Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • il y a 2 ans
Anne Fulda reçoit Alain Gérard pour son livre «Le malheur inutile» dans #HDLivres

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00 Bonjour Alain Gérard.
00:01 Bonjour.
00:02 Vous êtes psychiatre, vous avez déjà écrit quelques livres et là vous venez de publier un livre
00:07 au très joli titre et qui s'appelle "Le malheur inutile, cinq histoires de liberté retrouvées"
00:13 et c'est paru chez Michel Laffont.
00:14 Alors c'est un livre qui s'appuie sur cinq cas concrets de patients qui ont été les vôtres
00:21 et qui ont tous quelque chose en commun.
00:23 Ils souffrent mais en fait leur mal est plutôt dû à leur environnement, à la société ou à l'entreprise, c'est bien ça ?
00:30 C'est exactement ça.
00:32 Habituellement j'ai écrit des livres sur la maladie, les malades
00:37 et depuis 4-5 ans j'ai vu que beaucoup de gens qui venaient me consulter allaient bien,
00:42 étaient des gens courageux, qui aimaient leur travail, qui aimaient la vie,
00:45 mais qui craquaient parce que ce qu'on leur demandait, dans la réalité, c'était pas leur perception,
00:51 c'était la réalité de ce que demandait l'entourage, qui faisait qu'ils n'en pouvaient plus
00:56 et que donc ils venaient me voir me demander des conseils.
00:59 Et je me suis rendu compte, j'ai remis en question mes habitudes
01:02 et je me suis rendu compte que je n'étais plus à l'aise pour prescrire les antidépresseurs,
01:07 alors que j'ai une bonne expérience de ces prescriptions,
01:10 j'étais moins à l'aise pour demander des psychothérapies parce que je ne les trouvais pas vraiment malades
01:16 et j'ai eu l'impression de me transformer un peu en coach, en les aidant à analyser leur situation,
01:22 à constater que dans les lieux où ils vivaient c'était plus tenable
01:26 et que donc il allait falloir qu'ils se sauvent en prenant leur temps,
01:31 en prenant une bonne méthode, sans attendre que tout soit parfait,
01:35 mais en se disant "on ne peut pas rester là, il faut qu'on se sauve pour reprendre un peu notre liberté".
01:41 Alors il y a comme fil rouge pour certains le sentiment d'une exigence professionnelle un peu absurde
01:47 ou qui n'ont plus de sens, par exemple vous parlez de Valérie,
01:50 qui est une infirmière et qui se sent totalement désemparée
01:54 parce qu'elle ne peut plus soigner, ce qui est sa vocation première.
01:58 Valérie, elle a rêvé depuis 16 ans de devenir infirmière,
02:03 elle travaille dans un service de cancérologie chirurgicale,
02:09 elle adore son métier, il y a trois infirmières absentes,
02:13 la surveillante lui demande un soir de compter les comprimés de morphine,
02:16 elle dit "madame je ne peux pas aujourd'hui parce que les patients crient, elles m'appellent"
02:22 et la surveillante lui dit "si vous ne supportez pas les cris des patients, je vais vous acheter des boules quiès".
02:27 Et là, alors qu'elle est complètement investie dans son travail,
02:31 elle rentre chez elle et le lendemain matin elle ne peut plus se lever,
02:35 elle craque parce que tout ça pour elle n'a plus le sens qu'elle avait mis dans son métier.
02:40 Et alors il y a d'autres exemples, il y a notamment ce cadre aussi qui craque lui
02:47 parce qu'il y a des exigences financières qui prennent le pas sur la raison de son entreprise.
02:54 Et en fait la question qu'on se pose c'est comment vous pouvez faire ?
02:58 Vous dites que vous êtes transformée en coach parce que la société vous ne pouvez pas la transformer,
03:02 il faut donc pouvoir s'adapter, c'est ça ?
03:05 Vous leur donnez des conseils pour s'adapter à une société qui ne leur convient plus ?
03:08 Non, parce que justement j'ai trouvé d'entretien en entretien que le prix à payer pour l'adaptation,
03:15 le prix cognitif, le prix, au bout d'un moment les gens ne se respectaient pas,
03:19 que ça leur coûtait trop cher par rapport à leur système de valeur,
03:23 par rapport à leur équilibre interne, par rapport à l'harmonie entre la vie privée,
03:27 la vie de parents, la vie d'employé,
03:31 et que donc justement il ne fallait pas s'adapter
03:33 et que si je leur prescrivais certaines choses classiquement, je ne faisais pas mon job.
03:38 Et c'est pour ça que j'ai eu envie d'écrire ça, qui est un témoignage,
03:41 je suis un peu sortie de mon cadre habituel de réflexion.
03:46 Oui, ce que vous disiez tout à l'heure.
03:48 Alors évidemment quand on voit le titre "Le malheur inutile",
03:50 on se demande mais il y a des malheurs utiles ?
03:54 Il y a des malheurs inévitables et puis je ne sais pas si on pense en ce moment aux familles ukrainiennes,
03:59 aux guerriers ukrainiens, c'est du malheur, c'est du malheur intense,
04:03 mais il est utile parce qu'il défend des valeurs qui méritent d'être défendues.
04:08 Là aujourd'hui, il y a beaucoup de malheurs qui ne sont pas utiles
04:13 parce que les contraintes qui sont exigées des gens ne profitent,
04:17 ils ne profitent même pas aux entreprises parce que les gens sont malheureux,
04:21 parce que la productivité diminue, parce que l'absentéisme,
04:24 je ne sais pas si vous avez vu récemment les chiffres d'absentéisme qui sont au plafond,
04:28 il y a toute une expression sociale d'une espèce de ras-le-bol
04:33 et encore une fois, les gens qui viennent me voir ne sont pas des fainéants,
04:37 comme on a tendance à le penser, c'est des gens courageux,
04:40 c'est des gens qui en temps normal vont bien,
04:42 c'est donc qu'il y a un problème de management, pas partout,
04:45 il y a des sociétés où ça se passe bien, mais il y a beaucoup d'endroits
04:49 où il se passe un vrai problème.
04:50 Donc c'est peut-être aux entreprises de s'occuper, de prendre en main le problème
04:55 et de penser d'une certaine façon à la productivité,
04:58 mais aussi au bonheur de leurs salariés ?
05:01 Oui, surtout qu'il y a des règles qui sont connues.
05:03 J'ai le sentiment que là, depuis les derniers mois,
05:07 tous ceux dont j'entends parler, les entreprises sont de plus en plus attentives à ce problème.
05:12 Quand on a vu que des polytechniciens ne voulaient pas rentrer dans certaines sociétés,
05:16 que des gens sortis de grandes écoles refusaient de s'impliquer,
05:20 il y a un vrai sujet.
05:22 En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre,
05:25 ça s'appelle "Le malheur inutile", c'est paru chez Michel Laffont.
05:29 Merci Alain Gérard.
05:30 Merci Anne.
05:33 [Musique]
05:36 [SILENCE]
Commentaires
1
  • @Femme Bevaixil y a 5 mois
    J'ai 70 ans et lorsque j'avais 19 ans j'étais élève infirmière et j'ai côtoyé ce grand psychiatre. J'ai immédiatement été saisie par son immense humanité. Merci Monsieur pour tout.
Ajoute ton commentaire

Recommandations