Thomas Piketty, économiste et directeur d’étude à l’EHESS, était l’invité du Face à Face ce vendredi 12 septembre. Il s’est exprimé sur la dette en France.
00:00Vous entendez, avant de passer au plateau, votre chroniqueur, Emmanuel Lechil, qui disait qu'il faut arrêter d'hystériser le débat de la République ?
00:04Il a raison. Il a raison. La France n'a jamais été aussi riche. Je veux juste rappeler un autre élément historique.
00:12La dette, c'est vrai, est passée à un peu plus de 100% du PIB. On était à 20 ou 30% dans les années 70.
00:17Les patrimoines privés en France n'étaient même pas à 300% du PIB dans les années 70, sont aujourd'hui à plus de 500% du PIB.
00:23Donc, les patrimoines privés, ce que possèdent les Français, net de toutes leurs dettes, a beaucoup plus augmenté que n'a augmenté la dette publique.
00:30Donc, collectivement, si on additionne les patrimoines privés et les patrimoines publics, en fait, le patrimoine national, y compris en pourcentage du PIB, a énormément augmenté.
00:39Quand on prend l'ensemble, c'est-à-dire public et privé.
00:41C'est pour ça que quand on essaye de faire peur, en disant, regardez, vos pauvres enfants, ils ne vont recevoir que des dettes.
00:45Mais pas du tout. Certains vont recevoir beaucoup d'héritage.
00:47Et en fait, au total, ce qu'on va laisser à nos enfants, patrimoine privé et patrimoine public confondu, n'a jamais été aussi élevé.
00:54Il y a eu un épouvantail politique de la dette.
00:57Oui, et puis surtout, il y a des erreurs économiques, c'est-à-dire considérer isolément la question de la dette publique,
01:02sans regarder la question des actifs publics, des patrimoines privés, regarder l'ensemble.
01:07C'est en plus faire une erreur historique considérable.
01:09Parce que ce que je veux rappeler, à nouveau, c'est que dans tous les épisodes historiques,
01:13où on a eu des dettes de ce niveau, et pas seulement en France, en Allemagne, au Japon,
01:16dans tous les pays qui ont connu ça, à un moment, on a besoin de solutions exceptionnelles
01:21qui passent par une mise à contribution des patrimoines privés.
01:23Alors, je ne dis pas que c'est simple, ce sont des luttes sociales et politiques considérables.
01:27Parce qu'évidemment, quand vous dites ça, tous les gens, mettons qu'on 500 000 euros, 1 million d'euros,
01:30se disent, non mais attendez, les milliardaires, ils ne payent rien, et moi, on va me mettre à contribution.
01:33Donc vous avez absolument besoin, c'est pour ça que vous avez absolument besoin
01:37de mettre à contribution, pour commencer, le très haut.
01:39Parce que sinon, qui va accepter en France, aujourd'hui, de faire des efforts ?
01:44Vous vous rendez compte quand même que le gouvernement Bérou était prêt à augmenter les impôts
01:48sur tous les retraités dépassant 1 500 ou 1 600 euros par mois.
01:52C'était 20 000 euros par an.
01:53Ils disaient, voilà, ceux-là, vraiment, ils sont riches quand même,
01:55c'est des retraités privilégiés, vous vous rendez compte, ils ont plus de 1 600 euros.
01:58Donc eux, je vais les faire contribuer.
02:00Mais par contre, 2 % par an, sur ceux qui possèdent plus de 100 millions d'euros,
02:03ça, c'est inconstitutionnel, c'est une expropriation.
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