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  • 29/02/2024
Vendredi 1 mars 2024, SMART SPACE reçoit Mathieu Weiss (représentant du CNES en Inde) , Olivier Da Lage (chercheur associé, IRIS) et Carole Deremaux (ingénieur en chef système de lancement, CNES)

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Transcription
00:00 [Générique]
00:04 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space.
00:07 C'est une première en demi-teinte pour l'entreprise spatiale intuitive Machine.
00:13 Une sonde spatiale privée a donc réussi à se poser sur la Lune
00:16 mais elle a tribuché sur la toute dernière ligne droite.
00:19 On va y revenir dans cette émission, dans votre actualité spatiale.
00:24 On parlera aussi de la désorbitation réussie d'un satellite de l'agence spatiale européenne.
00:29 Une manœuvre anticipée il y a déjà plus de dix ans.
00:32 Et puis Ariane 6 est arrivée en Guyane, une étape clé aussi symbolique que technique.
00:38 L'ingénieur en chef système de lancement du CNES sera en ligne avec nous.
00:43 Et puis pour votre tolk, alors que l'Inde vient de dévoiler sa toute première sélection d'astronautes au grand public,
00:50 je vous propose de découvrir ou redécouvrir un tolk enregistré en octobre dernier
00:56 sur la progression impressionnante de l'Inde en matière d'exploration spatiale.
01:01 Voilà pour le programme du jour, on démarre tout de suite avec l'actualité.
01:04 La sonde Odysseus de l'entreprise américaine intuitive Machine
01:14 est devenue le premier engin d'une société privée à avoir allumé sur notre satellite
01:20 mais aussi le premier en provenance des Etats-Unis depuis 1972.
01:25 Mais au lieu de se poser à la verticale, la sonde a atterri, couché sur le sol lunaire.
01:31 La société assure pourtant que des données scientifiques devraient malgré tout pouvoir être récupérées.
01:37 Retour rapide sur les faits.
01:39 La sonde qui mesure plus de 4 mètres de haut s'est posée sur la Lune jeudi 20 février.
01:45 Mais des rebondissements, notamment une défaillance de son système de navigation, ont compliqué la descente finale.
01:51 D'après une première investigation, c'est finalement une erreur humaine qui est à l'origine de cet incident.
01:57 En conséquence, deux des antennes d'Odysseus pointent vers le sol, c'est-à-dire vers la surface lunaire,
02:03 ce qui évidemment limite les communications.
02:06 Côté bourse, l'optimisme autour de cet événement a conduit l'entreprise américaine
02:10 à être évaluée à près d'un milliard de dollars au lendemain de l'annunciage.
02:16 Mais après la nouvelle de l'alunissage sur le nez, l'action s'est effondrée de 30%
02:22 avant de finalement rebondir cette semaine à 6%.
02:27 Autre actualité, l'ESA désorbite un satellite pour nettoyer l'espace.
02:32 Le satellite européen ERS-2 s'est consumé dans l'atmosphère le 21 février dernier.
02:38 Une fin de parcours impeccable après 29 ans d'orbite autour de la Terre.
02:43 Le retour de cet objet de 2,3 tonnes présentait une infime probabilité de faire des dégâts ou de heurter quelqu'un.
02:49 Évidemment, la résolution est tout autre.
02:53 En réalité, cette procédure de désorbitation n'était pas prévue lors de son lancement en 1995.
03:00 Mais lors de sa désactivation en 2011, l'ESA a utilisé le carburant restant pour abaisser son orbite
03:07 et sécuriser ses batteries afin de raccourcir sa vie en tant que débris spatial.
03:13 Opération réussie puisque le satellite européen ERS-2 est donc bel et bien rentré sur Terre
03:19 en se désintégrant intégralement dès son entrée dans l'atmosphère au-dessus de l'océan Pacifique Nord.
03:25 Ce n'est pas la première fois que l'Agence Spatiale Européenne met en place ce genre de manœuvre.
03:30 En juillet dernier, par exemple, le satellite européen Aeolus, lancé seulement en 2018,
03:36 est redescendu sur Terre avec succès après avoir achevé sa mission d'observation de la Terre.
03:43 Dernière actualité du jour et pas des moindres, c'est l'arrivée d'Ariane 6 en Guyane.
03:49 L'étage principal et l'étage supérieur du premier lanceur de vol Ariane 6 sont arrivés à Kourou le mercredi 21 février
03:57 au bord d'un navire hybride canopé.
04:00 Pour en parler, Carole de Rameau a répondu à notre collectu ingénieur en chef système de lancement au CNES.
04:07 Bonjour Carole de Rameau, bienvenue dans Smart Space.
04:10 Alors racontez-nous, c'était une étape cruciale, une étape aussi symbolique j'imagine que technique ?
04:16 Oui, bonjour à tous.
04:18 Tout à fait, c'est une étape vraiment majeure pour le projet Ariane 6 et pour toutes les équipes qui travaillent sur ce projet.
04:24 C'est l'arrivée en Guyane des deux modules qui feront du coup le vol inaugural d'Ariane 6.
04:30 Donc voilà, c'est le bateau canopé comme vous l'avez dit qui est parti de Bordeaux fin janvier,
04:35 qui a embarqué le module supérieur, donc l'ULPM le 5 février à Bremes,
04:41 et puis ensuite le module inférieur, le LLPM au Havre le 9 février,
04:46 et qui ensuite trie la mer pour arriver au port de Paris à Cabo le 21 février après 12 jours de mer
04:52 pour enfin délivrer en Guyane et au CSG les deux modules du premier vol.
04:57 Alors ce voyage, est-ce qu'il était sensible ? Est-ce que ça représentait des risques ce transport pour le lanceur Ariane 6 ?
05:03 J'imagine que ce sont des éléments fragiles ?
05:06 Alors oui, tout à fait, ce sont des éléments fragiles.
05:08 Il faut effectivement éviter les chocs, il faut avoir un environnement bien contrôlé,
05:14 mais c'est ce qui est assuré à la fois par les containers, par le bateau en lui-même
05:20 et aussi par les opérateurs qui sont à bord du bateau.
05:23 Et ensuite, une fois qu'il est arrivé au port, il faut faire toutes les opérations de déchargement des containers
05:29 pour ensuite avoir le transfert des modules par convoi sur route jusqu'au bâtiment d'assemblage lanceur
05:36 où on peut ensuite commencer à décharger les modules des containers.
05:41 Et donc là encore, étape cruciale, le déchargement de ces containers, comme vous le dites,
05:45 c'est un mouvement de manœuvre assez important. Qui opère d'ailleurs ces manœuvres ?
05:48 Est-ce que c'est le Centre Spatial Guyanais, Ariane Group ?
05:51 Alors il y a des opérations qui sont faites par les différentes entités responsables,
05:56 que ce soit au niveau des opérateurs vraiment au niveau du bateau, des modules qui vont être Ariane Group.
06:02 Il y a aussi toute la partie sécurisation du convoi avec des personnes du Centre Spatial Guyanais,
06:08 aussi des opérateurs du CNES pour tout ce qui est aussi moyen développé par le CNES
06:16 au niveau de la base de lancement et notamment au niveau du déchargement.
06:20 Donc voilà, c'est vraiment un travail commun.
06:22 Le déchargement, c'est une étape particulièrement délicate quand on sort le module du container.
06:28 Donc les étages sont sortis du container, notamment grâce à un véhicule automatisé guidé
06:34 qui va déplacer ensuite les modules depuis le container
06:37 jusque à la ligne d'assemblage à l'horizontale dans le bâtiment d'assemblage lanceur.
06:42 C'est effectivement une étape à la fois délicate et cruciale
06:46 puisque après, une fois qu'ils sont sur la ligne d'assemblage,
06:48 ils vont pouvoir commencer toutes les opérations de finalisation et d'assemblage du corps central.
06:53 Donc là, est-ce qu'ils sont sur cette fameuse ligne d'assemblage déjà ces éléments,
06:57 donc l'étage supérieur et l'étage principal ?
07:00 Alors c'est en cours, donc l'étage, le module ULPM,
07:04 donc le Per Liquid Procurement Module est déchargé de son container et sur la ligne d'assemblage
07:09 et l'étage inférieur, le LLPM, va l'être dans les jours qui viennent.
07:14 Et la prochaine étape, c'est quoi alors ?
07:17 Alors une fois que ces deux modules seront sur la ligne d'assemblage,
07:20 il y aura la première étape qui va être de faire toutes les opérations de finalisation
07:25 dans le bâtiment d'assemblage et notamment arriver à avoir les deux modules
07:30 qui sont assemblés pour faire le corps central.
07:33 Ensuite, en parallèle, on avait une phase d'essai combinée
07:36 où on avait un module d'essai qui était sur la zone de lancement.
07:39 Les essais avec les ergols et puis les essais de déconnexion des onglicots étaient terminés.
07:44 Et donc il y a en ce moment des équipes qui font le désassemblage du modèle d'essai
07:48 pour pouvoir libérer la zone de lancement.
07:50 Et donc une fois qu'on aura une zone de lancement libérée
07:53 et un corps central finalisé au bâtiment d'assemblage lanceur,
07:57 ce sera le transfert de ce corps central en zone de lancement
08:00 pour pouvoir verticaliser lanceur, finaliser l'assemblage en zone de lancement
08:04 et puis tout ça vers un premier vol inaugural entre mi-juin et fin juillet.
08:09 C'est ce qui est visé.
08:10 Donc voilà, une étape vraiment cruciale avec un démarrage
08:14 vraiment des opérations de préparation du premier vol.
08:18 Merci beaucoup, Carole de Rameau, d'avoir pris le temps de répondre à notre collectif.
08:22 Aujourd'hui, je rappelle que vous êtes ingénieure en chef système de lancement au CNES.
08:26 On enchaîne quant à nous avec le TOLC
08:29 et je vous propose cette semaine, à l'occasion de la révélation
08:32 d'une toute nouvelle classe d'astronautes indiens,
08:35 de découvrir ou redécouvrir un TOLC enregistré en octobre dernier
08:40 sur les prouesses de l'Inde en matière d'exploration spatiale.
08:43 C'est parti !
08:44 La Lune, le Soleil, Mars et bientôt Vénus.
08:52 L'Inde prend position sur l'échiquier du secteur spatial international.
08:56 Ce n'est pas une course de vitesse qui l'a menée là,
08:59 mais véritablement un marathon.
09:01 Car l'histoire spatiale de l'Inde n'est pas nouvelle.
09:04 Pour en parler avec nous, à distance, Mathieu Weiss,
09:07 directeur de liaison du CNES en Inde, depuis Bangalore précisément.
09:12 Bonjour Mathieu Weiss et bienvenue sur le plateau de Smart Space.
09:16 À mes côtés, Olivier Dalhage, chercheur associé à l'IRI, spécialiste de l'Inde.
09:21 Bonjour et bienvenue.
09:22 Vous êtes aussi d'ailleurs auteur de plusieurs livres, on pourra peut-être en dire un mot.
09:26 Alors en allunissant, il y a trois semaines,
09:28 l'Inde est devenue la quatrième nation au monde
09:32 et la deuxième au XXIe siècle à poser un véhicule en toute sécurité sur la Lune.
09:38 Ça change fondamentalement la carte géopolitique du secteur spatial ?
09:42 Ça la précise, disons, dans la mesure, comme vous le disiez,
09:45 l'Inde poursuit cette trajectoire spatiale depuis déjà assez longtemps.
09:50 Ce qui s'est passé récemment répare aussi un échec qui s'était produit il y a près de quatre ans,
09:56 puisqu'une précédente sonde s'était écrasée au moment d'atterrir, d'alunir plutôt.
10:01 Bon, ce n'est pas tout à fait extraordinaire,
10:03 toute l'histoire spatiale est jalonnée de ce genre d'échecs.
10:06 Les Américains, les Russes et les Européens en savent quelque chose.
10:09 Mais là, en tout cas, ça a été réussi, c'était nominal,
10:12 comme disaient les techniciens qu'on a pu voir à la télévision en direct.
10:16 Ils avaient l'air d'ailleurs assez détendus, contrairement au Premier ministre indien
10:19 qui se trouvait au même moment à un sommet en Afrique du Sud,
10:23 qui voulait intervenir bien entendu et qu'on sentait très très tendus avant l'alunissage.
10:26 C'est un enjeu énorme et puis alors coup sur coup, on l'a dit en introduction,
10:30 réussite technologique avec l'envoi d'une sonde en direction du Sonel.
10:33 Alors, rembobinons un petit peu l'histoire avec vous, Mathieu Weiss,
10:37 derrière ce succès l'Inde a une longue expérience du secteur spatial en réalité.
10:41 Effectivement, l'Inde a commencé à peu près en même temps que la France,
10:45 c'est dire, on l'oublie souvent, le premier lancement indien a eu lieu en 1963
10:52 avec d'ailleurs déjà une charge utile française du CNES à bord de la fusée.
11:00 Et l'ISRO, l'Agence Spatiale Indienne, notre homologue, l'homologue du CNES,
11:07 a été créé en 1969.
11:10 Et depuis lors, l'Inde a effectivement poursuivi cette trajectoire, comme on le disait,
11:18 avec une continuité assez extraordinaire, puisque depuis le départ,
11:24 l'Inde a dit qu'elle ne recherchait pas la puissance,
11:28 contrairement aux autres pays qui s'engageaient dans le spatial dans les années 60,
11:32 qui avaient surtout pour but de faire une démonstration de puissance
11:37 et de montrer leur force, je dirais, géostratégique.
11:42 La position de l'Inde a été toute différente,
11:46 parce que l'Inde a, dès le départ, poursuivi ses objectifs de développement.
11:52 Et en cela, l'Inde a mis en orbite des satellites pour soutenir sa population,
11:59 pour aider les Indiennes et les Indiens.
12:02 Donc ce sont des satellites qui, aujourd'hui, fournissent des données pour l'agriculture,
12:08 pour les pêcheurs, pour l'éducation aussi,
12:13 puisque l'Inde a été le pionnier de la télééducation,
12:20 pour promouvoir l'éducation dans les endroits les plus reculés du pays.
12:27 Et je dois dire que, depuis que je suis ici,
12:31 je suis étonné par la proximité du spatial avec la population.
12:39 C'est-à-dire que les Indiens utilisent le spatial,
12:42 ils savent qu'ils utilisent des satellites tous les jours,
12:44 ils en sont extrêmement conscients,
12:46 et ils ont d'ailleurs une relation extrêmement fraternelle avec leur agence spatiale.
12:51 Et ils suivent de très très près toutes ces missions,
12:53 dont les deux dernières, évidemment, qui étaient des événements historiques ici.
12:58 Là, l'unissage, il y a maintenant quelques semaines,
13:02 mais aussi le lancement de la sonde vers le Soleil, comme vous le disiez.
13:07 Olivier, c'est ce qui distingue peut-être cette nation,
13:09 cette relation de proximité entre la société qui se développe et le secteur spatial.
13:15 Est-ce que le secteur spatial a été vecteur de ce développement ?
13:19 Je ne sais pas si c'est entièrement propre à l'Inde,
13:21 parce qu'on l'a peut-être un petit peu oublié.
13:23 Le spatial revient à la mode en France après une longue éclipse.
13:28 Il faut se rappeler la passion qu'il pouvait y avoir dans les années 60-70.
13:32 Un personnage comme Albert Ducroix, qui était journaliste européen,
13:35 spécialiste de l'espace, était une des plus grandes figures connues dans le pays.
13:42 Oui, c'est vrai que le jour où la sonde Chandrayaan 3 s'est posée,
13:48 tous ceux qui pouvaient étaient devant leur télévision,
13:50 et les autres étaient devant leur smartphone.
13:52 Les Indiens ont presque tous un smartphone, pour suivre ça en direct.
13:55 En effet, il y a quelque chose de très prégnant en Inde.
13:59 Il faut rappeler d'ailleurs qu'un président de la République,
14:01 le professeur Abdul Kalam, était lui-même considéré comme le père de l'aventure spatiale indienne.
14:08 Tout ça rapproche beaucoup les Indiens de ce qui se passe en ce moment.
14:12 Le rêve de l'espace n'est pas propre ni à l'Inde, ni à la France, ni à qui que ce soit.
14:16 C'est humain.
14:18 On a vu quelques champs d'application. J'aimerais bien qu'on les développe un tout petit peu.
14:22 On a parlé des satellites qui sont très développés,
14:24 des satellites de communication du côté de l'Inde.
14:27 Qu'est-ce qu'on peut citer encore comme champ d'application dans le secteur spatial indien ?
14:32 Vous pouvez prendre la réponse.
14:34 L'observation et les communications, c'est quand même le principal,
14:39 que ce soit la météo, la télévision.
14:42 On ne l'a pas encore précisé, mais il y a quelques années,
14:45 l'Inde s'est signalée en mettant sur orbite des graves de satellites,
14:49 plein de petits microsatellites en même temps.
14:51 Ce n'est pas à la portée de tout le monde.
14:53 Ils l'ont fait sur des bases commerciales.
14:55 C'est-à-dire que ce n'étaient pas des satellites indiens,
14:57 ce sont des satellites de différents pays,
14:59 ce qui dénote une maîtrise assez colossale.
15:02 Mathieu, vous voulez ajouter un mot ?
15:06 Bien sûr.
15:08 On peut rebondir.
15:09 Vous avez parlé tout à l'heure de la coopération, brièvement, avec la France.
15:13 C'est vrai que l'Agence spatiale indienne a une longue histoire de partenariat
15:18 avec d'autres pays aussi, mais avec la France depuis déjà 60 ans.
15:22 Comment s'articule ce partenariat précisément ?
15:26 La coopération avec la France est effectivement historique et traditionnelle ici.
15:33 Depuis que l'Inde est devenue une grande puissance spatiale,
15:36 elle a évidemment des coopérations avec d'autres pays.
15:38 Mais disons que nous avons été les premiers et les plus fidèles,
15:44 puisque nous avons à peu près tout fait avec les Indiens.
15:48 Nous avons fabriqué des moteurs de fusée dans les années 80.
15:51 Je remonte un peu plus loin, dans les années 60,
15:54 nous avons lancé des fusées-sondes ici pour faire des recherches scientifiques.
15:58 Après les moteurs de fusée, on a commencé à s'intéresser de très près au climat,
16:03 bien avant que le climat ne soit une priorité politique et, je dirais, dans les médias.
16:11 Les tout premiers travaux sur des recherches climatiques conjointes par satellite via l'espace remontent aux années 2000.
16:24 Et on a lancé une flotte de satellites climatiques, les uns après les autres.
16:31 On en voit à l'écran actuellement.
16:34 Il y a eu Megatropik, il y a eu Saralaltica,
16:37 il y aura Trichna, qui est un satellite que nous développons ensemble avec les Indiens.
16:43 À chaque fois, ce sont des satellites franco-indiens.
16:46 C'est-à-dire que nos deux pays, qui sont relativement à la Chine ou aux États-Unis,
16:55 qui sont des puissances spatiales qui n'ont pas forcément autant de moyens que les Américains ou les Chinois,
17:03 en nous mettant ensemble, nous faisons des choses extraordinaires.
17:09 Et je dirais que nous payons chacun la moitié du prix pour avoir un bénéfice total,
17:16 puisque nos scientifiques utilisent ces satellites à 100% côté indien, à 100% côté français.
17:23 Donc c'est une aventure qui, en plus, économiquement, est extrêmement viable.
17:31 Olivier Dallage ?
17:32 Pour être juste, ce n'est pas une relation exclusive.
17:34 Les Indiens détestent être dans un tête-à-tête avec une autre puissance.
17:38 Ils veulent multiplier les partenariats.
17:40 Et un des plus anciens, à part la France, c'est la Russie.
17:43 C'est-à-dire qu'après Spoutnik, évidemment,
17:45 les Russes et les Indiens ont commencé à réfléchir à la chose ensemble.
17:49 Et les Russes ont aidé à développer des moteurs cryogéniques.
17:52 Ils entraînent des cosmonautes indiens.
17:55 Le partenariat avec la France n'est pas exclusif de ce qui se passe avec les Russes.
18:00 Et d'ailleurs aussi avec les Américains,
18:02 puisqu'il y a eu des Indiens dans des navettes spatiales.
18:05 Il y a même eu un tragique accident,
18:07 puisque une astronaute indienne était à bord de Columbia lors de l'explosion de cette navette.
18:12 Et lors du lancement de Chandrayaan-3,
18:15 même si la technologie était presque exclusivement indienne,
18:19 le suivi de la trajectoire a été garanti grâce à l'assistance,
18:23 d'une part, de l'Agence spatiale européenne et de l'autre part, de la NASA.
18:27 - Alors vous citez la Russie, est-ce que ça fait toujours partie des partenaires en matière de spatial de l'Inde aujourd'hui ?
18:33 - Bien entendu, et notamment pour un projet de vol habité,
18:36 qui a été reporté théoriquement en 2025.
18:40 On verra s'il aura lieu en 2025.
18:42 En tout cas, il n'y a pas eu de rupture dans la coopération spatiale entre la Russie...
18:47 - Contrairement avec l'Europe, par exemple,
18:49 qui est en rupture totale pour l'instant avec la Russie ou les Etats-Unis.
18:52 - Oui, mais la politique indienne est précisément de ne pas rompre avec les Russes.
18:55 - Très bien. Est-ce qu'on peut situer l'Inde parmi les pays émergents du secteur spatial,
19:02 même si à partir d'aujourd'hui elle fait partie de ces puissances mondiales,
19:05 par rapport à ses concurrents, quelle est sa position ?
19:08 - Plus qu'émergents, je dirais émergés.
19:11 On l'a dit tout à l'heure, l'Inde est la quatrième puissance spatiale à réussir à poser un satellite.
19:18 Et pas seulement poser un satellite, il y a eu le robot qui s'est déplacé,
19:21 qui a envoyé des résultats d'expérience.
19:24 Quatre, ce n'est pas beaucoup sur la planète.
19:27 Il y a la Chine, la Russie, les Etats-Unis et maintenant l'Inde.
19:31 Je pense qu'on ne peut plus parler de puissance émergente, elle a sa place à la table des grands.
19:36 - Vous êtes d'accord avec ça ?
19:38 Mathieu Weiss, face à l'Arabie Saoudite qui arrive technologiquement à se développer en direction de Mars,
19:47 quel est votre regard sur la position sur l'échiquier international de l'Inde ?
19:51 - Sur l'échiquier international, l'Inde a contestablement pris une avance considérable.
19:58 Et il est clair que dans le secteur spatial, les choses se voient plutôt de manière sectorielle.
20:06 Donc l'Inde aujourd'hui est active dans tous les secteurs,
20:11 que ce soit l'observation de la Terre, les télécoms, la navigation, les sciences,
20:15 mais aussi la défense et les programmes spatiaux militaires.
20:19 Donc l'Inde a un spectre complet de compétences spatiales,
20:23 ce qui n'est pas le cas d'autres pays que vous appelez émergents,
20:28 mais ce qui est le cas uniquement de gens comme les Etats-Unis, la Chine et l'Agence spatiale européenne.
20:38 - Avec quel budget la réussit ces exploits, l'Inde, en matière de spatial ?
20:43 - Un budget assez austère et serré.
20:46 On a lu un peu partout que le coût total de la mission Chandrayaan 3
20:51 était inférieur au coût de réalisation du film "Interstellar" par Nolan.
20:56 Donc ça donne quand même une idée.
20:58 Il y a deux aspects que je vois dans cette capacité de tenir les coûts.
21:04 L'un, c'est que les salaires indiens sont moins élevés que ceux qui sont en vigueur en Europe ou aux Etats-Unis, par exemple.
21:11 Mais également, il y a une tradition indienne de ce qu'on appelle là-bas le "Jugaad".
21:15 C'est le système D, la débrouillardise.
21:17 Ça ne veut pas dire que c'est fait au rabais.
21:19 Ça veut dire qu'on cherche l'efficacité avec des moyens très frugaux.
21:24 C'est de la frugalité, si vous voulez.
21:26 De la même façon que les médecins et les techniciens ont mis au point un électrocardiographe portatif
21:31 qui tient dans une petite mallette qui permet aux médecins de campagne d'effectuer des électrocardiogrammes
21:36 en dehors de tout centre médical.
21:38 Ce même souci d'efficacité et de frugalité est au cœur du programme spatial indien.
21:45 C'est ce qui explique peut-être qu'autant de projets voient le jour aujourd'hui.
21:49 Mais évidemment, ces deux derniers projets dont on a pu être témoin,
21:53 ils datent de 10 ans le temps que se met en place la mission.
21:57 Mais avec un budget qui est équivalent à celui de l'Allemagne, 1,5 milliard, 1,6 milliard pour l'Allemagne.
22:05 Alors évidemment l'Allemagne s'inscrit dans un autre contexte puisqu'elle participe au budget de l'Agence Spatiale Européenne.
22:11 Mais c'est quand même intéressant de voir qu'avec la même somme, on arrive à réduire les coûts dans ce pays-là.
22:17 Et c'est ce qui le démarque aujourd'hui et qui en fait un bon partenaire pour d'autres pays comme la France d'ailleurs.
22:22 Oui, pour les raisons que j'ai indiquées, il y en a peut-être d'autres, mais ce sont les deux principales à mon avis.
22:26 C'est aussi un atout pour la France dans cette collaboration d'arriver à mener à bien des missions technologiques à moindre coût.
22:33 Évidemment que c'est un atout. Il y a peut-être quelque chose que je voudrais ajouter par rapport à ce qui a été dit.
22:38 C'est que les Indiens font leur mission dans des calendriers beaucoup plus serrés que les nôtres.
22:42 Et donc en travaillant plus rapidement, ça coûte moins cher.
22:46 Je pense que nous apprenons de cette coopération avec les Indiens.
22:53 Il ne faut pas s'imaginer que l'échange ne va que dans un sens.
22:58 Bien au contraire, je dirais qu'actuellement l'échange va presque plus dans le sens de l'Inde vers la France.
23:04 Parce que pour nous, c'est extrêmement intéressant de travailler avec des gens qui ont d'autres méthodes d'ingénierie,
23:10 d'autres méthodes de simplification des process, de rationalisation.
23:16 Je voudrais dire qu'on parle souvent du New Space, vous savez, en disant que le New Space réinvente le spatial.
23:23 Parce qu'ils font les choses simplement, ils font les choses avec, disons, ils popularisent le spatial.
23:30 Parce qu'ils arrivent à utiliser peut-être des produits, des sous-systèmes qui existent sur le marché.
23:39 Et ils ont des... ils changent les compétences.
23:46 Eh bien le New Space finalement, ça existe en Inde depuis le début.
23:52 C'est-à-dire que ce qu'on appelle le "jougade", c'est le même état d'esprit que le New Space.
23:58 Je voudrais ajouter qu'il y a probablement d'autres facteurs d'environnement qui expliquent ça.
24:03 L'un, c'est la qualité des écoles d'ingénieurs publics qui ont été créées dans les années 50
24:09 et qui aujourd'hui produisent depuis quelques générations des ingénieurs de haut niveau.
24:14 Et le deuxième élément que je vois, c'est une culture mathématique propre à l'Inde du Sud qui est très développée.
24:20 C'est-à-dire, pas un hasard, si à la tête de toutes les grandes entreprises américaines de technologie,
24:25 on trouve souvent des Indiens ou des gens d'origine indienne.
24:28 Et ce bain, cette culture mathématique, probablement a facilité la génération d'ingénieurs
24:35 qui ont contribué au succès de cette conquête spatiale.
24:37 Et l'essor technologique qui en ressort.
24:40 Alors la prochaine étape pour l'Inde, c'est quoi ? Le vol habité, vous l'avez dit tout à l'heure ?
24:43 Autant que je sache, le projet d'un vol habité pour l'instant est en coopération d'un côté avec les Américains, de l'autre avec les Russes.
24:53 Je n'ai pas connaissance d'un programme à brève échéance permettant d'envoyer des êtres humains dans l'espace
24:59 qui serait entièrement contrôlé par l'agence spatiale indienne, l'ISRO, mais peut-être dans une étape ultérieure, oui.
25:05 Monsieur Weiss ?
25:06 Là, je me permets de rectifier, le projet de vol habité est purement indien.
25:11 Et il aura lieu, effectivement, il est annoncé pour 2025.
25:16 Il n'y a absolument pas de contribution des Américains.
25:18 Il y a certes l'entraînement des astronautes qui est fait en Russie.
25:21 Et il y a un support de la France pour tout ce qui est médecine spatiale,
25:25 puisque nous sommes, au niveau de l'agence spatiale européenne,
25:30 les garants et les responsables de la médecine spatiale pour les astronautes européens.
25:35 Mais le projet Gaganyan est un projet purement indien.
25:38 Et avec les technologies indiennes, il est prévu de démontrer que l'on a l'ensemble des compétences
25:44 pour lancer un humain dans l'espace et le ramener sur Terre de manière saine et sauve.
25:49 C'est d'ailleurs ce qui a été annoncé par le Premier ministre Modi
25:55 et qui constitue, je dirais, une étape historique dans le développement du spatial indien.
26:02 Donc on a les moyens financiers d'aller chercher cette étape historique, comme vous l'avez dit,
26:08 qui nécessite un autre palier technologique pour arriver à ramener des hommes d'une mission dans l'espace ?
26:15 Il y a 10 ans, le budget consacré au spatial était beaucoup moins que la moitié de ce qu'il est aujourd'hui.
26:28 Donc les moyens financiers, oui, si on a des ambitions, on met en place les moyens financiers.
26:35 C'est ce qui a été fait.
26:36 Olivier Dalla, je rappelle que vous êtes chercheur associé à l'IRIS, spécialiste de l'Inde.
26:39 Merci d'avoir pris le temps d'échanger avec nous sur ce plateau.
26:41 Et merci à vous, Mathieu Weiss, depuis l'Inde, directeur de liaison au CNES.
26:47 Merci à tous de nous avoir suivis.
26:49 On se retrouve dès la semaine prochaine sur Bsmart à la production.
26:53 Lily Zalkind.
26:55 [Musique]

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