- il y a 23 heures
La Fondation pour le logement des défavorisés publie les résultats d'une enquête sur la précarité en France. Son délégué général Christophe Robert est l'invité de RTL Matin.
Regardez L'invité de RTL Matin avec Olivier Boy du 30 décembre 2025.
Regardez L'invité de RTL Matin avec Olivier Boy du 30 décembre 2025.
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00:00Son style, pour votre santé, attention à l'abus d'alcool.
00:03RTL Matin, Olivier Bois.
00:06Et avec nous en studio, Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le Logement.
00:10Bonjour M. Robert.
00:11Bonjour.
00:11La pauvreté, la précarité s'aggravent en France.
00:14Vous allez nous donner dans un instant les résultats pour la première fois de cette étude que vous avez commandée
00:19sur la précarité, la pauvreté qui s'aggrave en France.
00:22Les chiffres sont édifiants.
00:24Mais d'abord sur cette information dont on a parlé ce matin sur RTL.
00:27Cet homme sans domicile fixe de 72 ans qui a été retrouvé mort dans la rue dans le nord-ouest de Paris.
00:33C'était dimanche en fin d'après-midi.
00:35Il s'est effondré sur le trottoir.
00:36Personne n'est intervenu pendant plusieurs heures.
00:39Comment est-ce que c'est possible en France en 2025 aujourd'hui ?
00:43Écoutez, les chiffres du nombre de personnes mortes à la rue n'ont cessé d'augmenter.
00:48On a dépassé les 900 personnes en 2024.
00:52Beaucoup de personnes appellent le 115 sans se voir proposer de solution.
00:55C'est à peu près 7, 8, 8 000 par jour qui appellent le 115.
01:00Donc ils sont en situation d'urgence.
01:01Ils disent ce soir je ne sais pas où dormir et à qui on ne propose pas de solution.
01:05Dont environ 2 à 3 000 enfants chaque soir.
01:08Donc évidemment, on arrive à ces situations-là qui sont insupportables.
01:12Et en ce moment, ne pas avoir de réponse, c'est un enjeu vital.
01:15C'est une question de vie ou de mort.
01:16Oui, c'est un enjeu vital parce que d'abord, chacun mesure à quel point le fait de passer même une heure dehors
01:21sans être bien couvert par les grands froids du moment.
01:24C'est quelque chose d'insupportable.
01:26Mais vous savez, c'est vrai toute l'année.
01:28Il y a autant de personnes qui meurent à la rue l'été que l'hiver.
01:31Alors on est très sensibilisés à ce moment-là.
01:33Et pour cause, parce que c'est extrêmement grave.
01:35Mais je crois que ça doit tous nous interpeller.
01:37La puissance publique d'abord, qui a la responsabilité, les collectivités, l'État.
01:40Donc c'est la première responsabilité.
01:42Mais tous ensemble aussi.
01:43Parce que cette personne, finalement, elle était morte depuis longtemps.
01:46Et je crois que beaucoup de personnes l'ont contournée.
01:48Alors je pense qu'on est dans un pays qui est quand même solidaire.
01:51Que ça choque tout le monde encore.
01:53Il ne faut pas s'habituer à ces situations-là.
01:55Mais il y a beaucoup à faire pour tendre la main à ceux qui souffrent aujourd'hui dans notre pays.
01:58Et on rappelle justement, quand on voit quelqu'un en difficulté,
02:00on appelle le 115.
02:02Si la personne semble bien portante pour l'aider, le 115,
02:07s'il y a, semble-t-il, un problème de santé,
02:09il faut directement appeler les pompiers, les services d'urgence
02:12pour une intervention le plus rapidement possible.
02:14Complètement.
02:14Et la première chose à faire, c'est d'aller voir la personne.
02:16De voir si elle a connaissance des maraudes, si elle a une solution.
02:20Je crois que cette personne avait une solution en hébergement.
02:22Mais voilà, elle était là.
02:24Et c'est un de ses compagnons de route dans un hébergement d'urgence
02:27qui l'a reconnu et qui a constaté ce triste décès.
02:30Donc là, on parle de très grande pauvreté.
02:32Ceux qui n'ont pas de logement, qui n'ont pas de domicile.
02:35Votre étude que vous nous révélez ce matin,
02:37c'est plus généralement sur la précarité en France.
02:41D'abord, cette étude, vous l'avez menée avec un institut de sondage.
02:44Donc, c'est représentatif de la population.
02:47Et quels sont les chiffres qui vous ont été dévoilés dans cette étude
02:50sur la précarité en France ?
02:52Alors, on savait déjà par les dernières statistiques de l'INSEE
02:54publiées au printemps dernier
02:55qu'on avait atteint un niveau de pauvreté jamais égalé depuis 30 ans.
02:59On a un taux de pauvreté le plus élevé depuis ces 30 dernières années.
03:02Donc, on avait déjà cette situation, mais ça nous ramenait à 2023
03:06puisque les statistiques de l'INSEE sont souvent décalées sur la pauvreté.
03:10Ce que nous montre cette étude, c'est quelque chose de très préoccupant.
03:12C'est qu'en quelques années, toute une partie de la population
03:15a basculé dans des situations de fragilité, voire de précarité.
03:19Deux chiffres.
03:2024% des personnes interrogées déclarent avoir eu recours
03:24à l'aide financière de proches l'année dernière ou celle d'avant.
03:28C'est-à-dire qu'à un moment, ils ne s'en sortaient pas.
03:29Ils ont fait appel à la solidarité.
03:30Alors, c'est chouette, la solidarité.
03:33On demande de l'argent à la famille, à un ami, à un proche,
03:36parce qu'on n'arrive pas, j'en ai debout.
03:38Exactement.
03:38Et le nombre de personnes qui ont fait appel à cette solidarité de proximité
03:42a doublé en deux ans.
03:44Et donc, là, on se dit, il se passe quelque chose.
03:46Il y a un basculement, si vous voulez.
03:48Et puis, ça nous interroge, parce que c'est bien la solidarité de proximité.
03:51C'est satisfaisant.
03:53Mais ceux qui n'ont pas cette solidarité-là...
03:55Et on voit bien à quel point l'État, la puissance publique,
03:58c'est la famille de ceux qui n'en ont pas.
03:59Donc, ça interroge aussi sur nos capacités
04:01à apporter des réponses sociales aux personnes en difficulté.
04:05Le deuxième chiffre, c'est 14% de la population
04:07dit avoir fait appel à l'aide alimentaire.
04:10Et vous savez,
04:11quand on fait appel à l'aide alimentaire,
04:13c'est qu'on n'a pas d'autre solution.
04:14Parce que ce n'est pas très agréable
04:16d'aller dans une file d'attente,
04:18même s'il ne faut surtout pas hésiter à le faire.
04:19et voir augmenter, doubler aussi le nombre de personnes
04:23qui font appel à l'aide alimentaire
04:25en seulement quelques années,
04:26nous montre qu'on est dans un moment de bascule.
04:28Où on a d'un côté des très très profs qui s'enfoncent,
04:30mais toute une partie de la population
04:32qui était sur le fil
04:33et qui, vu l'inflation,
04:35les prix de l'énergie, les prix alimentaires
04:37qui ont fortement augmenté pendant deux ans,
04:40eh bien, ça ne passe plus.
04:41Donc, on parle là de gens, effectivement, pour être très clair,
04:43qui ont un travail,
04:45qui ont un salaire,
04:46mais qui n'arrivent pas à payer les factures
04:48avec ce qu'ils gagnent.
04:49On a les deux.
04:50On a effectivement ceux qui sont
04:52dans une situation de grande exclusion,
04:53qui s'enfoncent un peu plus,
04:55parce qu'il faut bien s'alimenter,
04:56il faut bien se chauffer,
04:57mais ça devient de plus en plus difficile.
04:59Et il y a ceux qui,
05:01malgré le fait qu'ils aient un emploi,
05:02ne les protègent pas de la pauvreté,
05:04ne les protègent pas du mal logement.
05:05Et c'est l'autre enseignement de cette étude,
05:08c'est que le logement,
05:09qui est le premier poste de dépense des ménages
05:11dans notre pays,
05:12devient de plus en plus insupportable
05:14pour un nombre grandissant de personnes.
05:15Vous l'avez entendu dans le journal de 8 heures,
05:17l'exemple de cette famille,
05:18dans un petit appartement
05:19qui avait 160 euros
05:21de facture d'électricité par mois,
05:23parfois en plein hiver,
05:24et encore en ne chauffant qu'une seule pièce,
05:26parce qu'ils vivent dans une véritable passoire thermique.
05:28Et ce logement aspire toutes leurs économies,
05:31toutes leurs finances.
05:33Complètement.
05:33Alors il y a ceux qui vont dépenser trop pour se loger,
05:36et il y a ceux pour qui ça ne passe plus.
05:37Et donc ils vont, par exemple,
05:39réduire leur consommation énergétique,
05:41ils vont couper le chauffage,
05:42ou le réduire,
05:43avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la santé.
05:45Ça vous le voyez dans les gens que vous accompagnez à la fondation de logement ?
05:48On accompagne des personnes,
05:49on les aide à rénover leur passoire thermique.
05:52Il y a 12 millions de personnes
05:53qui sont en situation de précarité énergétique dans notre pays,
05:56et tous les indicateurs sur le froid,
06:00ou le chaud,
06:01parce qu'une passoire thermique c'est une bouilloire thermique l'été,
06:04eh bien montrent que la situation s'aggrave.
06:06Mais ce n'est pas étonnant.
06:06Les salaires n'ont pas augmenté à la même hauteur que le prix de l'énergie,
06:12et pour beaucoup ça ne passe plus,
06:13d'où la nécessité d'apporter des aides,
06:15notamment par le chèque énergie par exemple,
06:17qui n'a pas augmenté son montant depuis 2019,
06:19mais surtout, vous allez dire,
06:21et aussi,
06:22rénover les passoires thermiques,
06:23aider les ménages à pouvoir moins consommer,
06:25et pouvoir mieux se chauffer.
06:26Vous avez entendu effectivement le dispositif MaPrimeRénov',
06:29qui est réduit,
06:30qui a même été suspendu à un moment donné,
06:31parce qu'il y avait trop de demandes justement pour faire rénover les logements,
06:34et puis cette phrase, je voulais vous la citer,
06:35cette phrase que vous avez sûrement en tête,
06:37que vous avez lue,
06:38du ministre du Travail Jean-Pierre Farandou,
06:39qui a dit en substance que la France n'avait plus les moyens de sa politique de générosité.
06:44Comment vous l'avez prise, cette phrase ?
06:46Mal.
06:48Mal.
06:48On se vante depuis très longtemps d'avoir un pays qui a une bonne protection sociale,
06:52et c'est vrai si on la compare à beaucoup de pays.
06:54Mais attention,
06:55cette protection sociale est en train de perdre de sa force.
06:58Et nous avons le devoir d'aider les plus fragiles,
07:01sur deux volets,
07:02par rapport à ce qu'on vient d'évoquer.
07:03Mais quand vous entendez, la France n'a plus les moyens ?
07:05Je ne crois pas.
07:05Je ne crois pas.
07:06Je crois que c'est un choix de politique.
07:08On a, depuis la Deuxième Guerre mondiale,
07:10développé une vraie protection sociale.
07:11On essaye d'aider au maximum les personnes.
07:14Il y avait une grande ambition,
07:15même d'Emmanuel Macron en 2018,
07:16avec son plan national de lutte contre la pauvreté.
07:18On va éradiquer la grande pauvreté.
07:20Et là, on voit bien que
07:21ce sujet fait moins
07:23l'objet d'attention de la part des pouvoirs publics.
07:28Voir de stigmatisation ?
07:30Est-ce que vous le percevez comme ça,
07:31quand vous entendez, par exemple, le débat qui a eu lieu en fin d'année,
07:33sur « on ne va pas donner la prime de Noël »
07:35à des couples sans enfants, par exemple ?
07:37À une personne sans enfants,
07:38l'air de dire « il n'en a pas vraiment besoin,
07:40c'est un peu abusé ».
07:41Est-ce que c'est comme ça que vous le percevez
07:43quand vous entendez, là encore, ce débat-là ?
07:45Moi, ça me fait souffrir d'entendre ça.
07:46Parce que toutes les personnes qu'on aide à la Fondation,
07:48tous les jours,
07:49qui entendent ce discours,
07:50ça veut dire « moi, je me lève le matin,
07:51j'essaie de trouver du boulot ou je bosse,
07:53mais ça ne suffit pas,
07:54parce que je n'ai pas assez d'heures
07:54pour pouvoir vivre convenablement. »
07:56Et j'entends mon ministre,
07:57ou j'entends mon premier ministre,
07:59qui m'explique que, en fait,
08:00les 150 euros de la prime de Noël,
08:02ce serait quelque chose de trop.
08:04Cette logique-là,
08:05cette petite musique, finalement,
08:08elle finit par avoir des conséquences.
08:09Parce que, du coup, on va réduire les APL,
08:11on ne va pas augmenter le montant du RSA
08:13avec l'inflation,
08:14et petit à petit,
08:15on grignote la capacité de nos aides sociales
08:17à permettre à ceux qui sont en difficulté
08:19de garder la tête hors de l'eau.
08:21En fait, plutôt que de les montrer du doigt,
08:24il faut tendre la main
08:25à ceux qui sont en souffrance.
08:26D'abord, ceux qui sont en total dénuement.
08:28Bien sûr, on ne laisse personne à la rue.
08:30Mais je pense aussi aux catégories modestes,
08:32aux classes moyennes inférieures
08:33qui ne s'en sortent pas aujourd'hui
08:34et qui n'arrivent pas
08:35et qui ont peur de basculer,
08:36qui ont peur du déclassement.
08:37C'est toute cette partie-là de la population
08:39à qui il faut tendre la main.
08:41Forcément, pas avec la même intensité,
08:43parce que ce ne sont pas les mêmes aides
08:44qu'il faut pour chacune et chacun
08:45de ses concitoyens.
08:47Mais il faut reprendre une grande ambition
08:48en matière de lutte contre les exclusions
08:50dans notre pays.
08:50Je crois qu'on s'honorerait tous
08:52à repartir dans une dynamique positive
08:54dans ce sens.
08:55Je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle,
08:56mais en tout cas,
08:56c'est un bon indicateur.
08:58En revanche, les Français
08:59sont toujours aussi généreux.
09:00On a eu encore le chiffre hier
09:01du nombre de dons.
09:02Ils sont encore en hausse
09:03pour l'année 2024.
09:05C'est une agréable surprise
09:07parce qu'effectivement,
09:08des gens donnent toujours,
09:09malgré les difficultés
09:10qu'ils peuvent rencontrer aussi.
09:11Moi, je ne suis pas surpris de ça
09:12parce que c'est ce qu'on voit au quotidien.
09:14Une France qui est plutôt généreuse,
09:15une France qui est solidaire,
09:16qui a envie d'avoir
09:17un gros niveau de protection sociale
09:18dans le pays,
09:19sur la santé,
09:20aussi la question scolaire,
09:21la question de la sécurité.
09:23Et c'est pour ça que je trouve
09:24que le débat public politique
09:26n'est pas à la hauteur,
09:27finalement,
09:28de ce que notre pays veut.
09:30Je crois vraiment,
09:30sincèrement, cela.
09:31Et effectivement,
09:32les indicateurs sont plutôt positifs.
09:33Le bénévolat se porte bien.
09:35La solidarité de proximité,
09:36on vient de le dire,
09:37pour ceux qui en ont la capacité,
09:39se porte bien.
09:40Le don, globalement,
09:41il n'augmente pas beaucoup,
09:42mais il est à un niveau quand même
09:44assez élevé dans notre pays.
09:45Donc je crois qu'il y a là
09:46une demande de solidarité
09:48et il faut l'écouter
09:49et il faut l'accompagner
09:50avec les outils
09:51de la puissance publique.
09:51Il y a un débat sur
09:52il ne faut pas augmenter
09:53les impôts, par exemple.
09:54Est-ce que,
09:55pour poser la question clairement,
09:56peut-être un peu brutalement,
09:57est-ce que dans la France
09:57d'Emmanuel Macron,
09:58depuis son arrivée au pouvoir,
09:59les riches en France
10:00sont devenus de plus en plus riches
10:01et les pauvres de plus en plus pauvres ?
10:03C'est ce que l'opposition dit
10:04souvent pour parler de son bilan.
10:06Ce n'est pas ce que l'opposition dit,
10:07c'est ce que la statistique donne à voir.
10:10C'est ce que les chercheurs montrent.
10:12les choix économiques et fiscaux
10:15qui ont été faits
10:16sont plus favorables
10:17aux très très hauts revenus
10:19et plus défavorables
10:20aux petits revenus,
10:21voire aux plus précaires.
10:22Donc, il y a aussi là
10:23une question de choix,
10:24de partage des richesses,
10:25si vous voulez.
10:26Quand on supprime la taxe d'habitation
10:28pour 80% des ménages,
10:29qui était le projet
10:29d'Emmanuel Macron dans sa campagne,
10:31bon voilà, on la supprime,
10:32c'est un choix de politique publique.
10:34Mais quand on la supprime
10:34pour les 20% les plus riches,
10:36on redonne de la capacité
10:37à des personnes
10:37qui n'ont rien demandé.
10:38Mais les 20% les plus riches
10:39qui ne payent plus la taxe d'habitation,
10:40c'est 10 milliards d'euros
10:41qui ne rentrent pas
10:42dans les caisses de l'Etat
10:42chaque année pour la solidarité,
10:44pour la police,
10:45pour nos écoles
10:47et pour notre santé.
10:48Voilà, ça c'est ce débat public
10:49que nous devrions avoir dans ce pays.
10:50Merci Christophe Robert,
10:52délégué général
10:52de la Fondation pour logement.
10:54Vous êtes venu nous révéler
10:54ces résultats,
10:56l'étude sur la précarité
10:57qui s'aggrave.
10:58On rappelle les deux chiffres.
10:5924% des Français
11:00qui ont fait appel
11:01à des proches
11:02au cours des deux dernières années
11:02pour financer
11:03les dépenses du quotidien
11:04et 14% des Français
11:06interrogés
11:07qui ont fait appel
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