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00:00Europe 1 Soir Weekend, 19h, 21h, Guillaume Lariche
00:04Merci de passer votre début de vendredi soir avec nous sur Europe 1, 19h12, dans ce studio Adrien Matou, directeur adjoint de la rédaction de Marianne.
00:12Bonsoir Adrien. Également Eliott Maman, journaliste. Bonsoir Eliott.
00:15Bonsoir.
00:16Tous les trois, on va recevoir et on reçoit François Hesbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique
00:22et auteur aussi du livre Le Suicide de l'Amérique aux éditions Audi Jacob.
00:26Bonsoir M. Hesbourg.
00:27Merci d'être présent dans ce studio d'Europe 1.
00:31François Hesbourg, est-ce que l'Ukraine peut encore gagner cette guerre sans un soutien massif des Etats-Unis ou est-ce que c'est plié d'avance ?
00:38L'Ukraine ne peut pas gagner cette guerre sans un soutien militaire massif de pays étrangers.
00:46Jusqu'à présent c'était à peu près 50-50 entre l'aide militaire américaine et l'aide militaire européenne.
00:55En rythme annuel, 30 milliards d'euros de part et d'autre depuis chaque année, depuis le début de la guerre.
01:04Les Américains ne donnent plus, les Américains dorénavant vendent en comptant sur les Européens pour payer ce que les Américains pourraient vendre à l'Ukraine.
01:16Donc la réponse à votre question, elle est entre la main des Européens.
01:24Elle n'est pas entre la main des Américains.
01:27Les Américains n'ont pas quand même ce pouvoir, le facteur X, avec le renseignement qu'ils maîtrisent parfaitement ?
01:32Bien sûr, ils ont des atouts formidables et dont on peut espérer que l'Ukraine continuera à bénéficier.
01:41Mais s'il le faut, l'Ukraine et les Européens devront faire sans.
01:47D'ailleurs, il est dit en ce moment à Washington que les pays membres du club du renseignement américain,
02:00qu'on appelle les Five Eyes, les 5 IE, c'est-à-dire les alliés les plus proches des US,
02:06Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande,
02:10et que ces pays sont privés, par décision américaine, des renseignements concernant les négociations en cours entre la Russie et les Etats-Unis.
02:23Donc il n'y a pas que l'Ukraine qui paraît pouvoir être privée de renseignements américains.
02:30Le monde a changé. Soit on se débrouille entre Européens pour ne pas subir un revers majeur en Ukraine,
02:39soit on ne se débrouille pas. Mais il ne faut plus compter sur les Américains.
02:43Et de ce que vous voyez depuis comme ça, quelques années, vous pensez qu'on va arriver à se débrouiller,
02:47à se comprendre et à s'entendre, ou c'est plutôt mal engagé ?
02:50C'est plutôt bien engagé dans le sens où l'effort nécessaire reste quand même tout à fait dans les moyens
02:59des Européens, 30 milliards d'euros par an à l'échelle de l'Europe.
03:04C'est littéralement 0,15% du produit intérieur brut européen.
03:13S'il faut remplacer les Américains, c'est 0,15% de plus.
03:18C'est parfaitement faisable.
03:20Et c'est toujours beaucoup moins cher que ce que coûterait une victoire russe en Ukraine,
03:28puisque l'étape suivante serait vraisemblablement pour les États européens voisins de la Russie.
03:37ayant gagné en Ukraine, la Russie aurait peu de raisons de penser, avec Trump, aux affaires à Washington,
03:46qu'elle devrait s'abstenir de poursuivre son avantage vers des pays moins importants que l'Ukraine,
03:55comme l'Estonie ou la Moldavie.
03:57François Hessebourg, vous êtes conseiller spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique.
04:02Merci de répondre aux questions d'Europe 1 soir-week-end par rapport à ce conflit russo-ukrainien.
04:05Vous venez de le dire à l'instant, l'Europe devrait potentiellement doubler actuellement son budget militaire
04:11pour venir aider son aide à l'Ukraine, de 0,15% à 0,30%.
04:18Qui représente une petite fraction du budget militaire,
04:23qui lui-même représente une petite fraction du produit intérieur brut.
04:27Alors pourquoi l'Europe ne prend pas son destin en main par rapport à l'Ukraine,
04:31puisqu'on veut protéger aussi le français ?
04:32Non, mais vous me demandiez si les augures étaient bons.
04:36La réponse est justement plutôt oui, parce que c'est bien dans les moyens des Européens.
04:41On le voit avec l'augmentation formidable du budget militaire allemand,
04:47qui en l'espace de trois ans aura triplé, ce qui n'est pas rien.
04:50Pour la France, on aura augmenté de l'ordre de 50%.
04:54Autrement dit, ce n'est pas pour des raisons financières que l'on va perdre pied.
05:04C'est parce que le cas échéant, on aura décidé que, somme toute, l'enjeu n'en veut pas la peine.
05:12Ce qui serait, à mon sens, une erreur.
05:14Ce serait un pays européen qui pourrait penser ça plutôt que d'autres ?
05:17Vous voyez la Hongrie, la Hongrie qui préfère travailler avec M. Poutine
05:23plutôt qu'avec l'Union Européenne et l'OTAN, dont elle est censée faire partie.
05:28C'est plutôt là qu'il y a un problème.
05:30Il y a un ou deux pays, la Hongrie et la Slovaquie, qui sont dans cet état d'esprit.
05:35Mais les poids lourds, ceux qui comptent économiquement, politiquement, industriellement,
05:43ne sont pas sur cette ligne d'apaisement vis-à-vis de la Russie.
05:48Actuellement, pour l'Union Européenne, l'Ukraine est un rideau face à Vladimir Poutine et ses armées.
05:58Pour les Etats-Unis, c'est plutôt un fardeau, l'Ukraine.
06:01Pour nous, c'est plutôt, justement, un fardeau stratégique.
06:06C'est un défi stratégique.
06:09La Russie prétend vouloir rétablir la situation stratégique telle qu'elle se présentait à la sortie de la guerre froide.
06:18C'est un défi de très grande ampleur.
06:21Et c'est bien pour ça que les budgets de la défense augmentent.
06:24Et augmentent d'ailleurs bien au-delà du coût même de la guerre d'Ukraine, qui reste périphérique.
06:30Et pour les Etats-Unis, il est franchement epsilonesque.
06:34Monsieur Trump parle de 300 milliards de dollars qui auraient été donnés par les Etats-Unis à l'Ukraine.
06:41C'est Faribol et compagnie.
06:43C'est du Trump à prendre, à consommer avec modération.
06:47En ce qui concerne cet avenir de potentiel paix que tout le monde espère,
06:53puisqu'il n'y aura pas, a priori, de cessez-le-feu, c'est absolument pas ce que souhaite...
06:57C'est difficile d'avoir la paix sans cessez-le-feu.
06:59On est d'accord.
07:00C'est-à-dire qu'il veut une paix durable et il ne voudrait pas partir sur un cessez-le-feu de 20, 30, 40 jours pour faire ça.
07:06D'ailleurs, les Russes et les Ukrainiens qui continuent les échanges de prisonniers,
07:10ça travaille toujours en arrière-boutique, j'ai envie de dire.
07:15Est-ce que ce...
07:16Parce que là, on a l'impression que Donald Trump veut des résultats semaine après semaine,
07:20un petit peu comme une série.
07:22Aujourd'hui, on est vendredi.
07:23Il n'y a pas eu de grande annonce.
07:24Alors que les vendredis précédents, il y a voilà une semaine,
07:27il y avait ce rendez-vous entre Trump et Poutine qui allait commencer vers 21h30, voilà une semaine.
07:34Ça nous a tenu en haleine comme ça.
07:35Ça va être quoi ? Est-ce que ça va retomber comme un soufflé ?
07:37Et on va repartir pour 3, 4, 5 mois de négociations, de discussions et encore des milliers de morts ?
07:41Je pense qu'on est plutôt pour le soufflé qui retombe.
07:47Poutine a obtenu au plan diplomatique la fin de son isolement.
07:53C'est ça que Trump lui a donné.
07:54C'est très précieux pour Poutine.
07:59Poutine a dit non à Trump sur un cessez-le-feu.
08:05Ce n'était pas la première fois, mais il a redit.
08:08Trump, de son côté, évoque d'éventuelles garanties de sécurité pour l'Ukraine.
08:14Mais comme il a, par ailleurs, refusé de mettre en œuvre ses propres propos
08:22concernant la pression qu'il ferait sur la Russie si la Russie refusait un processus de paix,
08:31ce n'est pas à prendre très au sérieux.
08:33M. Poutine n'a pas l'air de prendre ça très au sérieux non plus.
08:37C'est son avis qui compte, ce n'est pas le mien.
08:41Et donc, je pense qu'effectivement, d'ici une quinzaine de jours,
08:45M. Trump va...
08:47Il va s'agacer ?
08:48Non, justement, je pense qu'il arrive à la fin de l'agacement.
08:53L'agacement, il y en a eu plusieurs épisodes
08:56depuis qu'il a lancé ce processus au mois de janvier dernier,
09:00ce qui fait quand même pratiquement huit mois maintenant.
09:02Et je pense qu'il va plutôt décrocher en disant aux uns et aux autres
09:09« Débrouillez-vous, moi j'ai fait ce que j'ai pu,
09:12je mérite mon prix Nobel de la paix. »
09:15Surtout qu'on arrive à la fin des 50 jours,
09:17le fameux ultimatum qu'il avait donné au début de l'été.
09:19Absolument, tout le monde l'a oublié,
09:20comme tout le monde a oublié le fameux cessez-le-feu,
09:23qui était en principe le point de départ de la négociation
09:28et sur lesquels, par rapport auxquels la Russie a tout simplement dit,
09:33en termes à peine plus polis, « fume ».
09:36François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique
09:40et l'invité d'Europe un soir, week-end, 19h22.
09:42Adrien Matoua, une question pour vous, monsieur Heisbourg.
09:45Oui, j'allais vous poser la question.
09:46Si Trump, comme vous le pressentez, se dégage de la question ukrainienne
09:51et que les Européens se retrouvent seuls, entre guillemets, face à Poutine pour soutenir l'Ukraine,
09:57est-ce que les Européens vont présenter un front suffisamment uni ?
10:01Est-ce qu'il n'y aura pas des dissensions entre les Européens ?
10:05Vous évoquiez la nécessité, si les États-Unis se retireraient,
10:08de doubler l'effort pour soutenir les Ukrainiens.
10:11Est-ce que tous les Européens seraient d'accord pour ça ?
10:14Les Hongrois, sûrement pas.
10:16Oui, ça c'est sûr.
10:17Les Slovaques, sûrement pas.
10:20Et ça pèse peu, ça se contourne aisément.
10:24En plus, les Hongrois ont fait l'erreur aujourd'hui de se plaindre amèrement
10:30de l'interruption, grâce à une frappe ukrainienne,
10:35des livraisons de pétrole russe à la Hongrie.
10:39La Hongrie a saisi la Commission européenne en disant
10:42mais c'est affreux, la Commission européenne et du Botouça
10:44ne concerne en aucune façon l'Union européenne.
10:48Sous-entendu, chers amis hongrois,
10:50vous vous êtes mis dans le lit de Poutine,
10:52débrouillez-vous, nous on est aux abonnés absents.
10:56Et quant aux autres, quel que soit leur réserve,
11:01il y a en fait une unité de compréhension
11:05de ce que signifierait la perte de la guerre par l'Ukraine.
11:10A savoir que le prochain coup de pression, plus ou moins direct,
11:15serait pour l'Union européenne en tant que telle.
11:19Et là, pour le coup, que vous soyez grec, portugais ou espagnol,
11:23c'est-à-dire relativement éloigné du conflit,
11:28ça, personne n'en a, franchement, personne n'en a envie.
11:32Et si ça coûte 60 milliards d'euros par an à l'échelle de l'Union,
11:36franchement, encore une fois, c'est pas la...
11:44Il faut le faire, quoi.
11:45Il faut le faire, c'est sans des sommes ridiculement faibles
11:48par rapport à ce qu'a pu coûter le quoi qu'il en coûte
11:52de la lutte contre la pandémie de Covid, par exemple.
11:56François Hessebourg, on parle d'unité de l'Europe,
11:59quand on revoit ces images de Volodymyr Zelensky
12:03qui était entouré de pas mal de chefs de l'Union européenne.
12:07Ça vous inspire juste une image de communication
12:09ou un réel sentiment d'union de l'Union européenne ?
12:13Disons que Zelensky, après le lynchage médiatique
12:18auquel il avait été soumis le 28 février dernier dans le bureau Oval,
12:22visiblement, il avait besoin de garde du corps.
12:25Et les Européens, de ce point de vue-là, ont servi de garde du corps.
12:30C'est un...
12:31Alors, de la même façon que le lynchage le 28 février était médiatique,
12:36cette façon de garder Zelensky
12:39était aussi un message médiatique.
12:42Cette façon de Donald Trump de distribuer les bons et les mauvais points
12:45comme il a pu le faire avec les dirigeants de l'Union européenne
12:48et Zelensky, c'est une...
12:50Nous, les Européens, on est obligés d'accepter ça ?
12:54Non.
12:58Non, on n'est pas obligés...
12:59Parce qu'on a senti une certaine retenue après.
13:00Forcément, on est reçu, donc c'est pas la même chose que quand on accueille le 28.
13:03Non, on ne va pas se mettre, nous, à casser les meubles dans le bureau Oval.
13:08Encore que personnellement, je trouve que ce ne serait pas forcément une mauvaisité.
13:11Vous voulez refaire la déco, c'est ça ?
13:12Il va falloir la déco un peu.
13:13Sérieusement, les Européens comprennent qu'ils sont de plus en plus seuls,
13:23qu'il va falloir qu'ils se débrouillent avec ce sujet.
13:27Mais, quelque part, les Américains, tout en devenant un problème, font partie du problème maintenant.
13:35Ils ne font plus partie de la solution.
13:37Les Américains, dans la pratique, ne sont plus en mesure de faire l'événement.
13:43Ce qui va faire l'événement ou qui ne va pas le faire,
13:45c'est la décision des Européens de se substiter aux Etats-Unis
13:50dans la défense du continent européen ou pas.
13:54Conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique,
13:56François Heisbourg est l'invité ce soir d'Europe à soir-week-end.
13:59Eliott Maman a une question pour vous, M. Heisbourg.
14:02Oui, Donald Trump, qui n'est pas toujours à une contradiction près,
14:04a dénoncé hier les responsabilités de l'administration Biden
14:07qui aurait, selon lui, empêché l'Ukraine de frapper directement en Russie.
14:12Il est vrai d'ailleurs que Biden a beaucoup tardé à livrer, par exemple,
14:15les fameux missiles Atakams à l'Ukraine.
14:17Et quoi qu'il en soit, selon lui, ce sont les dispositifs mis en place
14:20par l'administration Biden qui ont empêché l'Ukraine de peser
14:23dans le cadre de négociations transactionnelles,
14:25d'échanges de territoires entre l'Ukraine et la Russie.
14:28Qu'est-ce que vous pensez de cette déclaration de Donald Trump ?
14:30Alors, Trump n'a pas toujours tort.
14:35La responsabilité de Biden, elle est réelle.
14:38Biden a aidé l'Ukraine, mais en lui attachant un bras derrière le dos.
14:45Et notamment sur cette question de l'utilisation d'armes occidentales
14:50dans la profondeur du dispositif russe.
14:55La critique de Biden, elle est juste et elle est facile.
14:58En attendant, Trump, lorsqu'il a évoqué il y a quelques mois
15:06la possibilité de sanction contre la Russie,
15:10dans le cadre de la pression pour amener la Russie à la table de négociation,
15:16Trump n'a rien fait.
15:18Et j'ai beaucoup de doutes quant à ce que Trump aurait fait
15:24s'il avait été à la place de Biden.
15:27Mais il n'était pas à la place de Biden, c'est Biden qui était le président.
15:30Et les péchés qu'il évoque à l'encontre de Biden, encore une fois,
15:34sont tout à fait justifiés.
15:36Cela n'explique pas ce que Trump aurait fait en pareilles circonstances.
15:40François Hesbour, merci beaucoup d'avoir répondu aux questions d'Europe un soir week-end.
15:45Je rappelle que vous êtes conseiller spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique.
15:49Et si on souhaite en savoir plus, vous avez également écrit le livre
15:51Le Suicide de l'Amérique aux éditions Odile Jacob.
15:54Merci beaucoup François Hesbour.
15:55Merci à vous, c'était un plaisir.

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