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  • il y a 2 mois

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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie Nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls, les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Sam Victor en a assez de s'en faire au sujet des ateliers du même nom.
01:05Crowley et Consor pourront endurer sans lui toutes les migraines de la firme pour le restant de la semaine.
01:10Il va, lui, se rendre au rayon des articles de sport dans un grand magasin pour y choisir la plus maniable des Winchester en stock.
01:17Ensuite, il téléphonera à la compagnie de navigation aérienne de l'Est afin de réserver sa place dans l'avion qui, à neuf heures, l'emportera vers les montagnes.
01:27Il s'en ira à battre le plus grand et le plus farouche des serfs qu'il aura pu suivre à la trace.
01:32Et, tandis qu'il épaulera son arme, couchera l'animal en joue et appuiera sur la détente, il évoquera l'affreux visage d'Iverson.
01:40Aucune situation dans les affaires ne vaut de subir des vexations continuelles de la part d'un Joe Iverson, ce putois, ce sadique, cet individu pourri jusqu'à la moelle.
01:53Sam Victor se rend compte qu'une fois de plus, il s'emballe.
01:56Il porte la main à sa poitrine, là où doit battre son cœur.
02:00Il tapote gentiment cet endroit pectoral comme pour dire « Du calme, du calme, tout doux, mon vieux cœur. Ne me refais plus ce coup-là. »
02:09Même un million d'individus comme Joe Iverson ne valent pas une crise cardiaque.
02:14Et un seul petit battement du cœur humain revêt beaucoup plus d'importance que tout l'or du monde.
02:21Telles ont été en substance les paroles du docteur.
02:25Auparavant, Sam Victor avait toujours tenu les médecins en piètre estime.
02:28Il n'avait été à ses yeux que de « petit docteur ».
02:32Mais, depuis sa crise récente, il honore son docteur d'une grande considération.
02:38Et les dires médicaux lui sont devenus paroles d'évangile.
02:42Or, que lui a recommandé son docteur ?
02:45Précisément ce que Sam vient de se redire avec beaucoup d'à-propos.
02:49Et il a même ajouté « Ménagez-vous, il faut du calme et du repos à ce vieux cœur.
02:54Détendez-vous au maximum afin d'éviter toute récidive. »
03:00Sam quitte son bureau à 5 heures de l'après-midi, une valise vide à la main,
03:05et traverse le hall en direction de l'ascenseur, ses talons claquants comme des pétards sur le carrelage.
03:12D'ordinaire, il est l'homme le plus petit au milieu des usagers de l'ascenseur,
03:17mais jamais il ne se tortille ni se hausse sur la pointe des pieds pour se grandir, serait-ce d'un centimètre.
03:23Lorsqu'il fait face à un homme de taille moyenne, ses yeux arrivent généralement à hauteur du deuxième bouton de veste,
03:30mais ça lui est bien égal.
03:32Ce qui compte pour lui, c'est la vie qui bat dans sa poitrine,
03:35ainsi que dans les vaisseaux sanguins de ses poignées ronds et de son cou épais.
03:40La vie seule lui importe, non la grandeur ni même la jeunesse, non, uniquement la vie.
03:49Il se fait déposer en taxi devant le grand magasin.
03:53Quand il atteint l'étage des armes à feu, la vue des râteliers de fusils lui inflige un début de malaise.
04:01Il n'a plus chassé depuis son enfance.
04:03Est-ce qu'il ne risque pas de se rendre ridicule auprès du vendeur ?
04:08Sam a horreur d'être pris pour un imbécile.
04:12Le vendeur le gratifie d'un large sourire, comme s'il avait subtilement évalué la mise de Sam.
04:18Le riche veston, le chapeau de feutre souple et les chaussures anglaises du bon faiseur.
04:25Apparemment, ce vendeur sait distinguer un client sérieux d'un autre.
04:31Sam en est rempli d'aise.
04:33« Voilà, je voudrais un bon fusil de maniement facile, dans le genre de cette Winchester 70, voyez-vous, très prompte à la détente.
04:43Dans le temps, j'avais un très beau fusil de chasse, mais un jour, j'en ai fait cadeau à mon neveu. »
04:49Sam rougit, conscient de paraître bavard.
04:53« Commençons par le début, si vous le voulez bien, » dit aimablement le vendeur.
04:59« Désirez-vous une arme pour gros gibier ? »
05:02« Oui, c'est ça, voilà, pour le gros gibier. »
05:05Les doigts de Sam tâtent la poche dans laquelle il porte habituellement ses cigares.
05:09« Je pars ce soir pour aller chasser dans la région nord de l'État. »
05:14« Chasser le cerf ? »
05:16« Oui, précisément. Voyez-vous, j'ai été un bon fusil, jadis. À l'âge de quatorze ans, j'ai abattu un chevreuil dans le Maine. »
05:23« Monsieur, je crains que la saison ne soit guère propice à ce genre de chasse. Non, que je ne veuille pas vous vendre cette arme. »
05:30« Mais la chasse au cerf n'est pas encore ouverte cette année, voyez-vous. Vous devriez plutôt chasser le menu gibier. »
05:38« La saison ? »
05:40Sam se caresse le menton d'un air pensif.
05:42« Ah oui, la saison, bien sûr. »
05:46La question l'embarrasse.
05:48« Eh bien, d'accord, pour le menu gibier, je m'en contenterai, d'autant plus volontiers que la chasse n'est plus pour moi qu'une détente. »
05:57« En ce cas, monsieur, peut-être qu'une carabine plus légère ou un pistolet. »
06:03« Un pistolet ? Mais pourquoi pas, je n'en ai jamais eu de ma vie. L'idée n'est pas mauvaise. »
06:10Le vendeur le conduit devant une vitrine.
06:13« En voici tout un choix, monsieur, le premier de la ville. C'est évidemment une question de préférence, voyez-vous. Personnellement, j'ai un faible pour ce Colt 45 automatique.
06:23« Prenez donc en main ce joujou, monsieur, et vous en jugerez. »
06:28Sam empoigne l'arme proposée.
06:31La manière dont elle s'adapte au creux de sa paume lui plaît, tandis que se réveille en lui de lointains souvenirs d'enfance, quand il jouait aux gendarmes et aux voleurs dans les rues de la zone ouest.
06:43« C'est une arme redoutable, voyez-vous, monsieur. Elle est d'ailleurs très demandée. C'est, en plus léger, la réplique du modèle gouvernemental.
06:53Mais si toutefois vous aimiez voir un autre modèle...
06:57« Non, non, non, non ! » dit vivement Sam, sentant que l'on mettait en doute le caractère viril de ses goûts.
07:03« Non, non, ce pistolet me convient parfaitement. C'est tout à fait ce que je veux. »
07:07« Est-ce que mon permis m'autorise à chasser avec cette arme ? »
07:10« Assurément, monsieur. Quant au prix, l'employé relève le prix sur le catalogue, prend l'arme des mains de son client et conclut le marché.
07:21Ensuite, c'est un jeu d'enfant pour le vendeur de décider Sam à acheter les fournitures complémentaires,
07:27la fonte à bretelles, sentant le cuir neuf, les munitions en emballage compact dans de lourdes cassettes de bois,
07:35ainsi que le coffret servant d'étui à l'arme et dont la serrure et les charnières bien astiquées étincellent.
07:44Le vendeur offre à Sam de rassembler le tout en un seul colis qui lui fera parvenir directement à son domicile.
07:50Mais Sam décline cette aimable intention.
07:53Il case le coffret et les cassettes dans sa valise et porte sur lui la fonte contenant le pistolet, histoire de s'y habituer.
08:02Quand Sam a glissé le pistolet dans sa gaine de cuir, il le trouve étonnamment lourd, mais ne s'en plaint pas.
08:12Redescendu au rez-de-chaussée, il arbore déjà un air plein d'assurance, mêlé d'orgueil.
08:18Aussi, sa réaction première est-elle à un sourire flatté lorsque l'inspecteur du magasin l'appelle par son nom.
08:25Monsieur Victor ?
08:27Oui, c'est moi.
08:28On vous demande au téléphone, monsieur. La communication est branchée au rayon des vêtements de sport. Par ici, je vous prie.
08:35Au téléphone ?
08:37Fait Sam, scillant des yeux.
08:42Eh oui, pas de doute. C'est bien lui, Sam Victor, que l'on demande au téléphone.
08:47Mais qui peut donc avoir besoin de le contacter de façon si urgente ?
08:52Sam Victor est le patron des ateliers du même nom.
09:03Mais il commence en avoir assez de travailler comme un forcené, d'autant plus que son cœur lui fait mal et que le docteur l'a mis en garde contre trop de fatigue.
09:12Il décide donc de partir en vacances jusqu'à la fin du mois et de se livrer à son sport favori, la chasse.
09:20Il se rend dans un grand magasin de la ville en vue d'acheter une arme.
09:24Une fois l'achat conclu, et alors qu'il s'apprête à sortir du magasin, on le rattrape pour lui dire que quelqu'un le demande au téléphone.
09:31« Votre interlocuteur a donné de vous un signalement des plus précis », explique l'inspecteur en le précédant vers l'appareil, dont le récepteur est posé en attente sur la tablette de verre d'un comptoir.
09:44« C'est de votre bureau, je crois, M. Victor. »
09:47Sam s'empare du combiné.
09:48« Ah non, c'est toi, Sam ! Ici Dave. Écoute bien, ça fait une heure que je cherche à te contacter.
09:54Iverson a téléphoné et il a piqué une de ses crises. Ne me dis pas que c'est son état normal.
09:58Cette fois, ça dépasse tout. Il m'a presque arraché l'oreille quand je lui ai répondu que t'étais absent. »
10:03« Quoi ? Qu'est-ce qu'il lui prend encore ? »
10:05« Quand je lui ai dit que tu partais en vacances pour le restant du mois, il a hurlé encore plus fort.
10:09Je l'avais déjà entendu en colère, mais ce coup-ci, c'était vraiment une furie. »
10:13« Qu'est-ce qu'il me veut à la fin ? » demande Sam irrité.
10:16« Mais pourquoi as-tu pris la peine de me joindre par téléphone pour me faire part des rugissements de cet énergumène ? »
10:22« J'y étais obligé, Sam, crois-moi. Je craignais qu'il ne mette sa menace à exécution.
10:26Il exige que tu lui téléphones immédiatement. Faute de quoi, il nous raye de la liste de ses fournisseurs. »
10:32« Enfin, il est bientôt six heures. À quoi rime une telle urgence ? »
10:35« J'en sais rien, Sam, mais tu le connais. Pour l'amour du ciel, téléphone-lui tout de suite. »
10:40« Bon, d'accord, je vais le faire. »
10:42Il raccroche, mais garde la main posée sur le combiné et compose tout de suite le numéro d'Iverson.
10:48« Allô, Joe ? Sam Victor à l'appareil. »
10:51« Tiens, tiens, tiens. Vous voilà enfin au bout du fil. Merci tout de même pour tant de grâce. Je veux vous voir sur l'heure, Sam. Dérangez-vous illico.
10:59À mon avis, c'est suffisamment important. Je reste ici jusqu'à 6h30. »
11:04« Impossible, Joe. J'ai tout un programme et... »
11:06« Mais vous ne me comprenez donc pas. C'est urgent. J'ai un visiteur, Sam. Il est venu me montrer un échantillon qui m'intéresse.
11:12C'est un moulage identique à ceux que vos ateliers exécutent pour moi.
11:16À cela près que mon visiteur estime pouvoir me fournir le modèle 10 cents moins cher la douzaine. Vous entendez ? »
11:23« Oui, oui, j'entends bien. L'article est peut-être bon, mais qui me dit que ce n'est pas une vulgaire camelote ? Je désire que vous veniez l'examiner sur le champ.
11:31Vous savez bien que je ne sacrifierai à aucun prix la qualité. Si vous venez maintenant, vous pourrez peut-être me convaincre que l'échantillon soumis est d'une qualité nettement inférieure. »
11:40« Mais voyons, Joe, nous traitons ensemble depuis sept ans et... »
11:43« Oui, Sam, bien sûr. Et chaque année, vos prix augmentent. Le fournisseur qui est là trouve que je paie beaucoup trop cher. Venez pendant qu'il est encore là. »
11:51« Très bien, Joe. Je serai là dans vingt minutes. »
11:55Il monte dans le taxi qui stationne devant le magasin, le cœur gonflé de rage et de désespoir.
12:02Le chauffeur le dépose devant le bâtiment dont on a déjà bloqué les portes.
12:06Sam doit tambouriner sur les panneaux vitrés pour attirer l'attention du concierge qui a entrepris de nettoyer le dallage du rez-de-chaussée.
12:14Ce travailleur du soir ouvre à Sam en grommelant, mais consente à l'accompagner pour mettre en marche l'ascenseur.
12:22La porte à glissière s'ouvre au quatrième étage et Sam sort de la cabine.
12:27Un homme qui se hâte vers l'ascenseur s'arrête pile quand son regard rencontre celui de Sam.
12:31Il a les mains enfoncées dans les poches de son lourd veston râpé.
12:37« En est-ce-chancez ? » lui demande le concierge liftier.
12:41De brèves contractions tiraillent la bouche de l'inconnu qui, renonçant à l'ascenseur, se rue soudain vers la porte marquée sortie.
12:49« En voilà un piqué ! » râle le concierge.
12:53« Oui, son comportement est bizarre en tout cas, » dit Sam.
12:56« Vous le connaissez ? »
12:57« Non, non, pour sûr, il n'est pas de la maison. Je vais aller faire un tour en bas. »
13:01Sam approuve d'un signe de tête et enfile le couloir au moment où la cabine d'ascenseur amorce sa redescente.
13:08Il s'attend à percevoir les rumeurs de conversation entretenues dans le bureau de Joe Iverson, mais il règne un silence total.
13:15La porte marquée « Plastique Iverson » est entr'ouverte.
13:20Sam entre sans frapper, pousse le portillon qui livre accès au bureau proprement dit et longe le long couloir menant au bureau directorial.
13:30« Joe, vous êtes là ? »
13:33« Dès le seuil, une autre anomalie le frappe. »
13:38Le store vénitien de la fenêtre pend tout travers.
13:42Il constate ensuite que le fauteuil pivotant d'Iverson est vide.
13:47Son regard s'étant lentement abaissé, il voit dépasser les deux pieds immobiles d'un corps étendu.
13:53L'espace d'un instant, Sam se perd en conjecture au sujet de sa découverte et craint pour l'efficacité de ses propres ventricules sous l'empire d'une vive émotion.
14:06Après quoi, ménageant son vieux cœur défaillant, il ose envisager que son bourreau est mort.
14:14Mais lorsqu'il se penche sur le corps inanimé, il entend le souffle régulier de la respiration
14:20et sait que Joe Iverson vivra pour exhaler sa rage écumante d'avoir été victime d'une agression.
14:28Sam parcourt la pièce d'un regard circulaire.
14:31Dans un coin, il y a un coffre-fort noir de taille moyenne.
14:35La porte en est béante.
14:37Iverson gardait toujours beaucoup de liquidité.
14:41Il vient d'en subir les conséquences.
14:44Le prétendu concurrent de la firme de Sam Victor,
14:47celui-là même qui a filé devant Sam quand il sortait de l'ascenseur,
14:51a dû récolter pas mal de blé.
14:54Sam songe à demander du secours, mais, à vrai dire,
14:57il est plutôt indifférent à l'état de santé de l'homme qui gît sur le parquet.
15:03N'a-t-il pas eu ce qu'il méritait, ce salopard ?
15:06Et encore, ça aurait pu être plus grave.
15:10Le concierge apparaît derrière le portillon.
15:12On peut trouver le type, sûr qu'il était pressé de quitter les lieux.
15:15« Il va bien, monsieur Iverson ? »
15:18« Non, » répond Sam.
15:21« Il a été victime d'un hold-up.
15:23Vous feriez bien d'appeler la police ? »
15:25Le concierge bat des paupières et ravale péniblement sa salive.
15:29« Eh bien, qu'attendez-vous ? Allez-y !
15:31On y va, on y va, monsieur. »
15:34À pas lent, Sam retourne dans le bureau d'Iverson.
15:38Ces tempes battent sous la tension cérébrale car une idée germe dans son esprit.
15:46Une idée si formidable et si alarmante, mais en même temps si agréablement douce à son cœur.
15:53Elle lui est venue à l'esprit quand il a découvert Iverson plongé dans l'inconscience.
15:57À cette minute même, où, partagé entre l'espoir et le doute,
16:01il avait senti une joie immense monter en lui à la pensée qu'Iverson avait rendu son âme au diable.
16:08Ce ne serait certainement pas une lourde perte pour le genre humain.
16:12Cela n'empêcherait pas la Terre de tourner, ni le monde de connaître des jours heureux.
16:16La société des plastiques Iverson demeurerait sa clientèle
16:19et les rapports commerciaux entre les deux firmes se poursuivraient avec les successeurs de Joe.
16:24Des gens plus faciles à vivre.
16:26En outre, ce nouvel état de choses préserverait Sam Victor d'une aggravation pathologique qui pourrait lui être fatale.
16:35Si le voleur avait achevé sa victime, le sort de Sam s'en serait assurément trouvé plus enviable.
16:41Mais est-il trop tard pour se faire ?
16:45Et sans risque ?
16:49En aurais-je encore le temps ?
16:51Se demande maintenant Sam.
16:53« Tu sais parfaitement ce que je pense de toi, hein, crapule ? »
16:57marmone-t-il à l'adresse de l'homme inanimé.
17:00« Je vais te faire le sort que tu mérites. »
17:04Sam hisse la lourde valise sur le bureau, l'ouvre en actionnant la serrure et, à l'intérieur, prend une cassette de munitions.
17:13Il en fait coulisser le couvercle et extirpe de l'emballage l'un des projectiles luisants.
17:17Puis, d'une traction brusque, il dégaine son pistolet de la fonte bloquée contre son aisselle.
17:25Il charge l'arme.
17:27Sa main tremble un peu en empoignant la croche du pistolet.
17:30Le doigt qu'il pose sur la détente lui paraît s'engourdir de froid.
17:35À un moment, il croit ne pouvoir jamais perpétrer de sang froid un tel acte.
17:39Alors, il évoque le chevreuil qu'il a tué dans le Maine quand il avait quatorze ans, ce bel animal, gracieux et fier, qui, bien moins que Joe Iverson, avait mérité ce destin funeste.
17:52Cette pensée lui procure juste le stimulant nécessaire pour remuer de quelques millimètres son doigt homicide.
17:58À présent, Sam se sent décontracté.
18:05Il rengaine son pistolet, referme la valise qui contient la cassette à munitions et boutonne soigneusement sa veste.
18:15Il quitte maintenant la pièce pour se diriger vers l'ascenseur.
18:19La porte de la cabine s'ouvre, livrant passage au concierge, suivi de deux hommes.
18:24L'un d'eux porte l'uniforme du policier en patrouille.
18:28L'autre est en civil.
18:31« Par ici ! » lance Sam Victor.
18:35Mais ensuite, tout lui devient facile, étonnamment facile.
18:41L'inspecteur en civil le soumet à un feu brûlant de questions, mais les réponses viennent automatiques, convaincantes.
18:47« Qui êtes-vous ? Sam Victor, président des ateliers du même nom, dont Joe Iverson était client.
18:53Quand êtes-vous arrivé ? Il y a une dizaine de minutes. Le coup était déjà fait. »
18:57Le concierge approuve d'un signe de tête.
18:59« Pouvez-vous nous donner le signalement de l'homme qui s'est enfui ? Non, le hall était mal éclairé.
19:04Quel était le but de votre visite ? »
19:07Sam lui compte son histoire et suggère qu'on confirme en téléphonant à son bureau.
19:12« Monsieur Iverson gardait-il toujours de l'argent dans son coffre ? »
19:16« Oui, autant que je sache. À votre arrivée, Iverson était-il déjà mort ? »
19:20« Oui, il était mort, le pauvre Joe. Mort, oui. »
19:24« Bon, ce sera tout pour l'instant, monsieur Victor, » dit l'inspecteur, les sourcils froncés.
19:29« Mais je vous préviens que vous restez à la disposition de la police pendant les prochains jours.
19:33Vous ne pouvez pas quitter la ville. »
19:35« Mais certainement, certainement, je vais juste annuler ma partie de ch... de campagne où je pensais aller prendre un peu l'air. »
19:43« J'en mettrai ça à plus tard. »
19:46Il pousse un grand soupir, hoche funébrement la tête et se dirige vers la sortie.
19:52Il sent le regard de l'inspecteur peser sur sa nuque.
19:56Mais il sait que tout va bien.
20:00Il ne lui reste plus qu'à franchir le portillon, regagner l'ascenseur par le couloir, traverser le rez-de-chaussée et ailer un taxi pour rentrer chez lui et goûter le réconfort de sa petite famille qui l'attend.
20:15Il pourra même s'accorder un petit verre en dépit de l'interdiction du docteur.
20:20Mais avant même d'atteindre le couloir, il s'effondre.
20:26« Monsieur Victor, ça va pas ? » crie l'inspecteur.
20:30Sam voit le visage de l'inspecteur penché au-dessus de lui.
20:35« Ça ira, merci, monsieur, l'inspecteur. Juste un petit malaise, c'est le cœur. Mais ça va passer. »
20:43Le détective glisse la main sous le veston de Sam pour sentir battre le cœur.
20:47Et Sam se souvient, mais trop tard, qu'il a rendu inaccessible l'emplacement de son cœur en le cachant sous une gaine de cuir tout neuf
20:59qui abrite elle-même l'acier luisant d'un pistolet dont le canon, encore chaud, se révèle terriblement accusateur.
21:09Vous venez d'écouter Au cœur du crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
21:20Réalisation, Julien Tarot.
21:23Production, Estelle Laffont.
21:25Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova et Antoine Reclut.
21:32Au cœur du crime est disponible sur le site et l'appli Europe 1.
21:36Écoutez aussi l'épisode suivant en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute.
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