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  • il y a 1 jour
L'invité du Grand Entretien par Marion L’Hour et Ali Baddou est Clément Hervieu-Léger, administrateur général de la Comédie-Française, metteur en scène du spectacle “L’école de danse” de Goldoni, jusqu’au 3 janvier, et "Le Misanthrope" de Molière. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-samedi-06-decembre-2025-9952454

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Transcription
00:00Grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous avons le bonheur de recevoir un comédien metteur en scène
00:06et qui est depuis cet été à la tête d'un des théâtres les plus prestigieux d'Europe,
00:12celui qu'on nomme tout simplement le français.
00:15Monsieur l'administrateur général de la comédie française est notre invité ce matin.
00:21Chers auditeurs, vos réactions, vos émotions devant Molière racinent
00:27votre expérience de spectateur au 01 45 24 7000 ou l'application Radio France.
00:35Clermont Hervieux-Léger, bonjour.
00:37Bonjour.
00:37Et bienvenue, vous mettez en ce moment en scène Clément Hervieux-Léger l'école de danse,
00:43une pièce de Carlo Goldoni au français donc et le misanthrope de Molière.
00:50Qu'avez-vous donc ? Laissez-moi, je vous prie. Qu'est-ce que c'est ?
00:55C'est Alceste Filin, première scène du misanthrope.
00:57Première scène du misanthrope. Pourquoi cette pièce-là est-elle emblématique ?
01:02Elle est fondatrice du théâtre en France et elle est au cœur, cette pièce-là, de la comédie française.
01:10Sans doute parce que c'est une des pièces les plus achevées de Molière.
01:14C'est une pièce qui est à la fois une grande comédie et une grande tragédie,
01:19ce qui n'était quand même pas du tout la règle au milieu du XVIIe.
01:23Molière a complètement changé le genre avec cette pièce.
01:26Et puis surtout, c'est une révolution dramaturgique sur ce qu'est le jeu de l'acteur.
01:30C'est-à-dire que tout à coup, il demande à ses acteurs d'être ce qu'il représente.
01:34C'était une révolution folle.
01:35Qu'est-ce que ça veut dire d'être ce qu'il représente ?
01:37C'est toute la question de l'incarnation.
01:39C'est-à-dire que Molière a fait sortir le théâtre des stéréotypes pour nous parler de nous,
01:42pour nous parler de notre humanité, de nos faiblesses, de nos difficultés à vivre,
01:47parce que c'était quand même la grande question de Molière,
01:49de nos rapports avec la famille, de nos rapports au désir,
01:52de tout ce qui continuait à faire notre monde.
01:54La devise de la comédie française, c'est être ensemble et être soi-même.
02:00Qu'est-ce qu'elle veut dire ?
02:01Elle veut dire qu'une troupe comme la comédie française, c'est d'abord un groupe et c'est très important,
02:06mais c'est aussi un collectif, une association de talents.
02:12Et c'est le cas à la comédie française.
02:14C'est une très grande maison, centenaire, tout est classé, du sol au plafond,
02:19400 personnes, tous les métiers pour la faire fonctionner,
02:22ou presque techniques, juridiques, administratives.
02:25Vous dites qu'à tous les étages, pourtant, à tous les services,
02:29on ne pense qu'à une chose, que le rideau se lève le soir.
02:33Vous, vous êtes l'administrateur général de la comédie française.
02:36C'est un nouveau boulot, c'est un autre nom pour dire directeur.
02:39Mais qu'est-ce que ça veut dire au fond ?
02:41Parce que ça en dit long sur l'institution.
02:43Oui, effectivement, je dirige cette maison, mais mon titre, c'est administrateur général,
02:48parce qu'au cœur de la comédie française, il y a une société de comédiens,
02:53la société des comédiens français.
02:54Il y a une part d'autogestion à la comédie française,
02:57puisque les comédiennes et les comédiens, les sociétaires,
03:00ont vraiment aussi leur mot à dire dans la gestion de cette maison.
03:03Et l'administrateur est là pour mettre...
03:04Il ne se prive pas de le dire, d'ailleurs.
03:05Il ne se prive pas de le dire, mais c'est ça qui est passionnant.
03:08Et l'administrateur est là pour mettre tout ça en musique.
03:11Mais effectivement, je ne dirige pas seul,
03:13mais je crois que de toute façon, on ne fait pas du théâtre seul.
03:15Et vous êtes arrivé l'été dernier, donc, pour cinq ans.
03:17C'est un quinquennat renouvelable.
03:19Vous succédez à Éric Ruff, qui avait pour projet d'ouvrir une nouvelle salle.
03:22Et ça, a priori, vous l'avez abandonné.
03:24En revanche, vous en avez plein, vous, des projets,
03:26comme par exemple des partenariats avec d'autres institutions,
03:29y compris en dehors de la capitale.
03:31Est-ce que vous pouvez nous en dire plus,
03:32les grandes lignes de ce mandat qui démarre ?
03:35Oui, vous venez de le dire.
03:36Le grand projet de mon prédécesseur Éric Ruff
03:38était d'ouvrir une autre salle,
03:40notamment pour que la comédie française puisse déployer des formes autres
03:43que celles qu'on peut avoir dans la salle Richelieu,
03:45qui est la salle historique, qui est un théâtre à l'italienne.
03:47Un théâtre à l'italienne.
03:48Et aussi le studio et le vieux colombier.
03:50Et le vieux colombier qui sont des jauges différentes.
03:52Aujourd'hui, ce projet n'a plus cours
03:54et on voit bien que ce n'est pas dans le contexte économique
03:56dans lequel on est qu'on va faire naître un projet comme celui-là.
03:59Sans doute malheureusement,
03:59parce que ce serait toujours formidable d'ouvrir un nouveau théâtre.
04:02Alors je vais faire avec les théâtres qu'on a déjà,
04:04évidemment les trois salles qui sont très différentes
04:05et qui ont leur spécificité,
04:08y compris pour accueillir des répertoires différents.
04:10Puis je me dis qu'il faut aussi aller dans d'autres salles
04:12puisqu'on ne va pas en ouvrir de nouvelles.
04:13Mais il y en a plein.
04:14Et notamment aussi en région.
04:16Et que la comédie française se doit d'être sur d'autres territoires
04:19que le seul territoire parisien.
04:22Même si elle le fait déjà.
04:23En tournée bien sûr.
04:24Mais je voudrais qu'on puisse créer en région,
04:27notamment dans les centres dramatiques nationaux.
04:29On va toujours citer Molière.
04:30Tout le plaisir de l'amour est dans le changement.
04:32Vous êtes d'accord ?
04:33Qu'est-ce que vous allez garder de l'identité de la comédie française ?
04:36Et quelle est votre touche personnelle ?
04:38Il y a déjà beaucoup de questions au standard
04:40avec des auditeurs qui ont des choses à vous demander.
04:45Mais d'abord, je crois que quand on se retrouve
04:48à la tête d'une maison comme celle-là,
04:50il faut avoir beaucoup d'humilité.
04:51Je ne vais pas faire la révolution.
04:52La comédie française, elle me survivra.
04:54Elle me survivra très bien.
04:55Je vais surtout essayer de faire en sorte
04:56qu'elle continue à être en phase avec son temps.
04:58C'est ça qui m'importe.
05:00Donc oui, il y a du changement.
05:01Non, mais vous voulez créer par exemple
05:03une école du spectateur.
05:05Qu'est-ce que ça peut bien vous dire ?
05:07Je veux créer une école des métiers.
05:09Ça, c'est une chose importante
05:10parce que je trouve qu'il y a des métiers
05:11à la comédie française
05:11qu'il faut absolument qu'on préserve.
05:13Vous l'évoquiez tout à l'heure.
05:14Une école du spectateur.
05:15Non, je crois que toute représentation de théâtre
05:17est une école pour les spectateurs et les spectatrices.
05:20Ce que je voudrais en tout cas,
05:21c'est qu'on puisse voyager dans les programmations
05:24qui seront celles de la comédie française.
05:25Qu'il puisse y avoir du lien
05:26entre les programmations dans les trois salles.
05:28Qu'il puisse y avoir des échos
05:31d'un spectacle à l'autre,
05:32mais pas seulement.
05:33Je voudrais qu'il y ait des grands partenariats
05:34avec d'autres institutions.
05:35Je pense au Louvre, à l'Opéra de Paris,
05:37que tout à coup, un spectacle
05:39monté salle Richelieu
05:40puisse être en écho
05:41à une très grande exposition
05:43qui est présentée au Louvre.
05:45Et de se dire, je ne sais pas
05:46si le Louvre ouvre une exposition
05:47sur telle période,
05:49sur tel peintre,
05:50que la comédie française puisse présenter
05:53un spectacle de la même période
05:56ou du même pays.
05:58Si c'est tout à coup une grande exposition
06:00sur l'Angleterre ou sur l'Espagne
06:01et qu'il y ait aussi ces échos-là
06:03parce que je pense qu'il faut
06:04qu'on puisse dans les temps actuels
06:07collaborer et que les spectateurs,
06:10les visiteurs du Louvre
06:11puissent aller d'un endroit à l'autre.
06:13C'est très important.
06:14Vous dites aussi que vous voulez
06:15faire bouger le répertoire.
06:16Alors il y a déjà 3500 pièces
06:18dans le répertoire
06:19en accueillant par exemple
06:21des pièces comme
06:21Le Roi à lire de Shakespeare
06:22ou peut-être des œuvres
06:24plus contemporaines comme John Foss.
06:26Donc pour ça, il faut être élu
06:27pour rentrer dans le répertoire
06:28par un comité de lecture.
06:29Là, vous parlez du Roi à lire
06:30qui est rentré au répertoire récemment.
06:32C'est pour ça que c'est cet exemple
06:33où il y a une fois présenté au studio.
06:35Actuellement, toutes les entrées au répertoire
06:37pour la salle Richelieu
06:38doivent effectivement être votées
06:40au comité de lecture.
06:41Il y a un comité de lecture
06:42qui doit donc accepter
06:45que les pièces rentrent au répertoire.
06:47Mon idée, mon envie,
06:48c'est qu'il puisse y avoir
06:49des entrées au répertoire
06:50aussi au studio et au Vieux Colombier
06:51parce que justement,
06:52il y a aujourd'hui des spectacles
06:53ou des œuvres.
06:55Je pense à Beckett,
06:57je pense qu'ils n'ont pas forcément
06:58leur place dans un théâtre à l'italienne
07:00parce que ce n'est pas l'endroit idéal
07:02pour le monter,
07:04mais qu'ils ont toute leur place
07:04au répertoire de la comédie française.
07:06Mais avouez que c'est quand même dingue
07:08que le chef-d'œuvre de Shakespeare
07:09qui date du début du XVIIe siècle
07:11vienne à peine de faire son entrée
07:13au répertoire.
07:14Il y a une rivalité
07:16avec la perfide Albion.
07:18Pas forcément.
07:19C'est Molière contre Shakespeare.
07:20Non, mais pas forcément.
07:21Regardez-vous de Denis,
07:22l'école de danse,
07:23alors c'est vrai que c'est une pièce
07:24peu connue,
07:24elle n'était pas au répertoire,
07:26elle vient de rentrer
07:26et c'est ça qui est bien,
07:27c'est qu'on a l'impression
07:27que tout est au répertoire.
07:29Non, tout n'est pas au répertoire
07:30et puis l'enrichissement du répertoire
07:32il se fait avec des œuvres classiques
07:33qui n'y sont pas
07:34qu'il faut faire rentrer,
07:35des œuvres qu'on ne joue plus
07:36parce que dans les 3500,
07:37il y en a plein qui ne jouent plus.
07:38Alors peut-être à raison d'autres
07:40qui seraient peut-être heureux
07:41de voir ressurgir
07:42et puis surtout,
07:50un classique justement ?
07:52Un classique ?
07:52Je crois que...
07:53Alors c'est Antoine Vitesse
07:54qui répondait en disant
07:55que les classiques
07:56nous aident à travailler
07:57sur notre mémoire sociale.
07:59Moi je crois beaucoup à ça,
08:00c'est-à-dire que je crois
08:00que les classiques sont ces œuvres
08:01qui réussissent à traverser le temps
08:04pour continuer à nous parler
08:05de nous-mêmes à toute époque.
08:07Et c'est ça qui est important,
08:08c'est ce que fait Molière
08:09avec le misanthrope,
08:09c'est extraordinaire,
08:10il nous parle de la dépression,
08:11de la difficulté à aimer,
08:12de la difficulté à faire société.
08:16Il l'écrit au 17e,
08:17ça continue à nous parler aujourd'hui.
08:18Mais il est tous les hommes,
08:19vous en avez d'ailleurs
08:20une interprétation justement
08:21de cette dépression
08:23et de ce personnage,
08:25la misanthropie d'Alceste
08:27incarnée par Loïc Corbery
08:29sur scène à la comédie française.
08:33Vous êtes plutôt Molière,
08:34Racine ou Corneille ?
08:35Je ne peux pas dire autrement
08:37que Molière,
08:37mais j'ai une grande passion
08:38pour Racine.
08:39Parce que c'est la maison de Molière.
08:40C'est la maison de Molière
08:41et il est partout quand même.
08:43Il y a même son fauteuil,
08:44le fauteuil sur lequel
08:45il a l'imaginaire.
08:46Et puis quand on rentre
08:48à la comédie française,
08:48on joue Molière.
08:50Parce que ça fait partie
08:50de nos missions.
08:53Ce qui est fou,
08:54c'est que Molière est une star.
08:56Mais pourquoi ?
08:56Parce que Molière remplit les salles.
08:58Parce que Molière,
08:58c'est extraordinaire
08:59d'avoir réussi
09:00à nous faire réfléchir
09:01sur le monde
09:02tout en nous faisant rire.
09:04Il l'a fait comme personne.
09:05Et puis,
09:06je ne sais pas,
09:06si on prend le misanthrope,
09:07la question de Filinte,
09:08l'autre personnage
09:09que vous évoquiez tout à l'heure
09:10dans la première scène.
09:12Le compromis sans la compromission,
09:13c'est quand même une chose
09:13qui nous parle actuellement, non ?
09:15Mais justement,
09:16vous arrivez à remplir des salles
09:17aussi avec Goldony,
09:18avec cette école de danse
09:19qui n'est pas connue,
09:20qui n'est pas une pièce
09:22mondialement renommée.
09:24D'abord parce que je pense
09:25que Goldony est un grand auteur,
09:26mais c'est la joie de la troupe.
09:27Oui, c'est vrai qu'on rit beaucoup
09:29en la regardant,
09:30mais si on regarde par exemple
09:31cette pièce,
09:32vous y trouvez aussi
09:33des résonances avec aujourd'hui,
09:35par exemple,
09:35la libération des femmes
09:36puisqu'il est question
09:37de danseuses qui se libèrent
09:38du jou d'un professeur
09:39qui est un peu abusif.
09:41Si on regarde effectivement
09:42le misanthrope,
09:43il y a cette question
09:43de la dépression
09:44qui est aussi très actuelle.
09:45C'est ça l'ADN
09:46de la comédie française,
09:47c'est de trouver les résonances
09:49d'aujourd'hui
09:49dans ces pièces du répertoire ?
09:51En tout cas,
09:52c'est la mission que je me donne
09:53à la tête de la comédie française.
09:54Je trouve que c'est comme ça
09:55que le répertoire a du sens.
09:56À partir du moment,
09:56il continue à nous faire réfléchir
09:58sur le monde.
10:00Je trouve aussi
10:01que le répertoire nous rappelle
10:02que tout théâtre est engagé
10:03et que théâtre engagé
10:04ne veut pas forcément dire
10:05théâtre militant,
10:06que c'est deux choses différentes
10:07et qu'aujourd'hui,
10:08l'exemple de l'école de danse
10:11est pour moi important.
10:13C'est une pièce qui est écrite
10:14au milieu du 18e à Venise
10:16et qui nous parle effectivement
10:17de la relation homme-femme,
10:19de la difficulté aussi
10:20pour des jeunes femmes
10:21dans le milieu artistique
10:23à s'émanciper.
10:24C'est quand même
10:25des sujets qui traversent
10:26notre métier actuellement.
10:27Alors justement,
10:27en question de Brigitte
10:28sur l'application Radio France,
10:30est-ce que le théâtre
10:31est toujours un lieu politique ?
10:33Oui, je crois.
10:33Toujours, évidemment.
10:35Toujours, évidemment ?
10:36Oui, je crois que le théâtre
10:37est politique par définition
10:38et qu'aujourd'hui,
10:39plus que jamais,
10:40le besoin de se rassembler,
10:43de faire corps
10:44pour regarder d'autres personnes
10:47qui tâchent d'éclairer le monde
10:49en le mettant en scène,
10:51oui, c'est quand même
10:52une expérience de notre commune humanité
10:53qui est décisive
10:55et qui est ô combien politique.
10:56Ce qui est assez formidable,
10:57c'est le nombre d'auditeurs
10:58qui font état de leur amour
11:00pour la comédie française.
11:02Et alors, il y a des souvenirs,
11:05ceux de Juliette.
11:05À 12 ans, j'ai découvert Molière
11:08grâce à la comédie française
11:09et à ces merveilleux comédiens
11:11que Molière pouvait transporter
11:13et faire rire.
11:14Sa meilleure expérience scolaire,
11:16dit-elle.
11:17Brigitte qui dit
11:19qu'elle a un attachement profond
11:21pour la comédie française.
11:22Ses parents l'y ont amené
11:23jusqu'à 15 ans
11:25et à chaque fois
11:26qu'elle peut emmener ses enfants,
11:27et ce n'est pas facile
11:28de trouver des places
11:28à la comédie française,
11:30elle le fait.
11:31On a vu le misanthrope,
11:32c'est un endroit
11:32qui me touche profondément.
11:35Qu'est-ce qui crée
11:36cet attachement unique,
11:37très particulier,
11:39de cette institution
11:40qui est située
11:41au cœur de Paris,
11:42au Palais Royal,
11:43avec ses spectateurs ?
11:45D'abord, je voudrais dire
11:46que cet amour,
11:47il est magnifique
11:47et qu'il m'oblige
11:48parce que...
11:49Vous, votre premier choc,
11:50c'était à 10 ans
11:50avec le bourgeois gentilhomme.
11:52Bien sûr.
11:52Et je crois que pour beaucoup,
11:54d'ailleurs,
11:54vos auditeurs,
11:56vos auditrices le racontent.
11:57Donc, c'est une maison
11:59qui est aussi une machine
12:00à créer des souvenirs.
12:01Et ça, c'est formidable.
12:03Des souvenirs de famille,
12:03des souvenirs scolaires,
12:05des souvenirs d'amitié.
12:06Ça, moi, c'est une chose
12:07qui m'émeut.
12:08Mais vous, un gamin à 10 ans,
12:10qu'est-ce que vous retenez ?
12:10Mais c'est l'émerveillement.
12:11Qu'est-ce que vous avez été touché ?
12:12Je crois à l'émerveillement.
12:14Je pense que...
12:15Par le bourgeois gentilhomme ?
12:16Bien sûr.
12:17Mais par le bourgeois gentilhomme,
12:18par le rire,
12:19et puis aussi par cette salle,
12:21et puis par les costumes,
12:23par le talent des actrices
12:24et des acteurs
12:25qui étaient en scène.
12:25Vous savez, je ne suis pas sûr.
12:27Je crois profondément
12:28que le théâtre est politique.
12:29Je crois que malheureusement,
12:30le théâtre ne peut pas forcément
12:31changer le monde,
12:32mais je crois qu'il peut changer la vie.
12:33Et ce n'est pas tout à fait
12:34la même chose.
12:34Il a changé la mienne.
12:36Et là, les témoignages
12:40on se place du point de vue
12:43des spectateurs.
12:44Il faut regarder quand même
12:45les chiffres.
12:45Si on regarde la dernière étude
12:47sur les pratiques culturelles,
12:48c'est celle du Crédoc en 2023.
12:5014% seulement des Français
12:52vont au théâtre une fois par an.
12:54Alors c'est plus élevé
12:54pour ceux qui ont des hauts revenus,
12:56pour ceux qui ont plus de 70 ans,
12:57pour ceux qui sont diplômés
12:58du supérieur.
12:59Quel rôle la comédie française,
13:01alors on dit que vos salles
13:02sont pleines effectivement,
13:03donc c'est peut-être
13:03un peu compliqué,
13:04mais peut jouer
13:04pour amener d'autres publics ?
13:06Elle a un rôle très important
13:08et ça c'est la question
13:09de la diffusion.
13:09Et on en parlait tout à l'heure,
13:11c'est pour ça que
13:11dans le projet qui est le mien,
13:13je souhaite qu'on aille aussi
13:14dans d'autres territoires,
13:15mais qu'on puisse s'installer
13:16un peu là-bas.
13:17Créer sur place,
13:18parce que c'est une chose importante.
13:19Il y a aussi toute la question
13:21aussi des diffusions au cinéma
13:22qui est quand même
13:22une vraie possibilité.
13:24On le fait actuellement cette année.
13:26Il y aura à la fois
13:26Les Femmes Savantes,
13:28Le Cid, Hamlets
13:29qui seront diffusées
13:30en direct au cinéma.
13:31C'est très important.
13:32En direct ?
13:33Oui.
13:33Parce que c'est important,
13:34parce qu'Anne vous demande
13:35pourquoi vous ne travaillez pas
13:36davantage avec France Télévisions
13:37pour que les spectacles
13:39de la comédie française
13:40soient captés.
13:41Mais on n'a pas réussi
13:43aujourd'hui encore
13:44à la télévision
13:45ou au cinéma
13:45à filmer le théâtre.
13:48C'est assez fascinant.
13:49C'est difficile.
13:51Je trouve qu'on y arrive
13:52de mieux en mieux.
13:53Mais alors,
13:53pour répondre à Anne,
13:54on a capté la semaine dernière
13:55pour France Télévisions
13:56l'école de danse
13:57de Carlo Goldoni.
13:58Et c'est vrai que
13:59ça me réjouit
14:00parce que c'est une diffusion
14:00qui est autre.
14:01Et il y a eu,
14:02je crois aussi,
14:02pendant longtemps l'idée
14:03que si on captait le théâtre,
14:04les gens ne viendraient plus
14:05au théâtre.
14:05C'est l'inverse qui se passe.
14:06C'est-à-dire qu'on se rend compte
14:07que beaucoup de spectateurs,
14:09de spectatrices
14:10qui vont voir des spectacles
14:12au cinéma
14:13ou qui les voient à la télévision
14:13ont ensuite envie
14:14de venir au théâtre.
14:15C'est ça le levier
14:16pour attirer d'autres gens ?
14:17C'en est un.
14:17Mais il y a aussi,
14:18bien entendu,
14:19encore une fois,
14:20le travail avec les professeurs
14:21qui sont extraordinaires.
14:22Le rapport des professeurs
14:23à la comédie française,
14:24il est fou.
14:25Mais là aussi,
14:31pour moi,
14:31les territoires ultramarins
14:33sont actuellement
14:33l'angle mort
14:34de la comédie française.
14:35Il est grand temps
14:35que ça change.
14:37C'est passionnant
14:38de lire les notes
14:39que vous avez rédigées
14:40pour le misanthrope
14:42que vous avez donc mis en scène.
14:43Vous écrivez notamment
14:44que pour comprendre
14:45la misanthropie,
14:46celle d'Alceste,
14:47il faut lire
14:47le fait-don de Platon.
14:49Alors,
14:49on ne va pas effrayer
14:50les auditeurs
14:51ou ceux qui n'ont pas lu
14:52le fait-don,
14:53mais il faut revenir
14:54à la théorie
14:55des humeurs
14:56d'Hippocrate.
14:57Être metteur en scène,
14:58c'est être un traducteur,
15:00c'est être un passeur
15:02qui dépasse les générations,
15:04qui dépasse le temps,
15:06qui défie le temps ?
15:07Ça dépend
15:08de la manière
15:08dont on fait son métier
15:10de metteur en scène.
15:10En tout cas,
15:11c'est comme ça
15:11que moi,
15:12je le pense.
15:12Et oui,
15:13je crois que le terme
15:13de passeur
15:14que vous employez,
15:15il est très important.
15:16Il est très important
15:17pour le metteur en scène,
15:18il est très important
15:19pour les interprètes
15:20et il est évidemment
15:21essentiel pour la troupe.
15:23Je crois qu'aujourd'hui,
15:24la troupe est
15:26un formidable passeur
15:27parce que les gens
15:27aiment, par exemple,
15:28retrouver des comédiats
15:29qu'ils ont vus dans des rôles.
15:30Oui, mais il y a des individualités.
15:32On imagine qu'à les donner
15:33des consignes
15:33à Denis Podalides,
15:35par exemple.
15:35C'est très facile.
15:36C'est très facile ?
15:36Oui, parce que Denis
15:37est quelqu'un
15:38avec qui c'est facile
15:39de travailler.
15:40Denis est un immense acteur.
15:43Oui, il a vraiment
15:44du génie
15:44et Denis,
15:46ce qu'il aime,
15:46c'est embrasser
15:47des projets
15:47qui ne sont pas les siens
15:48alors qu'il est lui-même
15:49metteur en scène par ailleurs
15:50et c'est ça
15:51qui est extraordinaire.
15:52Il faut voir aussi
15:52qu'à la comédie française,
15:53c'est une école
15:54de travailler avec autant
15:54de metteur en scène.
15:55Dans une saison,
15:56les comédiennes,
15:56les comédiens sont confrontés
15:58à des esthétiques
15:58des metteurs en scène,
15:59des lectures différentes
16:00et le plaisir,
16:01j'ai été 20 ans
16:02dans cette troupe,
16:03le plaisir d'appartenir
16:04à cette troupe,
16:04c'est aussi de se fondre
16:05dans une lecture,
16:07un projet
16:08qu'on n'avait pas forcément
16:09imaginé de cette manière-là.
16:10Denis Podalides
16:11qui incarne magnifiquement
16:12le professeur de danse
16:13de Golden Hill
16:13est très drôle.
16:14Il y aura un cid
16:15de Denis Podalides
16:15en 2020.
16:16Il va l'apporter
16:17de maître
16:17puisqu'on va fermer
16:20pour travaux
16:20pendant quelques mois
16:21et donc on va se délocaliser
16:22dans différents théâtres.
16:23Voilà, pendant neuf mois
16:23vous allez vous délocaliser
16:24dans d'autres théâtres.
16:25Je voulais vous parler
16:26un peu d'argent quand même
16:26Clément Violléger
16:27parce que le budget
16:28de la culture est en baisse,
16:29le budget général.
16:30Vous, vous vivez
16:31des subventions publiques
16:32en très grande partie.
16:34D'ailleurs,
16:35Eric Ruff s'inquiétait
16:36même à l'été dernier,
16:37il était venu ici.
16:39Il aurait,
16:39je le cite,
16:40préféré vous confier la maison
16:41dans une santé budgétaire
16:43et financière plus grande.
16:44Est-ce que c'est une inquiétude
16:45pour vous aussi ?
16:46C'est plus qu'une inquiétude,
16:47c'est une réalité pour moi.
16:48C'est mon travail
16:49de tous les jours actuellement
16:50et il avait raison
16:51de s'inquiéter.
16:53Oui, oui,
16:53bien entendu,
16:54la question budgétaire
16:55est centrale.
16:55On est aujourd'hui tenus
16:58de trouver aussi
16:58d'autres modes de financement
17:00que les seules subventions publiques
17:01et c'est bien normal.
17:02Il y a notamment,
17:03bien entendu,
17:04les recettes.
17:06Mais on est un peu au bout
17:07puisque vous le rappeliez,
17:08nos salles sont pleines.
17:09Alors ça ne veut pas dire
17:09que, d'ailleurs,
17:10je rappelle aux auditeurs,
17:11aux auditrices
17:12que tous les soirs
17:13il y a des places
17:13qui sont mises en vente
17:14à la Comédie française,
17:15les places de dernière minute
17:17le fameux petit bureau
17:18où on fait la queue
17:19pour avoir des places
17:19très peu chères
17:20mais ça c'est très important
17:21et j'y tiens beaucoup.
17:23Donc oui,
17:23il faut voir aussi
17:24que le mécénat
17:24a pris une place
17:25aussi importante.
17:27On a beaucoup de chance
17:27mais je ne vous cache pas
17:29que la ligne de crête
17:29est raide.
17:31Vous aviez un protecteur
17:32qui était le roi,
17:33qui était le frère du roi,
17:35monsieur,
17:35mais aujourd'hui
17:36c'est le président de la République.
17:38Vous avez un message
17:38à lui transmettre ?
17:39Écoutez,
17:40je crois que
17:40j'ai été nommé
17:41par le président de la République
17:42et je connais son attachement
17:44à la Comédie française.
17:44Je ne doute pas
17:45qu'il soit à nos côtés.
17:46Voilà,
17:47écoutez,
17:48comme dit le misanthrope,
17:49laissez-moi,
17:50je vous prie,
17:51on vous laisse tranquille
17:52et on vous souhaite
17:52une excellente journée.
17:54Il faut aller donc
17:55voir la Comédie française,
17:57voir toute la programmation
17:59de 2026,
18:00l'école de danse
18:01de Golfe-Denis
18:02et le misanthrope,
18:04évidemment.
18:04Merci infiniment
18:05d'avoir été notre invité
18:06ce matin
18:06et de nous avoir fait partager
18:08votre passion du théâtre.
18:09Merci.
18:10Merci.
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