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  • il y a 9 mois
Karine Le Marchand et les grands distributeurs se sont réunis ce mercredi 26 février au salon de l'Agriculture. Un coup de communication de la grande distribution ? Le point avec Frédéric Bianchi, journaliste BFM Business

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Transcription
00:00Bonjour à tous et bienvenue sur BFM2 et vous venez de le suivre sur notre antenne.
00:04Karine Lemarchand et les grands distributeurs ont présenté ce matin au Salon de l'agriculture
00:08une nouvelle charte avec un objectif simple, prouver qu'il est possible de réconcilier
00:13les producteurs et les grandes surfaces et offrir aux agriculteurs plus de visibilité.
00:18Et justement, bonjour Frédéric Bianchi, vous êtes journaliste pour BFM Business,
00:22alors qu'est-ce qu'on peut retenir de cette réunion ?
00:24Alors ce qu'on peut retenir c'est que d'abord il y avait toute la grande distribution, presque,
00:29on verra qui était absent au Salon de l'agriculture, ce qui est très rare, les distributeurs ne
00:35sont pas en général les bienvenus au Salon de l'agriculture, là ils étaient tous sur scène.
00:39Ce qu'on peut retenir aussi c'est que Karine Lemarchand, l'animatrice M6, a semble-t-il
00:43beaucoup d'ambition, elle a rappelé qu'elle a rencontré 6 ministres de l'agriculture,
00:49que rien n'a changé, mais que cette fois elle a décidé de prendre le problème à
00:54bras-le-corps, de réunir la grande distribution, ça c'est bien parce qu'elle a compris
00:58que c'était par ce circuit-là qu'on pouvait éventuellement faire changer les choses,
01:03la grande distribution c'est l'essentiel aujourd'hui des achats alimentaires des Français,
01:09et 40% des débouchés de l'agriculture française, le reste c'est la restauration.
01:14Donc, grande distribution était présente, alors il y a eu des annonces qui ont été
01:20faites autour de trois piliers, alors les deux premiers, on va rentrer un peu dans le
01:25milieu, le troisième reste un peu vague, le premier pilier c'est d'abord la création
01:29d'un label qui va s'appeler « L'amour est tout près », petite référence à l'émission
01:34d'M6 de l'animatrice, en gros ça consistera à mettre dans les magasins partenaires, on
01:40rappelle Carrefour, Auchan, ils étaient tous là donc sauf Leclerc, mettre des corners
01:45avec des produits de petits producteurs locaux qui ont des difficultés financières et ces
01:52produits-là seront achetés par les magasins partenaires qui posséderont ce label, sans
01:57discussion de prix, ça c'est important de le souligner, et pour des producteurs qui
02:03sont des petits producteurs qui ont des difficultés et qui n'ont pas accès en général à la
02:07grande distribution.
02:08Donc ça c'est le label, le premier pilier « L'amour est tout près ». Ensuite il y
02:12a une annonce qui peut faire sourire, une espèce d'aide à la surproduction, grosso
02:18modo quand il y aura des produits en surproduction, c'est-à-dire quand les prix baisseront très
02:23fortement, c'est-à-dire que les producteurs n'arrivent plus à écouler les stocks,
02:26quand les prix baisseront de 15 à 20%, Karim Lemarchand souhaite que l'ensemble de la
02:31sphère médiatique se fasse l'alerte de ces produits-là, en disant par exemple l'été
02:36on a des baisses de prix très fortes, les gens n'achètent plus de melons, faites
02:40une espèce de sorte d'alerte enlèvement, comme on connaît très bien sur les faits
02:44d'hiver.
02:45Donc faire des alertes pour encourager les Français à aller acheter ces produits en
02:51rayon et ainsi soutenir les prix pour que les agriculteurs n'aient plus à vendre,
02:56à perdre ces produits.
02:57Ça c'est le deuxième pilier qui a été annoncé ce matin.
03:00Le troisième, bon c'est là qu'on est un peu plus vague, elle parle d'organiser
03:04les filières d'avenir, anticiper les demandes des consommateurs de demain.
03:09En gros elle attend une action politique pour faire en sorte que les agriculteurs soient
03:14présents sur les futures demandes.
03:17C'est un peu plus vague même si elle a annoncé qu'il y allait y avoir des études
03:21et des conclusions seraient présentées dès l'année prochaine.
03:23Tout à fait, mais ce sont de belles annonces, de grosses annonces, une charte qui englobe
03:27pas mal de choses.
03:28Est-ce que c'est pas utopique de sa part ?
03:29Alors un petit peu sans doute.
03:31Dans un premier temps, elle a quand même rappelé que celui qui détenait les clés
03:38de tout ça, c'était le consommateur, le client.
03:41C'est lui qui a le pouvoir, c'est lui qui décide aujourd'hui d'acheter moins cher
03:46quand il en a l'opportunité.
03:48Parce que le signal prix, ça reste évidemment le signal le plus important pour les consommateurs.
03:53Donc d'abord elle a rappelé que c'était le consommateur.
03:55Ensuite elle a quand même mobilisé la grande distribution.
03:59Donc là on n'est pas dans l'utopie, on est quand même dans le concret.
04:01On rappelle que la grande distribution c'est 40% des débouchés de l'agriculture française.
04:05Donc voilà, elle s'adapte aux débouchés, en tout cas là où les consommateurs vont
04:11faire leurs courses, ça c'est bien.
04:13Après sur les initiatives en elles-mêmes, on parle sans doute de tout petit marché.
04:19On ne parle pas du gros de la consommation.
04:21Quand on parle des circuits courts avec le label « l'amour est tout près » ou alors
04:25ces petites alertes à la surproduction quand il y aura des prix en baisse, est-ce que c'est
04:30ça concrètement qui va changer la face du monde, qui va mieux rémunérer les agriculteurs
04:36sur le long terme ? On peut en douter, ça peut peut-être permettre de passer quelques
04:41crises très conjoncturelles sur des difficultés rencontrées une semaine ou deux quand on
04:49n'arrive pas à écouler les stocks.
04:50Mais globalement, tous les observateurs qui connaissent le sujet disent « bon, ça ne
04:54va pas changer la face du monde ces annonces-là de Carine Lemarchand », même s'il faut
04:58souligner que c'est très bien.
04:59C'est très bien d'avoir mobilisé toute la grande distribution et ce sont des plutôt
05:03bonnes initiatives qui peuvent éventuellement aider quelques petits producteurs.
05:06Et justement, c'est une réunion inédite, c'est l'exception française.
05:10Il y a des grands patrons très connus du grand public, à la différence de l'Allemagne
05:14et de l'Italie.
05:15Qu'est-ce que ça signifie ?
05:16Alors oui, c'est une réunion inédite.
05:17Bien qu'il y a deux ans, souvenez-vous, quand il y avait eu l'inflation, tous les
05:20distributeurs ou presque, encore une fois Leclerc n'était pas là, s'étaient réunis
05:24à Bercy pour annoncer les paniers anti-inflation.
05:27Donc, on sent que sur des grands sujets de société, les distributeurs se mobilisent.
05:34Alors, pourquoi ils se mobilisent ? Vous l'avez très bien dit, parce que ce sont
05:37des personnalités publiques qui animent le débat public et ça, c'est la France,
05:43c'est à peu près le seul pays d'Europe, voire du monde, où les patrons de la grande
05:48distribution sont des superstars.
05:49Tout le monde connaît Leclerc, tout le monde connaît le patron de Coopérative U, Dominique
05:54Leclerc, les patrons de Carrefour et d'Auchan sont aussi très présents dans les médias.
05:59Ce qui n'est pas le cas du tout en Allemagne, en Grande-Bretagne, où les grands patrons
06:04sont totalement inconnus, ils n'interviennent pas dans le débat public sur le pouvoir d'achat,
06:10sur les prix.
06:11En France, c'est vrai que ce sont des sujets tellement éruptifs qui sont le pouvoir d'achat,
06:17c'est la préoccupation numéro un des Français depuis plus de dix ans maintenant.
06:22Tous les sondages d'opinion le montrent et aujourd'hui, c'est les patrons de la grande
06:26distribution qui ont préempté cette thématique.
06:29Alors, il faut aussi rester méfiant, les patrons de la grande distribution, ils ont
06:35aussi à cœur de défendre leurs propres intérêts.
06:38Quand un patron de grande distribution vient dans un média, il vient dire que l'industriel
06:44veut augmenter ses prix, que ce n'est pas bien pour le consommateur, mais s'il ne
06:47met pas forcément dans la logique de l'industriel qui, lui, a des problématiques différentes,
06:54des problématiques d'emploi.
06:55On voit aujourd'hui des grands groupes comme Nestlé qui ferment des usines en France.
06:59Eh bien ça, le patron de la grande distribution, il ne se fait pas le porte-parole de ces problématiques-là
07:03et il est plutôt très consumer-centric, comme on dit, il va être très centré sur
07:08le consommateur, le pouvoir d'achat, ce qui est bien, mais il oublie quand même une partie
07:12de l'équation et notamment, parfois aussi, on leur a reproché évidemment, les relations
07:17qu'ils ont avec le monde agricole, avec les centrales d'achat européennes, on sait
07:21qu'ils contournent la loi aussi française sur les négociations commerciales en allant
07:25acheter des produits au niveau européen pour justement ne pas être soumis à la loi française.
07:28Donc, il faut toujours prendre un peu de recul par rapport à cette parole des patrons de
07:34la grande distribution qui sont omniprésents dans les médias français.
07:37Justement, on disait qu'un nom manquait à l'appel, celui de Michel-Édouard Leclerc.
07:42Alors, il n'est pas venu pour éviter justement ce coup de com'.
07:46On reviendra sur son absence, mais on va revenir aussi sur le fait que les patrons de la grande
07:51distribution, est-ce qu'ils ne font pas un coup de com' ? Est-ce que ce n'est pas surtout
07:54utopique de leur part ?
07:55Alors, sans doute, c'est un coup de com', après, il ne faut pas toujours jeter la communication
08:00aux orties.
08:01C'est bien aussi de communiquer.
08:02C'est bien de mettre en avant des initiatives justement pour engager le consommateur.
08:06Quand on lance un label qui va concerner des petits producteurs en difficulté, il faut
08:10le communiquer.
08:11Donc, c'est bien aussi de le communiquer.
08:14Après, voilà, ça reste une toute petite partie du travail de la grande distribution.
08:18Ça représentera sans doute des pourcentages extrêmement faibles de ce qu'ils vendent.
08:25Le gros, aujourd'hui, du travail de la grande distribution, c'est de négocier, ce sont
08:29ces négociations commerciales, c'est les achats au quotidien de quantité colossale
08:34de produits agroalimentaires français.
08:38Et c'est évidemment que ces labels ou alors ces petites alertes à la surproduction, ça
08:43ne va pas changer la face du monde.
08:44Donc oui, on peut considérer que c'est de la communication.
08:46De la communication, il en faut aussi.
08:49Mais là, c'est vrai que cet affichage-là, même s'il est positif, même s'il montre
08:52qu'il y a en tout cas une sensibilité de la grande distribution au sort des paysans
08:58français, ça reste une toute petite partie de ce qui va se jouer dans nos assiettes dans
09:02ces prochains mois.
09:03Est-ce que c'est une faute, justement, de Michel-Édouard Leclerc de ne pas avoir pris
09:06part à cette réunion ?
09:07Michel-Édouard Leclerc, il fait toujours cavalier seul, ça a toujours été sa règle.
09:10Il y a deux ans, on en parlait pour ses histoires de paniers anti-inflation.
09:13Il n'est pas allé à Bercy, il veut se démarquer.
09:16On rappelle que Leclerc, c'est le leader de la grande distribution en France, à 25%
09:20de parts de marché.
09:21Jamais une enseigne de grande distribution n'a été aussi puissante en France.
09:26Alors, quelque part, il y a deux aspects un petit peu dans son refus de venir.
09:31D'abord, il montre que c'est le leader, qu'il n'a pas à se mêler aux autres.
09:34Un petit peu comme on pourrait comparer ça dans un univers de produits très différents.
09:39Apple, par exemple, quand ils vendent des produits, ils se savent leader, ils veulent
09:43dans les magasins, des corners à leur marque, ils ne veulent pas se mêler aux autres.
09:45Moi, je suis le champion, Lidl, c'est un petit peu finalement… Pardon, Leclerc, c'est
09:50un peu l'Apple de la grande distribution, si on peut dire.
09:54Je reste sur ma liste, je suis le moins cher, je ne veux pas me mêler aux autres et quand
09:58il y a des initiatives qui rassemblent toute la grande distribution, moi, je fais cavalier
10:02seul.
10:03Ensuite, le deuxième élément qui fait que Leclerc était absent, c'est en tout cas
10:07ce qu'il avait raconté sur BFMTV il y a quelques jours, c'est que lui, il dit « je
10:14ne veux pas me mêler à ce coup de com', parce que c'est de l'affichage, c'est
10:18beaucoup d'affichage.
10:19Moi, le travail avec les petits producteurs, je le fais quand je lance des marques comme
10:23Produit en Bretagne, je le fais quand j'ai des centaines d'accords tripartites, c'est-à-dire
10:28qui rassemblent autour de la table le producteur agricole, l'industriel et le distributeur,
10:33justement pour garantir des prix d'achat aux agriculteurs un peu plus élevés et c'est
10:37ça qui va réellement aider les agriculteurs français, plutôt que le lancement de quelques
10:41labels et cet affichage sur le salon de l'agriculture avec Karine Lemarchand.
10:44Mais cette charte est compliquée d'ailleurs pour Karine Lemarchand qui le disait tout
10:47à l'heure sur notre antenne, sans Leclerc, on ne peut pas mettre la pression sur les
10:51industriels, donc c'est difficile pour cette charte d'avancer sans lui ?
10:53En tout cas, pour s'attaquer vraiment au fond du problème, le fond du problème en
10:59France, c'est la relation, enfin en tout cas c'est une relation très conflictuelle
11:03entre les distributeurs et les industriels.
11:06Alors les industriels accusent la grande distribution de faire pression à la baisse sur les prix
11:11et le résultat c'est que les industriels sont obligés de faire pression à la baisse
11:15sur les prix des agriculteurs et donc on se retrouve dans un système où finalement l'agriculteur
11:21est un petit peu la victime du système.
11:24Effectivement, le fait qu'il n'y ait pas Leclerc, ça prive en tout cas cette assemblée
11:29là de 25% du marché et donc de lancer des initiatives globales, peut-être de bonnes
11:35conduites dans des relations commerciales plus apaisées.
11:38Après l'agriculture française, elle a d'autres problèmes aussi qui ne nous ont pas été
11:42évoqués ce matin, des problèmes de compétitivité.
11:44Aujourd'hui en France, quand on compare par exemple à des pays voisins comme le Danemark,
11:51comme l'Allemagne, comme les Pays-Bas, on a des producteurs, des fermes qui sont trop
11:55petites, on a des coûts de production trop élevés et c'est ça aussi qui nuit au secteur.
12:00Malheureusement, cette question de la compétitivité, elle est rarement évoquée dans ces assemblées
12:05où on parle beaucoup de conflictualité entre industriels, entre distributeurs, où on parle
12:10beaucoup de revenus agricoles, sans se poser les questions de comment on peut faire en
12:15sorte d'avoir un monde agricole plus prospère dans l'avenir et malheureusement j'ai bien
12:21peur que ces annonces de ce matin ne règlent pas vraiment le problème.
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