Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 3 mois
Privé de la vue, mais jamais de vision. Chaque entraînement, chaque effort, chaque seconde passée à se dépasser prouve une chose : les limites n’existent que dans l’esprit. L’obstacle ne freine pas la détermination, il la forge. Là où d’autres voient une impossibilité, naît une force intérieure capable de déplacer des montagnes. L’histoire d’un athlète qui prouve que la vraie puissance vient du cœur.

Catégorie

🥇
Sport
Transcription
00:00Je leur dis que je veux faire de l'athlétisme et je tombe sur des gens qui vont vraiment m'accueillir les bras ouverts
00:05en me disant, écoute, tu sais quoi, nous on ne connaît ni le handicap, ni le handisport,
00:09mais viens, on va faire en sorte que tu pratiques comme n'importe quel autre gamin.
00:13Là-bas, je me sens vraiment à ma place, je ne suis pas rejeté par les autres.
00:17Là, c'est un peu une délivrance, enfin, je fais comme n'importe quel gamin.
00:21Je fais partie de ces personnes qui sont nées avec une différence.
00:25Je suis né malvoyant en voyant, on va dire, pour simplifier, flou de l'œil gauche et relativement bien de l'œil droit.
00:31Sauf qu'à trois ans, je suis opéré de la cataracte des deux yeux.
00:34Donc le gars, déjà, il est vieux avant l'âge.
00:36Sauf que c'est une opération qui a un résultat plus que moyen sur moi.
00:40Ça me laisse les yeux extrêmement fragiles.
00:42Et comme beaucoup de gamins de trois ans, j'étais un petit peu turbulent, comme beaucoup de petits garçons.
00:48Et j'échappe à la vigilance de la personne chez qui j'étais en garde.
00:51Et je me mets à courir dans une cage d'escalier.
00:54Sauf qu'en bas, il y a une porte vitrée et ça a super bien matché entre elle et moi.
00:57Je me la prends de plein fouet.
00:59Je prends le premier chaos de ma vie, dans le sens où le choc provoque un décollement de rétine de l'œil droit.
01:05L'œil avec lequel je vois bien.
01:07Donc je perds la grande majorité de ma vue à trois ans.
01:11Avant même ce décollement de rétine, il y avait des médecins qui disaient à mes parents,
01:15« Ne vous fatiguez pas, votre fils, il deviendra aveugle et puis c'est tout.
01:19Ne vous emmerdez pas avec vos trucs. »
01:21Du coup, on développe le toucher.
01:23Souvent, on dit que quand tu ne vois pas ou quand tu as un sens en moins,
01:27tu vas développer à fond les autres.
01:30Pour moi, à part le toucher, c'est une grosse idée reçue.
01:33C'est plutôt, en fait, on est dans une société où tu as 80% des informations qui sont visuelles.
01:38Donc si on te retire la vue, forcément, il faut que tu arrives à avoir des informations.
01:44Et ton attention, qui est habituellement concentrée sur la vue,
01:47il va falloir que tu la concentres sur autre chose.
01:48Donc tu vas percevoir des choses que tu n'aurais peut-être pas entendues en voyant,
01:51parce que ton attention, elle n'était pas sur l'aspect auditif.
01:55Mais tu ne vas pas te mettre à entendre comme une chauve-souris.
01:58Entre trois et six ans, je vais être dans une maternelle qui accepte de m'accueillir sans problème.
02:03Il y a une ainsi spécialisée qui va venir juste de temps en temps,
02:06dans l'optique que je puisse apprendre à lire et à écrire,
02:10et en braille, et dans le milieu, on appelle ça en noir, donc c'est en classique.
02:14Je vais apprendre les deux simultanément.
02:15La primaire, c'est un petit peu compliqué.
02:18En termes d'intégration, j'ai quand même deux, trois potes.
02:21Je ne suis pas non plus isolé sur le monde, mais un petit peu compliqué.
02:25Parallement à ça, j'essaye d'avoir des activités sportives en dehors.
02:30Je veux faire du judo, je veux faire du basket, surtout du basket,
02:33parce qu'à l'âge de six ans, je découvre l'Ile Bia, l'Air Jordan, tout ça, tu vois.
02:38Et en fait, je comprends rapidement que les clubs ne voudront pas d'un mec qui voit un 20e
02:44qui n'est pas capable de ne serait-ce que réceptionner une passe aérienne.
02:48Le judo, pareil, je voulais faire du judo et je vais voir avec ma mère à la fin d'un entraînement.
02:56On attend à la fin d'un entraînement d'un cours de judo, deux jeunes de mon âge.
03:00On va s'adresser à l'entraîneur qui était une femme et tout.
03:05Ma mère lui explique que j'ai un petit garçon qui veut faire du judo, seulement il ne voit pas très bien.
03:13Et en fait, la conversation n'est pas allée plus loin que ça, puisqu'elle a dit
03:16« Non, moi je ne m'occupe pas d'handicapé, je ne suis pas formé pour ça, je ne veux pas… »
03:19C'était même pas… « Je ne suis pas formé », c'était plus une excuse.
03:22C'était « Non, je ne veux pas entendre parler de ça et ciao ! »
03:25Alors qu'en fait, c'est bien plus tard, mais j'ai appris que tu as énormément d'entraîneurs de judo
03:31qui bandent les yeux de leur judoka, parce que le judo, en fait, c'est un sport de sensation.
03:35Et limite, quand tu vois les choses, c'est que c'est trop tard.
03:38Limite, à certains égards, ne pas voir peut être un avantage, parce que tu sens mieux les choses.
03:42Et en fait, là, à ce moment-là, je le vis très mal aussi, parce qu'habituellement, je suis rejeté par les autres.
03:49Et on me dit « Oui, mais tu verras en grandissant, ça ira mieux. »
03:53Et là, je suis rejeté par une adulte.
03:54Et en fait, ça, je le vis un petit peu mal, quand même.
03:57Et c'est qu'à 11 ans, en fait, pendant les vacances, il y a…
04:04Non, c'était peut-être 10 ans même.
04:05C'était l'été 99, il y a les championnats du monde de Séville en athlétisme.
04:09Et c'est l'été où Michael Johnson, il fait le record du monde du 200, du 400 mètres.
04:14Et du coup, ce jour-là, il y a des démonstrations d'épreuves paralympiques,
04:19et dont un 200 mètres de non-voyants qui sont guidés.
04:22Et je me dis « C'est facile, moi aussi, je peux le faire. »
04:26Moi aussi, de toute façon, je serai champion du monde, c'est facile.
04:28Du haut de mes 10 ans, ça fait rire tout le monde, tu vois.
04:31Comment ça, le gamin, il dit « Il va être champion du monde. »
04:33Alors, OK, il court partout, mais donc ça fait rire tout le monde.
04:36Sauf mon père qui me dit « C'est tout ce que je te souhaite. »
04:39Mais là, du coup, je prends conscience quand même que,
04:41contrairement à ce que certains adultes peuvent dire,
04:44« En fait, ce n'est pas parce que tu ne vois pas que tu ne peux pas faire de sport. »
04:46Ça me conforte dans l'idée que ce n'est pas moi le problème, en fait.
04:49En fait, j'ai raison de vouloir prouver ça aux autres,
04:52parce que visiblement, il y en a d'autres qui le font, donc pourquoi pas moi ?
04:56Fort de cette résolution, je vais avec mes parents,
05:00trois semaines plus tard, au forum des associations de ma ville,
05:03et je leur dis que je veux faire de l'athlétisme.
05:05Et je tombe sur des gens qui vont vraiment m'accueillir les bras ouverts,
05:09en me disant « Écoute, tu sais quoi, nous, on ne connaît ni le handicap,
05:12ni le handisport, mais viens, on va faire en sorte que tu pratiques
05:16comme n'importe quel autre gamin. »
05:18Là, je vais vraiment faire un truc qui me plaît.
05:22C'est un peu une délivrance, entre guillemets.
05:24Et je sens vraiment qu'il y a une volonté de vouloir m'accueillir,
05:28que ce n'est pas on le fait pour le faire, en fait.
05:32C'est juste « Ok, il y a une différence, et alors ? »
05:35Je tombe sur des gens vraiment qui vont se creuser la tête
05:38pour faire en sorte que je ne vois pas, enfin, je vois peu,
05:43mais pour chaque petit truc, on va trouver une solution.
05:47Et vraiment, c'est ce qu'ils vont faire.
05:48En fait, avec 1 20e, je ne voyais pas les lignes des couloirs.
05:51Par contre, la lisse, donc le bord de la piste, c'était plus épais.
05:55Donc, j'arrivais à le voir.
05:57Par exemple, sur le sprint, on me faisait courir au couloir 1.
06:00Sur la longueur, mon entraîneur, c'était un ancien militaire,
06:04il mettait son écharpe de sauvetage, qui était orange fluo.
06:06Donc, même avec la vitesse, c'est quelque chose,
06:10vu que c'était fluo, ça me tapait dans l'œil.
06:11Du coup, il le mettait au niveau de la planche,
06:13là où tu dois prendre ton impulsion pour sauter.
06:16Et du coup, je le voyais sur les haies.
06:18Pareil, on mettait des lattes fluorescentes devant la haie,
06:21alors que la haie, je ne la vois pas.
06:22Mais en fait, le fait d'avoir une latte fluorescente au sol, je la voyais.
06:26Donc, je savais à quel endroit je devais prendre mon impulsion pour franchir la haie.
06:30Donc, je me suis retrouvé même à faire des courses de haies sans voir la hauteur.
06:33J'allais toucher la barre pour un peu visualiser la hauteur à laquelle elle était
06:38avant de prendre ma course d'élan et de sauter.
06:41C'est plein de petites astuces qui peuvent paraître complètement bébêtes,
06:45mais en fait, qui étaient super efficaces.
06:47Là-bas, je me sens vraiment à ma place.
06:48Je ne suis pas rejeté par les autres.
06:50Et non, moi, c'est un échappatoire.
06:52Enfin, je fais comme n'importe quel gamin.
06:55J'ai mon activité sportive le mercredi, le samedi.
06:57Je suis content d'y aller.
06:59Je fais des compétitions.
07:00Je fais ce que j'aime.
07:02Et là, j'ai décidé dans ma tête, non seulement je veux faire de l'athlète,
07:05je veux, coûte que coûte, je veux faire du basket,
07:08je veux faire de l'escalade, je veux faire nanani, nanana.
07:11En fait, tout ce qu'on ne veut pas me laisser faire, je veux le faire.
07:14Et j'en parle, même à une institute SP, à ce moment-là,
07:18et qui me dit, de toute façon, si tu veux faire du sport,
07:21tu veux en faire plusieurs, il n'y a pas d'autre solution,
07:23il faut que tu ailles à l'INJA.
07:24L'INJA, c'est l'Institut National des Jeunes Aveugles.
07:26J'ai toujours considéré que ce n'était pas pour moi, en fait, ce truc-là.
07:29Parce que moi, j'étais très bien en intégration.
07:31Je me disais, je n'ai pas besoin d'être avec d'autres aveugles,
07:34d'autres malvoyants.
07:36Et puis encore plus à ce moment-là,
07:38encore, tu m'en aurais parlé un an plus tôt,
07:39où j'étais isolé et tout, why not ?
07:41Mais là, je suis intégré, j'ai trouvé enfin des potes,
07:44des gens qui m'acceptent et tout.
07:46Je n'ai pas envie de partir d'une certaine façon.
07:48Mais d'un côté, on me dit que là-bas,
07:51je peux faire tout le sport que je veux, quoi.
07:53Et c'est ce qui va gagner.
07:54Il faut savoir que j'avais 13 ans,
07:56donc j'accepte d'aller en internat,
07:58j'accepte beaucoup de choses, en fait,
08:00juste pour pouvoir faire du sport.
08:01Quand j'intègre l'INJA, là, c'est la catastrophe,
08:04la débandade.
08:04Je suis tout sauf à ma place.
08:05Enfin, l'internat, je ne le vis pas super bien non plus.
08:08Je suis loin de ma famille,
08:09qu'on m'avait dit que j'allais faire du sport
08:12et que ça n'a toujours pas commencé.
08:13Et puis, au bout d'un mois, en fait,
08:14il y a la visite médicale, des nouveaux.
08:16J'arrive à la visite médicale et...
08:18Tu veux faire du sport ?
08:19Ben ouais, je suis là pour ça.
08:21Et donc, ah bon, tu voudrais faire quoi ?
08:23Ben, je veux faire ça, ça, ça, ça et ça.
08:26Ben alors, ça, tu ne peux pas, ça, tu ne peux pas,
08:28ça, tu ne peux pas et ça, tu ne peux pas.
08:29Et en fait, on m'a privé de tout sport.
08:32Je le vis comme une trahison.
08:33J'ai quitté mes potes, j'ai quitté ma famille,
08:35j'ai tout quitté.
08:36Et pour le final, ce n'est même pas
08:37on me laisse en faire un, c'est rien.
08:39Ben, tu dois attendre un an.
08:40Et donc, ça a été une année particulièrement difficile,
08:43psychologiquement, d'autant plus
08:45qu'il y a un incident qui arrive cette année-là.
08:47Heureusement, en fait, le gars qui était dans ma chambre
08:49était très, très cool.
08:50Sauf que, ben, il y a une nuit, en fait,
08:52il y a des potes à lui qui viennent dans la chambre
08:54et on était en plein hiver.
08:56Il faisait du bruit, il fumait dans la chambre
08:58alors que, déjà, je ne supporte pas l'odeur de la clope et tout.
09:01Et pour ne pas se faire gauler par le veilleur de nuit,
09:03il ouvre la fenêtre en grand.
09:04L'hiver, il fait froid, enfin, c'est bon, je suis saoulé.
09:07Je leur dis, je ne sais pas, allez ailleurs, faites un truc,
09:10mais c'est bon, je vais dormir, quoi.
09:11C'est pas qu'ils s'en foutent, clairement.
09:13Et à un moment, ben, je vais m'exciter, en fait, je vais m'énerver.
09:15Et il y en a un qui est un peu plus costaud que moi,
09:18il a 4 ans de plus que moi, il me coince dans un mur
09:20et il me passe une flamme de briquet dans l'œil gauche, volontairement.
09:23Quelques mois plus tard, à l'âge de 15 ans, en fait,
09:25ma vue commence à se dégrader, réellement, jusqu'à l'âge de 17.
09:30Je fais de la musique en parallèle.
09:31J'ai un petit truc pour la fête de la musique, je descends de scène,
09:34il y a un léger mouvement de foule et je prends un coup de coude sur l'œil gauche.
09:38Pas fort du tout.
09:39Et l'œil est tellement fragilisé que là, ça fait un décollement de rétine de l'œil gauche
09:43et c'est game over.
09:43On arrive à avoir un rendez-vous avec une ophtalmo qui me suivait plus jeune
09:47et qui nous dit, ben, j'ai l'impression de voir du sang au fond de l'œil,
09:51il y a quelque chose qui ne va pas.
09:52Et donc, il me fait une lettre de recommandation pour voir un professeur à l'Hôtel Dieu.
09:56Et quand je vais le voir, en fait, il me dit, c'est normal que tu aies mal.
10:00Tu as une hémorragie dans l'œil avec un œdème et donc tu as un décollement de rétine
10:05depuis un mois.
10:06Donc, ce professeur me dit, il faut savoir que là, cette opération, après, il n'y a plus rien.
10:11C'est terminé.
10:12Je dis, de toute façon, je ne vois déjà plus rien en réalité parce que ce que je vois,
10:15ce n'est pas la réalité.
10:16Donc, en vrai, moi, je ne veux juste plus avoir mal.
10:19À ce moment-là, moi, j'ai juste hâte de passer cette opération parce que j'ai trop mal.
10:25Je ne vois déjà plus rien.
10:26Donc, j'ai plus l'impression que les autres ne l'ont pas compris.
10:30Mais moi, je suis très lucide là-dessus.
10:32Je n'ai pas vu de changement en termes de vision entre avant et après l'opération.
10:36Je plaque tout un peu du jour au lendemain.
10:38Je voulais reprendre l'athlée pour me faire plaisir.
10:41Je n'étais pas dans une idée de je vais faire carrière.
10:43À la base, j'ai rencontré Artem Watt Mugimana, pour ceux qui veulent jouer au Scrabble.
10:47Il m'a regardé et puis, avec son petit accent chantant de Burundais,
10:51Artem Watt m'a répondu, pour toi, ce sera du 400 et du 800.
10:54Tu me trouves un guide et ça commence comme ça, en fait.
10:56Il tient parole et un mois plus tard, je commence.
10:59Et au bout de quelques mois, je fais de bonnes perfs.
11:01L'été 2011, je suis présélectionné pour les Jeux de Londres.
11:04Et c'est comme ça que ça démarre.
11:06Ça fait six mois, j'ai repris, même pas.
11:07Je me dis, wow, quand même, tout.
11:09Si je m'entraîne dur, peut-être qu'il y a un moyen, tu vois,
11:13en sachant que je ne m'entraîne que deux, trois fois par semaine.
11:15Ah ouais, quand même, tu vois.
11:16Donc, je me prépare.
11:18Sauf que mon corps, il n'est pas prêt à encaisser une charge d'entraînement
11:22tous les jours, à haute intensité, voire deux fois par jour.
11:27Et donc, je vais me blesser assez souvent.
11:30J'arrive à faire les minima internationaux, comme un autre français.
11:32Sauf qu'il y avait un autre français qui était bien meilleur que moi à ce moment-là.
11:36Et arrivé au moment de la sélection, je ne fais pas partie de la sélection
11:39de ceux qui partent à Londres en 2012.
11:41Je me prends une claque monumentale, mais je pense que ça m'a servi pour la suite, en réalité.
11:45Et ce qui est compliqué pour moi, c'est que du coup, j'ai mon guide qui, sur la déception,
11:50arrête aussi.
11:51Donc, de août 2012 à novembre 2012, je vais m'entraîner tout seul.
11:55En fait, avec mon coach, mais il va me guider uniquement à la voix.
11:58Et du coup, il y a cette grosse interrogation de « Attends, est-ce que je ne m'entraîne pas pour rien ? »
12:04Parce qu'en compétition, tu n'as pas le droit d'être guidé à la voix.
12:08Tu es obligé de courir avec un guide.
12:09Donc là, pour l'heure, je n'ai pas de guide.
12:12Mais quatre mois, c'est long, en fait, quand tu es dans l'incertitude totale.
12:15Et donc, je finis par avoir un guide.
12:18Et c'est l'année où je vais exploser au niveau mondial.
12:20En fait, je vais gagner 4 secondes sur 400 mètres.
12:22Je progresse fortement aussi sur 100 et sur 200.
12:25Et je me sélectionne pour les championnats du monde.
12:28Je fais une demi-finale sur 200 et je suis le premier non qualifié pour la finale du 200 mètres.
12:34À la surprise générale, enfin, mon coach, pour lui, ce n'était pas une surprise,
12:38mais pour le public, pour la fédération, pour beaucoup, c'était une surprise générale
12:42quand je me suis qualifié en finale du 400 mètres.
12:44Et je prends ma première médaille internationale en faisant une médaille de bronze.
12:48Alors aujourd'hui, je suis vice-champion paralympique du 100 mètres,
12:52alors que tout le monde me catégorisait comme un athlète du 400 mètres.
12:55J'ai été champion du monde du 400, vice-champion du monde du 100 mètres.
13:00J'ai été 6 fois champion d'Europe, 2 fois sur 100 mètres, 2 fois sur 200, 2 fois sur 400.
13:04J'ai le record d'Europe du 200.
13:06J'ai eu, pendant un moment, le record du monde du 60.
13:08Là, dans quelques jours, on retourne le récupérer.
13:12J'ai eu le record d'Europe du 100 mètres et je l'ai battu alors qu'il tenait depuis 32 ans.
13:16Je l'ai battu en 2015.
13:18Je l'ai perdu, mais c'est pareil, on va le récupérer.
13:21C'est vrai qu'on a un palmarès sympa, mais qui aurait pu être quasiment le double
13:24avec toutes les disqualifications que j'ai connues.
13:26J'en ai eu 8 en 7 ans.
13:28Parce que la course guidée, c'est de la course à haute intensité
13:32puisque je suis sur des épreuves de sprint, qu'on est 2.
13:35Donc le facteur erreur humaine est multiplié par 2.
13:38et que les règles concernant le guide sont extrêmement sévères.
13:44Il n'y a aucune tolérance.
13:45Et donc forcément, vu que tu vas à haute intensité, l'erreur arrive beaucoup plus vite.
13:50Au jeu en 2016, je mets mon pied sur la ligne intérieure de mon couloir sur quelques millimètres.
13:56Donc je suis disqualifié.
13:57À Londres en 2017, au championnat du monde, mon guide franchit la ligne 3 millième.
14:03Ce n'est pas des centièmes, ce n'est pas des dixièmes, c'est des millième de secondes avant moi.
14:06Donc on est disqualifié.
14:08Alors que j'étais champion du monde.
14:10Donc tu es champion.
14:10Et en plus, on ne t'annonce pas tout de suite.
14:12Tu as 45 minutes de laps de temps.
14:15Donc j'ai eu le temps de pleurer dans les bras de mes parents.
14:17J'ai eu le temps d'aller faire des interviews.
14:19En pleine interview pour la télé américaine, on t'annonce français là, premier.
14:26Disqualifié.
14:27C'est des moments extrêmement difficiles.
14:29Tu crois que tu as accompli ton objectif.
14:32Londres, en fait, c'était particulièrement difficile.
14:35Déjà, j'allais à Rio en 2016.
14:36Je faisais partie des favoris.
14:38Et je reviens sans rien parce que j'arrive très, très fort à Rio.
14:43Dès les séries du 100 mètres, je bats le record d'Europe.
14:46Enfin, j'améliore mon propre record du monde.
14:48Eh, record d'Europe, pardon.
14:49Mais de beaucoup.
14:50Meilleur temps des séries.
14:51Les médias s'enflamment.
14:52On a un français futur champion paralympique sur 100 mètres et tout ça.
14:56J'arrive en demi-finale qui devait être une formalité pour moi.
14:59Et en fait, sur la sortie des starting blocks, je me pète l'épaule.
15:01Malgré tout, je vais au bout de ma course.
15:03Et donc, je fais une course pas top du tout.
15:06Mais j'arrive pour un millième.
15:09En fait, le chinois fait 11-28-4.
15:11Et je fais 11-28-5.
15:12Pour un millième, je passe pas en finale.
15:13Mais là, c'est que le début, en fait, de la malchance.
15:15Je le sais pas.
15:16Il y a des trucs qui sont pas à cicatriser.
15:18T'as l'impression d'être dans une spirale infernale.
15:20Et t'arrives pas à t'en sortir.
15:21Et tu te dis, putain, mon palmarès, il pourrait être vraiment plus que ça.
15:26Et pendant un moment, en fait, j'ai même été perçu comme le gars.
15:29Ah, le gars, il est chaud, ouais.
15:30Mais il est en meeting, il cartonne.
15:32Par contre, arrivé le jour des championnats, il est plus là.
15:35Mais comment ça, en fait ?
15:37Sur la piste, à chaque fois, peut-être que j'ai été disqualifié.
15:40Par contre, le numéro un sur la piste, c'était moi, en fait.
15:43T'as travaillé comme un ouf.
15:44T'as eu un investissement de ouf.
15:46Et en fait, c'est même pas que t'es pas performant.
15:48Et il y a même un moment, je disais, je préfère être quatrième.
15:51Ne même pas monter sur la boîte.
15:53Mais au moins, enfin, je suis pas disqualifié, quoi.
15:55Et puis, c'est beaucoup d'ascenseurs émotionnels.
15:57Et puis, en fait, il y a tous tes proches qui sont là.
16:00Tu te sens nul, en fait, à ce moment-là.
16:02Et en 2018, du coup, je me suis dit, mais est-ce que je fais pour ça ?
16:06Est-ce que je continue ?
16:08J'ai plus envie, en fait.
16:09C'est plus une passion.
16:11Ça me fait plus mal de mal qu'autre chose.
16:13Et je prends deux, trois mois avant de revenir à l'entraînement,
16:18après cet échec.
16:19Je prends de nouvelles résolutions en fin 2018,
16:21où je dis à mon coach, écoute, que tu veuilles ou que tu ne veuilles pas,
16:24moi, je vais réintégrer la musique dans ma vie.
16:26Je vais revenir, en fait, à ce que je faisais quand ça marchait.
16:29Alors, je vais pas la réintégrer n'importe comment.
16:32Je vais avoir une bonne hygiène de vie.
16:34Je vais pas y aller la nuit, je vais y aller en journée, je vais y aller sur mes temps libres.
16:39Enfin, je vais pas faire ça n'importe comment.
16:41Et donc, je me lance dans un projet de musique, enfin, de reprendre la musique,
16:45dans un projet de stand-up, dans d'autres projets.
16:482019, j'ai la naissance de mon fils.
16:50Et du coup, je suis champion du monde du 400, je suis champion du 100 mètres,
16:53il n'y a pas de disqualification, il n'y a rien du tout.
16:55Enfin, la meilleure année de ma carrière, tout va bien.
16:58J'avance en tant que grand favori pour les Jeux.
17:01J'arrive au Jeux, champion d'Europe, champion du monde en titre sur 400.
17:04Je sentais que j'avais encore du monde, et en fait, on gagne notre demi-finale,
17:07mais boum, disqualifié.
17:09Et là, tu te dis, non, c'est pas possible, ça recommence.
17:11C'est une règle toute con, qui ne change rien à la performance,
17:14mais c'est l'athlète et le guide doivent franchir la ligne ensemble.
17:18Sauf que, comme vous l'avez compris pour l'histoire de Londres,
17:21l'athlète doit franchir la ligne avant son athlète, sinon on est disqualifié.
17:25Et du coup, Jeffrey, mon guide, se met un petit peu en arrière
17:28pour être sûr de me laisser passer au moment de l'arrivée.
17:31Et en fait, le lien glisse de sa main à 45 cm de la ligne.
17:35Le lien qui nous réunit, c'est un peu le ciel qui nous tombe sur la tête,
17:37ça semble irréel, tu te dis, mais non, c'est pas possible, en fait.
17:40Surtout, le 400 m, c'est une discipline où l'entraînement,
17:45il est tellement, tellement dur, tu te mets dans des états pas possibles.
17:48Et tu te dis, on a fait tout ça pour rien.
17:51Parce qu'on n'a jamais été disqualifié pour deux fois la même chose.
17:53Parce que tu pourrais te dire, il est bête, le gars, à chaque fois, il se fait disqualifié.
17:56Mais non, à chaque fois, c'est un nouveau motif, quoi.
17:58Et ouais, pendant 24 heures, j'arrive pas à parler, c'est un peu une situation de choc.
18:03Parce que là, ça devait être la concrétisation, en fait.
18:06Et non, encore une fois, ça passe sous le nez.
18:10Sauf qu'il me restait encore le 100 m, et sur le 100 m, j'ai réussi à rebondir.
18:14En étant vice-champion de Paralympique, en signant la deuxième meilleure perfe de l'histoire.
18:18Et voilà.
18:18Et championnat du monde cette année à Paris.
18:21À la maison.
18:21Aujourd'hui, quand je regarde un petit peu en arrière, je me dis, il y a eu des trucs très cool.
18:27Donc, si je devais m'adresser un petit peu à moi plus jeune, je dirais, lâche vraiment pas l'affaire.
18:33T'as des rêves, donc va au bout.
18:34Donne-toi les moyens, surtout.
18:35La route, elle est jamais facile, donc tu vas te casser la gueule.
18:39Ça, il faut en avoir conscience.
18:40Parce que quand tu te fixes tes grands objectifs, la route, elle est semée d'embûches.
18:44Mais en fait, le jour où tu y arrives, tu le savres d'autant plus.
18:48Donc, lâche pas et va jusqu'au bout de toi-même.
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations