés qu'on a
10:20aujourd'hui, à la fois sur la forme et sur le fond.
10:24Wally Bordas, ce sera ma dernière question.
10:27Vous donnez la parole dans un article récent du Figaro à Sylvain Maillard, ancien patron
10:32des députés macronistes, il dit sur le moment dans lequel on est qu'il faut offrir
10:37à la gauche une victoire symbolique sur l'imposition des plus fortunés.
10:42Et il ajoute, on est radicalement contre et c'est une sombre connerie, mais il va bien
10:48falloir lâcher.
10:49C'est une définition possible du compromis ?
10:51On dirait bien, oui.
10:52C'est vrai qu'il y a une vraie remise en question des macronistes.
10:57Moi, je l'observe quand même depuis plusieurs semaines.
11:00Alors, je ne sais pas si c'est par peur d'une nouvelle dissolution ou d'une démission
11:05du président de la République, mais ils sont prêts vraiment au compromis.
11:08Vous voyez, des macronistes qui l'an dernier étaient dans une optique pas d'augmentation
11:14d'impôts, c'est un scandale.
11:16Il n'en est pas question, aujourd'hui, faire preuve d'ouverture vis-à-vis du Parti
11:20Socialiste.
11:21Et on voit même, encore plus surprenant, des républicains, des députés républicains
11:25parler sans être anonymes et assumer, dire oui, la taxe Zuckmann, je ne suis pas totalement
11:32contre.
11:32Ce qui est très surprenant quand même.
11:34C'est une connerie, mais on va y aller.
11:36C'est ça ce qu'il dit.
11:38Exactement.
11:38Sincèrement, et ils ne se cachent pas pour le dire.
11:40Ils disent, en fait, leur stratégie, en tout cas j'ai l'impression, ces derniers jours,
11:45c'est de dire, voilà, l'imposition des plus fortunés, des grandes entreprises, etc.,
11:51on a toujours été contre, on est toujours contre, mais aujourd'hui, on ne souhaite
11:54pas le chaos, on ne souhaite pas la dissolution, donc on va faire ce pas vers la gauche.
11:58Eh bien, merci à tous les deux.
12:00Wally Bordas, journaliste au Figaro, Palais Bourbier, chronique d'une France ingouvernable,
12:07jeudi en librairie chez Robert Laffont.
12:09Et merci à Blanche Leridon, directrice éditoriale de l'Institut Montaigne.
12:13Merci.
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