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  • 24/05/2024
Xerfi Canal a reçu Philippe Silberzahn, professeur de stratégie et entrepreneuriat, emlyon Business School, pour parler de Friedrich Hayek.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 Bonjour Philippe Silberzahn, professeur de stratégie entrepreneuriale à l'Union Business
00:13 School, blog philippesilberzahn.com, qu'il faut absolument aller voir et lire chaque
00:20 semaine, chaque lundi matin.
00:22 On va parler d'Ayek, donc vous voyez là je prends un ton, parce que là on aborde
00:30 un sujet sensible.
00:31 Friedrich von Ayek, prix Nobel d'économie, vu comme le père de l'ultralibéralisme.
00:38 Et vous nous dites finalement, au fond, Ayek c'était un penseur de gauche.
00:42 C'est comme ça que vous cluclez ce papier, c'est pour ça que j'y vais vraiment tout
00:47 doucement, tout doucement.
00:48 Alors d'abord, Ayek, quelques mots sur Ayek.
00:51 Alors moi, quand j'ai entendu parler d'Ayek, effectivement c'était le penseur.
00:57 On entend rarement parler en bien d'Ayek.
00:59 Oui, parce que nous sommes en France et beaucoup en parlent peu le lisent, mais ça c'est
01:06 fréquent.
01:07 Et moi, c'est vrai que l'image que j'en avais, c'était, on s'en souvient peut-être,
01:12 mais Raymond Barr, Premier ministre quand j'étais gamin, était fan de Ayek, ce qui
01:17 fait qu'on partait pas sur des super bases, au moins ce qui me concernait, et puis jusqu'au
01:22 jour où je l'ai lu.
01:23 Et là, je me suis dit, tiens, mais c'est pas ce qu'on m'a raconté en fait.
01:27 Et donc, on peint effectivement ultralibéral, et en fait, quand on lit, c'est quand même
01:33 très différent.
01:34 Voilà, donc à partir de là, c'est de découvrir quelqu'un qui est…
01:39 Il ne dit pas que le marché c'est le mal.
01:41 Ayek, c'est pas le genre.
01:42 Non, non, voilà.
01:43 Ayek dit « on ne construit pas une société libre sans marché libre ». Et après, il
01:51 dit « on ne construit pas une société seulement sur un marché ». C'est là que ça devient
01:56 intéressant.
01:57 Donc pour lui, le marché est une condition.
01:59 Alors, pour faire très très court, il dit de toute façon, toutes les sociétés qui
02:04 empêchent le marché libre sont ou deviennent dictatoriales.
02:08 Je crois que l'histoire l'a montré, il n'y a plus de débat là-dessus.
02:11 Mais toute son œuvre, c'est aussi de dire « on ne peut pas tout confier au marché ».
02:17 C'est là que je pense qu'il devient intéressant, parce que la question c'est « mais alors
02:22 qu'est-ce qu'il faut confier au marché ? ». Alors là, vous avez, on va dire, les
02:27 libertariens, notamment les successeurs qui vont être Rothbard, Von Mises, etc.
02:32 Eux, ils ont une réponse très simple, c'est de dire « tout ». Pour eux, tout est
02:38 confiable au marché, donc on doit avoir une police privée, etc.
02:42 Et Hayek ne dit pas du tout.
02:44 Il dit « non, non, non, il y a des choses qui doivent être prises en compte par la
02:49 collectivité ». Alors, il dit notamment « il y a des accidents de la vie, les gens
02:54 ne sont pas responsables de ce qui leur arrive forcément, et donc il n'est pas du tout
02:57 scandaleux qu'il y ait une solidarité collective, qu'il y ait des assurances,
03:01 qu'il y ait des impôts, etc. ». Et donc, il se met complètement en contre les libertariens.
03:06 Ça, c'est la première chose, et donc, quand on lu son ouvrage fondamental qui est
03:11 « La constitution de la liberté », c'est un long plaidoyer pour dire « il faut du
03:16 marché, c'est une condition nécessaire, mais pas suffisante ». Or, toute la question
03:20 à ce moment-là, c'est de dire « ok, mais on met la limite où ? ». Et c'est là
03:24 que je trouve que la position de Hayek est très intéressante, parce qu'il dit « moi,
03:27 je ne sais pas ».
03:28 Il y a deux paradoxes.
03:29 Le premier paradoxe, c'est que comme il est modéré, du coup, finalement, c'est
03:33 la tragédie des modérés.
03:34 Enfin, pour vous, c'est un modéré, donc c'est la tragédie des modérés.
03:37 C'est la tragédie des modérés, évidemment.
03:39 Il est très critiqué par les libertariens.
03:42 Et évidemment, comme il défend le marché, il ne va pas être accepté par la gauche.
03:48 Et donc, il va se retrouver, comme beaucoup de modérés, au milieu.
03:52 Et c'est très dommage, parce qu'en fait, quand on regarde l'évolution historique,
03:58 surtout aux États-Unis, la gauche américaine est très largement hayékienne.
04:03 C'est-à-dire que le Parti démocrate, y compris sa frange de gauche, ne milite pas
04:10 du tout pour une suppression du marché.
04:12 Vous citez Obama, vous citez Biden, vous citez tout le monde.
04:16 Voilà.
04:17 Alors Biden, qui est plutôt à gauche sur ces questions-là, mais même Alexandra Aossé,
04:23 la frange de gauche, ne milite pas du tout pour une nationalisation.
04:26 Elle s'oppositionne sur une distribution plus importante, sur un rôle de l'État
04:30 plus important.
04:31 Donc, c'est vraiment plutôt à gauche, mais ne remet pas en question la primauté
04:35 du marché pour un certain nombre de choses.
04:38 L'autre exemple de Barack Obama, c'est avec son fameux Obamacare, son système d'assurance.
04:45 Ce système d'assurance, il est fondamentalement hayékien.
04:47 C'est-à-dire qu'il dit « on va rendre l'assurance obligatoire ». Alors là,
04:51 les libertariens disent « quoi, quoi, quoi, c'est un scandale ». Alors que dans ses
04:55 ouvrages, Hayek avait dit que ce n'était pas du tout scandaleux d'avoir une assurance
04:59 obligatoire.
05:00 Là encore, intéressant.
05:01 Et Barack Obama dit « on va rendre ça obligatoire, mais on va créer un marché, une place de
05:07 marché dans lequel il y aura une concurrence entre les offreurs d'assurance et les Américains
05:11 seront libres de choisir l'assurance qu'ils veulent ». C'est fondamentalement hayékien.
05:15 Alors, le paradoxe, c'est que ça a été combattu par le Parti républicain, alors
05:19 que c'est un mécanisme plutôt libéral au sens économique du terme.
05:23 Donc, il y a cette évolution historique.
05:27 C'est pour ça que je pense que la gauche américaine est devenue hayékienne.
05:31 Alors, il serait un peu choqué d'entendre ça.
05:34 On s'entend bien.
05:36 Mais on est dans cette notion de curseur.
05:38 On ne remet plus en cause l'existence, la nécessité du marché.
05:42 On met juste le curseur, peut-être plus loin que lui ne l'aurait mis.
05:45 Mais en tout cas, ce débat-là, il est clos.
05:48 Le débat, c'est le curseur.
05:50 C'est ça qui est intéressant.
05:51 Merci Philippe Siderazade.
05:52 Merci Jean-Philippe.
05:53 Merci à vous.
05:54 Merci Philippe.
05:54 [Musique]

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