Affaire n° 2024-1091 / 1092 / 1093 QPC

  • il y a 4 mois
Loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique
Alinéa 2 de l'article 3 dans sa rédaction issue de la loi n°2016-274 du 7 mars 2016
Date de rendu de la décision : 28 mai 2024

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00:00 ...
00:13 -Bien. Bonjour à tous.
00:16 L'audience est ouverte.
00:19 Nous modifions un petit peu l'ordre des facteurs.
00:22 Nous allons donc commencer
00:25 par des QPC 1091, 1092, 1093.
00:31 Donc, elles portent sur deuxième lignée
00:35 à l'article 3 de la loi 8647 du 10 juillet 91
00:40 relative à l'aide juridique.
00:43 Madame la greffière, dites-nous où nous en sommes.
00:46 -Merci, M. le Président.
00:48 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er mars 2024
00:51 par 3 arrêts de la 2e Chambre civile de la Cour de cassation
00:54 de 3 questions prioritaires de constitutionnalité
00:57 posées respectivement par M. Diabé Sidibé,
01:00 Cheikhna Fofana et Bakary Boagil
01:03 portant sur la conformité aux droits et libertés
01:05 que la Constitution garantit du 2e alinéa
01:08 de l'article 3 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991
01:14 relative à l'aide juridique dans sa rédaction
01:17 résultant de la loi 2016-274 du 7 mars 2016
01:23 relative aux droits des étrangers en France.
01:26 Ces questions relatives à l'exclusion des étrangers
01:29 en situation irrégulière du bénéfice de l'aide juridictionnelle
01:32 ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel
01:36 sous les numéros 2024-1091, 2024-1092 et 2024-1093 QPC.
01:45 La SARL Touvenin-Coudray-Grévy a produit des observations
01:49 dans l'intérêt des parties requérantes
01:51 et de la Fédération solidaire, unitaire et démocratique
01:54 Sud commerce et services solidaire,
01:57 le syndicat des avocats de France,
01:59 la Confédération générale du travail,
02:01 la Ligue des droits de l'homme,
02:02 le groupe d'information et de soutien des immigrés,
02:05 la Fédération nationale des transports et de la logistique force ouvrière UNCP,
02:09 le syndicat CNTSO du nettoyage,
02:12 la Confédération française démocratique du travail,
02:15 l'union syndicale solidaire, partie à l'instance le 20 mars 2024.
02:19 Maître Bertrand Loubert a produit dans l'affaire numéro 2024-1091 QPC
02:25 des observations dans l'intérêt de la société Propolis,
02:28 partie à l'instance dans les trois affaires, le 19 mars 2024.
02:32 Le Premier ministre a produit des observations le 20 mars 2024
02:36 dans les trois affaires.
02:37 La SCP Lyon-Camp-Thirier a demandé à intervenir
02:41 dans l'intérêt du Conseil national des barreaux
02:43 et la conférence des bâtonniers de France
02:45 et a produit à cette fin des observations
02:47 les 19 et 20 mars 2024.
02:49 Seront entendues aujourd'hui les avocats des parties requérantes,
02:53 les avocats des parties à l'instance,
02:55 les avocats des parties intervenantes
02:57 et le représentant du Premier ministre.
02:59 Merci Madame.
03:00 Alors, nous avons pas mal de plaidoiries,
03:04 nous allons donc les organiser.
03:06 Nous allons commencer avec Maître Grévy et Maître Courteil.
03:12 Monsieur le Président,
03:21 Madames et Messieurs les membres du Conseil,
03:24 mes observations porteront évidemment comme mes confrères
03:27 sur les trois QPC prises ensemble dont vous êtes saisis.
03:32 L'intervention de la LDH et du JISTI
03:35 comme des organisations syndicales de salariés et d'avocats
03:38 attestent, s'il en était besoin, de l'enjeu fondamental
03:42 posé par ces QPC.
03:46 Ces organisations en effet vous demandent aux côtés des trois requérants
03:49 de censurer une disposition déshonorante dans un état de droit.
03:55 Au terme de la linéa 2 de l'article 3 de la loi du 5 avril 1991,
04:00 les personnes de nationalité étrangère,
04:03 résidant habituellement en France,
04:06 et régulièrement en France,
04:09 sont admises au bénéfice de l'aide juridictionnelle, c'est le principe.
04:13 L'étranger en situation irrégulière au regard du droit au séjour,
04:18 qui est pourtant comme toute personne dotée de la personnalité juridique
04:21 titulaire de droit, ne peut bénéficier de cette aide
04:25 quelles que soient ses ressources.
04:27 Cela vaut pour tous les litiges civils
04:30 que cette personne soit demandeur ou défendeur au litige.
04:35 Cette condition n'a pas toujours été en vigueur,
04:37 il faut revenir un petit peu en arrière.
04:39 En 1972, lors de l'adoption de la loi
04:43 qui pour la première fois a institué l'aide juridictionnelle,
04:46 elle était ouverte aux étrangers résidant habituellement en France.
04:51 Le projet de loi de 1991 avait repris cette disposition
04:55 y ajoutant à l'époque les refortissants de la communauté européenne.
04:59 Et c'est à l'occasion des débats devant le Sénat,
05:02 par la voie d'un amendement,
05:06 qu'il a été ajouté la condition de régularité du séjour
05:11 du justiciable étranger pour bénéficier de l'aide juridictionnelle.
05:16 Aide juridictionnelle, dont je rappellerai
05:19 qu'elle tend, ainsi qu'il résude de l'article 1er
05:23 de ce qui deviendra la loi du 10 juillet 1991,
05:27 elle tend à offrir aux personnes physiques
05:30 dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leur droit
05:33 la possibilité de bénéficier de cette aide.
05:37 Lors des débats, je citerai le propos du sénateur René-Georges Lorrain.
05:42 Le texte que nous propose le gouvernement,
05:45 qui à l'époque ne prévoyait pas de régularité de séjour,
05:48 est tout à fait inquiétant.
05:51 Personne ne peut nier, je le répète après d'autres,
05:54 que ce nouvel accès à l'aide juridictionnelle s'adressera en premier chef
05:57 aux immigrés qui sont les plus pauvres.
06:00 Ces derniers ont certes droit à la justice de notre pays,
06:03 qui a toujours donné l'exemple des droits de l'homme.
06:06 Nous n'avons sur ce point aucune leçon à recevoir,
06:09 mais il ne faudrait pas que ce nouveau droit favorise l'immigration clandestine,
06:12 preuve de la négation du droit et de la non-application de la loi.
06:15 Ces propos sont édifiants.
06:18 On voit mal en quoi le bénéfice de l'aide juridictionnelle
06:21 constituerait un appel d'air à l'immigration.
06:24 Nous avons donc un mérite, nous rappeler que les personnes
06:27 en situation irrégulière sont aussi les plus démunies
06:30 au regard de l'accès à la justice.
06:33 Et donc plus de 30 ans après l'adoption de la loi du 5 avril 1991,
06:36 vous avez enfin l'occasion de confirmer l'analyse d'Horinalet,
06:39 alors garde des Sceaux, lors des débats,
06:42 et de Charles Lederman, sénateur,
06:45 qui s'était opposé à cet amendement.
06:48 Le premier rappelait, qu'est Angos,
06:51 un droit fondamental d'accéder aux tribunaux.
06:54 Le second opposait l'inconstitutionnalité de cet amendement.
06:57 Il vous est donc demandé aujourd'hui
07:00 de censurer cette disposition, car comme à l'époque
07:03 le soulignait le garde des Sceaux,
07:06 il est question de l'accès au juge, de l'effectivité de l'accès au juge.
07:09 Faut-il rappeler que la faculté pour chacun
07:12 de faire reconnaître et respecter ses droits devant les juridictions
07:15 est une composante essentielle de l'état de droit.
07:18 Je vous ajoutise que de manière remarquable, vous avez rattaché
07:21 à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme
07:24 en relation avec l'exigence de la garantie effective des droits.
07:27 L'inconstitutionnalité de cette disposition,
07:33 précisément la condition de régularité de séjour,
07:36 est avérée au regard tout d'abord du principe
07:39 d'égalité devant la loi.
07:42 Elle instaure en effet une différence de traitement
07:45 entre les personnes qui sont en situation régulière
07:48 et les étrangers en situation irrégulière,
07:51 alors même qu'ils seraient partis à un litige de même nature
07:54 et auraient des ressources identiques.
07:57 Pourtant, l'objet de la loi, je l'ai rappelé,
08:00 c'est de garantir les conditions d'accès aux tribunaux.
08:03 Dans ces conditions, que cette différence soit opérée
08:06 en considération d'une différence de situation
08:09 ou que cette différence soit opérée en raison d'un intérêt général.
08:12 Et quel serait un intérêt général
08:15 qui justifierait que des étrangers,
08:18 même en situation irrégulière,
08:21 ne bénéficieraient pas de l'aide juridictionnelle garantie
08:24 de leur accès effectif au juge ?
08:27 En toute hypothèse donc, l'objet de la loi
08:30 ne permet pas de justifier une telle différence.
08:33 Il n'y a aucun rapport, aucun rapport
08:36 entre l'accès au juge et la régularité de séjour.
08:39 La violation de l'article 6
08:42 de la Déclaration des droits de l'homme est patente.
08:45 Unconstitutionnalité, ensuite, au regard du principe
08:48 d'égalité devant la justice, fondée sur la combinaison
08:51 entre l'article 6 précité et l'article 16
08:54 de la Déclaration des droits de l'homme,
08:57 car l'étranger qui réside habituellement en France,
09:00 quand bien même il ne serait pas titulaire d'un titre de séjour,
09:03 peut néanmoins acquérir un certain nombre de droits
09:06 et d'un certain nombre de droits,
09:09 et bien évidemment, il y a un certain nombre
09:12 de droits qui sont d'une manière ou d'une autre
09:15 dotés de valeurs constitutionnelles.
09:18 La liberté de mariage.
09:21 Liberté de mariage qui se pose, avez-vous déclaré,
09:24 à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger
09:27 fasse obstacle par lui-même au mariage de l'intéressé.
09:30 Cette liberté de se marier s'accompagne
09:33 de la liberté de l'homme, car on sait que les partis
09:36 sont tenus en principe de constituer avocats
09:39 devant le tribunal judiciaire.
09:42 Et donc, bien que dépourvus d'un titre de séjour,
09:45 des étrangers résidant habituellement en France
09:48 peuvent acquérir des biens, conclure des contrats
09:51 et être victimes d'accidents de la circulation,
09:54 en forme de situation ou d'actes qui font naître des droits
09:57 protégés par la Déclaration de 1789
10:00 sur la propriété de la liberté contractuelle,
10:03 du principe de responsabilité et du principe de réparation.
10:06 La loi, plus précisément, accorde également
10:09 un certain nombre de droits spécifiques
10:12 aux travailleurs qui ne disposent pas
10:15 ou ne disposeraient plus de titre de séjour.
10:18 Je laisse la parole à mon confrère,
10:21 Xavier Courteil, pour poursuivre sur ce point.
10:24 Merci, Maître.
10:27 J'ai oublié, je vous prie de m'en excuser,
10:30 d'indiquer que vous étiez avocate au Conseil.
10:33 Maintenant, Maître Courteil, qui est avocat par haut de Paris,
10:36 qui représente, comme vous-même,
10:39 Messieurs Diab-Bessi-Libé, Chetafoufana,
10:42 Bakary-Boaguile, Parti Récurrente et d'autre part,
10:45 la Fédération solidaire, unitaire et démocratique sud,
10:48 Commerces et services, solidaires et neuf partis à l'instance.
10:51 Maître Courteil.
10:54 Madame, Messieurs du Conseil, nous sommes ici, effectivement,
10:57 pour vous demander de prononcer une inconstitutionnalité,
11:00 mais aussi pour mettre fin à un paradoxe qui est particulièrement injuste.
11:03 Je prends là-dessus les suites de ma consoeur
11:06 et je voudrais vous parler spécifiquement de la question du droit du travail,
11:09 puisque si votre décision a vocation à irriguer bien au-delà
11:12 du seul droit du travail, comme ça vous a été exposé,
11:15 c'est quand même le cœur de la saisine et de la démarche
11:18 des trois salariés qui sont à l'origine de cette QPC.
11:21 Vous avez des salariés qui se retrouvent dans une situation
11:24 qui ont des droits qui leur sont accordés, qui sont équivalents
11:27 à ceux des autres travailleurs et, je tiens aussi à le souligner,
11:30 des obligations qui sont les mêmes que les autres travailleurs,
11:33 mais qui n'ont pas les moyens d'obtenir l'effectivité
11:36 et l'application effective des droits, puisqu'ils n'ont pas
11:39 un égal accès à la justice.
11:42 Je vous dis qu'ils ont les mêmes obligations,
11:45 c'est-à-dire qu'ils ont l'obligation de se soumettre
11:48 au pouvoir de direction de l'employeur et ils ont l'obligation
11:51 d'effectuer leurs tâches de travail sous la direction
11:54 de cet employeur. Et notre droit, et c'est heureux,
11:57 leur accorde également les mêmes droits, que ce soit la santé,
12:00 la sécurité, le droit au repos, le code pénal s'applique,
12:03 le droit pénal du travail s'applique aux salariés
12:06 en situation irrégulière comme aux salariés français
12:09 ou en situation régulière, et c'est heureux.
12:12 À ce titre, le harcèlement moral et la discrimination,
12:15 par exemple, est prohibé. On n'a pas plus le droit
12:18 de harceler un salarié parce qu'il est en situation
12:21 irrégulière que parce qu'il est en situation régulière.
12:24 J'ajoute que cette question d'égalité de droit
12:27 entre salariés en situation régulière
12:30 et irrégulière a été consacrée par la Cour de cassation
12:33 qui a bien rappelé que ce soit les dispositions
12:36 des conventions collectives ou les dispositions légales,
12:39 elles s'appliquent de la même manière aux salariés.
12:42 Donc là, on peut dire que notre dispositif juridique
12:45 est absolument louable et doit être salué.
12:48 Un salarié, quand il produit une prestation de travail
12:51 correcte, il a le droit au même droit, quelle que soit
12:54 sa situation administrative. Là où il y a une véritable
12:57 difficulté, là où je parle de paradoxe, c'est que
13:00 ces droits qu'on lui accorde d'une main, on ne lui permet pas
13:03 de l'autre de les assurer de manière effective puisqu'on ne lui
13:06 permet pas d'avoir accès aux juridictions en l'espèce
13:09 aux juridictions prud'homales de manière effective.
13:12 Là, je fais une petite, bien sûr qu'on est ici pour faire
13:15 uniquement du droit, mais pour vous parler très rapidement
13:18 de la situation des trois salariés qui vous saisissent.
13:21 Ce sont des salariés qui sont éboueurs, qui travaillent
13:24 sur la même poste et la même tournée depuis de longs mois,
13:27 voire de nombreuses années, en enchaînant les contrats
13:30 précaires, c'est-à-dire contrat d'intérim et CDD,
13:33 et la loi leur garantit, comme un salarié en situation
13:36 régulière, la primauté du CDI, c'est-à-dire à partir du moment
13:39 où la fonction qu'ils occupent, ils l'occupent de manière constante,
13:42 ils ont le droit à une stabilité, à se projeter et donc
13:45 à être titulaire d'un CDI et non de contrat précaire.
13:48 Or, on est plus tenté peut-être,
13:51 et c'est pour ça que la loi doit être stricte,
13:54 à ne pas respecter les droits d'un salarié qui ne pourra pas
13:57 aller au conseil de prud'homme qu'à ne pas respecter les droits
14:00 d'un salarié qui peut le faire. Et les salariés
14:03 qui vous saisissent ne peuvent pas le faire de manière effective.
14:06 Alors je sais qu'on va m'opposer le fait qu'il existe une exception
14:09 en matière prud'hommale, qui n'existe pas forcément dans les autres
14:12 matières civiles, qui est la question du défenseur syndical. Mais il faut
14:15 avoir à l'esprit que l'aide juridictionnelle, elle ne sert pas
14:18 uniquement à rémunérer l'avocat classique, on va dire,
14:21 elle sert aussi à se saisir d'un commissaire de justice.
14:24 Le commissaire de justice, il a un véritable coup
14:27 et il est indispensable en réalité dans la procédure
14:30 et il permet l'accès effectif parce que c'est lui qui permet
14:33 de signifier les déclarations d'appel, c'est lui qui permet de faire
14:36 citer un employeur qui ne comparaît pas et c'est lui
14:39 qui permet de procéder à l'exécution forcée
14:42 lorsque c'est nécessaire. Mais aussi, ce que ne peut pas
14:45 faire le défenseur syndical et ce à quoi donne accès
14:48 l'aide juridictionnelle, c'est la question du recours en cassation.
14:51 La question du recours en cassation qui est absolument fondamentale
14:54 sur ce dossier qui par exemple pourrait paraître être un dossier assez simple.
14:57 Pour moi, il y a des questions juridiques, techniques qui mériteront
15:00 peut-être d'être tranchées, c'est-à-dire qu'il y a une limite légale
15:03 de 18 mois pour un contrat précaire, mais quand on enchaîne
15:06 CDD intérim, est-ce que cette limite de 18 mois
15:09 à vocation va s'appliquer ou est-ce qu'on repart à zéro à chaque fois ?
15:12 Et ça, c'est des questions qui devront être tranchées, je pense,
15:15 au plus haut niveau et en l'absence
15:18 d'aide juridictionnelle pour le recours à la cassation,
15:21 les salariés concernés ne pourront jamais faire trancher cette question
15:24 et n'auront pas un accès équivalent à des salariés
15:27 qui disposent de papier. Je passe très vite
15:30 sur la question de l'exception des mineurs, puisque les salariés
15:33 sont majeurs. Il y a des exceptions dans la loi
15:36 par matière, mais qui concernent la matière pénale et qui
15:39 excluent justement la matière civile et la matière prud'homale.
15:42 Et en fait, il reste une exception prévue par la loi dont il faut discuter
15:45 qui est une situation particulièrement
15:48 digne d'intérêt. Alors effectivement, le travailleur
15:51 sans papier peut se voir octroyer l'aide juridictionnelle
15:54 si on estime que sa situation est particulièrement
15:57 digne d'intérêt. Qu'est-ce que ça veut dire ? Il n'y a pas de décision,
16:00 il n'y a pas de construction prétorienne autour de cette notion.
16:03 C'est une notion qui est appliquée par les bureaux d'aide juridictionnelle de manière
16:06 parfaitement discrétionnaire et qui laisse place aux plus grands arbitraires.
16:09 Donc ce n'est pas une exception qui peut être satisfaisante.
16:12 Je vous donne un exemple qui est extrêmement concret. C'est qu'aujourd'hui, nous avons
16:15 saisi dans le cadre de ces dossiers le bureau d'aide juridictionnelle de Bobigny,
16:18 de Créteil, de Paris, d'Evry. Vous notez qu'il y a 4
16:21 bureaux d'aide juridictionnelle qui sont saisis et que vous avez 3 requérants devant vous.
16:24 Parce qu'il y a un dossier équivalent, c'est-à-dire qu'on met les mêmes choses
16:27 dans les dossiers. Les bulletins de paix, les contrats d'intérim,
16:30 les CDD et les noms changent,
16:33 les bureaux d'aide juridictionnelle changent, mais c'est la même problématique
16:36 juridique, c'est le même enjeu.
16:39 Et aujourd'hui, Bobigny, Créteil et Paris
16:42 ont dit non et Evry a dit "ok, c'est particulièrement
16:45 digne d'intérêt". Mais il n'y a absolument
16:48 aucune prévisibilité et en réalité l'inégalité
16:51 de traitement est patente parce que vous avez
16:54 des salariés sans-papiers qui vont être
16:57 soumis à une appréciation particulièrement arbitraire
17:00 et qui, au compte-goutte, sans qu'on puisse maîtriser quoi que ce soit,
17:03 vont avoir l'accès effectif au droit pour certains
17:06 et se voir refuser ce même accès effectif au droit
17:09 pour certains. J'attire votre attention que nous avons
17:12 également fondé cette
17:15 anticonstitutionnalité pas que sur l'égalité de traitement mais aussi
17:18 sur le droit en recours effectif. Effectivement, l'effectivité
17:21 c'est aussi avoir des armes équivalentes à celles
17:24 de son adversaire. Vous noterez que par exemple,
17:27 dans le cadre de ce dossier, les deux sociétés sont bien entendu assistées
17:30 d'un avocat. Si demain, les trois requérants
17:33 ne bénéficiaient pas de l'aide juridictionnelle, ils n'auraient pas
17:36 cette arme équivalente à opposer à leurs adversaires.
17:39 Donc, pour l'ensemble de ces éléments,
17:42 je vous demande d'estimer que cette
17:45 condition de régularité est contraire aux articles 6 et 16
17:48 de la Déclaration des droits de l'homme. Merci Maître.
17:51 Alors maintenant, nous allons écouter
17:54 Maître Florence Farabette-Rouvier qui est
17:57 avocate au barreau de Paris, qui représente la société
18:00 Mister Thème Gestion Industrie
18:03 partie à l'instant dans les mêmes affaires. Maître.
18:06 Merci Monsieur le Président. Madame, Messieurs du Conseil,
18:09 rapidement quelques observations
18:12 à soutien des intérêts d'un société Mister Thème.
18:15 Par l'intermédiaire de leur QPC, les trois requérants
18:18 souhaitent que le Conseil juge contraire à la Constitution
18:21 la loi de 1991 relative à l'aide juridictionnelle
18:24 lorsqu'elle accorde son bénéfice aux personnes dont la
18:27 présence sur le territoire national est régulière.
18:30 Or, c'est oublié d'une part les conditions d'attribution
18:33 de l'aide juridictionnelle et d'autre part les autres
18:36 moyens d'accès à la justice mis à leur disposition.
18:39 Les dispositions contestées ne méconnaissent ni
18:42 le principe d'égalité devant la loi et devant la justice,
18:45 ni le droit au procès équitable. En effet,
18:48 vous le savez, l'aide juridictionnelle n'est qu'un moyen,
18:51 un canal parmi tant d'autres, qui permet d'assurer la défense
18:54 des droits. Le refus d'accorder cette aide
18:57 à certains justiciables n'atteint pas leur droit d'accès
19:00 devant la justice. En outre, la loi de 1991,
19:03 on le sait, prévoit des exceptions, exceptions existantes
19:06 et qu'il ne faut pas omettre. Je ne les rappellerai pas, bien
19:09 évidemment, puisque vous les connaissez. Donc, également,
19:12 le principe d'égalité devant la justice permet aux législateurs
19:15 de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits,
19:18 les situations, les personnes, et tout en veillant
19:21 à ce que ces différences soient justifiées et que
19:24 le législateur ait prévu des garanties. Il n'est pas tant
19:27 qu'en vertu des règles issues du Code du Travail,
19:30 des salariés étrangers en situation irrégulière ne sont pas
19:33 placés dans une situation équivalente aux salariés étrangers
19:36 dans une situation régulière. Il en est de même,
19:39 d'ailleurs, dans d'autres secteurs. Ainsi, au-delà des exceptions
19:42 qui sont prévues légalement, les salariés peuvent bénéficier
19:45 de garanties équivalentes. Je rappellerai l'article R
19:48 1453-2 du Code du Travail, concernant la procédure
19:51 spécifiquement prud'homale, puisque nous sommes dans un litige
19:54 initialement prud'homale, que les parties ont la faculté
19:57 de se faire assister par un salarié de la même branche
20:00 d'activité, par un délégué syndical ou encore
20:03 un conjoint. Donc les salariés en situation
20:06 irrégulière peuvent aussi, bien évidemment, bénéficier
20:09 des avocats des associations de défense des étrangers
20:12 telles que le JISTI, France Terre d'Asile, etc.
20:15 Et en l'espèce, les salariés étaient assistés d'un délégué
20:18 syndical, ce qui prouve bien l'effectivité des règles
20:21 de défense, autre que l'aide juridictionnelle.
20:24 Donc je considère, au vu de ces éléments, que le législateur n'a pas
20:27 porté atteinte au principe d'égalité devant la loi et au droit
20:30 au procès équitable, tel que garanti par la déclaration
20:33 des droits de l'homme et du citoyen du 1789.
20:36 Donc la loi relative à l'aide juridictionnelle est conforme
20:39 à la Constitution. Voilà, j'ai terminé mes observations.
20:42 Merci beaucoup, Maître.
20:45 Alors, maintenant, nous allons écouter Maître
20:48 Loubert, qui est avocat baro de Paris,
20:51 qui représente la société Propolis, partie à l'instance
20:54 dans les trois affaires maîtres.
20:57 Je vous remercie, M. le Président, Mme, Messieurs les membres
21:03 du Conseil constitutionnel.
21:06 La loi de 1991 vous est
21:09 soumise aujourd'hui.
21:12 Et elle n'encourt pas, à mon sens, votre censure.
21:15 On vous dit qu'elle serait mal construite
21:18 et qu'elle serait même déshonorante, infamante.
21:21 Elle est mesurée, équilibrée,
21:24 nuancée et respectueuse
21:27 des deniers publics, ce qui n'est pas
21:30 la moindre de ses qualités.
21:33 Les demandeurs évoquent, vous disent, il y aura un problème
21:36 d'accès aux juridictions et d'accès à la loi nationale.
21:39 Le socle, vous l'avez compris de ce que vous disiez, c'est
21:42 le droit social, en tout cas ici.
21:45 Chaque jour, les conseils des prud'hommes
21:48 traitent sans difficulté aucune d'accès
21:51 les dossiers relatifs à des
21:54 travailleurs sans papier.
21:57 Chaque jour, les conseils des prud'hommes, il n'y a pas d'exception
22:00 d'irrecevabilité ou autre, les travailleurs sans papier demandent
22:03 la protection du droit national et pour qu'il n'y ait
22:06 aucune ambiguïté, il est juste et il est
22:09 heureux qu'il en soit ainsi.
22:12 Il n'y a pas de difficulté d'accès.
22:15 Il y a un sujet
22:18 qui est différent sur le financement.
22:21 La collectivité doit-elle
22:24 prendre en charge toutes les actions de tous
22:27 les travailleurs sans papier indistinctement ?
22:30 C'est ça le sens de la démarche ici.
22:33 Alors à notre sens, non.
22:36 La loi de 91
22:39 est-elle restrictive,
22:42 pingre ou franco-française ?
22:45 Après j'allais dire franchouillarde.
22:48 Elle est ouverte et elle est relativement
22:51 généreuse.
22:54 Aides juridictionnelles aux ressortissants
22:57 français, certes, bien sûr.
23:00 Aides juridictionnelles aux ressortissants étrangers,
23:03 membres de pays de l'Union européenne,
23:06 accord de réciprocité.
23:09 Aides juridictionnelles aux étrangers
23:12 hors Union européenne, pour peu qu'il y ait
23:15 des liens de résidence réguliers
23:18 avec la France. Et deux extensions
23:21 pour les mineurs au titre de la protection
23:24 de l'enfance et pour toute personne
23:27 étranger hors Union européenne irrégulier,
23:30 toute personne dont la situation
23:33 est digne d'intérêt sur un plan humain.
23:36 Alors ce qu'on vous dit, c'est que
23:39 cette exception, ce serait l'arbitraire.
23:42 Ça fonctionnerait mal, ce serait l'arbitraire.
23:45 C'est une souplesse, ce n'est pas l'arbitraire,
23:48 c'est une souplesse supplémentaire.
23:51 Et si les bureaux d'aides juridictionnelles
23:54 méritent des ajustements, fonctionnent mal ici et là,
23:57 on peut discuter de tout cela. Il faut qu'il y ait un accès.
24:00 Mais ce n'est pas pour autant, parce qu'il y aurait
24:03 des difficultés dans certains bureaux d'aides juridictionnelles,
24:06 pour appliquer cette exception, qu'il faut
24:09 remettre en cause la loi de 1991 et puis dire
24:12 que le législateur se serait fourvoyé
24:15 et serait offensant pour notre pays.
24:18 Cette loi, elle est équilibrée, parce que
24:21 les conditions d'ouverture ne sont pas si restrictives
24:24 comme ce qu'on veut vous dire.
24:27 Donc, à mon sens, il n'y a rien d'inconstitutionnel
24:30 dans le fait de ne pas considérer
24:33 que la collectivité va financer
24:36 toutes les actions indistinctement de tous les travailleurs
24:39 sans papiers qui sont sur notre territoire
24:42 et qui œuvrent, je n'en dis ce qu'on vient pas,
24:45 à notre économie.
24:51 Donc, pas de souci d'accès aux juridictions ou à la loi
24:54 de manière effective.
24:57 Y aurait-il un problème de rupture d'égalité ?
25:00 Rupture d'égalité, pour peu
25:03 qu'on soit dans des situations identiques ou comparables.
25:06 Ça n'est offensant pour personne
25:09 que de dire que si on est dans une situation régulière
25:12 sur le territoire national, on n'est pas placé dans une situation
25:15 identique ou comparable à celui qui est dans une situation irrégulière
25:18 sur le territoire national.
25:21 Et dans les dossiers qui nous concernent, si vous voulez,
25:24 les personnes sont arrivées, et puis tant mieux si elles parviennent
25:27 à régulariser, etc., mais avec des faux papiers.
25:30 Donc l'acte d'entrée ici, ce sont des faux papiers.
25:33 Les situations ne sont pas totalement identiques.
25:36 Qu'il puisse y avoir quelques divergences sur l'attribution
25:39 de l'aide juridictionnelle, même s'il y a des exceptions d'ouverture,
25:42 ça ne paraît pas offensant ou infondé.
25:46 Donc je pense, M. le Président, M. le Président,
25:49 Madame la Messieure du Conseil, que le législateur en 1991
25:52 a fait preuve de bien plus de discernement
25:55 que ce qu'on a voulu vous décrire ici,
25:58 et vous pourrez reprendre évidemment ce texte.
26:01 Donc je pense qu'il n'est ni judicieux
26:04 ni fondé en droit
26:07 de considérer que ce texte de 1991
26:10 serait un texte de justice.
26:13 Ce texte de 1991 serait contraire à la Constitution.
26:17 La démarche qui est initiée présente des excès,
26:21 si nous l'appliquons dans son état d'esprit.
26:27 Et je pense qu'à ces excès, en tout cas,
26:30 c'est ce qu'il est demandé à votre Conseil,
26:33 vous préférez la sagesse dont a fait preuve
26:36 le législateur en 1991.
26:39 - Merci, M. le Président.
26:42 Alors maintenant, nous allons écouter
26:45 M. Thomas Lionquan, qui est avocat au Conseil,
26:48 qui représente la Conférence des Bâtonniers de France
26:51 et le Conseil national des barreaux, parti intervenant.
26:54 Maître. - Merci, M. le Président.
26:57 M. le Président, Madame, Messieurs les membres
27:00 du Conseil constitutionnel, beaucoup a déjà été dit
27:03 par mes consoeurs et mes confrères avant moi.
27:06 J'interviens aujourd'hui devant vous au nom du Conseil national
27:09 des barreaux et de la Conférence des Bâtonniers de France
27:12 au soutien de la QPC qui vous a été transmise.
27:15 L'exclusion de principe des salariés étrangers
27:18 en situation irrégulière du bénéfice de l'aide juridictionnelle
27:21 porte atteinte au principe d'égalité des justiciables
27:24 devant la loi et au droit à un procès équitable.
27:27 Et ces principes auxquels il est porté atteinte
27:30 justifient l'intervention devant vous du CNB
27:33 et de la Conférence des Bâtonniers.
27:36 Je vous le rappelle, le CNB est un établissement d'utilité publique
27:39 en charge de la gestion d'un service public
27:42 et chargé de représenter la profession d'avocat
27:45 notamment auprès des pouvoirs publics.
27:48 Il lui appartient notamment, c'est l'article 21-1
27:51 de la loi du 31 décembre 1971, d'assurer l'effectivité
27:54 de l'accès au service public de la justice
27:57 en développant divers outils dans l'intérêt
28:00 des usagers et de la profession.
28:03 Le CNB est, vous le savez, il s'agit d'une association de loi de 1901
28:06 qui réunit les barreaux de l'Hexagone et d'Outre-mer.
28:09 Vous avez plusieurs fois admis
28:12 leur intervention volontaire sur des questions d'accès au juge
28:15 comme celle qui nous réunit aujourd'hui.
28:18 Les respects des droits de la défense,
28:21 l'accès au juge et la possibilité pour les plus démunis
28:24 d'obtenir gratuitement l'assistance d'un avocat
28:27 sont des principes essentiels de la profession.
28:30 Et l'aide juridictionnelle est une composante essentielle
28:33 du droit à procès équitable et de l'accès effectif au juge.
28:36 Je vais même plus loin.
28:39 L'aide juridictionnelle est indispensable
28:42 à la réalisation par les avocats que nous sommes
28:45 de nos missions dans le respect des principes essentiels
28:48 de la profession que sont notamment les principes
28:51 d'humanité, d'égalité, de non-discrimination et d'indépendance.
28:54 Ces principes essentiels que le CNB a mis en place
28:57 et que la Conférence des Bâtonniers a à cœur de défendre
29:00 tous les jours justifient leur présence
29:03 aujourd'hui devant vous.
29:06 Sur l'absence de conformité à la Constitution
29:09 des dispositions critiquées, ma consoeur et mon confrère
29:12 qui se sont exprimés au nom des salariés
29:15 vous ont, j'en suis sûr, déjà convaincus
29:18 et j'ajouterai donc simplement quelques mots au leur.
29:21 Ainsi qu'ils vont déjà parfaitement expliquer
29:24 la différence de situation selon que l'étranger réside
29:27 ou non de manière régulière en France
29:30 ne saurait être justifié par une différence de situation
29:33 qui serait en rapport avec l'objet de la loi
29:36 qui est précisément d'assurer à chacun
29:39 un droit à un recours effectif et en ce sens
29:42 la disposition critiquée et donc bien contraire
29:45 au principe d'égalité devant la justice.
29:48 Cette disposition porte également atteinte au droit
29:51 à un procès équitable qui comporte le droit
29:54 d'accès au juge tout particulièrement protégé
29:57 par les dispositions internes et européennes.
30:00 L'aide juridictionnelle, nous dit le Conseil d'Etat,
30:03 a pour objet de rendre effectif le principe
30:06 à valeur constitutionnelle du droit d'exercer un recours
30:09 et de garantir l'effectivité du droit au recours juridictionnel
30:12 pour les personnes dont les ressources sont insuffisantes
30:15 pour faire valoir leur droit en justice.
30:18 C'est une composante essentielle du droit à un procès équitable
30:21 et de l'accès effectif au juge et de votre côté,
30:24 vous n'êtes pas en risque puisque vous veillez
30:27 à ce qu'il ne soit pas porté d'atteinte substantielle
30:30 au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif.
30:33 Et vous décidez que si le législateur peut prendre
30:36 à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques,
30:39 il lui appartient de respecter les libertés
30:42 et les droits fondamentaux de valeur constitutionnelle
30:45 des personnes reconnues à tous ceux qui résident
30:48 sur le territoire de la République.
30:51 Or, en l'absence d'aide juridictionnelle,
30:54 les requérants en situation irrégulière se voient privés
30:57 de la possibilité d'accéder au juge et de faire valoir leur droit
31:00 et une assistance juridique s'impose tout particulièrement
31:03 lorsqu'il s'agit, comme en espèce,
31:06 de questions relatives aux droits du travail.
31:09 L'inconstitutionnalité de la disposition critiquée devant vous
31:12 est d'autant plus constituée lorsque l'on considère
31:15 la particulière vulnérabilité des étrangers en situation irrégulière,
31:18 à plus forte raison d'ailleurs,
31:21 dans leur rapport de travail avec leur employeur.
31:24 Ces salariés ont, en effet et par définition,
31:27 été engagés dans des conditions illégales,
31:30 les employeurs s'étant déjà,
31:33 dès la conclusion du contrat de travail,
31:36 affranchis de l'interdiction de recruter des travailleurs
31:39 employeurs ayant donc commis une infraction pénale
31:42 punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3000 euros.
31:45 Ces conditions de recrutement initiales
31:48 créent immédiatement un rapport de travail
31:51 puis ensuite un rapport juridictionnel
31:54 totalement déséquilibré entre l'employeur et son salarié
31:57 en situation irrégulière. Or, on vous l'a dit,
32:00 même en situation irrégulière, les salariés ont des droits
32:03 à faire valoir et au premier chef, ceux garantis
32:06 par les dispositions du Code du travail spécifiques
32:09 aux travailleurs étrangers en situation irrégulière
32:12 qui sont, dans le Code du travail, assimilés
32:15 aux salariés en situation régulière. En conséquence,
32:18 et contrairement à ce qui vient de vous être dit
32:21 de l'autre côté de la barre, devant la loi,
32:24 les étrangers, qu'ils aient été recrutés en situation régulière ou non,
32:27 sont bien placés dans la même situation.
32:30 Il y a donc une incohérence à ne pas leur permettre
32:33 de bénéficier de l'aide juridictionnelle lorsqu'ils souhaitent
32:36 engager un litige prud'homale et cette incohérence
32:39 porte une atteinte substantielle à leur droit
32:42 d'exercer un recours juridictionnel effectif.
32:45 Et la circonstance que le salarié puisse
32:48 faire appel à un défenseur syndical ne vient pas
32:51 purger le texte de son inconstitutionnalité.
32:54 Sous prétexte qu'il est étranger
32:57 en situation irrégulière, un salarié ne doit
33:00 pas être privé de la possibilité de faire le choix
33:03 de saisir un avocat en formant une demande d'aide juridictionnelle.
33:06 Le recours à un défenseur syndical
33:09 ne saurait être mis sur le même pied
33:12 que le recours à un avocat et cela d'autant plus
33:15 qu'ici l'appel à un défenseur syndical serait non pas
33:18 choisi, mais contraint.
33:21 Au domerant, on vous l'a dit, la QPC dont vous êtes
33:24 saisie aujourd'hui a une portée plus large que le droit prud'homale
33:27 et concerne aussi des litiges,
33:30 notamment civils, dans lesquels un défenseur syndical
33:33 ne peut pas intervenir.
33:36 Ce qui pose plus fondamentalement la question
33:39 de la rupture d'égalité entre les étrangers en situation irrégulière
33:42 selon la nature du litige qu'ils entendent porter
33:45 devant une juridiction. En effet, rien ne vient
33:48 à justifier que ces étrangers en situation irrégulière puissent
33:51 dans certaines matières limitativement
33:54 être non pas innumérés, bénéficier des juridictionnelles
33:57 ainsi que prévoit le quatrième alinéa de l'article 3
34:00 de la loi du 10 juillet 1991,
34:03 mais qu'ils ne puissent pas en bénéficier dans le cadre d'un litige
34:06 prud'homale ou de tout autre litige, on vous a parlé
34:09 d'un litige relatif à un mariage ou à un divorce
34:12 qui ne serait pas prévu par l'alinéa précitée.
34:15 Au regard donc de l'objectif poursuivi
34:18 qui, encore une fois, tente à
34:21 donner le droit d'accéder à un tribunal,
34:24 les étrangers en situation irrégulière sont placés dans la même situation
34:27 sans qu'aucune différence objective
34:30 puisse être opposée selon la nature du contentieux en présence
34:33 et c'est la raison pour laquelle je vous demande
34:36 tant au nom du CNB que de la Conférence des badionnettes France
34:39 de bien vouloir faire droit à la QPC qui vous a été transmise.
34:42 Merci Maître. Alors maintenant nous écoutons
34:45 pour le Premier ministre M. Canguilhem.
34:49 Merci M. le Président.
34:52 Madame, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
34:55 le deuxième alinéa de l'article 3 de la loi du 18
34:58 1991, relatif à la juridique,
35:01 subordonne le bénéfice de la juridictionnelle à la régularité
35:04 de leur séjour pour les personnes de nationalité étrangère.
35:07 Cela a déjà été largement dit,
35:10 il est soutenu que cette exclusion de principe
35:13 des personnes en situation irrégulière
35:16 méconnaît le principe constitutionnel d'égalité
35:19 devant la justice et le droit à un procès équitable.
35:22 Vous avez jugé dans votre décision 325 d'essai
35:25 du 13 août 1993
35:28 que les étrangers qui résident et travaillent régulièrement
35:31 sur le territoire français et ceux qui ne satisfont pas
35:34 à ces mêmes conditions de régularité ne sont pas
35:37 dans la même situation au regard de l'attribution de prestations.
35:40 En l'espèce, la différence de traitement
35:43 qui résulte des dispositions contestées repose bien
35:46 sur une différence de situation.
35:49 Et si effectivement elle a un objet plus large,
35:52 la présence du QPC est particulièrement orientée
35:55 vers la différence de traitement existant pour le bénéfice
35:58 de la juridictionnelle entre travailleurs selon la régularité
36:01 de leur séjour. Et il est soutenu que
36:04 les travailleurs étrangers qui ne sont pas détenteurs
36:07 d'une autorisation de travail bénéficiant
36:10 d'un certain nombre de droits en application des articles
36:13 L82-52-1 et L82-52-2 du Code du travail,
36:16 alors ils devraient également
36:19 pouvoir bénéficier de l'aide juridictionnelle.
36:22 Mais toujours en référence au Code du travail,
36:25 l'article L82-51-1 de ce code interdit
36:28 l'emploi de travailleurs étrangers
36:31 dépourvu de titres les autorisant à exercer
36:34 une activité salariée en France.
36:37 Les étrangers sont donc placés pour l'accès à l'emploi
36:40 dans une situation différente en rapport avec l'objet de la loi
36:43 en fonction de la régularité de leur séjour.
36:46 Cette assimilation du salarié étranger
36:49 en situation irrégulière à l'étranger régulièrement engagé
36:52 qui est invoquée par les requérants
36:55 ne vaut qu'au regard
36:58 des obligations de l'employeur
37:01 à l'égard de son salarié, obligations
37:04 limitativement énumérées par les articles précités du Code du travail.
37:07 Ces dispositions, donc des articles L82-52-1
37:10 et L82-52-2 du Code du travail
37:13 ne donnent pas pour effet de mettre
37:16 les étrangers régulièrement employés et ceux qui ne le sont pas
37:19 dans une situation équivalente.
37:22 Par ailleurs,
37:25 et contrairement à ce qui est soutenu,
37:28 les personnes étrangères ne sont pas exclus du bénéfice
37:31 de l'aide juridictionnelle et le législateur
37:34 a assuré, a complété ce deuxième linéa
37:37 de garantie permettant, dans certaines hypothèses,
37:40 aux personnes en situation irrégulière de bénéficier
37:43 de l'aide juridictionnelle.
37:46 C'est le cas du quatrième linéa de cet article 3
37:49 qui dresse une liste limitative
37:52 d'hypothèses dans lesquelles les étrangers en situation irrégulière
37:55 peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle.
37:58 C'est également le cas du troisième linéa
38:01 de cet article 3 dont il a déjà été question
38:04 et qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier
38:07 de l'aide juridictionnelle, nous citons, lorsque leur situation
38:10 apparaît particulièrement digne d'intérêt
38:13 au regard de l'objet du litige ou des poursuites
38:16 ou des charges prévisibles du procès.
38:19 Cette exception permet au bureau d'aide juridictionnelle
38:22 d'apprécier, in concreto,
38:25 au cas par cas, la nécessité d'accorder le bénéfice
38:28 de l'aide juridictionnelle au vu de la situation concrète du demandeur
38:31 et indépendamment de sa situation administrative.
38:34 Cette garantie, cette possibilité
38:37 offerte par le troisième linéa est donc bien
38:40 en lien direct avec l'objet de la loi sur l'aide juridictionnelle.
38:43 Par les dispositions contestées, le législateur n'a donc pas
38:46 procédé à des distinctions injustifiées
38:49 et n'a pas porté atteinte aux exigences
38:52 du principe d'égalité.
38:55 Et pour les mêmes raisons, en apportant des garanties
38:58 qui viennent d'être évoquées, qui permettent aux étrangers
39:01 en situation irrégulière de bénéficier effectivement de l'aide juridictionnelle
39:04 dans certains cas, le législateur n'a porté atteinte ni au droit
39:07 de la défense ni au droit au recours effectif.
39:10 Aucune exigence conscienne n'ayant été méconnue, je vous invite à déclarer
39:13 les dispositions du deuxième linéa de l'article 3
39:16 de la loi du 18 mai 1991, conformes à la constitution.
39:19 Merci M. Ganguilhem.
39:22 Alors, nous avons entendu des arguments de sens contraire.
39:25 Est-ce que tel ou tel de mes collègues
39:28 souhaitent poser une question ?
39:31 M. le conseiller Pillet.
39:34 Merci M. le Président.
39:37 Je voudrais vous poser une question à M. Courtaille.
39:40 Vous avez évoqué, c'est vraiment un titre de renseignement d'ailleurs,
39:43 vous avez évoqué dans l'affaire qui est
39:46 à la base de la QPC, cette situation particulière
39:49 où parmi les 4 demandeurs, il y en a 3
39:52 qui obtiennent l'aide et un qui ne l'obtient pas
39:55 venant de réagis différents.
39:58 La quatrième décision,
40:01 c'est-à-dire celle où il est obtenu l'aide,
40:04 comment est-elle motivée ?
40:07 A-t-elle une motivation structurée ?
40:10 Quelle est la motivation ?
40:13 C'est-à-dire que quand on a une décision du bureau d'aide juridictionnelle,
40:16 c'est sur une feuille A4 et il y a juste marqué "accorde", "n'accorde pas"
40:19 et c'est vraiment un document administratif qui nous sert
40:22 à obtenir notre anonymisation à l'issue de la plaidoirie.
40:25 Ce n'est absolument pas une décision juridictionnelle.
40:28 D'ailleurs c'est pour ça qu'on ne pouvait pas présenter la QPC devant le BAJ
40:31 et qu'on était obligé de la présenter devant le Conseil de Prodom
40:34 parce que ce n'est absolument pas une juridiction.
40:37 Elle nous rend un document administratif qui nous sert uniquement
40:40 à obtenir l'aide juridictionnelle mais qui ne contient aucune motivation
40:43 et qui n'est pas conçu pour contenir une motivation.
40:46 Ce n'est pas possible, même si le BAJ voulait le faire,
40:49 de motiver la décision. C'est pour ça que quand je vous dis
40:52 qu'elle tombe de manière arbitraire, c'est qu'il ne peut pas y avoir
40:55 un recueil de décisions qui nous explique ce qu'est une situation
40:58 particulièrement digne d'intérêt. C'est impossible.
41:01 Merci. Monsieur le Conseil.
41:04 J'ai une deuxième question cette fois-ci.
41:07 A-t-on ou peut-on chiffrer ou apprécier l'incidence budgétaire
41:13 qu'aurait l'extension du champ d'application de l'aide
41:17 si aucune condition tenant à la régularité du séjour ne figurait dans la loi ?
41:23 Monsieur Gaugui.
41:26 C'est une question que je m'étais posée.
41:29 Je vais essayer mais vraiment je ne vous garantis pas
41:33 que cette question puisse être apportée.
41:40 Pour une raison aussi, quittant au fait que ce bénéfice
41:45 étant pour l'instant fermé, il y a des demandes qui ne sont pas
41:48 forcément faites, donc il peut être aussi difficile de chiffrer
41:51 le nombre de demandes. Le seul chiffre que je peux vous donner
41:56 de manière globale, c'est sur l'augmentation du volume
41:59 et du coût de l'aide juridictionnelle.
42:03 Entre 2017 et 2022, nous sommes passés de 342,4 millions à 629 en 5 ans,
42:12 soit une augmentation annuelle de 13%.
42:15 Il n'y a pas d'élément qui me ferait penser que ce mouvement
42:20 d'augmentation cesse.
42:22 Monsieur le Conseil.
42:24 Cette augmentation tient à l'augmentation des demandes
42:29 ou à l'augmentation éventuellement de la déminisation par la demande ?
42:35 La réponse que je vais vous faire sera peut-être prolongée
42:39 par les avocats. Je la préciserai aussi dans l'éventuel
42:44 moment délibéré. Il me semble de manière certaine
42:47 qu'il y a aussi une augmentation des demandes sur la période.
42:52 Qui est liée en réalité à l'augmentation du volume
42:57 de requêtes dans certains domaines, notamment les domaines
43:02 dans lesquels le bénéfice de l'aide juridictionnelle
43:05 est accordé aux personnes en situation irrégulière
43:07 sur le fondement du quatrième aléa.
43:10 Mais si je comprends bien, ça ne permet pas de répondre
43:13 exactement à la question posée.
43:15 Nous aurons une note en délibéré.
43:17 D'accord. Merci beaucoup.
43:19 Oui, M. le conseiller Mézard.
43:22 Une demande de précision à M. Canguilhem pour m'éclairer davantage.
43:27 Est-ce que le salarié en situation irrégulière peut bénéficier
43:31 de l'aide juridictionnelle pour se constituer parti civil au pénal
43:34 contre son employeur qu'il a embauché irrégulièrement ?
43:38 Je ne veux pas dire de bêtises.
43:49 Spontanément, il me semble bien que non.
43:51 Je vérifierai et je vous propose de nourrir la note en délibéré
43:57 sur ce point également.
43:59 Merci. Autre question ? Non ?
44:03 Je reçois d'autres. Très bien.
44:05 Alors, nous allons regarder tout cela très rapidement
44:08 puisque nous sommes aujourd'hui...
44:11 Oui, M. Canguilhem, s'il vous plaît.
44:14 Je viens de vérifier. Je peux vous donner la réponse tout de suite.
44:17 Je reviens sur ma réponse. La réponse est oui.
44:19 La réponse est oui. Très bien.
44:21 Alors, nous sommes aujourd'hui le 22 mai
44:26 et nous rendrons notre décision publique le 28 mai.
44:34 Très bien.
44:36 Donc, voilà pour la première série de QPC.
44:41 Merci.
44:59 Merci.
45:00 Merci.
45:01 Merci.
45:03 Merci.
45:04 Merci.