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  • il y a 9 mois
Je suis sûre que quand vous mangez une banane, vous n'imaginez pas toute l'histoire qu'il y a derrière. Dans cet épisode, on va parler de ségrégation, du capitalisme américain, mais aussi de boas constricteurs, de CIA et de guerre froide.
Je suis Alexia Duchêne et en tant que cheffe à la télévision ou sur les réseaux sociaux, je me bats pour que l’on sache comment on cuisine et quel impact ça a.

Manger, c’est 8000 milliards de dollars de chiffre d’affaires l’année dernière et dans le monde entier. Ça mérite au moins de se demander à quel prix certaines tendances se font ou se sont faites dans notre histoire…

Dans ce podcast, je vais vous dévoiler l'envers de l'assiette.
Transcription
00:00Moi, la banane, j'adore ça.
00:02Mais bon, j'évite d'en acheter ou d'en manger quand je suis à Paris
00:06parce que niveau impact écologique, c'est vraiment pas fou.
00:10Déjà, il y a le transport.
00:11Et puis, en moyenne, pour produire un kilo de banane,
00:14il faut à peu près 800 litres d'eau.
00:17En revanche, comme tout le monde, ça m'arrive de craquer.
00:19Et avec le réchauffement climatique, on peut un petit peu déculpabiliser
00:22vu qu'on peut trouver des bananes en Europe.
00:25Et bon, globalement, 99% de la production vient des pays tropicaux.
00:31En tout, il y a 20 millions de tonnes de bananes qui sont produites chaque année.
00:36Mais ce n'est pas forcément grâce à un compte de fait.
00:40Même si derrière le boom de la banane à la base,
00:42il y a une vraie success story à l'américaine.
00:45En gros, c'est un homme qui a débarqué sans rien aux Etats-Unis
00:48à la fin du 19e siècle.
00:51Il s'appelle Samuel Zemmuret
00:53et il a créé un véritable empire de la banane.
00:57Mais bon, là où c'est moins joli,
00:59c'est que pour ça, il y a mêlé la CIA
01:01et a fait basculer le destin de toute l'Amérique centrale.
01:07Et c'est ça dont je veux qu'on parle dans cet épisode.
01:10L'histoire de la banane, c'est aussi celle de la ségrégation.
01:13La phase sombre du capitalisme américain
01:15qui a fait tomber des gouvernements en pleine guerre froide
01:17pour pouvoir continuer de faire pousser ces bananes en Amérique centrale.
01:21En tant que chef,
01:24à la télévision,
01:26ou sur les réseaux sociaux,
01:30je me bats pour que l'on sache comment on cuisine
01:32et quel impact ça a.
01:34Manger,
01:35c'est 8 000 milliards de dollars de chiffre d'affaires l'année dernière
01:38dans le monde entier.
01:41Ça mérite au moins de se demander
01:43à quel prix certaines tendances se font
01:45ou se sont faites dans notre histoire.
01:52Je suis Alexia Duchesne
01:54et je vais vous montrer l'envers de l'assiette.
02:00Je regarde l'étiquette de ma banane,
02:02il n'y a pas beaucoup d'indications.
02:04Juste variété, Cavendish.
02:08C'est le cas d'à peu près 90% des bananes aujourd'hui.
02:11Et l'origine, Honduras.
02:14Alors, le Honduras, on va y revenir parce que je vous avoue,
02:17j'ai jamais encore eu l'occasion d'y mettre les pieds.
02:20J'ai juste vu un documentaire de Mathilde Amoiselle
02:23qui parle de l'origine de la banane.
02:26J'ai juste vu un documentaire de Mathilde Amoiselle
02:29sur la culture des bananes en Amérique centrale,
02:31il y a quelques années.
02:34Et au départ, Samuel Zemmuret, lui non plus,
02:37n'y a jamais mis les pieds.
02:40Sam, comme on va vite le surnommer,
02:42a 15 ans quand il débarque en 1892
02:45de l'autre côté du golfe du Mexique.
02:48Il arrive à Selma,
02:50dans une petite ville de l'Alabama,
02:52au sud des États-Unis.
02:55A cette époque, Selma, c'est une ville manufacturière
02:58un peu en perte de vitesse,
02:59avec d'un côté les belles maisons du quartier blanc
03:02et de l'autre les cabanes du quartier afro.
03:06C'est pas forcément simple pour lui au début.
03:08Il est complètement fauché
03:10et ses parents, des juifs très pauvres,
03:12avaient juste une ferme de blé en Russie.
03:14Mais ils lui ont plutôt bien donné le sens de l'effort.
03:20Ménage, charpente, livreur,
03:22à Selma, Sam prend tous les petits boulots.
03:26Il file aussi un coup de main à son oncle
03:28qui a ouvert une épicerie.
03:31Et c'est à ce moment-là qu'il va voir sa première banane
03:34dans la cargaison d'un colporteur.
03:38Les bananes, elles arrivent par bateau à côté de Selma,
03:41à Mobile, la grande ville portuaire de l'Alabama.
03:44Des quais toujours bondées.
03:46Mais il y a un truc qui choque Sam.
03:48D'un côté, il voit son oncle
03:50vendre des bananes comme un produit de luxe.
03:52Mais en face, toutes celles qui sont trop mûres
03:54finissent dans les poubelles des grandes compagnies fruitières.
03:57L'idée de Sam, qu'on connaît bien à notre époque,
03:59c'est de récupérer toute cette poubelle des grandes compagnies
04:01et la vendre aux petits épiciers du coin.
04:03Évidemment, comme aujourd'hui, ça cartonne.
04:06En quelques mois, sur son petit wagon,
04:08le long de la voie ferrée,
04:09on le surnomme déjà le Bananaman.
04:11En 1899, il en vend 20 000.
04:14Quatre ans plus tard déjà, presque 30 fois plus.
04:17À l'époque, à côté de Sam,
04:19il y a en plus déjà un véritable géant des fruits tropicaux,
04:22la United Fruit Company.
04:24Elle exporte 80% des bananes aux Etats-Unis.
04:27L'UFC, c'est l'une des premières multinationales
04:29de l'histoire du capitalisme,
04:31qui a mis en place ce qu'on appelle des enclaves.
04:33En gros, des bouts de territoire dans des pays étrangers,
04:37qui ont leurs propres administrations,
04:39leurs églises, leurs magasins.
04:48Tout ça sur fond de ségrégation.
04:50Bref, un État dans l'État.
04:52Et c'est pour ça que j'ai voulu en discuter
04:54avec Mathilde Amoiselle, la réalisatrice du documentaire.
04:57Elle a pu retrouver des photos de l'époque,
04:59des témoignages, pour m'expliquer à quoi ça ressemble.
05:03Effectivement, ce sont des domaines absolument immenses et tentaculaires,
05:08avec ces milliers d'hectares de plantations bananières,
05:12sur lesquelles vivent des cadres et des ouvriers.
05:16Et la compagnie contrôle absolument tout
05:19du lever au coucher de ses travailleurs.
05:22Même les draps à la maison étaient brodés du logo de la compagnie.
05:26C'est-à-dire que même dans votre lit,
05:28qui est votre ultime espace intime,
05:30vous êtes un travailleur de la compagnie.
05:32Et ça, ça fait partie de cette culture de l'enclave,
05:35où finalement, du moment où vous passez le porche
05:37de la United Food Company,
05:39que vous soyez au Honduras, en Colombie, au Costa Rica, au Guatemala,
05:42vous n'êtes plus vraiment dans ces territoires.
05:45Vous êtes dans le territoire de la compagnie et vous lui appartenez.
05:54En 1910, Sam débarque au Honduras,
05:57au large de Cuba et de la Jamaïque.
05:59Aux Etats-Unis, c'était un simple importateur.
06:02Maintenant, il veut acheter des terres pour produire sa banane.
06:08La légende raconte que le gringo, c'est son autre surnom,
06:11a carrément traversé tout le pays à dos de mulet
06:14pour recruter les travailleurs qui avaient besoin d'argent.
06:21C'est le début d'un travail colossal
06:23pour défricher la jungle à machettes
06:25de 4h du matin à minuit, tous les jours.
06:28Et dans ces camps, au milieu de la chaleur,
06:30des scorpions, des moustiques,
06:32les travailleurs ont tendance à bien forcer sur l'alcool pour tenir.
06:35Alors, pour éviter les problèmes,
06:37Sam a pensé à un truc un peu particulier,
06:40voire très weird.
06:42Il a poussé le vis en s'achetant des boas constructeurs.
06:46Oui, oui, des serpents de 2 à 3 m de long
06:49pour surveiller les ouvriers pendant qu'ils découpent la forêt.
06:52Il n'a qu'une idée en tête,
06:54produire, produire, produire.
06:56Chaque mètre carré est exploité
06:58pour planter des bananiers à tout prix.
07:00Ça a forcément un impact écologique
07:02et c'est ce qu'a vu Mathilde Amoiselle
07:04dans les archives de la compagnie qu'elle a pu consulter.
07:06Et ça fait froid dans le dos.
07:12C'est vraiment une métaphore
07:14de l'absurdité de l'agriculture industrielle.
07:17La banane, à la base, à l'origine,
07:19poussait dans le monde sauvage.
07:21Mais ce n'est pas une graine qui se plante
07:23et qui va produire d'autres graines, ce sont des rhizomes.
07:25Et donc, le bananier, une fois qu'il a donné ses bananes,
07:28la banane, en tombant dans le sol, ne va pas redonner à un autre bananier.
07:31Il faut replanter des rhizomes.
07:33Et donc, on a replanté, replanté ces rhizomes,
07:35qu'on a fait se démultiplier
07:37avec ce risque d'affaiblissement de l'espèce.
07:40Ce qui se passe également dans ces immenses plantations,
07:43à perte de vue, sur des milliers et des milliers d'hectares,
07:45c'est que vont se développer des bactéries.
07:48Et très, très rapidement,
07:50les plantations de la Magnitude Food Company
07:52sont menacées par ce mâle
07:54qui ronge de l'intérieur les bananiers.
07:57Avec des effets terribles,
07:59où on voit vraiment des plantations entières
08:01détruites très, très rapidement,
08:03avec une durée de vie de plus en plus réduite des bananeraies.
08:07La réponse à ce mâle,
08:09ça a été l'utilisation de la chimie.
08:12C'est toujours la même histoire qui se répète.
08:14Ça ne sert plus à rien,
08:16puisque la bactérie devient résistante.
08:18Et puis, elle continue à se développer.
08:20Et donc, on asperge toujours plus de pesticides
08:22pour gagner un petit peu de temps.
08:24Mais la bactérie est plus forte.
08:28Une bananeraie est exploitée pendant 10 ans,
08:31puis de moins en moins longtemps.
08:33Elle meurt, on l'abandonne,
08:35et on va déforester plus loin.
08:37Et on recommence.
08:39Et la bactérie revient.
08:41Et ça meurt. Et on recommence. Et on recommence.
08:43Comme si la Terre ne s'arrêtait pas.
08:45Ça, c'est pas durable.
08:47Et ça, c'est vraiment un symbole
08:49de l'attitude d'un certain monde
08:51à l'égard du vivant.
08:53L'histoire de la banane, elle nous raconte ça aussi.
09:05Le truc qui m'explique Mathilde,
09:07c'est qu'à cette époque, le Honduras
09:09n'est pas du tout prêt à abandonner la banane,
09:11parce qu'il n'est pas du tout bien financièrement.
09:13Le pays doit 100 millions de dollars
09:15à des banques anglaises,
09:17et les États-Unis vont bien en profiter.
09:23D'abord, les Américains vont racheter,
09:25via une banque,
09:27des obligations du Honduras.
09:29En clair, des titres pour emprunter de l'argent
09:31sur les marchés financiers.
09:33Ensuite, en échange, cette banque américaine
09:35va recevoir le paiement d'impôts et de taxes
09:37du Honduras.
09:39Et donc, des taxes en plus pour Sam,
09:41et ça, ça lui plaît pas du tout.
09:49En 1911, Sam rentre à la Nouvelle-Orléans.
09:51Les services secrets américains le surveillent.
09:53Ils savent que quelque chose se prépare.
09:57Cette nuit-là,
09:59il finalise les derniers détails de son projet
10:01avec un certain Lee Christmas,
10:03un célèbre mercenaire
10:05qui connaît le terrain sur le bout des doigts.
10:07Il lui présente le général Bonilla,
10:09un militaire déchu
10:11qui avait déjà dirigé le Honduras
10:13entre 1903 et 1907.
10:15Et à trois,
10:17pour sauver le business de Sam,
10:19il se lance carrément dans un coup d'État.
10:31À bord d'un ancien navire
10:33de l'US Navy de 160 pieds,
10:35on retrouve une centaine d'hommes en armes.
10:37Après plusieurs jours retraversés,
10:39les mercenaires arrivent assez facilement
10:41à reprendre le contrôle du pays.
10:43Bonilla reprend les reins du Honduras
10:45et offre à Sam tout ce qu'il demande.
10:47Voilà d'où vient l'expression
10:49« République bananière ».
10:53Pendant dix ans,
10:55c'est le jackpot.
10:57La banane se vend partout.
10:59En 1933,
11:01Sam prend même le contrôle
11:03de la United Food Company
11:05qui gère tout le business.
11:07Il devient l'un des hommes les plus riches des États-Unis
11:09et il est présent partout,
11:11au Honduras, en Colombie, mais aussi au Guatemala.
11:13La seule chose que Sam
11:15ne peut pas maîtriser,
11:17c'est la Deuxième Guerre mondiale.
11:21Tout va s'arrêter,
11:23y compris le commerce de la banane.
11:25Alors, pour relancer la machine,
11:27Sam a encore un plan
11:29qu'il prépare depuis son bureau de la Nouvelle Orléans.
11:33Pour ça, il va se rapprocher
11:35d'un homme haut en couleur.
11:37Edward Bernays,
11:39un immigré autrichien,
11:41l'un des neveux de Sigmund Freud pour l'anecdote,
11:43et surtout le père
11:45de la propagande politique et industrielle.
11:47C'est le grand lobbyiste de l'industrie du tabac
11:49et de plein d'autres marques.
11:51Celui qui, à l'époque, par exemple,
11:53va penser et inventer le petit déjeuner américain,
11:55les œufs et le bacon,
11:57c'est Edward Bernays.
12:05Sam va faire appel à Bernays
12:07car il a un dossier qui l'empêche de dormir.
12:09Le président du Guatemala.
12:15Jacobo Arbenz
12:17veut en finir avec l'économie coloniale.
12:19Et le Guatemala, c'est 25% de la production
12:21de la United Fruit Company.
12:23C'est bien une cible.
12:25C'est ce que vous nous racontez des Etats-Unis,
12:27mais c'est loin de la version de Mathilde Amoiselle
12:29des années plus tard.
12:35En 1951,
12:37Jacobo Arbenz est élu légalement président
12:39de la République du Guatemala.
12:41Son projet principal est un projet de réforme agraire.
12:43On est dans un pays
12:45où moins de 2% de la population
12:47possède quasiment les trois quarts
12:49des terres cultivables.
12:51C'est donc aux petits paysans, aux paysans sans terres,
12:53aux villageois indiens,
12:55une réforme agraire de grande ampleur
12:57qui passe par la saisie des terres
12:59non exploitées
13:01ou des très grands domaines.
13:03Ça, ça rentre directement en conflit
13:05avec les intérêts premiers
13:07de la United Fruit Company,
13:09qui est le plus gros propriétaire terrien
13:11au Guatemala.
13:21À ce moment-là,
13:23il y a une décision consciente
13:25qui est prise de renverser Arbenz.
13:29Encore un coup d'Etat
13:31pour faire passer dans l'opinion publique
13:33le président du Guatemala
13:35pour un dangereux communiste.
13:37Edouard Dessam organise des voyages de presse au Guatemala.
13:41Le Time, The Herald Tribune,
13:43The Atlantic consacrent des articles
13:45au péril rouge.
13:47Il fait même réaliser un film
13:49où Arbenz est présenté
13:51comme un pantin de Moscou.
13:53En 1952,
13:55le républicain Dwight Eisenhower
13:57est élu président des États-Unis.
14:03Là encore,
14:05la United Fruit s'invite à la fête.
14:07Deux ex-conseillers de l'UFC
14:09sont nommés secrétaires d'État
14:11et patrons de la CIA.
14:13Les agents ont toujours l'objectif
14:15de déstabiliser Arbenz.
14:17Mais ils n'ont jamais les moyens.
14:25Février 1954,
14:27la CIA affrète un navire
14:29appelé l'Alfheim.
14:31Ce bateau suédois est en fait
14:33bourré de matériel militaire
14:35en provenance de Tchécoslovaquie.
14:37C'est la preuve que cherchait la CIA
14:39pour montrer aux yeux du monde
14:41que le Guatemala était bien communiste.
14:43Nom de code de l'opération,
14:45cette fois, comme le dit son nom,
14:47l'opération doit être un succès
14:49après une première tentative ratée.
14:51La CIA
14:53arme et finance une force de 480 hommes.
14:55Guatemala City
14:57est bombardée.
14:59Che Guevara est même sur place
15:01et ne peut rien faire.
15:03Et donc Jacobo Arbenz doit renoncer au pouvoir.
15:15Sam a toujours ce qu'il veut.
15:21Carlos Castillo Armas,
15:23le nouvel homme de Washington,
15:25installe une dictature.
15:27Dans les premiers mois
15:29de la contre-révolution,
15:319000 personnes sont tuées
15:33ou incarcérées.
15:35Le gouvernement
15:37a décidé d'envoyer
15:39plus d'un milliard d'argents
15:41pour lutter contre la dictature.
15:43Et la United Fruit de Sam
15:45peut continuer à exporter ses bananes.
15:47Mais le Guatemala
15:49ne se remettra jamais ce coup d'État.
15:51Le pays bascule dans la guerre civile.
15:53Un conflit de près de 40 ans,
15:55200 000 morts,
15:57des dizaines de milliers de disparus
15:59et plus d'un million de déplacés
16:01jusqu'aux accords de Baie de 96.
16:03Sam,
16:05qui meurt au début des années 60,
16:07ne connaîtra jamais le vrai prix
16:09de ces républiques bananières.
16:11Lorsqu'il décide
16:13de partir à la retraite
16:15dans sa belle villa
16:17de la Nouvelle-Orléans,
16:19le roi de la banane
16:21est l'un des hommes
16:23les plus riches des États-Unis.
16:25Sa fortune est estimée
16:27à 30 millions de dollars.
16:29Il a réussi à embobiner
16:31toute l'Amérique avec sa banane.
16:33Et ce n'est pas Mathilde,
16:35qui connaît bien l'histoire américaine,
16:37qui va nous dire le contraire.
16:39La consommation de masse
16:41devient une denrée
16:43beaucoup plus abordable.
16:45Et la compagnie,
16:47très vite,
16:49va partir à la conquête
16:51de l'Amérique moyenne
16:53pour que l'aliment
16:55devienne un incontournable.
16:57J'avais retrouvé un film d'archives
16:59qui date du début des années 1920
17:01où on voit
17:03un docteur, un pédiatre
17:05prescrire des bananes
17:07pour les enfants.
17:09Ça devient le bon aliment.
17:11Il faut donner aux petits-enfants
17:13de la banane écrasée.
17:27Mais en avant,
17:29toutes ces bonnes vitamines,
17:31le potassium qu'elles décellent,
17:33le magnésium, ça devient sain.
17:35Dans les années 50,
17:37toutes les pubs pour les
17:39Cornflakes Kellogg's
17:41sont associées à des bananes coupées en rondelles.
17:43La bonne mère de famille,
17:45c'est ça qu'elle sert à ses enfants.
17:47Des Kellogg's, Cornflakes,
17:49une banane et du lait, c'est la base.
17:51Et c'est ainsi que la banane devient
17:53le fruit le plus consommé,
17:55le plus incontournable
17:57dans le panier des Américains,
17:59mais pas seulement, mais aussi des Occidentaux.
18:01Il ne faut pas oublier que
18:03la France a voulu développer
18:05ses propres plantations de bananes
18:07pour le plus grand malheur
18:09des terres des Antilles,
18:11pour essayer d'avoir son propre approvisionnement
18:13sans dépendre des réseaux latino-américains
18:15de la United Food Company,
18:17qui est quasiment en situation
18:19de monopole.
18:29Il faut aujourd'hui avoir
18:31des bouffons dans les oreilles et des œillères
18:33pour ne pas avoir entendu parler du scandale
18:35de la Chlordécone, par exemple, aux Antilles,
18:37où on sait que pour les siècles à venir,
18:39en parlant de siècles,
18:41les terres des Antilles
18:43sont polluées,
18:45que les travailleurs exposés à ces produits
18:47sont malades,
18:49et leurs descendants sont malades aussi.
18:51C'est un scandale sanitaire énorme.
18:53La banane, ça reste une denrée d'importation,
18:55une denrée industrielle,
18:57une denrée,
18:59voilà qu'il y a un petit peu du sang sur la peau.
19:11Le tsar des bananes
19:13meurt donc à 69 ans.
19:15Son empire ne survivra pas.
19:17La United Fruit est démantelée
19:19après des rachats successifs
19:21et devient Chiquita Brands.
19:23Les bananes viennent toujours des mêmes plantations,
19:25à des milliers de kilomètres de nous.
19:27Chiquita Brands,
19:29une marque encore bien connue de la justice,
19:31puisqu'en 2007,
19:33un tribunal de Washington
19:35l'a condamnée à une amende de 25 millions de dollars
19:37pour ses liens
19:39avec un cartel colombien.
19:43Manger, c'est 8 000 milliards
19:45de dollars de chiffre d'affaires l'année dernière
19:47dans le monde entier.
19:49Ça mérite au moins de se demander
19:51à quel prix certaines tendances se font
19:53ou se sont faites dans notre histoire.
19:58Je suis Alexia Duchesne
20:00et je vous ai montré
20:02L'Envers de l'Assiette.
20:08L'Envers de l'Assiette
20:10est un podcast de Brut
20:12produit par Paradiso Media
20:14et écrit par Charles Carrasco.
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