Jah Prince, ex-star du reggae devenu SDF au bois de Vincennes

Le Parisien

Il a rempli des stades en Afrique, des salles à Paris. Le Franco-Ivoirien Jah Prince, un des pionniers du reggae, vit aujourd’hui en toute discrétion dans une tente, dans le bois de Vincennes. Ruiné après avoir été privé de ses biens par le gouvernement de Côte d’Ivoire, il espérait rebondir avec un album, qu’il tentait de produire dans sa tente qui a brûlé…

Transcript

00:00 Tu me laisses 5 minutes, je médite un peu, je reviens.

00:02 Et là, je suis tranquille et on peut commencer vraiment le truc.

00:05 OK ?

00:06 Moi, je suis musicien.

00:22 Voilà, je suis franco-ibérien.

00:23 [Musique]

00:38 Ici, c'est la survie, en fait.

00:40 Si on ne sait pas survivre, on ne peut pas vivre ici.

00:43 Ici, ce n'est pas un confort de vie.

00:47 Ici, c'est la débrouillardise pour subsister, en fait.

00:50 [Musique]

01:00 Mais moi, je le prends bien parce que j'ai déjà perdu beaucoup de choses.

01:06 Et je suis dos à haut mur.

01:08 Quand vous êtes dos au mur, vous ne pouvez plus reculer.

01:11 Donc moi, ici, c'est les dernières bases.

01:14 Je ne peux plus reculer plus que ça.

01:16 [Musique]

01:30 Je sais que les oiseaux, ils n'ont rien à payer ici.

01:33 Donc si je vis comme eux, je peux vivre un peu quand même.

01:36 Si j'essaie de leur regarder les oiseaux, les criquets qui ne payent rien,

01:40 les autres trucs qui ne payent rien, les papillons qui ne payent rien ici,

01:43 moi aussi, je ne peux pas payer rien et essayer de vivre comme ça.

01:47 J'essaie, mais je pense qu'il faut plus que ça pour vivre sur la terre.

01:52 Maintenant, je suis obligé de retourner dans la ville.

01:54 Et si je retourne dans la ville, il me faut bien payer des choses.

01:58 Donc je suis obligé de retourner à mon histoire.

02:00 À mon histoire de ce que j'ai fait avant

02:02 et de tout ce qu'on m'a exproprié, de tout ce qu'on m'a pris.

02:05 [Musique]

02:24 J'ai vécu beaucoup de choses là-bas en Afrique.

02:27 Je suis parti en Afrique en 2010 avec mon conteneur de 20 pieds,

02:36 du matériel des scènes pour faire des concerts, des festivals,

02:41 du matériel de studio pour enregistrer des albums

02:46 et encore du matériel pour monter une école de musique là-bas.

02:49 Les douaniers ivoiriens m'ont dépossédé de tout mon matériel.

02:53 Bon, j'étais patient, je pensais qu'ils allaient me le rendre.

02:57 Et je suis resté là, à attendre, à attendre et rien ne se faisait.

03:02 [Musique]

03:12 J'avais écopé une année de prison plus 5 ans d'interdiction du pays.

03:19 Et je trouvais ça très injuste parce qu'ils ont mon matériel

03:24 et ils m'interdisent de venir sur la terre où mon matériel se trouve.

03:28 Bon, pour moi tout ça c'était vraiment,

03:31 je savais qu'il y avait un faux truc derrière.

03:33 Je pense que je fais une musique engagée,

03:36 mais en principe ma musique n'agresse personne,

03:40 elle dit seulement les choses.

03:42 [Musique]

03:48 Vous voyez là où il y a les flammes, là, où c'est noir ?

03:51 C'est un endroit ?

03:52 C'était mon studio en fait.

03:55 Au fur et à mesure que je faisais des concerts,

03:56 que je gagnais un peu d'argent, j'investissais dans du matériel.

03:59 Là j'avais le gros studio, les chiffres, ils connaissaient.

04:02 Ils ont cramé, lui il est venu dans mon studio,

04:04 il a vu comment c'était le studio.

04:05 Un bon truc.

04:08 On faisait du bon son, tout ça et tout,

04:09 on était en train de faire des enregistrements bien et tout.

04:12 C'était presque un attentat.

04:13 On a brûlé mon studio, pendant que j'étais dedans je dormais.

04:16 Batterie, les pianos, les claviers, plusieurs pianos, plusieurs claviers,

04:24 les amplis de guitare, les tables d'émissage, les micros,

04:31 pas mal de matériel en tout cas, beaucoup de matériel.

04:35 Depuis 13 ans je subis, subis, subis le poids de la vie,

04:40 parce que je ne peux pas être actif comme je voulais.

04:44 Donc j'ai moins de rentabilité, j'ai moins de rentes,

04:47 j'ai moins d'argent, tout est bloqué un peu.

04:50 (chant)

05:03 Yes Ice, one love, Yes Ice, toujours, toujours.

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