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  • il y a 7 semaines
Le chef cuisinier doublement étoilé Thierry Marx, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), est l'invité d'Alexis Morel. Il signe, avec une cinquantaine d'autres chefs, une tribune appelant à protéger la gastronomie française.
Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:00France Inter, le 6-9
00:04Bonjour Thierry Marx, chef cuisinier plusieurs fois étoilé, vous présidez aussi l'UMI, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, première organisation du secteur.
00:15Invité de France Inter ce matin au cœur d'un été qui pour l'instant ne fait pas recette au restaurant, un peu partout, des terrasses clairsemées.
00:22Vous avez sorti vos premiers chiffres, au moins 15 à 20% de baisse de fréquentation depuis le début des vacances par rapport à l'année dernière. Que se passe-t-il ?
00:32Rien perdre de pouvoir d'achat, les touristes sont là, il y a une forte demande mais hélas le pouvoir d'achat n'est pas là.
00:40Et finalement les touristes font un arbitrage entre aller au restaurant, avoir des loisirs, prendre un billet de train ou un billet d'avion qui est largement augmenté.
00:49Et finalement aujourd'hui conduit les restaurateurs à être dans l'inquiétude parce que finalement depuis trois ans on ne se redresse pas.
00:56Il y a évidemment le remboursement des prêts garantis par l'État, la sortie du Covid et l'explosion du coût de l'énergie fait qu'aujourd'hui ces entreprises de la restauration n'ont plus de trésorerie.
01:06Et la moindre zone de turbulence est inquiétante.
01:08Donc là la sortie resto finalement c'est la première à faire les frais de ce pouvoir d'achat en Berne.
01:14Exactement, on a une perte d'attractivité parce qu'il y a une perte de pouvoir d'achat et effectivement les restaurateurs ont essayé de répondre à ça sans augmenter leur prix.
01:24Mais aujourd'hui le coût des matières premières, le coût de l'énergie, j'y reviens parce qu'il a été déterminant en 2023 et aujourd'hui on ne peut pas baisser nos prix.
01:33Et effectivement ça rend aussi nos concurrents attractifs, l'Espagne, l'Italie, même le Maroc aujourd'hui qui développe un tourisme très très fort et bien fait que l'attractivité française perd d'année en année cette relation qu'elle avait avec le tourisme international.
01:51Et cette question des prix affichée sur les menus, sur les cartes, elle revient beaucoup dans la bouche des clients qui se plaignent de ces prix parfois élevés pour une qualité dans l'assiette ou une qualité de service qui ne suit pas tout le temps ?
02:02Oui mais je le reconnais et j'en fais moi-même l'expérience de regarder comment on arrive à compresser nos coûts.
02:09Bien souvent pour les compresser c'est le coût matières premières qui trinque et le coût de personnel qui trinque.
02:15Il faut resserrer tout ça mais finalement ça ne fait pas baisser le prix sur le ticket et le client se sent un petit peu trahi dans l'offre et ça c'est vraiment une inquiétude qui dure.
02:28Ce n'est pas nouveau, ce n'est pas conjoncturel, c'est structurel aujourd'hui. Tous les problèmes que nous rencontrons dans nos entreprises, il ne faut pas cacher que ce sont des entreprises,
02:36et bien ce n'est pas la conjoncture qui n'est pas bonne, c'est que structurellement aujourd'hui nos entreprises n'arrivent pas à refaire de la trésorerie.
02:44Un mot d'actualité quand même, la canicule qui s'est installée, c'est une mauvaise nouvelle de plus pour les restaurateurs ? Qu'est-ce qu'ils vous disent à vos confrères du sud-ouest notamment ?
02:53Je n'aime pas trop réagir sur la météo, on n'y pourra rien, c'est-à-dire que l'impact du réchauffement climatique, on travaille dessus,
03:00les problématiques avec l'eau, on travaille dessus notamment à l'humi, sur l'impact environnemental, mais aujourd'hui on s'adapte.
03:06Mais quand le client qui ne peut pas prendre une menthe à l'eau sur une terrasse parce qu'il n'en a pas les moyens, c'est ça le problème,
03:12ce n'est pas le fait de dire attention il y a une canicule ou attention il va y avoir trop de pluie ou attention l'hiver il y a trop de froid,
03:19ce n'est pas le sujet. Ceux qui n'ont pas les moyens s'ajoutent aussi qu'ils ne veulent pas venir en terrasse parce qu'il fait 42 degrés.
03:25Exactement, moi j'ai toujours une pensée, moi qui ai bien connu, les quartiers politiques de la ville,
03:31quand on est dans le béton qui fait très chaud et qu'en plus on ne peut pas partir en vacances,
03:34ça, ça m'inquiète beaucoup plus que le réchauffement climatique.
03:37Il y a une vraie tension dans ces quartiers à cause de cette vie qu'on n'arrive pas à sortir pour aller en vacances.
03:44Et c'est donc dans ce contexte que vous décrivez, difficile pour les restaurateurs, que vous avez co-signé il y a quelques jours une tribune
03:51avec plus d'une cinquantaine de chefs pour alerter sur les menaces qui pèsent sur notre gastronomie française.
03:57Vous parlez même d'un risque de dégastronomisation de la France. La situation est grave à ce point ?
04:03Ah oui, oui, oui, encore une fois, je vais reprendre mon...
04:05Parce que vous dites on est attaqué de partout en fait.
04:07Je vais reprendre mon propos précédent, c'est-à-dire que la dégradation, l'oxydation, elle n'est pas conjoncturelle.
04:13Elle est structurelle, c'est-à-dire que ça a eu plusieurs années qu'on ne veut pas entendre.
04:17Et je défends depuis, et là je suis très heureux d'avoir co-signé cette tribune avec des chefs reconnus,
04:22chefs et chefs eux, bien évidemment, parce que, effectivement, la gastronomie française s'oxyde,
04:29parce qu'elle, aujourd'hui, elle n'est pas reconnue, elle n'est pas protégée.
04:32Elle n'est pas protégée, pourquoi ?
04:33On n'a pas su faire une loi, et il faut absolument défendre cette loi sur le fait maison,
04:38dans une loi cadre qui passera par l'Assemblée nationale.
04:40Il y a pourtant un label qui existe depuis plusieurs années.
04:42Oui, mais il n'est pas suffisant, il est inefficace.
04:44Donc il faut une loi cadre qui fasse en sorte que les établissements qui font du fait maison
04:50soient beaucoup plus protégés.
04:52Aujourd'hui, sur les 25 établissements qui ferment par jour,
04:55bien souvent, sur les établissements qui faisaient du fait maison,
04:58qui font à peine 2% de marge, donc qui jettent l'éponge,
05:01face à une industrialisation de nos métiers,
05:04qui, aujourd'hui, on le constate, fait 8 à 10% de marge,
05:09avec beaucoup moins de personnel et beaucoup moins de traçabilité de produits.
05:12Donc, à un moment donné, celui qui est dans l'artisanat des métiers de bouche,
05:15qui voit qu'il ne s'en sort plus, il jette l'éponge.
05:17Et moi, ce qui m'affole, et je fais une fois par mois une tournée en ruralité,
05:21quand je vois des distributeurs de pizzas ou des distributeurs de pains industriels
05:26dans nos campagnes, ça m'ulcère, ça ulcère l'ensemble des chefs.
05:31Et ça, aujourd'hui, la dégradation de notre gastronomie fera perdre dans notre identité
05:36et dans notre attractivité française.
05:39Donc, il faut travailler là-dessus sur une loi cadre.
05:41Distinguer, protéger, le fait maison.
05:43Est-ce que vous iriez jusqu'à ce que dit votre collègue-chef triplement étoilé Coutanceau,
05:48le chef Coutanceau, lui, il voudrait qu'on impose un diplôme obligatoire pour ouvrir un restaurant.
05:53Est-ce que vous iriez jusque-là ?
05:54Oui, bien sûr. Il faut admettre qu'il faut un diplôme.
05:57Et le problème, c'est que ce diplôme, moi, je milite pour ça,
06:02pour qu'il y ait un moyen de passage pour qu'on protège le métier.
06:05Mais encore une fois, ça doit passer par une loi cadre.
06:07Et après, l'industrie, elle s'en fiche de ses diplômes.
06:11Elle le contourne.
06:12Vous savez, je prends toujours l'exemple d'un ami que j'ai à Saint-Ouen.
06:16Il a un tout petit bistrot, il travaille avec sa femme, la cuisine est faite maison
06:20et il est concurrencé de plus en plus par des gens qui ouvrent du sandwich
06:24où on met une fausse cuisine finalement dans du pain,
06:27où tout ça n'est pas du tout réglementé.
06:30Et finalement, lui, il finira un jour par jeter l'éponge.
06:33Parce qu'effectivement, comme il fait du fait maison, il lui faut un peu plus de personnel.
06:36Tracer ses produits et tout ça, c'est inquiétant.
06:39Donc, cette tribune, elle tombe bien pour travailler sur le fond
06:42et pas simplement rester sur la forme de l'irritation du moment.
06:45Et donc, concrètement, vous dites cette loi cadre.
06:48Pour aboutir à quoi ?
06:49Une forme d'exception culturelle pour la gastronomie ?
06:51Comme on l'a, par exemple, sur le cinéma ou le livre en France.
06:56Ça veut dire quoi ?
06:56Des dispositifs fiscaux qui sont plus avantageux ?
06:59Dispositifs fiscaux qui sont plus avantageux, bien évidemment.
07:01Et de protéger cette qualité de la gastronomie française.
07:06Mais pas simplement l'ail.
07:07Il se trouve que les chefs les plus reconnus, encore une fois, chefs et cheffeux,
07:11ont signé cette tribune.
07:12Mais c'est de tracter tout le monde.
07:14C'est-à-dire que du petit bistrot, du bouillon,
07:17de défendre dans un label le fait maison.
07:19D'ailleurs, on est rejoint par l'ensemble des métiers de bouche.
07:22Les boulangers, les bouchers, les poissonniers,
07:26tous les traiteurs disent qu'il faut qu'on ait une reconnaissance.
07:28Parce qu'entre un boulanger qui fait son pain, qui pétrit,
07:32qui fait ses fermentations, qui fait ses propres croissants,
07:34et une industrialisation, par exemple, du croissant,
07:36il faut savoir, quand vous prenez votre café,
07:38s'il vient vraiment de chez un boulanger avec une vraie compétence métier
07:41ou s'il vient simplement d'un circuit industriel.
07:43Par exemple, au sein de l'UMI, au sein de votre organisation,
07:45l'organisation que vous présidez,
07:46tout le monde est d'accord avec ça ?
07:48Parce que vous avez des confrères et des consoeurs qui travaillent avec l'industrie.
07:51Mais bien sûr.
07:52En tout cas, nous, à l'UMI, et moi, en tant que président,
07:54il me reste encore quelques mots à faire,
07:56je militerai toujours pour cette qualité du fait maison
07:59et une loi 4 sur le fait maison.
08:01Et aujourd'hui, je suis entendu par l'ensemble des restaurateurs.
08:04Si on est le premier syndicat aujourd'hui français,
08:06c'est parce qu'aujourd'hui, on a augmenté notre nombre d'adhérents
08:09qui attend cette reconnaissance.
08:11Parce qu'aujourd'hui, ceux qui souffrent,
08:13c'est ceux qui font du fait maison.
08:14Vous pointez aussi dans cette tribune
08:16la remise en cause de l'apprentissage,
08:18le plafonnement de la prime Macron,
08:20la fiscalité sur les pourboires.
08:22Vous parliez à l'instant de dispositifs fiscaux plus avantageux.
08:26Dans le contexte budgétaire actuel,
08:28vous avez un espoir d'être entendu ?
08:30En tout cas, on se fera entendre.
08:31On va faire ce qu'il faut se faire entendre.
08:33Sur l'apprentissage, on a été entendu seulement sur une partie
08:36qui est de protéger au moins le niveau des CAP
08:39et qu'il y ait toujours des aides pour les entreprises
08:41qui prennent des apprentis.
08:42Et c'est extrêmement important.
08:43Nous avons un déficit d'apprentissage dans nos métiers.
08:46Et ensuite, de continuer à travailler sur le...
08:48d'éviter le coup de rabot sur les apprentissages.
08:51Et deux, sur les pourboires,
08:52voilà une attractivité.
08:53Vous parliez dans la tribune précédente,
08:56dans la présentation précédente du cash,
08:59bien, il restait cette petite prime au sourire
09:01qui était offerte par le client.
09:03Aujourd'hui, si cette prime, elle est taxée,
09:06bien, encore une fois,
09:07on perdra encore plus de l'attractivité métier.
09:09A savoir que ces pourboires,
09:10s'ils sont fiscalisés,
09:11finalement, il n'y aura plus de pourboires.
09:13Et bien, ce sera encore une fois
09:16les salariés de ce secteur
09:17qui vont être pénalisés.
09:18Or que ces pourboires,
09:19bien souvent, ils sont dépensés
09:20dans l'environnement du salarié.
09:22Et c'était une vraie attractivité pour nos métiers.
09:24Les salariés, justement,
09:25qui sont partis pendant le Covid,
09:28pour beaucoup d'entre eux,
09:30qui ont du mal à revenir.
09:31Ça, cette crise du recrutement,
09:33elle n'est pas réglée depuis le Covid.
09:36Pourquoi vous ne réussissez pas
09:37à être de nouveau attractif ?
09:39110 000 personnes environ
09:41qui ont quitté le monde
09:43de l'hôtel de restauration
09:44pendant le Covid.
09:45Effectivement, nous,
09:46on peine à recruter 200 000 postes
09:48à pourvoir dans ces métiers.
09:50On a fait l'effort.
09:51On a fait l'effort
09:51de l'augmentation des salaires.
09:53On a fait l'effort de...
09:54Le seul syndicat, d'ailleurs,
09:55à avoir fait l'effort
09:56sur l'augmentation
09:57du salaire de l'apprenti,
09:59notamment de l'apprenti
10:00en deuxième et en troisième année.
10:01Donc, on a fait les efforts.
10:03Maintenant, il y a encore une fois
10:04un travail à faire
10:04sur la planification du travail.
10:06On travaille quand les autres se reposent.
10:08Il y a une spécificité
10:10à nos métiers,
10:11mais ça ne suffit pas aujourd'hui
10:12pour ramener des gens
10:15dans nos métiers
10:16et de retrouver une attractivité
10:17avec nos métiers.
10:18Et puis, il y a la formation.
10:19Évitons les coups de rabot
10:20sur la formation professionnelle
10:21parce que nous pouvons
10:22être attractifs
10:23pour des gens qui, au départ,
10:25ne se sentaient pas concernés
10:26par les métiers
10:27d'hôtellerie-restauration.
10:28Et ils peuvent y venir.
10:29Et c'est comme ça
10:29qu'on a développé des écoles
10:30pour aller chercher des publics
10:32qui étaient éloignés
10:33d'un projet métier
10:33et de pouvoir les ramener
10:34dans un projet métier.
10:35Il y a un gros effort
10:36qui est fait
10:37sur l'attractivité
10:38de nos métiers
10:38au travers de la profession
10:40en général,
10:41mais on peine quand même
10:42à recruter.
10:43Merci beaucoup Thierry Marx,
10:45chef cuisinier,
10:45président de l'UMI.
10:47Invité de France Inter
10:48ce matin.
10:48Bonne journée.
10:49Merci.
10:49Merci.
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