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  • il y a 2 jours
Pour son interview d'actualité, Télématin reçoit Youssef Badr, magistrat et auteur de "Pour une justice aux 1000 visages".

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Transcription
00:00Notre invité de 8h15 est magistrat, mais rien ne le prédestinait à cette brillante carrière.
00:05Bonjour Youssef Bade.
00:07Bonjour.
00:07Merci d'être avec nous. Vous êtes premier vice-président adjoint au tribunal judiciaire de Bobigny.
00:12Vous publiez ce livre « Pour une justice aux mille visages » qui sort le 2 septembre aux éditions de l'Aube.
00:18Livre qui est un plaidoyer pour l'égalité des chances à l'école et dans lequel vous abordez votre parcours qu'on va qualifier d'atypique.
00:26Vous êtes le fils d'une famille arrivée du Maroc à la fin des années 70.
00:30Votre papa est alors employé du bâtiment. Votre maman, femme de ménage, ne parlait pas français.
00:35C'est un petit peu par hasard.
00:37Contez-nous que vous êtes allé vous retrouver à faire des études de droit.
00:41Absolument. Je me suis retrouvé totalement par hasard.
00:44J'étais parti au départ pour faire une école de commerce.
00:47Et on va dire que mes années de collège et de lycée n'étaient pas forcément les plus performantes
00:52en termes d'attitude ou de comportement, on va dire, même si j'avais des plutôt bons résultats scolaires.
00:59Et les portes des écoles de commerce se sont fermées et j'ai atterri un peu par hasard à la faculté de droit.
01:05Un peu par défaut presque, plus que par hasard.
01:06Oui, parce que c'est le seul cursus dans lequel j'avais été admis.
01:10Mais finalement, et c'est peut-être ce que j'ai essayé de faire passer dans le livre,
01:14c'est qu'on peut être un élève finalement assez moyen au collège et au lycée et puis se révéler plus tard.
01:19Et je pense que c'est aussi source d'espoir pour pas mal d'étudiants ou pas mal de collégiens
01:23qui parfois peuvent rencontrer des difficultés au collège et se disent
01:27« je ne suis pas fait pour le système scolaire, ce n'est pas vrai. »
01:29Et là encore, pendant vos études de droit, vous ne vous consacrez pas qu'au droit.
01:33Vous devez multiplier les petits boulots.
01:36Ce n'est pas forcément un parcours universitaire facile.
01:38Qu'est-ce qui vous empêche de ne pas arrêter ?
01:40Qu'est-ce qui vous fait tenir ?
01:41Ce qui me fait tenir, c'est que j'aime le droit.
01:43J'aime ce que ça apporte au quotidien sur des questions assez simples
01:51que beaucoup de gens se posent, des gens qui ont des difficultés avec leurs locataires,
01:55des gens qui ont des difficultés avec des crédits à la consommation,
01:58des gens qui ont des difficultés parfois sur des questions de voisinage.
02:02Et j'aime ce que ça apporte parce que ça apporte des solutions concrètes.
02:04Vous évoquiez la question des jobs étudiants, effectivement.
02:07Et c'est comme beaucoup d'étudiants aujourd'hui.
02:10Il y a des millions d'étudiants qui doivent cumuler leurs études avec des jobs étudiants.
02:15Soit pour payer les études, soit pour payer le logement, soit pour manger, tout simplement.
02:19Exactement.
02:20Et j'espère qu'ils liront ce livre et que ça leur donnera envie d'aller jusqu'au bout
02:23parce qu'on a aussi le droit à l'échec.
02:25Quand on est à l'université, on a aussi le droit de planter une année, de planter deux années
02:30et puis de revenir quelques années plus tard.
02:32Et puis, je crois que quand on a 18, 19, 20 ans, on ne le sait pas forcément
02:37parce qu'on est un peu dans le dur.
02:40Mais en fait, le meilleur, il est par la suite.
02:42Et en fait, l'avenir, il est encore au final assez lointain
02:44et on a le droit de pouvoir aspirer à des études un peu plus sereines.
02:49Je parlais d'égalité des chances à l'école.
02:51Votre parcours incarne la méritocratie.
02:54Et votre histoire personnelle vous a amené à vous engager.
02:57Pourquoi et quand ?
02:59Alors, l'engagement, il est en fait dans ma tête, je pense, depuis pas mal d'années.
03:02Après, il fallait réfléchir à une structure, il fallait réfléchir à une idée.
03:06Une association, c'est une idée, c'est un nom, c'est un projet.
03:08Donc, ça met des années à mûrir et à sortir.
03:11Et effectivement, ça faisait des années que je me disais,
03:13il y a beaucoup d'étudiants qui me contactent,
03:14notamment quand j'étais au cabinet de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.
03:18Et je me disais, je suis au contact de beaucoup d'étudiants en droit
03:20et je suis au contact de beaucoup de magistrats
03:22parce qu'en final, c'est un petit milieu, la magistrature.
03:24Et je me disais, en fait, il faudrait réfléchir à un système finalement assez simple
03:27dans lequel un étudiant nous dirait, je rencontre telles difficultés
03:30et dans lequel on aurait un professionnel qui nous dirait, moi, j'ai envie de m'engager.
03:34J'ai envie aussi de faire une activité à côté de mes fonctions.
03:37Et en fait, c'est une idée finalement assez simple.
03:39On prend un étudiant, on prend un professionnel du droit
03:43et on les met en relation, tous les deux.
03:45Et en fait, le professionnel du droit parraine l'étudiant
03:48et l'assaut est né en 2021.
03:49Ça s'appelle la courte échelle.
03:50Ça s'appelle la courte échelle et je dois dire que je ne pensais pas
03:53que ça prendrait l'ampleur que ça a pris aujourd'hui.
03:55Je veux bien quand même pour tous les téléspectateurs qui nous regardent
03:57et qui ne connaissent pas forcément les arcanes de la justice en France
04:00qu'on explique ce que ça veut dire qu'être premier vice-président adjoint
04:03au tribunal judiciaire de Bobigny.
04:06C'est quoi votre métier en fait ?
04:06Alors mon métier, c'est très simple.
04:08Pour les gens qui rentrent dans un tribunal,
04:10qui rentrent dans une salle d'audience correctionnelle,
04:12quand vous rentrez dans une salle d'audience correctionnelle,
04:13je pense que tout le monde l'a vu dans des documentaires ou dans des films,
04:16vous avez un magistrat au milieu et deux assesseurs.
04:18Je suis celui qui est au milieu,
04:20ce qu'on appelle le président de la chambre correctionnelle.
04:21C'est vous qu'on appelle votre honneur ?
04:23Alors en fait, votre honneur c'est aux Etats-Unis.
04:24Mais par contre...
04:25Mais vous avez raison.
04:30Monsieur le Président.
04:31Voilà, Monsieur le Président, même si c'est toujours un peu...
04:34Oui, Monsieur le Président.
04:35Mais beaucoup de prévenus nous appellent votre honneur.
04:38Oui, c'est pour ça.
04:38Alors Monsieur le Président,
04:39est-ce que le fameux ascenseur social est bloqué aujourd'hui en France
04:43et c'est pour ça qu'on a besoin d'écrire un livre comme vous écrivez
04:47ou de créer une association comme la vôtre ?
04:48Oui, l'ascenseur social, il est bloqué depuis très longtemps.
04:52Ce que je regrette,
04:53et c'est pour ça que je suis content qu'il sorte à la rentrée scolaire
04:55ou à la rentrée universitaire,
04:57ce que je regrette, c'est que tout le monde est conscient de ça,
04:59jusqu'au plus haut sommet de l'État.
05:00Mais au final, c'est vrai que concrètement,
05:02quand on regarde dans les faits, qu'est-ce qui est fait,
05:05en réalité, au niveau politique,
05:07il y a très peu de choses qui sont faites
05:08parce qu'en réalité, c'est un sujet interministériel.
05:10Ce n'est pas un sujet qui repose que sur la question de l'école,
05:12c'est un sujet qui repose aussi sur la question des loisirs,
05:15sur la question des logements,
05:16sur la question de la famille,
05:18sur la question des moyens,
05:19sur les questions économiques.
05:20Et pourtant, c'est un sujet fondamental.
05:21On parle beaucoup des questions d'économie,
05:23mais je suis sûr que si vous demandez aux Français
05:25quelle est leur priorité dans le top 3,
05:27je suis sûr qu'ils vont tous vous dire
05:28la réussite de mes enfants.
05:30Et je pense que c'est fondamental.
05:32– Pourquoi il est bloqué ?
05:33Moi, je me rappelle, ma grand-mère,
05:34je suis petit-fils d'immigrés aussi,
05:36l'ascenseur social, il n'était pas bloqué,
05:37il a marché, ma grand-mère ne parlait pas français.
05:39Et puis, troisième génération,
05:40je suis médecin des hôpitaux,
05:41comme des millions de personnes.
05:44Pourquoi il est plus bloqué maintenant
05:46qu'il y a 30, 40 ou 50 ans ?
05:48– Sincèrement, je ne sais pas
05:49s'il est plus bloqué maintenant.
05:52Je dirais qu'il y a toute une génération
05:53qu'on n'a pas su intégrer.
05:56Il y a toute une génération
05:56qu'on n'a pas su porter,
05:58et qu'on n'a pas su porter au sens P-O-R-T-E-S-T-E-R.
06:02Et il y a toute une génération
06:03dans laquelle on n'a pas su peut-être leur dire
06:05qu'en fait, c'est par la voie de l'école
06:07que vous allez réussir.
06:09Et moi, ce que je déplore aujourd'hui,
06:11je le vois à Bobigny,
06:12c'est que quand je discute
06:13avec beaucoup de jeunes collégiens,
06:15il y a souvent deux voies qui se dessinent.
06:19C'est parfois la voie artistique,
06:20mais c'est quand même compliqué de se faire un nom.
06:22Et puis souvent, la voie sportive,
06:24mais quand vous discutez avec des éducateurs,
06:26des entraîneurs,
06:27ils vous disent, mais en fait,
06:28le sport, il y a un élu.
06:29C'est une ultra minorité.
06:30Tout le monde ne peut pas réussir.
06:32Et moi, je leur dis,
06:33en fait, il y a peut-être un sujet
06:35qui est qu'on n'arrive plus à faire rêver
06:37les enfants par l'école.
06:38Or, moi, je leur dis,
06:39l'école, elle est fondamentale.
06:40C'est là-dessus que vous allez avoir un avenir.
06:42C'est ici, même si le chemin est semé dans le jeu.
06:44Merci beaucoup, Youssef Badr,
06:46auteur de ce livre,
06:47on vous le rappelle,
06:48Pour une justice aux mille visages.
06:50C'est le 2 septembre,
06:51aux éditions de l'Aube.
06:53Ça donnera peut-être envie aux jeunes
06:55de s'accrocher encore plus.
06:56Merci d'être venu sur le plateau.
06:58Avec cette jolie phrase,
06:59c'est parfois quand les choses sont imprévues
07:00qu'elles prennent le plus de sens.
07:01Je vous laisse réussir à tout ça.
07:03Elle est très belle.

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