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  • 20/10/2023
Frédéric Joli, porte-parole du comité international de la Croix Rouge en France, est invité sur le plateau de Télématin pour évoquer l'aide humanitaire qui va, enfin, pouvoir arriver à Gaza. 

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Transcription
00:00 Bonjour Frédéric Joly.
00:01 Bonjour.
00:01 Merci d'être avec nous ce matin.
00:02 Ça y est, ce vendredi, des camions d'aide humanitaire vont pouvoir entrer dans Gaza
00:06 au 14e jour de la guerre entre Israël et le Hamas.
00:09 Le CICR fera-t-il partie de ce convoi par le passage de RAFA qui est donc géré par l'Égypte ?
00:15 Le CICR, à l'instar de beaucoup d'autres organisations humanitaires,
00:18 attend depuis plusieurs jours qu'un accès humanitaire soit donné.
00:21 Donc aujourd'hui est un jour décisif.
00:23 C'est un jour où on va voir si ça passe, si ça fonctionne bien.
00:27 Donc c'est un peu un jour test, mais il faut imaginer que ce passage doit devenir très rapidement pérenne,
00:33 garantie, qu'il n'y ait pas de combat et qu'une assistance la plus massive possible puisse rentrer
00:39 puisque vous avez des centaines de milliers de personnes qui sont dénuées de tout.
00:43 Je veux dire, toutes les pénuries se sont accumulées en ces deux semaines
00:47 et que donc toutes les urgences sont clairement identifiées.
00:51 Maintenant, le vrai problème, ça va être de coordonner cette aide à l'intérieur de la bande de Gaza.
00:55 Une immense promiscuité, il y a eu un déplacement de population extrêmement important vers le sud.
01:00 Un million de personnes en 15 jours.
01:01 Exactement, les routes sont endommagées, c'est un accès par voie terrestre,
01:06 les infrastructures nécessaires à la survie des civils, beaucoup ne fonctionnent plus,
01:09 les hôpitaux ne fonctionnent plus parce qu'il faut à la fois réalimenter les pharmacies centrales,
01:14 mais aussi permettre d'avoir de l'électricité et de l'eau potable.
01:17 Donc tous les malades chroniques, par exemple, depuis 14 jours, ne sont plus traités.
01:21 Ça veut dire que là, on ne soigne pas, on n'opère plus dans la bande de Gaza aujourd'hui ?
01:25 Tous les stocks des organisations humanitaires, dont le CICR qui travaille depuis des années
01:28 dans la bande de Gaza, ont épuisé leurs stocks.
01:31 Donc de toute façon, il n'y a plus vraiment de secours, à part du secours immédiat de proximité.
01:37 Le croissant rouge palestinien qui est très actif dans la bande de Gaza se retrouve sans carburant
01:42 ou avec très peu de carburant, donc plus d'évacuation sanitaire.
01:45 Les générateurs électriques ne fonctionnent plus parce qu'il n'y a plus d'essence.
01:49 Donc vous nous dites, les malades meurent.
01:51 Les malades meurent à l'hôpital, vous avez des afflux massifs de blessés,
01:55 vous avez des gens qui se sont regroupés près de zones où ils se pensaient en sécurité,
01:59 par exemple autour des hôpitaux, mais qui ont tout abandonné.
02:02 Des églises dont on parle ce matin.
02:03 Donc des problèmes de nourriture, des problèmes d'accès à l'eau potable.
02:06 Il faut imaginer, par exemple, que les stations de dessalement d'eau de mer,
02:12 qui était l'un des moyens d'approvisionnement en eau potable de la bande de Gaza,
02:17 beaucoup ne fonctionnent plus.
02:18 Les eaux souillées se mélangent à l'eau que boivent encore les gens,
02:21 donc il y a des risques épidémiques sur une population qui est déjà très vulnérable, très affectée.
02:27 Donc le défi, à partir d'aujourd'hui et maintenant que le passage s'entrouvre,
02:31 c'est de le pérenniser, qu'il soit garanti qu'il n'y ait pas de combat, qu'il y ait une coordination.
02:36 Sauf que, pardon je vous interromps, mais on parle simplement de 20 camions
02:39 qui seraient autorisés à passer aujourd'hui.
02:41 Je pense qu'aujourd'hui il faut parler d'un jour test.
02:43 C'est un jour décisif, il faut voir comment ça passe, comment ça fonctionne.
02:46 Là les camions sont prêts à partir ?
02:49 Ça fait plusieurs jours qu'il y a, vous voyez sur les images, des colonnes de camions
02:53 émanant de plein d'organisations, des Nations Unies, d'ONG, de certains États,
02:57 du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge,
03:00 et du séissière qui a aussi son propre convoi.
03:03 Le séissière est intermédiaire neutre dans les conflits armés
03:05 et souvent il est amené à, je dirais, ouvrir la route,
03:09 ou tout du moins tester, voir comment ça peut fonctionner.
03:13 Avec notamment une équipe chirurgicale volante, c'est d'après ce que j'ai compris.
03:16 Une équipe chirurgicale qui est prête à rentrer.
03:19 Avec ce convoi, on a 60 tonnes de frais humanitaires qui sont prêts à rentrer,
03:23 du médical, mais aussi de l'assistance pour les populations déplacées
03:27 qui sont sans abri depuis plusieurs jours.
03:31 Donc voilà, aujourd'hui c'est un jour test, on va voir si ça marche,
03:34 mais ça va durer vraiment des jours, probablement des semaines.
03:37 Il faut imaginer aussi qu'il y a des décisions politiques qui vont continuer à se prendre,
03:41 qu'il y a potentiellement des hostilités qui peuvent se reprendre,
03:46 mais que nous, gardiens du droit international humanitaire,
03:49 des conventions de Genève, qui fait obligation à tout belligérant
03:52 de laisser l'accès à l'humanitaire,
03:54 eh bien il va falloir que tout ceci se coordonne du mieux possible,
03:57 que les Nations Unies vont probablement jouer un rôle important,
04:00 que le mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge aussi,
04:04 et de toutes les ONG, comme Médecins sans frontières, Médecins du monde, etc.,
04:07 vont essayer de se répartir la tâche, sachant qu'il faut à la fois
04:11 essayer de réparer les stations d'épuration d'eau,
04:15 toutes les infrastructures nécessaires à la survie des hostilités.
04:17 - Là c'est la première urgence, c'est vraiment l'accès à l'eau ?
04:19 - C'est tout. Les urgences dans les hôpitaux sont aussi,
04:22 on est dans la même temporalité, mais bien évidemment que les gens
04:25 qui sont des blessés lourds, qui sont laissés sans soins
04:28 parce qu'il n'y a pas d'anesthésique, parce qu'il n'y a pas de moyens de les traiter,
04:31 sont des urgences absolues, encore faut-il pouvoir les atteindre,
04:34 que les routes fonctionnent à peu près,
04:35 qu'elles ne soient pas trop endommagées ou en tout cas réparées,
04:38 et puis les infrastructures nécessaires, l'eau, le carburant, l'électricité,
04:42 ce sont des priorités également.
04:43 - Vous avez une centaine de collaborateurs qui sont présents,
04:46 qui étaient là avant le 7 octobre, puisque personne ne sort
04:49 pour l'instant de la bande de Gaza.
04:50 Vous échangez avec eux ? Ils sont en sécurité ?
04:53 Dans quel état sont-ils aujourd'hui ?
04:55 - Ils sont fatigués, mais au même titre, la population de Gaza,
04:58 oui, est encore beaucoup plus fatiguée, mais ce que fait actuellement
05:02 le CISR avec ses personnels sur place, c'est justement des évaluations
05:06 qui sont échangées avec les collègues qui s'apprêtent à rentrer
05:09 et avec d'autres institutions humanitaires, comme les Nations Unies ou les ONG,
05:13 pour justement commencer ce travail de coordination.
05:16 De plus, il ne faut pas qu'on se loupe.
05:19 Quand je dis qu'on se loupe, c'est que l'humanitaire,
05:21 ça devient une grosse pagaille, vous avez des populations qui sont fatiguées,
05:24 il y aura des déplacements nouveaux sur des points de ravitaillement,
05:27 des points d'eau, des points de nourriture, etc.
05:29 Donc c'est très important de, je ne dirais pas réussir,
05:33 mais en tout cas que la meilleure des coordinations possibles
05:36 puisse se faire, et ceci sans hostilité.
05:38 Il est évident que si des combats continuaient,
05:40 le défi logistique est tel qu'il est illusoire d'imaginer que ça puisse fonctionner.
05:46 Vous jouez aussi le CISR en rôle de négociateur,
05:49 vous intervenez auprès des Israéliens et du Hamas
05:52 comme intermédiaire neutre sur la question des otages.
05:54 J'imagine bien que vous ne pouvez pas parler de l'état des discussions,
05:57 mais est-ce qu'elles avancent, y a-t-il un dialogue ?
06:00 Je disais tout à l'heure que le CISR est intermédiaire neutre dans les conflits,
06:03 il a un mandat très spécifique qui consiste notamment
06:06 à s'interposer entre les belligérants pour négocier des sujets humanitaires.
06:10 Négocier quoi ? D'aller voir, vous, les otages ?
06:13 Le CISR visite dans toutes les situations de conflit armé,
06:16 les prisonniers, c'est son travail,
06:17 les gens qui sont privés de liberté en général.
06:20 La question des otages est dans nos top priorités,
06:22 on est en contact avec toutes les autorités nécessaires des deux côtés,
06:27 mais aussi avec beaucoup de chancelleries dont l'influence peut aussi aider,
06:31 et que notre travail c'est de pouvoir au moins avoir accès,
06:34 avoir des informations à partager avec les familles.
06:37 Le droit humanitaire prévoit aussi le droit de savoir,
06:40 c'est-à-dire le droit de savoir des familles
06:41 ce qu'il est advenu d'une personne d'un proche porté disparu.
06:45 Vous avez certaines informations,
06:46 vos collaborateurs ont pu voir des otages ?
06:49 On est en contact, alors la confidentialité des fois
06:51 est parfois mal comprise ou mal acceptée
06:54 parce qu'il y a toute la douleur indicible des familles qui est plus que réelle,
06:57 mais on sait aussi que c'est la confidentialité
06:59 qui va nous permettre d'avancer et de négocier avec toutes les parties
07:04 et de pouvoir échanger des informations
07:06 qui si elles étaient publiques pourraient refermer les canaux.
07:09 Un exemple très simple, quand vous visitez une prison,
07:11 ce que fait le CICR partout sur la planète,
07:14 si vous dénoncez publiquement ce dont vous avez été témoin,
07:18 vous ne pourrez plus revenir dans la prison.
07:20 Le but du CICR c'est de revenir et de répéter ses visites,
07:23 et que bien évidemment la question des otages
07:25 est au centre de nos préoccupations.
07:27 Merci beaucoup Frédéric Joly.

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