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  • 19/03/2025
Paquet "Omnibus" : quelles conséquences ? avec Elodie Valette, Associée, BCLP.

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Transcription
00:00On poursuit l'émission, on va parler du paquet Omnibus et des principaux changements induits par ce paquet législatif avec mon invité Elodie Vallette, associée chez BCLP.
00:23Elodie Vallette, bonjour.
00:24Bonjour Arnaud, je suis ravie de vous retrouver pour ce très beau sujet.
00:27Alors ce paquet législatif Omnibus a fait couler beaucoup d'encre. Quels sont les principaux objectifs de ce paquet législatif dit Omnibus ?
00:37Ces dernières années, vous le savez, l'Europe a adopté de nombreuses réglementations en matière environnementale.
00:43La taxonomie verte en 2020 qui classe les activités économiques en fonction de leur durabilité environnementale.
00:50La CSRD en 2023 qui renforce les obligations de reporting extra-financiers des entreprises.
00:56Et puis la CS3D ou Directive sur le devoir de vigilance en 2024.
01:01Cette inflation législative, elle est pourtant loin de faire l'unanimité.
01:05Le président Macron avait appelé dès mai 2023 à une pause réglementaire européenne sur les normes environnementales au nom de la compétitivité.
01:13Nombreux sont ceux qui en effet considèrent que ces réglementations imposent aux grandes entreprises des obligations toujours plus nombreuses et encore trop floues pour s'y conformer.
01:22Et puis qu'elles contribuent également à creuser un fossé entre les entreprises européennes et puis leurs concurrentes implantées dans des pays tiers comme par exemple la Chine ou les Etats-Unis.
01:31Où les réglementations, vous le savez en la matière, sont moins contraignantes si ce n'est inexistantes.
01:37C'est dans ce contexte que le rapport sur la compétitivité européenne, dit rapport Draghi, qui lui aussi a fait beaucoup de bruit, a été remis à la Commission européenne en septembre 2024.
01:46Ce rapport souligne la nécessité de renforcer l'attractivité et la compétitivité européenne et notamment la complexité, la lourdeur, les coûts et les contraintes organisationnelles des directives CSRD et CS3D.
02:00Un rapport sénatorial de décembre 2024 dénonçait par ailleurs une dérive normative de l'Union européenne et préconisait également une simplification et une amélioration de la réglementation européenne, en particulier en matière environnementale.
02:13Alors dès septembre 2023, la présidente de la Commission européenne affirmait dans son discours sur l'état de l'Union que la simplification de la vie des entreprises était l'un des défis de l'Union européenne.
02:23L'annonce le nuit novembre 2024 d'une directive dite Omnibus, visant précisément à simplifier et à ajuster certains aspects de la CS3D, de la CSRD et de la taxonomie verte, s'inscrit précisément dans cette démarche.
02:36C'est dans ce contexte que le projet de directive Omnibus a été présenté il y a quelques jours, le 26 février dernier.
02:42Il prévoit notamment de modifier substantiellement ces textes, tant dans leur périmètre, dans leur calendrier que dans leur contenu.
02:49L'objectif affiché étant celui d'un choc de simplification.
02:53Alors vous avez présenté cette ambition de simplifier. On va s'intéresser au reporting de durabilité. Quelles sont les modifications proposées en la matière ?
03:03Eh bien la proposition qui a été présentée le 26 février, elle vise à réduire significativement le périmètre de la CSRD.
03:10Pour les entreprises européennes, seules les grandes entreprises ou groupes de plus de 1000 salariés ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros ou alors un bilan supérieur à 25 millions d'euros seraient soumises à l'obligation de publier des informations de durabilité.
03:25Les entreprises étrangères avec un chiffre d'affaires net supérieur de 450 millions d'euros et ayant soit une filiale européenne, qui est une grande entreprise, soit une succursale européenne avec un chiffre d'affaires net annuel supérieur à 50 millions d'euros seraient également concernées.
03:42Au total, en réalité, 80% des sociétés sortiraient du champ de la CSRD.
03:46L'entrée en vigueur, qui est variable selon la taille et la catégorie d'entités concernées, serait par ailleurs globalement décalée de 2 ans.
03:54Enfin, quant au contenu des informations de durabilité prévues par la CSRD, la proposition prévoit notamment une simplification des standards de reporting actuels et un abandon des normes sectorielles.
04:06Il nous faut encore attendre le prochain acte délégué.
04:09Vous avez présenté ces modifications. On a le sentiment que l'Union européenne semble faire machine arrière sur ce reporting de durabilité. Vous partagez ce sentiment ?
04:19Oui et non. Parce que certes, le projet de texte propose un allègement des obligations en matière de reporting.
04:26Mais, force est constaté que le cadre est toujours existant et surtout que les exigences ESG demeurent un enjeu clé pour les investisseurs.
04:34Il s'agit toujours pour les entreprises d'identifier leurs risques, leurs impacts et opportunités pour intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans leurs activités.
04:43La proposition pourrait créer une nouvelle disparité et même une insécurité juridique selon que les États membres ont déjà ou alors pas encore transposé la CSRD.
04:54Si on prend l'exemple de la France, vous le savez, la France a été la première à transposer la CSRD en Europe.
05:00A ce stade, les sociétés françaises restent assujetties aux dispositions du droit national ayant transposé la directive initiale.
05:06C'est le cas en particulier s'agissant des entreprises des vagues 1.
05:10S'agissant des vagues 2, 3 et 4, un amendement reportant de 4 ans l'application des obligations de reporting sur la durabilité prévue par la CSRD a été voté hier par le Sénat.
05:22Il nous faut encore suivre ce dispositif législatif mais on voit qu'il va y avoir des petits remous de ce côté-là.
05:27On va s'intéresser aussi aux impacts sur le devoir de vigilance. Quelles sont les modifications qui sont proposées en la matière ?
05:34En ce qui concerne la directive de devoir de vigilance ou CS3D, son champ d'application, selon la proposition, il demeurerait inchangé,
05:42même s'il est proposé la suppression de la clause d'œuvre au voyeur pour l'inclusion des services financiers.
05:47La date butoir de transposition serait décalée d'un an à juillet 2027, de même que son entrée en application pour les plus grandes entités à juillet 2028.
05:56Parallèlement, l'adoption par la commission des lignes directrices d'application serait avancée à juillet 2026.
06:03Quant aux obligations relatives aux devoirs de vigilance qui sont prévues par la CS3D, elles seraient allégées, mais substantiellement,
06:10parce qu'on observera une limitation du devoir de vigilance de l'entreprise à ses propres activités, celles de ses filiales et de ses partenaires commerciaux directs.
06:20Également un assouplissement des obligations de consultation des parties prenantes pour l'établissement du plan de vigilance.
06:27Et puis surtout, une limitation des mesures correctives parce que l'obligation de mettre fin à une relation commerciale
06:34comme l'indexation des sanctions pécuniaires sur le chiffre d'affaires annuel net et le régime de responsabilité civile harmonisé
06:41serait supprimée au terme de cette proposition.
06:43Et enfin, l'obligation relative au plan de transition climatique compatible avec les objectifs de l'accord de Paris serait quant à elle alignée avec les dispositions de la CSRD.
06:54Vous l'avez dit, ce sont des modifications substantielles. Est-ce que le devoir de vigilance n'est-il pas privé de son effet avec ces modifications ?
07:03Le report d'un an de la date de transposition de la CS3D et de sa première phase d'application, mais également l'adoption, on l'a vu à l'instant en 2026,
07:12des lignes directrices de la Commission laisseront le temps, c'est ce qu'on peut se dire, aux entreprises de s'approprier le texte,
07:19mais également elles pourraient les éclairer sur l'application de la loi française sur le devoir de vigilance qui date de 2017.
07:25Alors même que la jurisprudence sur ce texte est encore aujourd'hui en construction, à date, vous le savez, une seule décision a été rendue sur le fond,
07:35ce qui est insuffisant finalement pour permettre aux entreprises de savoir quel est le standard de vigilance qui est attendu.
07:42La suppression du régime de responsabilité civile harmonisé, là aussi elle fait quand même beaucoup parler parce qu'elle pourrait conduire à un risque élevé de forum shopping,
07:51c'est quelque chose qu'il va falloir surveiller. Et ce qu'on peut se dire enfin, c'est que alors même que la construction européenne de l'ESG,
07:58elle s'est poursuivie à tombeau ouvert en Europe ces dernières années, et qu'on a même une judiciarisation croissante en la matière qui est observée,
08:07les États-Unis, de leur côté, ils amorcent un recul environnemental net depuis l'élection du président Trump.
08:14Et ces règles du jeu européenne, on le sait également, elles deviennent progressivement de plus en plus extraterritoriales.
08:21C'est le cas pour la CS3D, pour la taxonomie. Et le président américain, il pourrait chercher à contrecarrer et à pénaliser les États membres européens
08:30qui feraient peser, selon lui, sur les entreprises américaines, des réglementations qu'il considérerait comme déraisonnables.
08:36Donc ça aussi, c'est un point qui est à suivre. Et on pourrait conclure en disant que le défi majeur pour les entreprises, en réalité,
08:44c'est de bénéficier d'un environnement réglementaire qui soit stable et prévisible. Et cet environnement, en l'occurrence,
08:51il est quelque peu bousculé par ce projet directive Omnibus. On le rappellera, il s'agit d'un projet qui devra encore être discuté devant les institutions européennes.
09:00On va suivre tout ça de près. Merci, Élodie, de nous avoir présenté ce paquet Omnibus. Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet BCLP.
09:08Merci, Arnaud.
09:09C'est le moment de conclure cette émission. Merci de votre fidélité. Restez curieux et informés. À très bientôt sur Bsmart for Change.

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