Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités reviennent sur l'attaque au couteau évitée à la Gare de Lyon grâce à l'intervention d'un vigile pour le désarmer.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 Il est 18h01, on est en direct sur Europe 1 et sur CNews,
00:02 avec nos invités, Louis de Ragnel, chef du service politique d'Europe 1.
00:05 - Bonsoir, Louis. - Bonsoir, Laurence.
00:06 Rachel Kahn, essayiste et juriste.
00:07 - Bonsoir, ma chère Rachel. - Bonsoir, Laurence.
00:09 Joseph Macescaron, on nous a rejoint, essayiste et consultant.
00:12 - Bonsoir, Joseph. - Bonsoir.
00:13 Merci d'être là. Eric Revelle, éditorialiste économique,
00:15 notamment à l'heure actuelle. - Bonsoir.
00:16 Bonsoir. Et Patrice Duhamel.
00:18 - Bonsoir, Patrice. - Bonsoir.
00:19 Merci beaucoup d'être là.
00:20 Vous publiez ce livre, "Le chat et le renard",
00:22 l'histoire de président et de Premier ministre, deux ou trois choses que je sais d'eux,
00:29 édition de l'Observatoire, passionnant.
00:31 On revoit l'histoire de notre Ve République, à l'aune d'anecdotes
00:34 et de vos analyses qui sont fort pertinentes.
00:36 On va en parler dans un instant.
00:38 Mais si vous me permettez, j'aimerais commencer
00:39 par ce qui s'est passé à la gare de Lyon, samedi matin,
00:42 avec cette attaque au Coteau, qui a fait trois blessés,
00:44 avec un héros.
00:45 Le héros s'appelle Abderrahman Sissé.
00:48 C'est un agent de sécurité de 45 ans qui s'est jeté sur l'assaillant
00:51 et avant l'arrivée des policiers, il a peut-être évité un bain de sang.
00:56 On va faire le point avec Audrey Bertheau.
00:58 C'est le visage du héros de la gare de Lyon.
01:01 Abderrahman Sissé, agent de sécurité de 45 ans,
01:05 est l'homme qui a désarmé et neutralisé l'assaillant samedi matin.
01:09 Dans "Le Parisien", ce vigile de 110 kg raconte comment il a vécu cette scène.
01:14 Je fais ma ronde dans le hall 3, c'est très calme.
01:17 Tout à coup, j'entends des cris.
01:19 Je me mets tout de suite à courir dans cette direction.
01:21 Je vois d'abord un monsieur avec un couteau à la main.
01:24 Un peu plus loin, il y a une personne qui est à terre.
01:27 Elle est en sang. Elle se tient l'abdomen.
01:30 L'agresseur essaye de le planter lui aussi.
01:32 Je ne réfléchis pas du tout.
01:34 Ma priorité, c'est d'y aller et de le désarmer.
01:37 C'est la seule chose à laquelle je pense.
01:39 Abderrahman Sissé est depuis en arrêt maladie
01:41 et devrait bénéficier d'un soutien psychologique.
01:44 Il devait s'exprimer cet après-midi, mais encore sous le choc,
01:48 la conférence de presse a été annulée.
01:50 Effectivement, il est stressé, on peut le comprendre,
01:53 Louis de Ragnell.
01:54 Il a littéralement évité un massacre.
01:57 C'est un héros, il faut le dire.
02:00 Un acte héroïque face à une situation
02:03 qui aurait pu être un peu différente.
02:04 Je pense qu'il faut maintenant s'intéresser à ce qui s'est passé.
02:07 On a affaire à une personne qui était en situation régulière.
02:11 On parlait de la Saillan.
02:13 La Saillan, qui avait un type de séjour délivré par l'Italie.
02:16 Je pense que, comme souvent dans ces cas-là,
02:20 on vous explique que la personne avait un des problèmes psychiatriques
02:24 et était en situation régulière.
02:26 Ça doit amener à se poser un certain nombre de questions.
02:28 On va revenir sur le profil de la Saillan.
02:30 Vous avez raison, Louis.
02:32 J'aimerais juste souligner l'acte héroïque.
02:35 Éric Revelle, peut-être que c'est important.
02:36 On souligne souvent ce qui se passe de terrible dans ce pays.
02:39 Quand quelqu'un a une figure de héros comme ce soir,
02:42 il faut le rendre hommage.
02:44 Il faut le rendre hommage.
02:45 Il faut comprendre que finalement, il est choisi le silence.
02:48 Je pense qu'il y a une sorte de décompression.
02:51 Il a dû imaginer aussi que lui pouvait prendre un tel coup de couteau,
02:54 même s'il est vigile,
02:55 même s'il a sans doute appris à se défendre, à protéger les gens.
03:00 Oui, il faut saluer ce type de courage.
03:02 Et d'ailleurs, je pense que la République s'honorerait peut-être plus tard...
03:08 - De le récompenser ? - De le récompenser.
03:10 Peut-être de l'honorer.
03:12 Je pense que ça peut avoir du sens.
03:14 J'espère que son silence n'est pas dû non plus à des pressions.
03:17 On ne sait pas.
03:18 Puisque dans ce cas de figure-là, tout est envisageable.
03:23 Mais c'est vrai que quand on voit le marteau et le couteau,
03:26 on se dit que, évidemment, le carnage...
03:29 Encore pire que ce que ça aurait été.
03:30 Patrice Duhamel, un mot sur cet homme de 45 ans,
03:33 musulman de sécurité, qui a littéralement risqué sa vie.
03:35 Sur ce héros qu'on pourrait qualifier d'ordinaire,
03:39 mais qui est extraordinaire,
03:41 rien de plus que ce qui vient de dire,
03:43 on ne peut que s'incliner devant ce courage.
03:47 Moi, ce qui me frappe dans cette affaire,
03:49 je ne sais pas si on en parle tout de suite,
03:51 c'est comment, avec des cas psychiatriques,
03:55 avec ou sans guillemets, je n'en sais rien,
03:57 je ne suis pas médecin et je suis encore moins psychiatre,
03:59 comment on fait pour protéger la société ?
04:02 Qui décide de quoi à quel moment ?
04:04 C'est quand même des questions...
04:05 Ce n'est pas la première fois, je parle aux spécialistes,
04:08 ce n'est pas la première fois que ça se présente.
04:10 Et il faut quand même trouver une solution.
04:13 Il n'y a sûrement pas une solution miracle,
04:15 mais essayer de trouver une solution quand même
04:17 pour que ce soit le plus professionnel et le plus sérieux
04:20 et le plus solide possible.
04:21 Joseph Macézcaron.
04:23 Je ne peux pas ne pas penser aussi à Henri Dantsen,
04:25 héros saccadaux, à Annecy.
04:27 C'est-à-dire que voilà des personnes qui ne se posent pas de questions.
04:31 C'est d'ailleurs pour ça aussi qu'il est en état de choc.
04:34 C'est-à-dire qu'il dépasse ce qu'il est
04:36 et c'est là où vraiment on est dans l'héroïsme.
04:39 C'est-à-dire face à un événement qui est un événement tragique,
04:41 où la personne risque sa vie, elle ne réfléchit pas,
04:44 sa première, enfin tout de suite, son premier geste
04:47 va être justement de s'opposer.
04:49 Et c'est là véritablement où la figure du héros prend tout son sens,
04:52 qu'il s'agisse d'Henri Dantsen ou de Lucien.
04:54 Absolument. Voilà, c'était important.
04:56 Je voulais qu'on parle de cet homme-là.
04:58 Parlons de l'assaillant maintenant.
04:59 Vous avez abordé son profil psychologique, Louis Dragnel.
05:02 On va écouter, parce qu'il avait émaillé les réseaux sociaux
05:05 ces derniers mois de vidéos où il proférait sa haine de la France.
05:08 On va écouter quelques petits extraits.
05:10 Et je vous passe la parole, Rachel Gann.
05:12 Je ne suis pas Français.
05:14 Je ne rêve pas d'être Français.
05:17 Je n'aime pas la France.
05:20 Je déteste tous les Français.
05:22 J'ai ma propre raison d'ignorer la France.
05:26 Car c'est les Français qui m'ont privé mon droit de vivre.
05:34 C'est les Français qui m'ont ôté ma dignité.
05:38 C'est les Français qui ont volé mes biens.
05:42 C'est les Français qui ont pillé de A à Z
05:46 tout mon pays, tout mon continent.
05:49 C'est les Français qui ont pris en otage mes grands-parents
05:53 pour l'esclavage.
05:55 C'est important qu'on entende aussi ce qu'il disait Rachel Gann
05:58 au cours des derniers mois sur les réseaux sociaux.
06:00 Alors, on rappelle qu'il est de nationalité malienne,
06:02 qu'il avait un titre de séjour italien
06:04 et qu'il était de façon régulière sur le sol français.
06:06 Il y a dans le discours que vous entendez
06:09 un discours que vous connaissez bien ?
06:11 Oui, la haine de l'Occident, donc une forme de conjugaison.
06:15 Certains l'appelleront le wokisme, l'indigénisme,
06:19 le décolonialisme.
06:21 En fait, cette haine par les mots,
06:24 et donc les mots qu'il emploie,
06:25 ce sont les mots du séparatisme, en réalité.
06:28 Et malheureusement, les réseaux sociaux,
06:30 et notamment TikTok, avec son nombre de followers
06:33 qui est assez conséquent,
06:34 ces réseaux sociaux sont devenus
06:36 les territoires perdus de la République numérique.
06:39 Et c'est ça qui est inquiétant,
06:40 c'est que nos plus jeunes sont sur ces réseaux.
06:42 Nos plus jeunes, beaucoup, sont très fragiles
06:46 dans cette période-là, dans ce contexte-là.
06:49 Il y a beaucoup d'études,
06:50 notamment sur la psychologie de nos jeunes,
06:52 ils ne vont pas très bien.
06:54 Et par ailleurs, ce sont des discours de haine de l'Occident,
06:57 avec cette volonté de vengeance
07:00 qui irrigue nos jeunes en fragilité,
07:03 avec une forme de...
07:05 de distance par rapport au réel,
07:08 parce que là, lorsqu'il parle,
07:10 il parle comme s'il était dans les années 50,
07:12 à la période coloniale,
07:14 avec ce souci de se venger contre l'Europe,
07:17 contre l'Occident, contre les Blancs.
07:18 Je rappelle juste un petit truc historique
07:22 qui a eu l'islamisation de l'Afrique,
07:25 qui a eu la traite arabo-musulmane en Afrique,
07:28 qui a eu l'évangélisation,
07:30 et que c'est pas simplement par rapport à l'Europe,
07:33 c'est aussi par rapport à la religion musulmane
07:37 et la traite négrière, qui ne concerne pas que l'Europe non plus.
07:40 Mais ces dogmes-là sont éperdument dangereux,
07:44 et lorsque l'on a des représentants politiques
07:47 ou des représentants associatifs
07:50 qui imbibent notre société de ce discours-là,
07:53 je pense qu'il faut alerter tout le monde et être très vigilant.
07:56 - Un dernier mot là-dessus, sur le parcours de cet homme,
07:58 qui est venu d'Italie,
07:59 où il était suivi pour des traitements psychiatriques.
08:02 - Moi, je trouve que ce qui est intéressant dans ce qu'il dit,
08:05 c'est tout, c'est son parcours et son message.
08:08 Son parcours dit beaucoup du fait que maintenant,
08:11 quand vous avez un titre de séjour dans un pays européen,
08:14 vous pouvez, grâce à l'espace Schengen, circuler librement,
08:18 et on voit la difficulté aujourd'hui
08:20 que trouvent les décideurs politiques à essayer d'entraver,
08:23 de limiter le déplacement de ces personnes-là.
08:25 Et puis, moi, je trouve très intéressant
08:27 le discours qu'il tient sur l'action de la France en Afrique de l'Ouest.
08:31 C'est un discours qu'on entend beaucoup aujourd'hui
08:33 dans la région du Sahel, selon lequel la France aurait pillé les pays.
08:38 Et c'est ce qu'il dit, d'ailleurs.
08:39 "La France m'a pillé, m'a même ôté mon droit de vivre."
08:42 C'est doublement intéressant, parce qu'il dit ça,
08:44 et en même temps, il se trouve en France, il parle français.
08:47 Et puis, quand on dézoome un tout petit peu,
08:49 on voit bien l'action de la France au Mali.
08:52 La France est venue pour l'opération Serval,
08:54 puis Barkhane, à la demande des autorités maliennes.
08:57 Il y a eu 49 soldats français
08:59 qui ont perdu la vie pendant l'opération Barkhane.
09:01 Et si on se penche un tout petit peu de plus près,
09:04 sans entrer trop dans les détails sur l'opération Barkhane,
09:06 ça a été une action pour aider à former l'État malien,
09:09 former l'armée malienne,
09:11 essayer de développer un peu l'économie malienne.
09:13 C'était une mission aussi de paix, de lutte contre le terrorisme.
09:16 Nous, économiquement, nous, Français, on n'y a rien tiré.
09:19 Il n'y a aucun investissement français qui a été permis.
09:21 Pourquoi ? Parce que la France s'interdit de faire ça
09:24 pour justement éviter le discours de l'attaque...
09:28 - Évidemment. - Du discours néocolonaux.
09:29 Ce que je voulais dire, c'est que la colonisation
09:31 n'a pas été un long flotte tranquille,
09:33 mais ce qui est marrant, c'est que pendant des décennies,
09:35 la contestation de la colonisation,
09:36 elle était intellectuelle et culturelle.
09:38 C'est Yves Lacoste, géographie du sous-développement,
09:41 c'est Paul Beroc, le tiers-monde dans l'impasse,
09:43 c'est Samir Amin, l'échange inégal.
09:45 Et aujourd'hui, toutes les sociétés ayant basculé en la violence,
09:48 la seule réponse que ce monsieur apporte,
09:50 c'est celle de s'en prendre, de tuer.
09:52 On n'est plus dans le discours intellectuel,
09:55 on n'est plus dans le raisonnement, plus du tout.
09:57 On n'est plus dans l'apport culturel, on est dans cette violence.
10:00 Il faut quand même remarquer que la plupart des indépendances
10:02 datent des années 60.
10:04 Je ne sais pas si pendant combien de générations encore,
10:07 on va expliquer à ces peuples en Afrique qui souffrent aujourd'hui
10:11 que c'est de la faute de la colonisation.
10:13 Et non pas des pouvoirs qui sont en place
10:15 et qui les élisent parfois démocratiquement.
10:17 Encore longtemps, des Russes, notamment, de Wagner...
10:20 Je reviens sur ce que disait,
10:23 souligné Rachel Kahn, très justement.
10:26 Quand je pense que le nombre de grands historiens
10:29 d'Afrique de l'Ouest,
10:31 qui ont montré, justement, le rôle ambigu des empires,
10:35 des royaumes qui se font, qui se défont...
10:37 Moi, personnellement, je trouve ça passionnant.
10:38 Je ne veux pas partir là-dessus, parce que je pourrais tenir une heure.
10:40 Je trouve ça absolument passionnant.
10:42 Ou, évidemment, il y a eu l'esclavage qui a été pratiqué.
10:45 Vous avez raison, l'islamisation est venue se greffer ensuite là-dessus.
10:48 Donc, quand on pense à ça,
10:49 tous les travaux de ces historiens ont été engloutis dans les sables.
10:53 Ils ont totalement disparu.
10:55 Et ça n'a pas du tout été repris.
10:56 Or, en revanche, comme Louis vient de le souligner,
10:59 la propagande russe est venue dessus,
11:02 comme du napalm, et a tout vitrifié.
11:05 Et ça, c'est quand même terrible.
11:07 C'est-à-dire, en dix ans, quand vous voyez...
11:09 Parce que le Mali, c'est quelque chose...
11:12 C'est un pays extrêmement vivant, démocratiquement,
11:15 avec des publications, avec une vie intellectuelle...
11:19 Et tout semble avoir, aujourd'hui, totalement disparu.
11:22 En dix ans. Moi, c'est ce qui me frappe.
11:24 Absolument. Allez, une petite pause.
11:26 On se retrouve dans un instant dans Punchline,
11:27 sur CNews et sur Europe 1.
11:28 On est avec Patrice Duhamel, le chat et le renard,
11:31 président et Premier ministre en en débat.
11:32 Et on en parle dans un instant. À tout de suite.
11:35 Sous-titrage Société Radio-Canada
11:38 18h-19h, sur CNews et Europe 1.
11:41 Punchline. Laurence Ferrari.