Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 16 minutes
L'artiste de 69 ans a été Barbara Petrovna dans Les Démons de l'écrivain russe Fiodor Dostoïevski, Agrippine dans le Britannicus de Racine ou encore Dorine dans le Tartuffe de Molière. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50-du-week-end/l-invite-de-7h50-du-we-du-dimanche-28-decembre-2025-7468879

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Des adieux ce matin de l'une de nos plus grandes comédiennes françaises.
00:03Elle a été Vavara Petrovna dans Les démons de Dostoïevski,
00:07Agrippine dans le Britannicus de Racine,
00:09Dorine dans le Tartuffe de Molière.
00:11Bonjour Dominique Blanc.
00:13Bonjour.
00:14Vous êtes entrée à la comédie française en 2016,
00:16vous y avez habité tous ces rôles et aujourd'hui vous quittez cette institution.
00:20Vous êtes triste, satisfaite de ces dix années passées aux français ?
00:25Ça fera donc dix ans le 16 mars 2026
00:30et ça a été mes dix plus belles années.
00:37D'accord.
00:37Vraiment.
00:38J'ai été invitée par Eric Ruffe,
00:42j'étais la première personne à être invitée à rejoindre la troupe comme pensionnaire
00:48et Eric Ruffe m'a proposé de rentrer dans la troupe
00:52et en même temps il m'a proposé le rôle d'Agrippine
00:55mis en scène par Stéphane Brunschweig.
00:59Vous quittez la comédie française pour des raisons personnelles,
01:01pour vous occuper de votre amoureux je crois.
01:03Voilà.
01:04Le rythme il est intense, trop intense ?
01:06Il est très très intense.
01:09Avant d'y rentrer je disais que c'était,
01:12ces gens-là étaient des grands sportifs.
01:16Dix ans après je maintiens,
01:18je pense que ce sont de grands athlètes.
01:20Vous êtes fatiguée vous-même au bout de dix ans de ce rythme-là ?
01:24Non, fatiguée non, parce qu'il y a une espèce d'ivresse en fait.
01:30Donc on répète l'après-midi de 13h à 17h et on a une petite pause
01:36et le soir on joue à 20h30.
01:38Le week-end on joue le samedi à 14h,
01:41le soir à 20h30,
01:43pareil le dimanche.
01:44dimanche et on peut aussi avoir une journée comme ceci,
01:48c'est-à-dire jouer à Richelieu à 14h,
01:52aller jouer au studio à 18h30
01:54et aller jouer à 20h30 au Vieux-Colombier.
01:56Waouh !
01:57Oui, oui, non, c'est quand je dis athlète, c'est athlète.
02:00Vous y avez passé dix ans.
02:01Quel rôle vous avez particulièrement chéri ?
02:04J'ai eu une chance exceptionnelle
02:07parce qu'Eric Roof m'a vraiment programmée, entre guillemets,
02:12dans des rôles magnifiques avec des metteurs en scène exceptionnels.
02:18Le premier auquel je pense immédiatement,
02:21c'est Angels in America,
02:24qui est une pièce de Tony Kushner sur le sida,
02:28l'arrivée du sida à New York au début des années 80.
02:30et Tony Kushner voulait que le rôle principal jouent trois hommes et trois femmes.
02:36Je me suis donc trouvée à jouer un rabbin,
02:39enfin, enfin, un rabbin.
02:42Ensuite, un général de l'armée soviétique, quand même,
02:46et puis un médecin qui annonce à son meilleur ami qu'il est atteint du sida.
02:50Il y a un rôle, un spectacle que vous avez détesté, vraiment ?
02:54Ça a été difficile ?
02:56Non.
02:57Non, non, vous allez être déçus, mais non.
02:59Le premier spectacle, ou le seul spectacle,
03:03où j'ai eu, comment est-ce qu'on peut appeler ça ?
03:08Un peu de contrariété, c'était Tartuffe, avec Ivo Vanhove.
03:14Pas facile.
03:15Pas facile.
03:16Alors, avec Ivo Vanhove, quand vous répétez,
03:19le premier jour de répétition,
03:21vous êtes coiffée, maquillée, texte dessus.
03:24Voilà.
03:26Je pense que j'étais tout à fait dans cet état-là.
03:32Mais Ivo Vanhove est assez impatient.
03:35Donc, un jour, il est monté sur scène pour me montrer comment il fallait jouer Dorine.
03:41Ça ne m'était jamais arrivé de ma carrière.
03:43Donc, il a joué Dorine avec des grands gestes.
03:47Voilà.
03:48Et il voulait absolument que je fasse la même chose.
03:50Donc, j'ai fait la même chose.
03:51Et puis, au bout d'un mois, j'étais tellement épuisée.
03:54Je me suis dit, je vais rendre le rôle.
03:56Je n'y arriverai pas.
03:59Visiblement, je ne lui plais pas.
04:01Donc, je m'en vais.
04:02Et quand je suis rentrée à la maison, l'amoureux m'a dit,
04:05mais enfin, tu n'as jamais fait ça de ta vie.
04:08Tu ne vas pas laisser un rôle à la comédie française,
04:12qui plus est un rôle de Molière.
04:13C'est impossible.
04:15Donc, j'y suis retournée le lendemain et je me suis accrochée.
04:17Et j'y suis parvenue.
04:18Vous êtes entrée à la comédie française à un âge où d'autres s'en vont.
04:23La soixantaine venue.
04:25C'était très tard.
04:25Déjà, dans votre parcours de comédienne, vous aviez fait plein de choses avant.
04:29Pourquoi y être allée à l'époque ?
04:31J'y suis allée parce que je suis encore à ce jour totalement amoureuse de Mony Polite,
04:37totalement amoureuse d'Éric Ruff.
04:38Éric Ruff, l'administrateur qui vient de partir.
04:40C'est parce qu'il part d'ailleurs que vous partez aussi ?
04:43Non, non, non.
04:44C'est sans aucun lien.
04:48Je ne pouvais pas refuser ça à Éric Ruff.
04:51Et je lui ai dit, mais mon ami, tu es un peu inconscient parce que j'ai 60 ans quand même.
04:55Il m'a dit, et alors ?
04:56Où est le problème ?
04:57Et comment vous avez été accueillie par la troupe ?
05:00Parce que c'est une troupe très particulière.
05:02Un collectif.
05:04Alors, j'ai été merveilleusement accueillie sur Britannicus par Laurence Stocker,
05:10qui est mon fils d'adoption.
05:13Parce que j'ai été sa maman par trois fois.
05:15Donc, il m'a dit, écoute, quand ma vraie maman partira, tu seras ma maman.
05:20Donc, j'ai dit, je suis d'accord.
05:22Et j'ai été merveilleusement accueillie par Hervé Pierre, évidemment.
05:27Hervé Pierre, Benjamin Laverne et toute la distribution.
05:32Ils ont été merveilleux avec moi.
05:34Vous avez parlé d'Éric Ruff.
05:35Votre Hippolyte, moi, je garde un souvenir incandescent de vous en Phèdre.
05:40Mise en scène, Patrice Chéreau, aux ateliers Berthier.
05:43C'est un autre compagnonnage qui a évidemment énormément compté, Chéreau, dans votre parcours.
05:49Ah ben, Chéreau, si vous voulez, c'est l'amour de ma vie.
05:51Et ça le restera jusqu'au bout de ma vie.
05:54J'ai commencé avec lui sur Pergunte en 81 au TNP.
05:58J'avais une Kyrielle de tout petits rôles, comme ça.
06:02Et puis, finalement, on s'est retrouvés au cinéma, on s'est retrouvés au théâtre.
06:06C'était, oui, c'était un compagnon de vie et surtout, c'était un ami.
06:14Donc, il n'y a pas un jour, si vous voulez, où je ne pense pas à lui.
06:20Il est omniprésent.
06:23À l'origine de votre vocation, il y a le directeur d'une école d'architecture à Lyon, je crois,
06:28que vous avez prise en otage.
06:30Tout à fait.
06:31Qu'est-ce que c'est que cette histoire, Dominique Blanc ?
06:32Ah, écoutez, je vais faire une version courte.
06:35J'ai fait deux années d'architecture.
06:38On était une centaine d'étudiants dans un préfabriqué.
06:42Il n'y avait pas d'argent, ce n'était pas très gai.
06:45Et on devait être une dizaine de filles dans cette promotion.
06:49Il y avait également deux étudiants entiers.
06:53Et on avait un professeur de descriptive, qui, à mon avis, n'est plus en vie,
06:57qui s'appelait M. Véran, et qui disait dès le premier cours,
07:02bon, la descriptive, de toute façon, les femmes n'y comprennent rien,
07:07et les Noirs n'y comprennent rien non plus.
07:10D'accord.
07:10C'était un climat terrible.
07:12Donc, au bout de la deuxième année, avec, oh, je pense qu'on était 4-5,
07:17on a dit quand même, on ne va pas se laisser faire,
07:19on va prendre en otage le directeur de l'école d'architecture.
07:23Donc, on rentre dans son petit bureau, toujours dans un préfabriqué,
07:27et on lui dit, voilà, on vous prend en otage.
07:30Donc, l'homme était un peu interloqué.
07:33On s'est installé dans son bureau, on a ouvert son frigidaire,
07:36il y avait une bouteille de champagne, on l'a bu.
07:39Puis après, on ne savait plus quoi faire de ce monsieur.
07:41Donc, on a arrêté là notre prise d'otage.
07:44Et quand je suis montée à Paris,
07:46mon dossier d'architecture avait mystérieusement disparu.
07:49Et c'est là que vous vous êtes plutôt orientée vers la comédie.
07:54Alors, pour rassurer mes parents, j'ai dit, écoutez,
07:57je vais m'inscrire à l'école du Louvre.
07:59Alors, l'école du Louvre, si vous voulez, c'est le grand âge
08:02où on étudie la porcelaine chinoise du 15e siècle avant Jésus-Christ.
08:08Je me suis rendue compte assez vite que ça n'était pas pour moi.
08:11Et en cachette, en cachette totale, je me suis inscrite au cours d'un dramatique.
08:16Vous avez parlé du TNP en 1981 avec Patrice Chéreau.
08:21Vous avez fait une grande partie de votre voyage dans le théâtre,
08:26dans le théâtre public.
08:27Est-ce que ça veut encore dire quelque chose, le théâtre public, aujourd'hui ?
08:30Oui, le théâtre public, pour moi, veut dire beaucoup de choses.
08:34Par exemple, quand je vois qu'au théâtre de l'Odéon,
08:38pendant les fêtes de Noël, le théâtre est ouvert à un comique.
08:45Je crois que c'est un comique.
08:48Oui, pour moi, il y a trahison, si vous voulez.
08:51Parce que le théâtre public a quand même été créé par Jeanne Laurent,
08:57par André Malraux.
08:58C'était la décentralisation.
09:00C'était très important pour moi, qui habitait en province.
09:03Et la décentralisation, actuellement, est entièrement détricotée.
09:08Et c'est dramatique.
09:10Vous avez rendu cet automne à Emmanuel Macron
09:12votre insigne d'officier de la Légion d'honneur.
09:14Vous nous expliquez pourquoi ?
09:15Bien sûr.
09:16Alors, écoutez, moi, je suis passionnée par la politique.
09:19Je crois comme, d'ailleurs, tout le peuple français.
09:22Je ne suis pas la seule.
09:23Je suis sur France Info, pardon, mais j'écoute aussi France Inter.
09:28Ce sont les voisins, ça va.
09:29Voilà.
09:30Sur France Info, avec la télévision allumée en permanence.
09:35J'ai regardé le spectacle de l'Assemblée nationale.
09:40Et je crois que, comme beaucoup de Français, j'ai été triste.
09:44Parce que je me suis dit que le corps politique actuel,
09:48hormis Sébastien Lecornu, n'était pas à la hauteur du peuple français.
09:53Et puis, notre ministre de la Culture, Rachida Dati,
09:59qui est mon ministre, forcément,
10:03a été nommée par trois fois par Emmanuel Macron.
10:07Je sais qu'elle est très proche du couple présidentiel.
10:12Évidemment, il y a présomption d'innocence,
10:14mais elle est suivie par quand même un certain nombre d'affaires judiciaires.
10:18Et je pense qu'à la deuxième nomination,
10:21elle aurait dû se retirer par respect pour les artistes
10:25et pour les intermittents du spectacle.
10:27Elle ne l'a pas fait.
10:29Donc, j'ai rendu ma légion d'honneur.
10:33Vous allez faire quoi après la comédie française ?
10:35Vous avez des projets ?
10:36Ah ben, je vais jouer.
10:38Je vais jouer.
10:38Alors, j'ai un projet.
10:39Je prépare un récital de chansons.
10:43Vous allez chanter quoi ?
10:45Alors, ça va s'appeler
10:46« De Purcelles à Dalida ».
10:48C'est vaste.
10:50C'est vaste.
10:51Je vais chanter des airs classiques
10:52et puis ensuite des chanteuses réalistes
10:55comme Damien, Fréel, tout ça,
10:57de la variété française.
10:59Et je finirai par du jazz.
11:03Je crois que vous allez jouer en Ukraine aussi.
11:07C'est un autre projet ?
11:08Alors, ça, c'est un rêve que j'espère bien concrétiser.
11:12Je voudrais aller entre la balade de Souchon et Tartuffe.
11:16J'ai quelques jours au printemps.
11:17Je voudrais aller jouer « La douleur » à Kiev
11:19et lire des textes de résistance de René Char.
11:25Et je voudrais emmener avec moi Éric Ruffe.
11:29Et vous êtes venue ce matin avec un cadeau
11:31qu'on vient de vous offrir à Noël, c'est ça ?
11:33Vous vouliez nous en dire quelques mots.
11:35Alors, c'est une comédienne merveilleuse
11:36qui s'appelle Leïla Muse
11:38qui m'a offert ce livre
11:39qui s'appelle
11:41« Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce ».
11:46Réflexion sur l'effondrement.
11:48Corinne Morel d'Arleux.
11:51Et ce livre m'a tout à fait enchantée.
11:54Il est édité chez Libertalia.
11:57Oui, c'est sur l'effondrement.
11:58Et je pense que nous sommes,
12:00vu l'actualité internationale
12:02et l'actualité politique nationale,
12:06nous sommes beaucoup dans l'effondrement
12:07et nous n'avons pas de réponse.
12:09Et ce livre donne beaucoup de réponses.
12:12Merci beaucoup, Dominique Blanc,
12:14d'être venue nous voir ce matin sur France Inter.
12:16On a encore quelques mois avant le grand départ
12:18de la comédie française.
12:19C'est en juillet, c'est ça ?
12:20C'est ça, ça sera le 11 juillet.
12:23Et je voudrais, si j'en ai le temps,
12:25saluer en direct un comédien,
12:27un grand comédien, ami,
12:29mon partenaire préféré,
12:31qui est le garçon
12:31avec lequel j'ai le plus joué de ma vie,
12:34qui est Didier Sandre.
12:36Évidemment, on salue Didier Sandre.
12:37À très bientôt, Dominique Blanc.
12:39À très bientôt.
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations