Orban, Meloni et Milei : trois exemples de l’extrême droite au pouvoir
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00:00France Culture, les matins d'été, Quentin Laffey.
00:05On n'a jamais essayé, voilà un argument que l'on entend parfois dans la bouche de
00:09celles et ceux qui votent ou songent d'avoir voté pour le Rassemblement National.
00:14On n'a jamais essayé, ailleurs ils ont essayé.
00:16Alors rendons-nous dans trois pays ce matin, en Hongrie, en Italie et en Argentine,
00:21trois pays où l'extrême droite exerce le pouvoir pour tirer quelques leçons à l'étranger
00:27et lorsque cela est possible, sur les pratiques politiques et les politiques publiques mises
00:31en œuvre par l'extrême droite, avec trois invités, Maricel Rodriguez Blanco, bonjour.
00:36Bonjour.
00:37Vous êtes sociologue maîtresse de conférences à l'Université Catholique de Paris et spécialiste
00:42donc de l'Argentine, avec nous et à distance, Mathieu Broderon, bonjour.
00:46Bonjour.
00:47Vous êtes docteur en histoire chargé d'enseignement à Nantes Université.
00:50Je remercie France Bleu Nantes de nous permettre d'être connectés avec vous.
00:54Et dans ce studio, Gilles Gressiani, bonjour.
00:56Bonjour.
00:57Vous êtes directeur du Grand Continent qui publie Portrait d'un monde cassé, l'Europe
01:01dans l'année des grandes élections, sous la direction de M.
01:04Daem Poli et séparé aux éditions Gallimard, donc cette année-même.
01:08Et pour commencer, je voudrais peut-être que l'on définisse ce qu'est l'extrême droite
01:12dans chacun de ces trois pays.
01:13On commence avec vous, Gilles Gressiani, et l'Italie.
01:16En quoi le mouvement de Giorgia Meloni est-il d'extrême droite ?
01:21Je dirais d'abord que la chose qui est remarquable, c'est qu'aujourd'hui en Italie, on ne parle
01:26pas d'extrême droite pour désigner la coalition de gouvernement.
01:29On parle évidemment d'une coalition de centre droit, de cento d'est.
01:32Et cela, en fait, repose sur une logique de long terme.
01:35Parce qu'en réalité, le groupe dont est issu Giorgia Meloni est au gouvernement en Italie
01:41depuis que Berlusconi, depuis l'ère Berlusconi.
01:44Simplement, quand Berlusconi arrive au pouvoir, pour stabiliser son gouvernement, il s'allie
01:49avec deux partis.
01:51La Ligue, qui était à l'époque un parti régional, plutôt du Nord.
01:55Et il ouvre, et c'est un peu une rupture historique dans l'histoire de la République, à la force
01:59qui était issue du mouvement social italien, et donc d'un mouvement qui était explicitement
02:05en lien direct avec la nostalgie du régime fasciste.
02:09Et ce mouvement fait une évolution assez profonde, essaye de rompre avec l'antisémitisme,
02:17essaye de rompre avec son histoire.
02:19Et c'est de cette mouvance qu'est issue Meloni.
02:22Il y a là un paradoxe, c'est qu'effectivement, il y a une continuité forte.
02:26C'est qu'au fond, cette coalition est toujours la même.
02:28Mais avec un changement de taille, c'est que le parti qui était à la droite du centre droit
02:32est aujourd'hui le parti hégémonique.
02:34Donc au fond, on a assisté à quelque chose qui pourrait ressembler en réalité à ce qui se passe aussi en France.
02:39C'est que c'est le parti qui était à la droite de la droite qui est aujourd'hui le parti du centre
02:43de l'espace politique.
02:46Et là, évidemment, il y a des questions qui se posent sur l'orientation de fond.
02:50Au fond, effectivement, on le voit, c'est une dynamique européenne possible,
02:54que les partis qui étaient des partis centristes du centre droit
02:58pourraient se faire grand remplacer par des mouvements beaucoup plus intenses
03:03sur des questions identitaires, beaucoup plus en rupture,
03:06et qui sont aujourd'hui peut-être plus à même de naviguer dans un monde cassé
03:11et de promettre une stabilité en rémunérant symboliquement
03:16une opinion publique qui est de plus en plus attaquée sur ses valeurs fondamentales.
03:26Mais pour bien comprendre ce que vous dites, Gilles Gressiani,
03:28personne aujourd'hui ne qualifie le mouvement de Giorgia Melloni,
03:32Giorgia Melloni elle-même, d'extrême droite en Italie ?
03:36Alors évidemment, il y a une partie de la gauche qui le fait.
03:40Et ces jours-ci, il y a une thématique qui a émergé,
03:44qui est un peu un secret de Paul Schinell.
03:46Il y a une enquête par un journal en ligne qui s'appelle Funk Page,
03:49qui a montré par une série de... enfin, a filmé des réunions politiques
03:54à différentes instances, notamment de l'organisation de jeunesse
03:57de Fratelli d'Italie, donc le parti de Melloni,
03:59où on voit une continuité explicite, non pas simplement avec le jargon
04:03et les symboles fascistes, mais aussi avec l'antisémitisme.
04:05Donc on voit en réalité qu'il y a une culture politique
04:08qui est dans une culture politique de continuité vis-à-vis de ça.
04:11Et au fond, toute la particularité de Melloni, c'est qu'elle essaye
04:14d'être un peu une figure de médiation entre, d'un côté,
04:18des forces extrêmes qui, au fond, essayent de plutôt faire sauter la table,
04:23les personnes qui, en revanche, sont assis à la table.
04:25Au fond, sa force, c'est d'être assis à la table
04:28et de montrer aux personnes qui y sont ce qu'il y a derrière,
04:32en disant à tout moment, ils pourraient me remplacer,
04:34donc vous avez intérêt à pactiser avec moi.
04:36Au fond, ce qu'elle propose et qu'un parti a réussi à faire,
04:39c'est d'installer une forme de stabilité.
04:43D'ailleurs, vous le remarquez, la vie politique italienne,
04:46depuis deux ans, elle paraît beaucoup plus plate
04:49que la vie politique française, ce qui peut être un peu inquiétant.
04:52Le vrai laboratoire politique européen, sans doute,
04:54est en train de devenir la France.
04:56Précisément parce que Melloni a une tactique
04:59de transformation de la partie la plus abrasive.
05:04Elle ne veut pas changer directement la loi.
05:06Elle veut sans doute, et c'est ça sa théorie du changement,
05:09plutôt s'infiltrer dans les engrenages de l'État,
05:13pactiser avec une partie des élites pour durer.
05:16Et donc, sa théorie du changement consiste à dire
05:19qu'on ne change pas l'Italie en 6 mois, on la change en 20 ans.
05:21Et pour cela, il faut durer 20 ans.
05:23Maricel Rodriguez Blanco, est-ce qu'en Argentine,
05:26Javier Milei, son gouvernement, son mouvement,
05:29sont qualifiés d'extrême droite et de quelle façon ?
05:32En Argentine, on peut dire qu'il y a plusieurs qualifications
05:34pour ses gouvernements de Milei.
05:36Il y a certains qui disent que c'est une droite radicale,
05:39d'autres qui l'appellent extrême droite.
05:41Dans tous les cas, il est clair qu'il s'inscrit
05:43dans une ligne d'extrême droite, pour plusieurs raisons.
05:46D'une part, le peu d'attachement, on peut dire,
05:49au rapport aux institutions démocratiques,
05:51enfin le peu d'attachement démocratique
05:53dont il a témoigné Milei depuis le début
05:56de son arrivée au pouvoir,
05:58sans respecter un certain nombre de normes,
06:01à commencer par un certain nombre de décrets
06:04qu'il a mis en place, comme d'autres présidents d'ailleurs avant,
06:07mais avec une brutalité et une radicalité
06:09qui a largement dépassé les prédécesseurs.
06:13Mais ce qui est le plus important
06:17concernant la caractérisation d'extrême droite
06:19qu'on peut faire de ses gouvernements de Milei,
06:21c'est le fait qu'il a, depuis le début,
06:26détricoté absolument tous les droits sociaux,
06:28y compris les droits humains.
06:30C'est-à-dire que, comme d'autres extrêmes droites
06:32dans le monde entier,
06:34il se situe dans une sorte de négationnisme
06:37des droits humains.
06:39Il se situe dans une sorte de négationnisme
06:41de la dernière dictature militaire en Argentine.
06:44Il met en question même, par exemple,
06:47l'existence d'inégalités,
06:50en termes de genre, par exemple,
06:53l'inégalité salariale entre hommes et femmes,
06:55qui existe en Argentine, mais aussi ailleurs.
06:57Tout un tas des discours,
07:00mais aussi des pratiques,
07:01puisque ça s'est traduit aussi par des pratiques.
07:03Il est situé, effectivement,
07:06dans l'échiquier politique,
07:07dans les champs politiques argentins,
07:09à l'extrême droite,
07:10c'est-à-dire dans une position
07:12qui radicalise la droite existante en Argentine.
07:15Il faut savoir qu'en Argentine,
07:17à la différence d'autres pays,
07:18il n'y a pas une tradition politique d'extrême droite,
07:20il n'y a pas une culture politique d'extrême droite.
07:22Il y avait une droite traditionnelle,
07:24par contre, conservatrice.
07:26Et Millet s'appuie sur cette droite traditionnelle,
07:29conservatrice, qui a gouverné le pays auparavant,
07:31et s'appuie même sur une mouvance néo-conservatrice
07:33qui existe aussi du point de vue de l'électorat.
07:35Certes, une partie de l'électorat,
07:37peut-être ne se reconnaît pas
07:39dans une identité d'extrême droite.
07:42Une partie, oui, mais pas tout l'électorat,
07:44ça c'est certain.
07:45Cependant, ce qu'on peut voir,
07:47c'est que Millet récupère,
07:50s'appuie sur cette partie de l'électorat,
07:52sur des valeurs néo-conservatrices,
07:54pour, justement,
07:57gagner l'électorat,
08:01gagner les pouvoirs.
08:02Et ce que je voulais dire aussi,
08:03c'est qu'il y a comme dans d'autres extrêmes droites
08:05dans le monde,
08:07en France en particulier,
08:08mais aussi ailleurs,
08:10une sorte d'inversion,
08:12on pourrait dire une inversion idéologique,
08:16dans tous les termes.
08:19Ce que je veux dire par là,
08:20c'est qu'il y a une appropriation
08:21d'un certain nombre de concepts,
08:23d'un certain nombre de valeurs,
08:25qui étaient jusque-là des valeurs plutôt à gauche,
08:28plutôt incarnées par des groupes progressistes,
08:30des groupes à gauche.
08:31Donc Millet va s'approprier,
08:33et il inverse absolument tous les termes.
08:36Par exemple, il va dire
08:37que la justice sociale n'est pas juste,
08:40les responsables de tous les maux,
08:43par exemple,
08:44les responsables du manque au travail
08:46sont les chômeurs,
08:48les immigrés sont responsables du racisme,
08:51les femmes du sexisme, etc.
08:52Donc il inverse absolument tous les termes,
08:53il s'approprie d'une notion d'éthique aussi,
08:55et des morales,
08:56qui est particulièrement frappante
08:57dans ces gouvernements.
08:58Et ce que je veux en prendre des vues,
09:00donc des sociologues,
09:01ça divise en fait les classes populaires,
09:03qui sont déjà divisées,
09:04ça appuie sur un clivage en fait
09:05au sein de ces classes populaires,
09:07moralisant donc,
09:09en divisant le peuple en deux,
09:11c'est-à-dire nous d'un côté,
09:13entre guillemets,
09:14les gens des biens,
09:15comme il les s'appelle,
09:16versus eux,
09:17tous ceux qui ne sont pas d'accord avec lui,
09:19qui sont contre lui,
09:20qui ont un discours critique
09:23envers ces politiques.
09:25Et de ces points de vue-là,
09:26il démontre aussi en fait
09:28être bien inscrit dans une extrême droite
09:31intolérante, peu démocratique.
09:33Et dernier aspect,
09:35il faut regarder son entourage en fait.
09:37Il s'entoure des personnalités d'extrême droite,
09:40il s'entoure de tout un réseau,
09:41un relais en fait,
09:42assez important d'intellectuels,
09:44des politistes d'extrême droite,
09:47Larcher par exemple,
09:48Agustin Larcher,
09:49mais d'autant d'autres,
09:50et des journalistes aussi.
09:52Des personnalités sur les réseaux sociaux
09:54qui ont participé en fait à la campagne
09:56et qui maintenant soutiennent ces politiques,
09:59lui donnent aussi le micro en fait,
10:01lui permettent justement de s'exprimer.
10:03Et ça, ça fait partie justement aussi
10:06d'une transformation de contre-pouvoir en Argentine,
10:09ou d'une partie en tout cas des médias
10:11qui soutiennent maintenant actuellement ces gouvernements.
10:14Sur ce point-là, Gilles Christiany,
10:15que peut-on dire de l'entourage justement
10:17de Georgina Meloni et du pouvoir italien en ce moment ?
10:20Alors effectivement,
10:22Meloni a eu une approche
10:25vis-à-vis de la prise du pouvoir qui est particulière
10:27parce qu'elle est arrivée au pouvoir
10:29en réalité avec un petit groupe,
10:31le petit groupe avec lequel elle a commencé à faire la politique,
10:33qui est d'ailleurs un groupe
10:35qui se définit par des critères d'amitié très étroite,
10:38mais qui sont souvent des membres de sa famille.
10:42Sa sœur joue un rôle important dans l'organisation de son parti,
10:45un des ministres clés est le mari de sa sœur,
10:48donc il y a une dynamique vraiment familiale
10:50dans sa prise du pouvoir.
10:52Et en même temps aussi, il y a une tentative
10:54qui reste pour une bonne partie
10:56un peu idéologique
10:58et un peu approximative
11:00d'hégémonie sur le champ cultural.
11:02Vous savez qu'évidemment, l'Italie
11:04avait un peu de la tradition,
11:06au fond, dans le partage des tâches
11:08de la première république,
11:10la démocratie chrétienne faisait à peu près tout,
11:12mais la gauche s'occupait de la culture.
11:14C'était un peu ça le deal qui était passé.
11:16Et donc il y a un peu ce sentiment
11:18de revanche
11:20qui est très puissant en réalité
11:22et qui porte en partie aussi son message
11:24qui consiste à dire, au fond,
11:26on en a marre des professeurs,
11:28des donneurs de leçons,
11:30de cette gauche qui...
11:32Cette gauche intellectuelle et culturelle.
11:34Voilà.
11:36Et donc en même temps, il y a un peu
11:38un complexe presque d'infériorité
11:40et donc on se retrouve avec des figures
11:42qui essayent de jouer dans le champ culturel
11:44un rôle d'hégémonie culturelle
11:46et qui en réalité sont
11:48souvent des figures de 2ème ou 3ème catégorie.
11:50En fait, un des problèmes structurels
11:52de Mélanie, c'est qu'elle arrive
11:54au pouvoir avec un petit groupe de personnes
11:56et elle ne sait pas, elle ne veut pas
11:58ouvrir son parti et donc en fait
12:00en réalité, il y a très très peu de personnes
12:02qui peuvent aujourd'hui être des acteurs
12:04présents de sa tentative hégémonique.
12:06Et là, il y a une différence fondamentale vis-à-vis de
12:08Millais qui en réalité est plutôt
12:10une personne qui aujourd'hui joue un rôle
12:12presque de doctrinaire. Il fait des conférences
12:14partout dans le monde, il y a un peu un côté évangélique
12:16d'évangélisation
12:18de son message.
12:20Chez Mélanie, on voit sans doute
12:22cette ambition-là mais
12:24qui n'est pas vraiment portée par des moyens
12:26conséquents.
12:27Mathieu Boisdron, on se tourne avec vous
12:29en Hongrie où Orban exerce
12:31le pouvoir depuis 2010.
12:33Comment est-ce que vous qualifieriez, décrieriez
12:35cette extrême droite
12:37de Viktor Orban ?
12:39En s'agissant de la Hongrie, effectivement
12:41le travail intellectuel de qualification
12:43du parti d'Orban,
12:45le Fidesz comme un parti d'extrême droite
12:47est sans doute un peu plus compliqué à faire je pense parce que
12:49à l'origine, le Fidesz
12:51est un parti de gouvernement
12:53un parti fondé en 88
12:55un parti fondé comme un mouvement
12:57de centre-gauche, libéral
12:59anticlérical
13:01et en fait l'évolution
13:03du Fidesz, si elle est intervenue très tôt
13:05si elle s'est réorientée dès 93
13:07pour devenir un parti
13:09plus conservateur, a longtemps
13:11été un parti de centre-droit
13:13affilié au PPE, le grand
13:15parti de la droite européenne, avec
13:17un modèle clairement assumé
13:19qui était la CDU allemande.
13:21Et donc,
13:23il existe d'ailleurs en Hongrie
13:25depuis le début des années 2000
13:27des années 90
13:29des vrais mouvements
13:31des vrais partis d'extrême droite, ce qui était d'abord
13:33le Yobik, qui est désormais Miazink
13:35et donc dans ce
13:37paysage politique hongrois, c'est
13:39un peu plus difficile à qualifier
13:41pour autant, ce qu'on constate
13:43c'est que le
13:45gouvernement d'Orban
13:47revenu au pouvoir à partir
13:492010, a progressivement
13:51pris des positions qui ont
13:53contribué à réorienter
13:55le Fidesz et à le droitiser
13:57très nettement. Ca s'explique
13:59assez simplement, ça a toujours
14:01été une stratégie politique de
14:03Victor Orban, de chasser à droite
14:05entre guillemets, de chercher
14:07l'appui politique
14:09de chercher son électorat
14:11sur sa droite, parce qu'il a perçu qu'il y avait
14:13là un ressort politique
14:15important.
14:17Et en fait, c'est évidemment
14:19toute la politique, toute la
14:21réglementation, l'égalisation qui a été mise en oeuvre
14:23par Orban et le Fidesz à partir de son retour au pouvoir
14:25en 2010, qui permet en fait
14:27de qualifier le Fidesz
14:29et le gouvernement d'Orban
14:31comme désormais effectivement un
14:33gouvernement d'extrême droite.
14:35S'il fallait chercher peut-être un point
14:37de bascule, on
14:39pourrait en parler
14:41mais on pourrait le discuter, mais très certainement
14:43que la crise migratoire
14:45de 2015 et toutes les
14:47décisions qui ont été mises en oeuvre
14:49jusqu'en 2018, ont
14:51contribué à sa réorientation
14:53très nette.
14:55Et désormais,
14:57oui, effectivement,
14:59on peut qualifier
15:01le Fidesz et le gouvernement d'Orban comme
15:03un gouvernement, en tout cas, proche des
15:05valeurs et des idées de l'extrême droite
15:07sur lesquelles il se positionne
15:09résolument. Est-ce que lui-même, Victor
15:11Orban, revendique
15:13ou rejette cette étiquette d'extrême droite
15:15si même celle-ci
15:17existe en gris ?
15:19Il la rejette, évidemment.
15:25Son récit autour
15:27de sa politique
15:29et de sa mise en oeuvre
15:31relève évidemment d'une stratégie
15:33clairement
15:35souverainiste, nationaliste
15:39ancrée dans les valeurs traditionnelles
15:41de la famille
15:43et de la patrie. Et puis il n'hésite pas
15:45d'ailleurs à frayer aussi avec
15:47les néo-conservateurs américains
15:49et il ne s'en cache pas.
15:51Mais pour autant,
15:53non, il reste
15:55sur ses fondamentaux.
15:57En quelques mots, Gilles Gressiani,
15:59est-ce que Georgia Meloni elle-même
16:01rejette absolument ? Est-ce que c'est un travail
16:03permanent de rejeter cette étiquette d'extrême droite ?
16:05En fait, l'Italie,
16:07le vrai danger pour elle,
16:09c'était plutôt d'être qualifiée de fasciste,
16:11évidemment, que d'extrême droite, parce que c'est ça
16:13le mot vraiment
16:15opératoire. Et là, il y a un jeu qui est
16:17très complexe, évidemment, parce qu'elle
16:19semble effectivement vouloir être dans une forme de continuité
16:21non pas idéologique,
16:23mais plutôt de mémoire, de devoir de mémoire
16:25avec le parti fasciste
16:27et plutôt, en fait, avec le mouvement social
16:29italien, donc l'expression à l'intérieur de la République
16:31de la continuité du parti fasciste
16:33italien.
16:357h-9h, les matins d'été.
16:37Quentin Laffey.
16:39Et l'on passe un instant
16:41en Argentine, en Hongrie, en Italie
16:43pour tenter de comprendre comment
16:45l'extrême droite exerce dans ses
16:47trois pays le pouvoir avec
16:49trois invités. Maricel Rodriguez Blanco,
16:51les sociologues maîtresse de conférences
16:53à l'université catholique de Paris
16:55avec Mathieu Boisderon, il est docteur
16:57en histoire chargé d'enseignement à Nantes
16:59Université et Gilles Gressani,
17:01directeur du Grand Continent.
17:03Je voudrais reprendre avec vous, Marcel Rodriguez Blanco,
17:05pour tenter de comprendre
17:07le rapport de Ravier Millet à la
17:09démocratie. Comment s'est-il, ou non
17:11d'ailleurs, vous nous le direz, attaqué à la
17:13démocratie et notamment peut-être un
17:15point d'entrée, son rapport aux médias.
17:17Quel est-il concrètement ?
17:19Plusieurs choses à dire.
17:21D'une part, il faut se rappeler
17:23qu'en Argentine, l'année dernière, on fêtait
17:25les 40 ans des continuités
17:27démocratiques depuis 1983.
17:29C'est-à-dire depuis la fin de la
17:31dernière dictature militaire qui avait commencé en
17:331976.
17:35Tout d'abord, ce qu'il faut dire, c'est que Millet
17:37a tenu un discours, aussi bien pendant la
17:39campagne qu'ensuite, une fois arrivé au pouvoir,
17:41contraire
17:43aux acquis de la mémoire,
17:45enfin, contraire aux politiques
17:47de la mémoire qui avaient été
17:49mises en place en Argentine à partir de
17:51l'année 2000. Ça, c'est un premier
17:53élément qui signe, en fait,
17:55d'une couleur assez préoccupante, je dirais,
17:57le rapport de
17:59son camp, en fait, à la
18:01démocratie. Deuxième élément,
18:03depuis son arrivée au pouvoir, il a
18:05mis en place un certain nombre de décrets
18:07en utilisant
18:09un outil qui existe déjà dans
18:11la Constitution argentine, qui est le décret des
18:13nécessités et d'urgence, mais
18:15sur des sujets comme, par exemple,
18:17le travail, l'énergie,
18:19le marché des médicaments,
18:21enfin, un tas de secteurs
18:23qu'il s'est
18:25apprêté et dont il a
18:27montré qu'il pouvait les déréguler
18:29par décret, c'est-à-dire sans passer par le Parlement.
18:31Ce qu'il faut préciser, c'est qu'il n'a pas la majorité
18:33au Parlement. Exactement. Donc, il savait
18:35qu'il n'allait pas avoir la majorité au Parlement. Il vient
18:37d'un petit parti, les partis libertariens,
18:39et d'une coalition, donc la liberté avance.
18:41Cependant, il a gagné
18:43avec les votes de la droite, et du coup,
18:45il savait pertinemment qu'il allait être minoritaire,
18:47aussi bien au Sénat qu'au Parlement,
18:49et donc il devait, forcément,
18:51pour faire passer un certain nombre des mesures
18:53par la force, puisque c'est
18:55ce qu'il a tenté depuis le début, avec une grande brutalité.
18:57En s'opposant
18:59cela, par exemple,
19:01à Mauricio Macri, l'ancien président argentin,
19:03qui a gouverné entre 2015 et 2019,
19:05qui avait
19:07mis en place un certain nombre de changements,
19:09déjà des privatisations, des régulations
19:11de l'économie, etc., mais beaucoup plus
19:13graduels. Il n'avait pas pu, justement, aller
19:15jusqu'au bout de ces réformes. Alors que
19:17Millet s'est proposé d'emblée, en fait,
19:19un changement majeur
19:21dont il se rejouit. Par ailleurs, il se rejouit
19:23de tout ce qu'il vient de faire, c'est-à-dire
19:25qu'il se rejouit, par exemple,
19:27d'avoir mis en place un plan d'austérité
19:29le plus grand, dit-il, de l'histoire de l'Argentine.
19:31Il faut dire que ces plans d'austérité
19:33créent des effets pour la plupart
19:35de la population argentine, notamment les travailleurs,
19:37aux premiers chefs, dont le pouvoir d'achat a diminué
19:39plus de 25%,
19:41concernant les retraités, pareil.
19:43Donc, en affaiblissant des populations déjà
19:45vulnérables, il s'attaque
19:47notamment aux droits.
19:49Et sur les médias, plus précisément, comment est-ce qu'il a
19:51justement tenté
19:53de s'accaparer une partie
19:55des médias ?
19:57Alors, de plusieurs manières. Déjà, il a fait une campagne
19:59sur les réseaux sociaux, comme on le sait,
20:01sur TikTok, sur différents réseaux sociaux.
20:03Il a mis en avant, en fait,
20:05toute une performance, un style politique de rockstar
20:07très brutal,
20:09très vulgaire aussi, en fait,
20:11qui s'attaquait d'emblée
20:13à l'État, aux institutions.
20:15Voilà. Il a profité
20:17aussi, comme je disais, d'un certain nombre
20:19de relais, ce qui montre comment
20:21il a, comme cet ensemble
20:23de relais intellectuels, médiatiques, etc.,
20:25participé à la construction d'un pouvoir, en fait,
20:27d'un pouvoir politique qui est celui
20:29du camp des Milleilles,
20:31de la figure des Milleilles.
20:33Il s'attaque aussi à
20:35travers des actes
20:37de stigmatisation, des diffamations,
20:39d'insultes, de mépris, en fait,
20:41via les médias, les médias traditionnels,
20:43cette fois-ci, à toute
20:45action des contestations. Donc, de cette façon,
20:47par exemple, il a traité les mobilisations
20:49qu'on a vues. Il y a eu deux grèves
20:51générales, en fait, organisées par les syndicats en Argentine
20:53et plusieurs mobilisations contre
20:55ces mesures, en fait,
20:57de dérégulation, de mentalement-privatisation.
20:59Il s'est attaqué fortement à ces secteurs-là,
21:01d'une part avec un protocole anti-piqueté,
21:03comme on l'appelle, anti-piqué des grèves, c'est-à-dire
21:05anti-barrage des routes, un protocole
21:07de l'ordre, selon lequel
21:09un droit qui est le droit à manifester,
21:11le droit à s'exprimer librement, il était
21:13fortement circonscrit,
21:15puisqu'on ne pouvait pas manifester sur l'espace public,
21:17il fallait s'arranger sur les trottoirs.
21:19Mais il s'est attaqué à
21:21plus largement, en fait, à toutes les organisations
21:23de la société civile, syndicats, associations,
21:25etc., en critiquant fortement
21:27leur rôle, ce qu'on
21:29laissait, c'est un rôle essentiel pour la démocratie.
21:31Mathieu Boisderon, sur le rapport à la
21:33démocratie, toujours, il faut
21:35nous parler, nous raconter, cette
21:37réforme constitutionnelle menée par
21:39Victor Orban en 2011.
21:41Oui, effectivement, donc, dès son retour
21:43au pouvoir en avril 2010,
21:45Victor Orban, avec l'appui
21:47du FIDES et du petit parti catholique
21:49KDNP, a mis en oeuvre, on va dire,
21:51une politique de reprise en main, de tout
21:53un tas de questions qui l'avaient
21:55beaucoup préoccupé depuis qu'il avait
21:57perdu l'élection de 2002.
21:59La première étape, ça a été, évidemment,
22:01la modification de la constitution
22:03dans un sens conservateur.
22:05Et puis, ensuite,
22:07il y a eu des décisions de
22:09prise, notamment pour la reprise
22:11de contrôle des médias.
22:13Dès la fin de l'année 2010,
22:15donc quelques mois seulement, après le
22:17retour du FIDES
22:19au gouvernement, a été créée
22:21une autorité nationale des médias et des
22:23communications, qui est, en fait,
22:25un organe de régulation, contrôlé
22:27par le parti au pouvoir, et qui est
22:29en mesure, en fait, d'infliger
22:31des amendes, des sanctions aux journaux,
22:33aux chaînes de radio et de télévision
22:35qui manqueraient d'objectivité.
22:39Donc, très progressivement, en fait,
22:41le paysage médiatique du pays
22:43a été repris en main
22:45à la suite de la création de cette
22:47autorité de régulation.
22:49Il y a eu des évolutions
22:51dans le paysage médiatique, c'est-à-dire que
22:53les grands groupes audiovisuels privés ont été
22:55repris en main par des
22:57entrepreneurs proches
22:59du FIDES.
23:01Et surtout,
23:03ce qui a été
23:05constaté, c'est que tous les grands médias
23:07d'opposition sont passés
23:09sous les taignoirs. On peut noter,
23:11par exemple, prendre l'exemple du grand journal
23:13de gauche, Nebchabachag, qui a été
23:15racheté en 2016 par un proche
23:17d'Orban et qui a simplement
23:19fermé le journal.
23:21Il y a eu des initiatives de prise également
23:23autour de la presse locale
23:25et régionale.
23:27Et la dernière étape de cette
23:29fusée, de cette reprise en main des médias,
23:31ça a été la création
23:33en novembre 2018
23:35d'une fondation de la presse et des médias d'Europe centrale
23:37qui, en fait,
23:39contribue à concentrer
23:41médiatiquement l'ensemble de ces titres
23:43autour
23:45du FIDES et de ses animateurs.
23:47Et des procédures Bayon
23:49aussi ont été mises en oeuvre, et pas plus
23:51tard qu'il y a quelques jours,
23:53le média d'investigation hongrois
23:55ATLATSO a annoncé
23:57sur les réseaux sociaux notamment
23:59qu'il était visé par une enquête
24:01du Bureau de la Protection de la Souveraineté
24:03pour
24:05de potentielles ingérences
24:07aux étrangères. En Italie, Gilles Gressiani,
24:09Giorgia Meloni est actuellement
24:11en train de mener une réforme
24:13constitutionnelle. De quelle nature
24:15est cette réforme ?
24:17Je commencerais par dire que, effectivement,
24:19contrairement à Millet, par exemple,
24:21au fond,
24:23Meloni essaye de,
24:25jusqu'ici...
24:27Si l'opposition aujourd'hui à la politique contemporaine,
24:29c'est entre les gens qui veulent accélérer le chaos
24:31ou le réduire, Meloni est clairement
24:33plutôt dans la deuxième option.
24:35Et jusqu'ici, effectivement,
24:37elle avait une pratique du pouvoir qui prenait en compte
24:39l'état de force qui est celui
24:41de la république italienne.
24:43Souvent, on fait cette erreur
24:45de vue de France. On a l'impression que Meloni
24:47serait une espèce de président de la république
24:49toute puissante, avec des grandes marges de manœuvre.
24:51En réalité, le poids réel
24:53de Meloni et du
24:55President du Conseil en Italie
24:57est assez limité.
24:59Il est limité par un cadre institutionnel
25:01dans lequel le Parlement reste le seul
25:03acteur central.
25:05Et, évidemment aussi, avec un rôle
25:07d'arbitre qui peut parfois
25:09aussi jouer de façon assez dure,
25:11qui est celui du Président de la République.
25:13Donc, au fond, Meloni
25:15s'est inscrite dans ce cadre-là,
25:17dans ce contexte. Contrairement à tous les
25:19autres leaders de la phase politique
25:21précédente, les dix années
25:23de la colère et de la
25:25rage qui vont de la fin
25:27de la crise économique
25:29avec Monti jusqu'à
25:31Draghi, au fond, elle arrive avec
25:33un projet assez modeste.
25:35Sa promesse n'est pas
25:37de changer le système, c'est pas
25:39d'arriver à Rome avec un mandat très fort
25:41et un six mois tout bouleversé,
25:43tout réformé. C'est plutôt, en réalité,
25:45encore une fois, une promesse
25:47d'apaisement. Au fond, il s'agit
25:49d'accompagner une société qui vieillit,
25:51qui se déclasse. Non pas chevaucher
25:53le tigre pour tout changer, mais essayer, au fond,
25:55quelque part, de le caresser.
25:57Est-ce que ça veut dire, en quelque sorte, parce que c'est un reproche
25:59que l'on peut parfois adresser à certains partis
26:01d'extrême droite, que Giorgia et Meloni tentent
26:03par ailleurs d'avancer masquées ?
26:05Je pense qu'il y a
26:07un moment de bascule, sans doute en ce
26:09moment, d'ailleurs. Justement, vous le rappeliez
26:11avec ces grandes réformes
26:13constitutionnelles. On voit, au fond,
26:15qu'elle arrive
26:17peut-être au bout d'un cycle.
26:19Depuis dimanche, le gouvernement
26:21Meloni, c'est le gouvernement le plus long que l'Italie
26:23ait connu depuis Renzi, donc depuis une
26:25dizaine d'années. Donc c'était déjà un très grand exploit.
26:27Et au fond, on l'a vu avec les Européennes,
26:29elle n'a pas perdu du consensus
26:31à la période de quelques voix, mais fondamentalement
26:33elle sort, et c'est une des rares
26:35chefs d'État
26:37ou de gouvernement à sortir presque gagnante
26:39du cycle européen, surtout si on le compare
26:41avec le cas français.
26:43Et en même temps, on voit aussi
26:45qu'elle reste
26:47une figure qui ne peut pas encore
26:49imprimer sa marque d'une façon profonde
26:51et d'où, effectivement, ces tentatives
26:53de réforme. Et je remarque
26:55une forme d'analogie un peu
26:57étonnante entre Renzi et Meloni.
26:59Les deux, au fond, au bout
27:01de presque
27:03deux ans, ils ont senti que
27:05la seule manière pour pouvoir avancer, c'était
27:07de changer le système. Évidemment, changer
27:09le système a un problème structurant, c'est que
27:11quand vous changez le système, vous êtes un peu seul
27:13contre le système. Et au fond, là, on voit
27:15un changement assez
27:17fort de son dispositif.
27:19Jusqu'ici, c'était effectivement, vous le disiez,
27:21au fond, ne jamais toucher
27:23la loi,
27:25ne jamais se placer dans un cadre dans lequel
27:27on légifère. On peut
27:29prendre, par exemple, le cas de l'avortement.
27:31Il ne souhaite pas
27:33revoir l'avortement
27:35d'un point de vue législatif. Ce serait un processus extrêmement
27:37complexe qui l'exposerait à des
27:39critiques internationales,
27:41à un mouvement d'opinion interne
27:43très puissant, etc. Mais si vous voulez
27:45toucher ça, comment vous faites,
27:47de façon concrète ? Simplement,
27:49il suffit
27:51d'enlever
27:53le poids qu'a l'ordre des médecins
27:55en Italie pour obliger
27:57des médecins à opérer l'avortement dans des régions
27:59dans lesquelles, au fond, les médecins souhaitent ne pas le pratiquer.
28:01Et c'est là qu'il y a une théorie du
28:03gouvernement qui est un peu différente. Ne pas
28:05changer d'une façon explicite
28:07les règles démocratiques, mais
28:09essayer d'affaiblir
28:11les contre-pouvoirs et le système
28:13démocratique. Au fond, enlever
28:15la dimension libérale de la dimension
28:17démocratique et donner à la majorité
28:19une forme de presque
28:21tyrannie et dictature de ce qui est
28:23possible de faire dans ce cadre d'une
28:25démocratie hyper-majoritaire.
28:27C'est intéressant, Maricel Rodriguez Blanco,
28:29de ce point de vue-là, Raphaël Milhaill
28:31est dans une démarche beaucoup plus
28:33franche, beaucoup plus directe, beaucoup plus brutale
28:35également.
28:37Oui et non, parce qu'il a quand même
28:39gagné les élections avec 60%
28:41de soutien de l'électorat.
28:43De ce point de vue-là, il s'érange aussi.
28:45Il fait campagne quand même en annonçant clairement les choses.
28:47Il a annoncé un certain nombre
28:49de changements. Alors ce qui est certain,
28:51c'est qu'il disait que ces changements,
28:53il souhaitait que ce soit des changements
28:55brutaux, pas graduels
28:57du tout. Il avait
28:59dit qu'il allait dollariser le pays. Il n'a finalement
29:01pas fait, puisqu'il ne peut pas le faire, il n'y a pas suffisamment
29:03de réserve. Il a annoncé un certain
29:05nombre de changements qu'il n'a pas fait, mais c'est vrai
29:07que pour la plupart des
29:09éléments qui étaient inscrits dans son programme,
29:11on a vu comment, petit à petit,
29:13il les mettait en place l'un derrière
29:15l'autre. Commencer par, par exemple,
29:17si on parle de démantèlement
29:19de l'État, on a
29:21vu la baisse
29:23des dépenses publiques très importante,
29:25qui correspond à son projet, son objectif
29:27des déficits zéro.
29:29Ça, on l'a vu mettre en place.
29:31On a vu mettre en place aussi des politiques par
29:33décret, des régulations de différents marchés,
29:35notamment du marché des médicaments, comme je disais, mais aussi
29:37des régulations des loyers, des prix
29:39des loyers, ce qui produit des effets
29:41sociaux
29:43très négatifs, en fait, pour la plupart
29:45de la population. Et on a vu aussi,
29:47par exemple, tout ce qui est
29:49de l'ordre des droits
29:51à l'égalité, enfin des droits des femmes,
29:53sur lesquels l'Argentine avait avancé
29:55beaucoup ces dernières années,
29:57notamment à partir des mobilisations
29:59très importantes, de grande ampleur en Amérique latine.
30:01Dès 2015,
30:03on s'en souvient de Nuna Menos,
30:05l'Argentine avait mis en place un certain nombre
30:07de lois, notamment d'égalité,
30:09de parité, mais aussi
30:11les droits
30:13à l'IVG, aussi une loi
30:15d'éducation sexuelle intégrale.
30:17Ce sont toutes des lois que Mileï
30:19a non seulement promis de tricoter, mais il a
30:21déjà fait. Là, on vient, par exemple,
30:23d'avoir la triste nouvelle
30:25que la disparition
30:27du ministère de l'égalité et du genre
30:29de la diversité vient d'être définitivement
30:31fermée.
30:33Ça s'est
30:35accompagné d'un tout processus
30:37des baisses des dépenses publiques,
30:39en fait, dans un pays qui a
30:41une tradition étatique qui est importante,
30:43en tout cas qui s'arrimente aux années 40,
30:45mais qui est importante
30:47parce qu'il y a une bonne partie de la population
30:49qui a besoin de cet
30:51État, dont ces droits
30:53sont en train d'être
30:55vulnérabilisés
30:57et touchés par ces gouvernements.
30:59Mathieu Boisderon, dans cette
31:01dichotomie qui a été mise en lumière par
31:03Gilles Gréciani, dichotomie entre
31:05chaos annoncé, apaisement
31:07revendiqué, comment se situe
31:09Victor Orban ? Est-ce que lui-même, au cours
31:11de ces 14 dernières années
31:13de pouvoir, est-ce qu'il est avancé masqué ?
31:15Alors,
31:17ce que j'aurais envie de répondre, c'est qu'effectivement,
31:19ce qu'on constate, c'est que Victor Orban
31:21veut toujours avoir la maîtrise
31:23de l'horloge et du temps politique
31:25et c'est ce qui le conduit, en fait,
31:27systématiquement à prendre
31:29un peu de cours ses opposants
31:31et à
31:33désigner comme cible
31:35un nouvel interlocuteur,
31:37un nouvel acteur de la société
31:39angloise, à mesure que le temps passe.
31:41Ça a été, dans un premier
31:43temps, la gauche, les libéraux,
31:45ça a été ensuite,
31:47évidemment, les migrants lors de
31:49la crise de 2015,
31:51et puis, plus récemment, ça a été notamment
31:53les personnes LGBT.
31:55Donc, on voit que,
31:57se faisant de manière très cynique,
31:59il remobilise
32:01systématiquement son électorat
32:03autour de ce type de questions
32:05et qu'il avance.
32:07Il n'avance pas
32:09systématiquement masqué, mais en tout cas,
32:11il s'adapte,
32:13il fait preuve d'un grand pragmatisme,
32:15il s'adapte à l'évolution
32:17des enjeux et du débat public
32:19pour garder autant que possible
32:21en main
32:23le jeu politique hongrois
32:25et ça, c'est vraiment
32:27quelque chose qu'on constate depuis qu'il est revenu
32:29au pouvoir en 2010.
32:31Ça, c'est pour les ennemis intérieurs,
32:33selon ces termes, il y a un ennemi extérieur
32:35très clair, très net, très fort depuis plusieurs années,
32:37c'est l'Union Européenne
32:39et ce paradoxe éminent,
32:41il vient, Victor Orban,
32:43de prendre la tête de la présidence
32:45du Conseil de l'Union Européenne.
32:47Est-ce que vous pensez, Mathieu Boisderon,
32:49qu'il jouera le jeu de cette présidence ?
32:51Alors déjà, ce qu'on sait,
32:53c'est que, de toute façon,
32:55les instances européennes seront
32:57guère installées avant l'automne,
32:59avant novembre,
33:01donc sa capacité de nuisance sera quand même
33:03très limitée.
33:05La présidence de l'Union Européenne,
33:07c'est d'abord un rôle
33:09de chef d'orchestre. Enfin, on n'est jamais
33:11à l'abri d'une surprise avec Victor Orban,
33:13donc de toute façon, il cherchera
33:15à se saisir de tous les leviers
33:17qu'il a en main pour essayer de faire avancer
33:19son propre agenda, donc on ne peut pas préjuger
33:21effectivement d'une
33:23possible initiative.
33:25En tout cas, il cherche
33:27à structurer quelque chose, il a annoncé
33:29notamment la création d'un...
33:31Il envisage la création d'un nouveau groupe
33:33d'extrême droite, enfin c'est la droite
33:35du Parlement européen avec ses amis
33:37tchèques et autrichiens, un groupe
33:39qu'il veut baptiser les Patriotes pour l'Europe,
33:41donc il va falloir encore attendre
33:43quelques semaines pour voir
33:45quel sens il va vouloir donner à son action
33:47européenne dans les semaines et les mois qui viennent.
33:49Gilles Gréciani, là aussi, dans la
33:51dimension européenne
33:53du rapport
33:55du pouvoir de Mélanie
33:57à l'Union Européenne, justement,
33:59qu'est-ce que cela raconte, cette tension justement
34:01et cette volonté de normalisation ?
34:03Je pense qu'il y a d'abord une continuité
34:05entre Orban et Mélanie qui est très évidente
34:07parce qu'en réalité, Orban
34:09a toujours eu une relation avec...
34:11Il a essayé toujours d'engager un rapport de force
34:13avec l'Union Européenne, mais toujours en étant
34:15très attentif du fait qu'il voulait toujours
34:17rester dans le cadre de l'Union Européenne.
34:19Sa ligne, au fond, c'est de critiquer les
34:21eurocrates et
34:23l'idéologie, je mets de guillemets,
34:25disons
34:27cosmopolites qu'on retrouve à Bruxelles
34:29pour, à la place,
34:31envoyer
34:33des technocrates, des politiques
34:35qui soient souverainistes.
34:37Mais, attention, sans sortir,
34:39sans casser l'Union Européenne.
34:41C'est ça un peu le paradoxe qu'on retrouve aujourd'hui
34:43dans une organisation de la demande aussi politique
34:45au niveau continental, parce que
34:47en fait, ces élections européennes
34:49nous montrent une chose d'une façon très nette
34:51et très claire, c'est que les partis qui étaient autrefois
34:53érosceptiques, qui voulaient sortir de l'euro
34:55et de l'Union Européenne, aujourd'hui se sont réalignés
34:57sur une position
34:59qui parfois est très ambiguë, c'est le cas du Rassemblement
35:01National, qui l'est beaucoup moins, c'est le cas de
35:03Mélanie, où, effectivement,
35:05la question du Frexit, de l'italexit,
35:07de la sortie des pays de l'Union Européenne
35:09n'est plus là. Et c'est là qu'il y a quelque chose
35:11qui, à mon avis, est absolument centrale pour comprendre
35:13leur identité politique,
35:15c'est qu'ils sont beaucoup plus
35:17pour la préservation et la conservation
35:19d'un mode de vie existant, plutôt que pour
35:21le changement et la transformation qui impliqueraient
35:23par exemple le fait de
35:25sortir aujourd'hui de l'euro,
35:27d'un pacte politique qui serait évidemment majeur
35:29et aussi économique dans
35:31l'électorat qui les vote.
35:33Et là, il y a vraiment, à mon avis,
35:35une dynamique essentielle. Encore une fois,
35:37ce sont des forces qui, pour la plupart du temps,
35:39essayent de prendre le pouvoir
35:41sans faire sauter la table,
35:43mais en s'assayant avec la force des personnes
35:45qui n'y se trouvent pas. On n'a jamais essayé,
35:47mais d'autres ont essayé, et merci
35:49d'être venu nous expliquer
35:51la façon ces tentatives dont
35:53l'extrême droite exerce le pouvoir,
35:55Maricel Rodriguez Blanco, Mathieu Boisderon
35:57et Gilles Gressani. Merci à France Bleu Nantes
35:59d'avoir permis cette connexion
36:01avec Mathieu Boisderon à distance.
36:03Il est 8h40.