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  • il y a 4 mois

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00:00La grande interview d'Europe 1 à 8h14, nous recevons Antoine Armand, bonjour.
00:06Bonjour.
00:07Député Ensemble pour la République de Haute-Savoie, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
00:12Antoine Armand, est-ce que les discours et les coups de saumonces du Premier ministre François Bayrou,
00:17le dernier en date c'était le 15 juillet, ont suffi ?
00:20On apprend ce matin qu'à 17h aujourd'hui sortira un podcast,
00:24FB Direct, François Bayrou veut parler directement aux Français du budget,
00:29de la nécessité de redresser les comptes publics.
00:32Il faut recourir à tous les dispositifs pour convaincre les Français ?
00:35Oui, je crois qu'il faut recourir à tous les dispositifs, comme vous dites, pour une raison très simple.
00:39Je l'ai vécu comme bref ministre, c'est que nous n'avons pas aujourd'hui, collectivement en France,
00:46la conscience de la gravité de la situation.
00:48Je vous donne un seul exemple.
00:49On parle souvent de 5% de déficit, vous en parlez à vos antennes,
00:53on en parle y compris dans les débats en société, 5% de déficit, ça peut sembler pas beaucoup.
00:57Qu'est-ce qu'il y a derrière ?
00:59Derrière, il y a 150 milliards d'euros de déficit de l'État,
01:03alors que nos recettes sont seulement de 300 milliards d'euros.
01:06Mais si vous avez quelqu'un qui gagne 300, 3000 euros par mois,
01:10et qu'il a 150, 1500 euros de déficit, on voit bien que la situation est très grave.
01:15Donc oui, je crois que le Premier ministre a raison de vouloir communiquer,
01:18communiquer toujours plus directement avec les Français,
01:22pour qu'ils perçoivent la gravité de la situation et l'urgence de notre situation budgétaire.
01:26Bon, ça fait quand même 50 ans que la dette et le recours à l'emprunt
01:28ont été les pratiques favorites de notre pays pour financer notre système social.
01:33C'est une facilité à laquelle il ne faut plus recourir ?
01:37C'est une facilité à laquelle nous ne pourrons bientôt plus recourir,
01:40parce que nous serons rattrapés, nous sommes déjà rattrapés,
01:43par le remboursement de la dette, qui va dans les prochaines années,
01:46le seul remboursement des intérêts de la dette,
01:48être le premier poste budgétaire de l'État.
01:50Devant l'éducation nationale, devant la défense,
01:53un pays digne de ce nom qui se projette dans l'avenir, ne peut pas accepter ça.
01:57Et donc oui, vous avez raison de parler de facilité,
01:59parce qu'au fond, quand vous discutez en France,
02:02vous trouvez souvent des gens qui veulent taxer davantage,
02:04et vous trouvez très peu de gens qui veulent accepter de dépenser moins,
02:07alors que c'est une nécessité.
02:08Et d'ailleurs, 72% des interrogés dans un sondage Les Echos
02:13montrent que les efforts demandés seraient trop importants.
02:18Comment est-ce qu'on peut les convaincre, ces Français ?
02:21D'abord, je pense qu'il faut avoir une discussion concrète
02:24sur les différents sujets qui sont mis à l'œuvre.
02:27Est-ce que l'État peut continuer à réduire ce qu'on appelle son train de vie ?
02:31Est-ce que les collectivités peuvent aussi parvenir à faire un effort équilibré
02:35qui ne met pas en cause l'investissement local ?
02:38Ou est-ce qu'on considère avant tout qu'au fond, rien n'est possible ?
02:42Mais nous sommes le pays qui dépense le plus dans l'Union européenne.
02:45Ça veut dire que nos dépenses publiques sont les plus importantes
02:48et en même temps, nos impôts sont les plus importants de l'Union européenne.
02:52Alors, si on trouve qu'il n'y a pas de problème, moi je veux bien,
02:55mais si on s'arrête une seconde sur le diagnostic,
02:57on est bien obligé de constater que dans chacun des domaines,
03:01on doit pouvoir faire des efforts, on doit pouvoir faire des économies.
03:05Pas sur le dos des services publics, mais tout simplement sur la question de l'efficacité de la dépense.
03:09C'est pour ça que la ministre du Travail lance la chasse aux fraudes sociales.
03:15Catherine Vautrin espère récupérer 13 milliards d'euros dans cette lutte.
03:18Elle a employé un mot, trahison.
03:21Je vous cite la définition d'une trahison.
03:23C'est le crime d'une personne qui trahit, qui passe à l'ennemi,
03:27de manquer au devoir de fidélité.
03:30La fraude sociale est une trahison.
03:32Vous aussi, Antoine Armand, vous souscrivez à cette accusation ?
03:35C'est un mot fort, mais c'est un mot qui traduit la gravité du délit qui est commis
03:41quand on a une fraude sociale ou une fraude fiscale d'ailleurs.
03:44Pourquoi ? Parce que quand on est citoyen, on est citoyen, on contribue,
03:47évidemment, par des cotisations, par des impôts, on doit contribuer,
03:51mais on doit aussi, on a des devoirs, celui de l'exemplarité, celui de l'éthique,
03:55de ne pas voler dans la caisse de tout le monde.
03:57Parce que l'État, c'est censé être la caisse de tout le monde.
03:59Et qu'est-ce qu'on observe aujourd'hui ?
04:01Eh bien, on observe que la fraude sociale, la plus importante,
04:05elle vient souvent de quelques fraudeurs
04:07qui fraudent de grandes quantités d'argent public,
04:09avec parfois des montages très compliqués dans le domaine de la santé,
04:13dans le domaine du social, avec parfois des sociétés écrans.
04:16Et c'est extrêmement dur de trouver tous les responsables,
04:19et c'est pour cela qu'il est absolument indispensable de le faire.
04:22Parce que sinon, c'est un coup de caniche dans le contrat social en permanence.
04:25C'est une manière pour les gens qui payent des cotisations,
04:28qui payent des impôts,
04:29et qui, eux, ne vont pas souvent réclamer telle ou telle aide.
04:33Pour eux, c'est une manière de se dire,
04:34oui, l'État prend en compte le besoin de justice.
04:37Alors, on peut faire des économies pour redresser les finances publiques,
04:39on peut aussi produire plus de richesses.
04:41Mais comment on produit plus de richesses
04:42si on se prend 15% de droits de douane américains
04:45à partir de jeudi ?
04:46C'est la menace qui a été brandie par Donald Trump.
04:49La France espérait engager un bras de fer dur avec les États-Unis.
04:53Mais finalement, Ursula von der Leyen a serré la main du président américain
04:57et la France, elle semble un peu noyée au milieu de l'Union européenne.
05:01Pourquoi on ne nous écoute pas, Antoine Armand ?
05:04La force est de constater d'abord
05:06que la présidente de la Commission européenne n'a pas réussi.
05:09Elle n'a pas réussi à instaurer un rapport de force
05:11et elle n'a pas réussi,
05:13alors que, comme vous en parlez régulièrement sur vos antennes,
05:16ça fait des mois que cet accord est en discussion,
05:18puisque les menaces de Trump ont maintenant des mois,
05:20et bien qu'elle n'a pas réussi à trouver un accord.
05:23Alors j'entends qu'on parle d'accord déséquilibré,
05:25mais disons-nous les choses,
05:27ce n'est pas un accord déséquilibré,
05:28c'est un accord qui est fondamentalement mauvais,
05:31puisqu'il s'agit pour Donald Trump de nous imposer des droits de toile,
05:34mais non seulement il n'y a pas de contrepartie,
05:37en plus nous devons acheter des énergies fossiles américaines,
05:40et en plus nos entreprises devraient investir aux États-Unis.
05:44Donc de deux choses, une.
05:45Ou bien c'est irréaliste.
05:47Et dans ce cas-là, c'est symbolique,
05:48mais ça veut dire quoi ?
05:49Ça veut dire que c'est de la soumission politique
05:51aux menaces de Donald Trump.
05:53Ou bien c'est très réaliste,
05:54et dans ce cas-là, c'est de la soumission économique.
05:56Et nous ne devons pas nous y résoudre.
05:58Alors, sans doute d'autres États européens se sont dit
06:00c'est un moindre mal,
06:01c'est une manière d'éviter davantage,
06:04et c'est la logique de Donald Trump de toujours plus menacer,
06:07mais nous devons continuer,
06:08j'ai entendu le président de la République,
06:09le gouvernement dire que le combat n'était pas fini,
06:13nous devons continuer pour obtenir des contreparties,
06:15pour obtenir des exemptions,
06:16parce que l'Europe ne peut pas se faire marcher dessus toute la journée.
06:20Ce n'est pas une option pour notre continent,
06:22ce n'est pas une option politique face aux menaces de Donald Trump.
06:24Oui, mais Antoine Armand,
06:26vous faites partie du socle commun,
06:28et vous vous rappelez les propos du président de la République,
06:31du Premier ministre,
06:32mais j'ai le sentiment quand même
06:33que le socle commun et le camp présidentiel
06:36s'expriment comme s'ils étaient dans l'opposition,
06:38comme s'ils n'avaient pas la main,
06:40comme s'ils n'étaient pas aux affaires, finalement.
06:45Ils ne pouvaient pas peser dans la discussion européenne
06:48pour contraindre la présidente de la Commission européenne
06:51à aller dans le sens que la France souhaite ?
06:54Il y a deux choses.
06:54La première, c'est que, comme vous le savez,
06:56l'Union européenne a la compétence de la politique commerciale.
06:59Autrement dit, c'est la présidente de la Commission
07:01qui va négocier en direct avec nos partenaires commerciaux.
07:06Et là, il y a une première difficulté
07:07que Gabriel Attal avait d'ailleurs relevée,
07:09c'est que ce type d'accord dans des démocraties européennes
07:13doit pouvoir, à un moment, être ratifié par le peuple,
07:16c'est-à-dire par le Parlement européen
07:17ou par les parlements nationaux.
07:19Il n'est pas question qu'une personne puisse négocier
07:21l'ensemble de l'avenir économique du continent européen.
07:24Et puis, la deuxième chose,
07:26c'est que vous avez en Europe
07:27de très nombreux pays de plus petite taille
07:29qui se disent, au fond,
07:31il vaut mieux qu'on accepte toutes les concessions
07:33qui sont nécessaires auprès de Donald Trump.
07:36Pourquoi ?
07:36Eh bien, pour espérer que ça aille mieux.
07:38Mais l'histoire et l'attitude de Donald Trump
07:41ces dernières années nous a montré que
07:42plus on accepte, plus on est considéré comme faible
07:45par le président des États-Unis
07:47et plus les conséquences sont lourdes.
07:48Donc, notre travail, le travail de la France,
07:50c'est de convaincre ses partenaires
07:52qu'il faut dire stop et qu'il faut obtenir des contreparties.
07:55Mais quelles contreparties on peut encore exiger
07:57la 48 heures de l'entrée en vigueur ?
07:59Il peut y avoir, le président, le gouvernement l'ont dit,
08:03il peut y avoir des contreparties
08:04dans les secteurs qui sont exemptés,
08:06il peut y avoir des contreparties également
08:08en termes d'investissement
08:10ou d'accords commerciaux et industriels.
08:13C'est une négociation très ouverte
08:15à l'image de Donald Trump.
08:16Simplement, il faut,
08:17et je sais que la France joue ce rôle
08:19dans ces jours-ci,
08:21il faut que l'Europe soit capable
08:23de montrer qu'elle est dans un rapport de force
08:25et que nous n'accepterons pas tout.
08:27Et c'est ça, je le dis ici avec du regret,
08:30qui a beaucoup marqué.
08:31C'est le sentiment, au fond,
08:32que la présidente de la Commission européenne
08:34se trouvait prête à accepter
08:36un rapport d'une puissance,
08:39les États-Unis,
08:40à un simple marché, l'Europe.
08:41L'Europe doit être une puissance
08:42parce qu'elle en est une.
08:43Donc, elle doit se comporter
08:44comme une puissance politique
08:45et pas en permanence
08:47comme une puissance économique
08:48mais en un géopolitique.
08:50Alors, certains expliquent
08:51que l'attitude de la présidente
08:53de la Commission européenne
08:54était certes aux antipodes,
08:55de l'attitude française
08:57qui voulait maîtriser
08:59l'animal politique,
09:00Donald Trump,
09:01et essayer, au risque de se faire mordre d'ailleurs,
09:03alors que là,
09:04Ursula von der Leyen,
09:05elle a serré la main
09:06du président américain,
09:08de l'auteur de l'art du deal
09:09et donc l'affichage est là
09:11et désormais,
09:12on a calmé Donald Trump
09:13et on pourrait peut-être
09:14rationnellement
09:15faire avancer
09:16nos volontés.
09:19C'est le grand argument
09:21des amateurs
09:22de la politique
09:23du moindre mal.
09:24Regardez,
09:25nous allons signer un deal,
09:27le président
09:27est maintenant
09:29le président des Etats-Unis
09:30est maintenant apaisé.
09:30Il y a une question
09:31qu'il faut se poser en permanence,
09:33c'est pour combien de temps
09:33et à quel prix ?
09:35Pour combien de temps
09:36est-ce que nous avons ce deal
09:37et dans combien de temps
09:38le président des Etats-Unis
09:39va revenir toquer à notre porte
09:40pour dire finalement
09:41ce n'est pas 15%,
09:42c'est 20%.
09:43Et puis à quel prix ?
09:44Si c'est au prix
09:44de l'achat
09:45de 750 milliards d'euros
09:46de gaz de schiste,
09:48de pétrole
09:49et d'uranium américain
09:50pendant trois ans,
09:51je ne suis pas vraiment sûr
09:52que ça valait le coup.
09:53Merci Antoine Armand.
09:55Merci beaucoup.
09:56D'être venu en direct
09:57sur Europe 1,
09:59député ensemble
10:00pour la République
10:00de Haute-Savoie,
10:01ancien ministre
10:02de l'économie,
10:02des finances
10:03et de l'industrie.
10:04Merci d'être venu
10:05avec nous en direct.
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