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  • il y a 2 jours
En 2025, la 7ème limite planétaire a été dépassée : l’acidification des océans. Pour que les milieux marins reviennent à leur état initial, cela prendra des milliers d’années. Pour cela il faut totalement arrêter les émissions de CO2. 10 ans après l’Accord de Paris, nous sommes loin de cet objectif.

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Transcription
00:00C'est le débat de ce Smart Impact, on parle de l'acidification de l'océan avec Romain Troublet, bonjour, bienvenue, merci d'avoir accepté notre invitation, vous êtes directeur général de la fondation Tara Océan et puis on est en duplex avec Fabrice Pernet, bonjour, bienvenue à vous aussi, vous êtes chercheur à l'IFREMER et auteur de ce livre sur l'acidification des océans,
00:26notamment, justement avec Frédéric Gazeau, publié aux éditions, quoi est-ce, commence avec vous Romain Troublet, il y a des expéditions de la fondation Tara Océan qui parcourent le globe depuis quoi, plus de 20 ans, c'est ça ?
00:3820 ans, 22 ans, oui.
00:39Alors on pourrait parler de toutes les limites planétaires mais parlons de celle-ci, de l'acidification, vous l'avez vu évoluer, vous l'avez vu cette limite planétaire dépasser, voilà, progresser malheureusement ?
00:52Nous on ne l'a pas mesuré en tant que tel parce qu'on ne l'a pas tout le temps intéressé à ce sujet-là mais on a mesuré des paramètres qui permettent de la calculer, effectivement,
01:01et ça fait depuis assez longtemps maintenant, mais c'est facile de le voir à l'œil nu quand même.
01:07Suis de regarder les coraux en fait ?
01:09Les coraux, ils sont, il n'y a pas que l'acidification, il y a aussi la température de l'eau, ils sont surtout les températures qui impactent beaucoup ces écosystèmes-là.
01:16D'accord.
01:17Mais l'acidification c'est un sujet de, un des problèmes, je pense que Fabrice va le dire, c'est que c'est un enjeu qui est difficilement réversible en fait.
01:27Pour revenir à l'état d'il y a quelques années, ça va prendre des centaines d'années.
01:31Oui, effectivement, on en parlera de la réversibilité.
01:34Fabrice Pernet, comment on calcule, voilà, je me suis posé cette question toute simple en préparant l'émission,
01:40on dit ok, on a dépassé la septième limite planétaire, et là en l'occurrence celle de l'acidification, comment vous le calculez ça ?
01:49Alors l'acidification, elle se mesure avec une unité qu'on appelle le pH, on a appris ça généralement au collège, au lycée.
01:56Mais en revanche, cette limite planétaire, elle est basée sur l'état de saturation en aragonite.
02:01Alors quand on a dit ça, c'est un terme un petit peu complexe, simplement qui fait allusion au fait que les organismes d'écalcifiant,
02:06c'est-à-dire tous ceux qui font des coquilles, les coraux, les coquillages, etc.
02:10Finalement, ils fabriquent quoi ? Ils fabriquent du calcaire, et du calcaire qui est sous la forme d'aragonite.
02:14Et donc cette limite planétaire, en fait, elle traduit le caractère corrosif de l'eau de mer acidifiée vis-à-vis du calcaire.
02:21Donc cette limite planétaire, c'est ça, c'est un état de saturation vis-à-vis de l'aragonite,
02:25qui a diminué à cause de l'acidité de l'eau, et qui rend l'eau finalement corrosive vis-à-vis du calcaire,
02:30et qui va quelque part dissoudre les coquillages, les coraux, etc.
02:33Selon l'UNESCO, environ 30% des coraux tropicaux pourraient disparaître d'ici 2050,
02:41si évidemment on reste dans les scénarités actuels.
02:46Vous avez un peu cité des groupes d'organismes marins, Fabrice Pernet,
02:50est-ce qu'il y en a qui sont plus vulnérables encore que d'autres face à cette acidification ?
02:54Alors c'est vraiment les coraux, typiquement les coraux d'eau chaude, les coraux tropicaux,
03:00qui sont de loin les plus vulnérables, justement parce qu'ils fabriquent de l'aragonite,
03:04une forme particulièrement soluble de calcaire, donc ceux-là sont de loin les plus vulnérables.
03:08Et puis il y a ces organismes qu'on connaît moins, qui vivent dans l'océan Austral,
03:11qui sont des ptéropodes, qui sont des petits escargots volants dans l'eau de mer, littéralement,
03:17qui eux sont très vulnérables à la acidification, parce qu'il faut savoir que la acidification n'est pas un phénomène
03:22qui est homogène à l'échelle du globe.
03:23Les eaux froides sont beaucoup plus touchées, parce qu'elles dissolvent beaucoup plus de CO2,
03:27et donc ce phénomène-là s'y produit de manière beaucoup plus rapide, en fait.
03:31Et donc l'océan Austral et tous les organismes à coquilles qui vivent dans cet océan-là
03:35sont beaucoup plus touchés que les autres.
03:37Romain Troublé, il y a eu une expédition, juste après notre interview, vous partez en Bretagne, c'est ça ?
03:41Une nouvelle expédition de Tara, de la Goélette, pour aller où et pour faire quoi ?
03:47Elle va partir en Asie du Sud-Est pendant deux ans, 18 mois sur place, parce que c'est un peu loin quand même,
03:53et on s'intéressait au triangle de corail, notamment au récif corail, à cette zone-là,
04:00qui bien sûr sont sous pression, sous pression de pollution évidemment locale, mais aussi sous pression de température.
04:06Et par contre, un papier dans Nature de 2023 a mis en évidence une sorte de thermotolérance, en fait,
04:13une tolérance à la température.
04:14Comme s'il s'habituait à une température plus élevée ?
04:17Oui, il y a plusieurs hypothèses, bien sûr, et je veux dire, les coraux aujourd'hui,
04:20ils prennent de plein fouet cette température, et puis demain, ça sera la certification qui est en train d'arriver.
04:26Et donc l'idée étant d'aller partir avec le CNRS, avec beaucoup de chercheurs,
04:30il y a 40 laboratoires de 20 pays qui sont impliqués dans cette mission,
04:34et qui va à la fois faire de la recherche sur ces sites pendant 18 mois,
04:38et comprendre pourquoi, quels sont les moteurs de cette résilience, résistance, tolérance.
04:45On va voir.
04:46À chaque fois qu'il y a une mission, parce que vous êtes venu plusieurs fois nous en parler ici,
04:50des programmes Tara Océan, il y a aussi le programme Tara Microbiome,
04:53en fait, on détecte, on découvre une richesse quand même microbienne qui est immense,
05:04qui était peut-être insoupçonnée, on continue d'apprendre,
05:07c'est ça cet espace qu'est l'océan qu'on connaît si mal.
05:10Oui, on fait ça avec plein de chercheurs, avec l'IFREMER, avec le CNRS, avec plein de laboratoires,
05:15et évidemment que la technologie aussi a donné de nouvelles loupes, en fait,
05:19pour voir différemment la planète, et depuis quelques années maintenant,
05:21depuis deux décennies, on commence à voir des organismes non plus par leur forme,
05:27non plus par la vision, mais par leur molécule, par leur ADN, par...
05:32Et on arrive à même savoir ce qu'ils font, quelles sont les fonctions qu'ils mettent en œuvre,
05:36quelles sont les voies métaboliques qui sont activées dans l'océan instanté,
05:41c'est le début, je crois qu'on est en train de découvrir notre ignorance déjà,
05:47et puis savoir qui est là, c'est la première étape, je pense qu'on est en train d'avoir un peu qui est là,
05:51maintenant, c'est de savoir comment ça marche, alors là, c'est une complexité qui est bien supérieure à la cellule,
05:56à l'atome, à la cellule, on parle des écosystèmes, des interactions entre espèces,
06:01et décrire ça, c'est, je pense, essentiel pour décrire comment notre monde va changer,
06:07et comment trouver aussi des réponses à tout ça.
06:11– Fabrice Pernet, il y a effectivement la question de la réversibilité,
06:16c'est-à-dire que, voilà, moi je vois souvent quand on parle de biodiversité,
06:22on nous dit, il suffit de laisser la nature tranquille, finalement elle reprend ses droits assez vite,
06:25là en l'occurrence on parle d'acidification, c'est quoi ?
06:28C'est un phénomène qui a été, peut-être que je me trompe,
06:31mais long ou très long, ou alors finalement assez rapide,
06:35et ce qui est sûr, c'est que ça va mettre beaucoup de temps pour éventuellement revenir en arrière ?
06:41– Alors en fait, il faut voir que l'acidification, c'est souvent ce qu'on décrit
06:44comme étant l'autre problème du CO2, autrement dit, l'acidification est très fortement corrélée
06:48d'une certaine manière au réchauffement, parce que les deux ont la même cause,
06:51c'est trop de CO2 dans l'atmosphère, trop de CO2 dans l'atmosphère,
06:54trop de CO2 dans la mer, et donc une acidification.
06:57Et en fait, quelque part, l'acidification se produit à peu près au même rythme que le réchauffement,
07:03c'est ça que je veux vous dire.
07:04Et si demain, on arrête nos émissions de CO2, demain, on arrête tout,
07:07on coupe le robinet de CO2 dans l'atmosphère,
07:10et bien globalement, le processus d'acidification s'arrêtera quelques années,
07:15quelques décennies après.
07:16Alors ça ne veut pas dire qu'on retournera à l'état initial, en effet,
07:19parce que tout ce CO2 excédentaire, il va falloir l'éliminer.
07:22Et ça, ça va prendre des milliers d'années pour le faire.
07:24Donc oui, on est quand même globalement pour un retour à un état initial,
07:28ça va prendre du temps, on parle de 10 000, 100 000, à 1 million d'années.
07:31Donc c'est bien au-delà de l'échelle des vies humaines, globalement.
07:35Mais il faut savoir que les limites, cette limite-là, la septième, celle de l'acidification,
07:40elle est potentiellement réversible dès lors qu'on diminue ou que l'on arrête nos émissions de CO2.
07:46Et ça, c'est encourageant parce que quelque part, la balle est dans notre camp, en fait.
07:48Oui, effectivement, même si arrêté, on voit bien qu'on célèbre aujourd'hui les 10 ans des années de Paris.
07:54Voilà, on n'y est pas, et loin de là, même si le rythme d'émissions de gaz à effet de serre,
07:59alors il continue de progresser, mais beaucoup moins vite que dans la décennie précédente.
08:03Un chiffre encore sur le...
08:04Puisqu'on a bien compris que c'était lié très clairement au réchauffement, océan et réchauffement,
08:08et les océans où l'océan absorbe plus de 90% de l'excès de chaleur
08:12lié au réchauffement climatique depuis les années 70.
08:15Là aussi, Romain Troublé, est-ce que c'est un amortisseur naturel, l'océan, c'est ça ?
08:23Mais ce rôle-là, est-ce qu'il atteint ses limites, d'une certaine façon ?
08:29Ses limites, bah oui, on voit bien qu'il sous-stresse, sous-pression, en fait.
08:33Et ses limites planétaires, c'est un peu...
08:34Il faut vraiment les prendre comme un bilan sanguin, en fait.
08:37Vous avez à droite, sur la colonne de droite, vous avez des petits chiffres qui vous disent
08:39que vous êtes en dehors des limites.
08:40Si on vous est au-dessus, quoi.
08:41Et quand on est au-dessus, il faut se consulter, quoi.
08:44Et donc on en est là aujourd'hui.
08:45C'est que, attention, alerte, on est en train de prendre de mauvaises trajectoires.
08:50Et tout le monde le sait, mais là, ça met des chiffres, et c'est plus pragmatique.
08:55Et puis je voudrais qu'on parle peut-être de...
08:56Mais pour revenir sur l'accord de Paris, on fait les 10 ans aujourd'hui.
09:01Avant l'accord de Paris, la trajectoire de l'humanité à 2100, c'était plus de 4 degrés.
09:05Oui.
09:0710 ans après l'accord de Paris, la trajectoire est de 2,4 degrés.
09:10Donc on a quasiment fait la moitié du chemin.
09:11Donc on a...
09:12Ça n'a pas assez vite.
09:13C'est bien ce que vous dites, parce qu'on peut être dans un moment où on a tendance à baisser les bras en disant...
09:19Oui, surtout en ce moment, dans la géopolitique actuelle.
09:21Voilà.
09:21Mais c'est une...
09:22En fait, ça marche.
09:23Oui.
09:24Le volontarisme, ça a des effets.
09:25Je pense.
09:26Et puis évidemment qu'on a des variations interannuelles, comme on se commande beaucoup de phénomènes en ce moment.
09:32Mais que la tendance est quand même à l'engagement.
09:34Et on voit bien que le monde économique, pour la plupart, ont bien compris que leur survie de demain, il devait changer.
09:41Par contre, ça va passer vite.
09:42Et évidemment, comme le dit Fabrice, il faut réduire cette émission.
09:45Déjà les stabiliser, ce serait déjà fantastique.
09:48Et après, il faut les réduire.
09:49Avec peut-être une question, Fabrice Pernandé, parce que là, ça peut sembler un peu, bon, discussion de scientifiques, là.
09:56Mais sauf que ce dont on parle, ça a quoi ? Des conséquences sur la chaîne alimentaire, notamment ?
10:02Oui.
10:03Alors, en fait, c'est vrai qu'on parle des coquillages et des coraux.
10:05Et du coup, on a du mal à imaginer à quel point l'écosystème marin va être bouleversé.
10:09Il faut aussi imaginer qu'il y a des espèces de phytoplankton, des algues microscopiques, des petits végétaux,
10:14dont tous les organismes dépendent, se nourrissent, qui vont être touchés.
10:17C'est donc la base de la chaîne alimentaire marine, finalement, qui est touchée quand on touche le phytoplankton.
10:22Et ça aura des répercussions, du coup, jusqu'au plus haut du sommet de la chaîne alimentaire, jusqu'au superprédateur, etc.
10:29Donc, l'acidification des océans va toucher des groupes d'organismes dont certains sont clés, sont des ingénieurs, quelque part, des écosystèmes.
10:36Et en touchant ces organismes-là, c'est finalement toute la chaîne alimentaire, tout le réseau alimentaire qui est touché, toute la biodiversité.
10:43L'acidification des océans, il faut le voir comme ça, c'est, à terme, une perte de biodiversité.
10:48Une perte de biodiversité.
10:49Et puis aussi, pour toutes les populations des pays côtiers qui dépendent des ressources marines, c'est aussi un impact direct, Romain ?
10:56Bien sûr, mais quand vous regardez l'exemple des coraux, les civs coralliens,
11:00les civs coralliens, c'est une symbiose qui est sensible à l'acidification, bien sûr,
11:06mais qui est une symbiose qui construit des villes sous-marines dans lesquelles 30% de la biodiversité est apprêtée.
11:11Donc, ça, c'est la première chose, biodiversité.
11:14Puis, c'est l'agressif corallien, il protège beaucoup d'îles et beaucoup d'autres populations de l'érosion par les grosses vagues du Pacifique
11:21qui viennent décimer des côtes, etc.
11:23Donc, en fait, derrière tout ça, c'est pas que des histoires de biologie et de espèces magnifiques dans l'océan.
11:29C'est une histoire de notre histoire.
11:31C'est-à-dire que, comment on comprend à un moment donné que notre vie,
11:35c'est la même importance que le vivant, que tout ça est lié et qu'on est en train de scier la branche sur laquelle on est assise ?
11:43C'est-à-dire que cette planète, elle est formidable.
11:46C'est un miracle.
11:48Et comment prendre ça en...
11:51Le recul qu'il faut pour comprendre ça, c'est tout l'enjeu des années qui viennent et des années passées d'ailleurs.
11:57Je voudrais terminer, Fabrice Pernet, avec une question justement sur ce dixième anniversaire de la signature des accords de Paris
12:05et ce consensus scientifique avec peut-être ce sentiment que vous avez de devoir revenir en arrière,
12:11c'est-à-dire face à les climato-sceptiques et leur climato-sceptique en chef qui est à la Maison Blanche.
12:17Vous êtes obligé de recommencer à redire des choses que vous aviez le sentiment que tout le monde avait intégrées et acceptées ?
12:25Alors en fait, non, parce qu'on n'a jamais arrêté.
12:27En vérité, on n'a jamais arrêté de dire les choses parce qu'il y a toujours eu du scepticisme.
12:33Alors aujourd'hui, on parle de déni, c'est plus du scepticisme.
12:36Comme vous l'avez dit, plus que consensus, il y a unanimité globalement sur le changement climatique
12:42et sur le fait que l'homme aujourd'hui en est la cause, il n'y a pas de doute là-dessus.
12:45Et donc quand les gens n'y croient pas, on ne parle plus de scepticisme.
12:49Parce que scepticisme, ça veut dire qu'il y a du débat, qu'il y a de la controverse et qu'il y a des données contradictoires.
12:52Là, ce n'est vraiment pas le cas, donc on parle plutôt de déni.
12:55Et donc, quelque part, il faut continuer à dire ce qu'on a toujours dit, mais avec beaucoup plus de force.
13:00Parce qu'on a affaire à des gens pour lesquels il y a plusieurs types de vérités.
13:04La science en est une parmi d'autres et c'est ça qui est très très grave.
13:08Alors que la science, c'est finalement la manière d'être le plus proche possible d'une forme d'objectivité.
13:12Merci beaucoup, merci à tous les deux.
13:16A bientôt sur Be Smart Fortune.
13:18Bon voyage à la Goalette Tara vers l'Asie du Sud-Est.
13:24Et puis Fabrice, regardez votre livre sur l'acidification des océans avec Félix Gazot et Taux Editions.
13:30Quoi ? Et on passe tout de suite au grand entretien de ce Smart Impact.
13:34Et si vous changiez de regard sur les cités de banlieue ?
13:37Merci.
13:38Merci.
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