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Transcription
00:00 On va vous parler de Jean Moulin et de cet hommage appuyé à la résistance française,
00:05 prévu cet après-midi.
00:06 C'est tout de suite avec notre invité du jour.
00:07 Notre invité du jour, Fabrice Grenard, bonjour.
00:14 Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:16 Vous êtes historien, directeur scientifique de la Fondation de la Résistance, auteur
00:20 par ailleurs d'un ouvrage qui vient de sortir, son titre Jean Moulin, "Le héros oublié".
00:25 Alors on attend Emmanuel Macron d'un instant à l'autre, on l'attend aux alentours de
00:29 14h30 dans cette prison tristement célèbre, celle où il a été détenu, Jean Moulin.
00:34 Pourquoi est-ce qu'il est si important, cet hommage, aujourd'hui ?
00:37 D'abord parce que la résistance française, c'est peut-être la dernière grande page
00:41 héroïque de notre histoire.
00:42 Donc forcément, il fait référence, c'est très important.
00:46 Et puis nous allons commémorer cette année les 80 ans de la création du Conseil national
00:51 de la résistance, dont Jean Moulin a été le créateur, le premier président également.
00:55 Les 80 ans aussi, malheureusement, de l'arrestation de Jean Moulin à Calouires le 21 juin et
01:00 de sa mort quelques jours plus tard en gare de Metz lors d'un transfert vers l'Allemagne
01:04 le 8 juillet.
01:05 Voilà, donc tout ça explique ce déplacement exceptionnel pour un 8 mai du président Macron
01:12 à Lyon.
01:13 Voilà, beaucoup d'anniversaires effectivement qui vont se succéder cette année.
01:17 Un hommage peut-être pour comprendre aussi ce qu'a apporté la résistance à la France
01:22 et aux Français ?
01:23 Vous savez, s'il n'y avait pas eu la résistance française, la France aujourd'hui n'aurait
01:27 pas la place qui est la sienne sur le plan mondial, sur le plan géopolitique.
01:31 La résistance française, que ce soit la France libre avec le général de Gaulle ou
01:35 la résistance intérieure, a permis de ranger la France dans le camp des vainqueurs en 1945.
01:40 C'est très important parce que c'est pour cela qu'à la fin de la guerre, la France
01:44 aura une zone d'occupation en Allemagne, que la France aura un siège permanent au
01:49 Conseil de sécurité de l'ONU.
01:51 Et nous l'avons toujours.
01:52 Et si la France aujourd'hui est une grande puissance qui continue de compter sur le plan
01:57 géopolitique, on ne peut pas faire sans la France, elle le doit en partie à la résistance française.
02:03 On ne commémore pas assez les résistants, la résistance française ?
02:07 Je dirais qu'il ne faut pas que les commémorations non plus soient un prétexte.
02:11 On voit bien qu'on y revient de temps en temps, mais il faut aussi un travail de…
02:15 Les dates anniversaires, on aime bien ça, nous les Français.
02:17 Les dates anniversaires, on aime bien ça, on aime bien faire des beaux discours, mais
02:20 il faut aussi un travail de fond, il faut que ce travail de mémoire ait lieu tout au
02:24 long de l'année, qu'on investisse dans les sites de mémoire, je pense à Auradour-sur-Glane
02:30 par exemple, dont les ruines aujourd'hui sont un petit peu menacées par le temps.
02:34 Je pense au concours national de la résistance et de la déportation qui a lieu chaque année
02:39 dans les collèges et les lycées.
02:41 Il faut vraiment mettre le paquet sur toutes ces initiatives mémorielles parce que le
02:45 temps qui passe fait qu'évidemment on a tendance, notamment pour les jeunes générations,
02:50 à oublier cette page d'histoire.
02:52 Justement, c'est un moment de l'histoire, en tout cas je parle pour mon cas, mais je
02:56 pense que c'est assez général, complètement fascinant quand on est jeune et c'est en
02:59 même temps très court.
03:01 On passe assez vite là-dessus.
03:03 Est-ce que la place accordée à la résistance, à ces actions, est suffisante aujourd'hui
03:10 dans les collèges et lycées ?
03:11 Peut-être pas, effectivement.
03:14 On voit bien qu'on a une autre façon aujourd'hui d'enseigner à la Seconde Guerre mondiale.
03:18 On parle de guerre d'anéantissement avec une approche davantage à l'échelle mondiale
03:24 sur les conséquences pour les civils, le processus d'extermination.
03:29 Et du coup, tout ça se fait aussi peut-être un petit peu au déprimant de pages d'histoire
03:33 comme l'histoire de la résistance française sur laquelle on passe un petit peu plus vite.
03:38 Vous venez de sortir ce livre, Jean Moulin, le héros oublié.
03:42 Pourquoi oublier ?
03:43 Pourquoi oublier ? Parce qu'il me semble qu'on connaît mieux le Jean Moulin mort,
03:48 comme on l'a vu dans votre reportage, le discours de Malraux, le transfert au Panthéon.
03:52 Le symbole, finalement.
03:54 Mais si vous demandez aux gens dans la rue, bien sûr ils connaissent Jean Moulin, mais
03:58 si vous leur demandez qu'est-ce qu'il a fait, personne ne sait exactement.
04:01 C'était un homme de l'ombre, bien sûr, Jean Moulin.
04:02 On est dans la clandestinité, dans la résistance.
04:05 C'était aussi un homme du général de Gaulle.
04:07 Le général de Gaulle, on sait qu'il a fait l'appel du 16 juin.
04:09 A priori, il n'aurait pas entendu cet appel.
04:11 Non, bien sûr, il ne l'a pas entendu.
04:12 Mais le général de Gaulle, on voit clairement ce qu'il a fait.
04:16 Pour Jean Moulin, c'est beaucoup plus compliqué, alors qu'en réalité, sans lui, la résistance
04:21 certainement n'aurait pas pu s'unir comme elle a pu le faire à la fin de la guerre.
04:25 Elle s'est unie derrière le général de Gaulle.
04:27 Et c'est très important, la libération, parce qu'il n'y a qu'une seule autorité en France,
04:31 celle de de Gaulle.
04:32 Il n'y a pas de conflit de pouvoir.
04:34 Il n'y a pas de potentiel guerre civile qui pouvait éclater entre le pouvoir extérieur
04:39 à Londres et le pouvoir clandestin de la résistance intérieure.
04:42 On ne n'est pas résistant.
04:43 Ça s'est imposé à lui comme à beaucoup d'autres.
04:46 Il n'avait pas prévu ça et ça a été une évidence.
04:49 Oui, en plus, ce qui est intéressant dans la trajectoire de Jean Moulin, c'est que
04:53 Jean Moulin, c'est d'abord un serviteur de l'État.
04:54 Il est haut fonctionnaire.
04:55 Il a été sous préfet.
04:56 Pour la préfecture.
04:57 Et il est révoqué de la préfectorale par le régime de Vichy début novembre 1940.
05:03 Et là, il bascule totalement.
05:05 Celui qui a servi l'État va devenir celui qui a désobéi, du coup, qui désobéit
05:10 à l'État français, au régime de Vichy.
05:12 Et donc, à la loi en place.
05:14 Et c'est comme ça, effectivement, qu'il va basculer dans la résistance et faire le
05:18 choix de rejoindre le général de Gaulle à Londres pour servir de trait d'union entre
05:22 les deux résistances.
05:23 La résistance intérieure qui a commencé à se développer en France occupée et la
05:28 France libre avec le général de Gaulle qui maintient la France dans la lutte aux côtés
05:32 des alliés.
05:33 Tout ça dans le même objectif, c'est de sauver la France au final.
05:35 C'est de sauver la France et Jean Moulin, en plus, a gardé, il a participé à l'aide
05:39 clandestine pour les républicains espagnols.
05:41 Personne ne le sait, mais ça a été une mission secrète que lui avait confiée le
05:45 ministre de l'air Pierre Cotte en 1936.
05:48 Et Jean Moulin a retenu les leçons de l'échec des républicains espagnols.
05:52 Ils étaient trop divisés.
05:53 Ils n'avaient pas assez d'aide extérieure.
05:56 Et donc, lorsque Jean Moulin devient résistant, il sait que ces deux obstacles-là, il faut
06:01 les surmonter.
06:02 Il faut que les résistants soient unis et il faut aussi qu'ils aient de l'aide extérieure,
06:06 notamment venant des alliés.
06:07 Voilà un homme qui tient, qui résiste malgré la torture, torturé à plusieurs reprises
06:12 et qui va donc décéder quelques mois après son arrestation, quelques semaines dans ce
06:17 train qui était censé l'emmener dans un camp.
06:20 Qu'est-ce qu'il reste aujourd'hui de ce symbole et de la résistance plus généralement ?
06:24 Alors de Jean Moulin, je dirais que c'est une figure qui a été importante après le
06:30 transfert au Panthéon et qu'on a effectivement peut-être tendance aujourd'hui à oublier
06:34 au profit d'autres figures qui sont elles aussi rentrées au Panthéon plus récemment,
06:38 Pierre Brossolette.
06:39 La résistance, encore une fois, je le disais en introduction, c'est la dernière grande
06:43 page héroïque de notre histoire.
06:44 C'est une page qui fait consensus et il faut absolument entretenir son souvenir, d'autant
06:50 bien sûr que les derniers acteurs de cette période aujourd'hui ont quasiment disparu.
06:54 Le chef de l'État va rappeler, tout à l'heure en tout cas, c'est l'Élysée qui nous le
06:59 dit comme ça, le rôle politique essentiel joué par Jean Moulin dans l'unification
07:03 de la résistance et l'émergence d'une France libre, exaltée à travers lui, cet esprit
07:08 de résistance qui est propre au peuple français.
07:11 C'est effectivement difficile de contourner la question de ce qui se passe en ce moment.
07:15 Il y a des manifestations qui sont prévues à Lyon cet après-midi, rassemblements interdits
07:19 notamment autour de cette prison.
07:21 Certains des opposants à la réforme des retraites qui espèrent donner de la voix
07:24 aujourd'hui revendiquent une certaine forme de résistance aujourd'hui.
07:29 J'aimerais avoir votre avis à vous, l'historien que vous êtes.
07:32 Il y a une sorte de piège, je dirais.
07:34 Vous parlez d'héroïsme il y a quelques instants.
07:36 Je dirais que le président Macron est à peu près au piège de l'histoire, puisqu'il
07:40 veut peut-être d'un côté essayer de rassembler autour d'une figure consensuelle, Jean Moulin,
07:46 dans une période un petit peu de crise.
07:49 Mais on voit bien que ça ne marche pas, puisqu'effectivement, on s'attend à des manifestations cet après-midi.
07:54 Et on voit bien qu'il reste dans la position du président contesté et qu'il lui est
08:00 difficile de trouver une sortie de crise, même en agitant quelques symboles.
08:04 C'est de faire acte de résistance, d'héroïsme, je reprends vos mots, que de s'opposer comme
08:09 ça dans la durée à une réforme comme celle-ci, ce n'est pas un peu trop fort ?
08:14 Bien sûr, ça n'a absolument rien à voir.
08:16 Les résistants étaient des gens qui prenaient des risques considérables, qui risquaient
08:19 leur vie à tout moment.
08:21 Donc il ne faut surtout pas banaliser ce terme de résistance.
08:24 Une opposition, un désaccord politique n'a rien à voir avec le fait de résister dans
08:30 un contexte de clandestinité et d'occupation.
08:32 Merci beaucoup Fabrice Grenard de nous avoir parlé et de Jean Moulin et de la résistance,
08:36 de ce qu'il en reste aujourd'hui en cette journée commémorative, évidemment, cette
08:40 intervention d'Emmanuel Macron attendue à Lyon cet après-midi, que vous pourrez suivre
08:44 en direct sur nos antennes.

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