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  • il y a 21 heures
Préface avec Thomas Snégaroff - "La conspiration"

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Transcription
00:00C'est Préface, le rendez-vous de l'actualité des livres.
00:16Notre invité aujourd'hui, Thomas Négaroff.
00:18Bonjour Thomas.
00:19Bonjour.
00:19Merci d'avoir accepté notre invitation pour nous parler de ce livre qui est dans toutes les librairies.
00:24La conspiration avec cette couverture qui fait froid dans le dos et ce bandeau, un fasciste à la Maison Blanche.
00:30Je rappelle que vous êtes journaliste, on vous retrouve sur France Inter, on vous retrouve sur C-Politique, sur la 5.
00:36Et puis en librairie, il y a déjà eu des romans, il y a eu aussi des essais.
00:40Vous êtes journaliste, ce qu'on sait peut-être un peu moins, c'est que l'histoire ne vous est pas inconnue.
00:44Vous êtes agrégé d'histoire et on ne s'en étonnera pas lorsque l'on voit le sujet que vous abordez aujourd'hui.
00:48Ce sont les Etats-Unis, les Etats-Unis des années 30, une situation un peu complexe.
00:52Et la possibilité que pour faire tomber le président Roosevelt récemment élu, on puisse mettre quelqu'un d'autre à sa place.
00:59Ce qui ouvrirait les portes à un monde plus fasciste, d'où ce bandeau, un fasciste à la Maison Blanche.
01:04Qu'est-ce qui vous a donné envie de nous emmener dans cette Amérie des années 30 ?
01:07C'est une période méconnue de l'histoire et même de ceux qui aiment l'histoire.
01:12Et en particulier cette tentative de coup d'État.
01:15Parce que c'est une tentative de coup d'État, elle est largement inconnue, méconnue par plein de monde.
01:21Les Américains eux-mêmes connaissent bien cette période en revanche ?
01:23Non, le bouquin de Roth, on va en parler, le complot contre l'Amérique,
01:29où il imagine ce que serait en 1940 une présidence Lindbergh qui battrait Roosevelt.
01:35C'est une chronie, ce que serait cette Amérique-là.
01:37A révélé à des tas de gens qu'il y avait eu un passé fasciste américain.
01:41Ah oui, il y avait eu des gens qui avaient souhaité la victoire de l'Allemagne.
01:44Ah oui, il y avait eu des gens qui étaient suprémacistes à l'époque et antisémites, viscéralement antisémites.
01:51Et donc, l'après-seconde guerre mondiale a un peu lavé cette histoire-là.
01:55Parce qu'il y a eu le débarquement, parce qu'il y a eu la guerre froide où l'Amérique représentait la démocratie libérale,
02:00la grande démocratie.
02:02Et Roth a montré le chemin.
02:05Et moi, j'ai voulu aller encore plus loin et raconter une vraie histoire.
02:07Ce n'est pas une chronie.
02:08L'histoire en 1934 d'une tentative de coup d'État pour renverser Roosevelt.
02:13Si on schématise l'idée, Roosevelt vient d'arriver au pouvoir avec des idées assez novatrices pour la société américaine.
02:19Et puis, tous les grands noms, notamment de la finance, du monde industriel, se disent
02:24« Ouh là là, il y a danger, donc on va peut-être essayer de mettre, on va peut-être dire un homme de paille,
02:28mais bien plus que ça, parce que c'est quand même quelqu'un, ce fameux Medley Butler,
02:31qui a des antécédents, qui est très bien vu, notamment des anciens soldats de la Première Guerre mondiale.
02:37Et on se dit que c'est peut-être l'homme idéal pour faire chuter Roosevelt.
02:40Je schématise, mais c'est bien ça, finalement, la situation ?
02:42Non, c'est bien résumé.
02:43Quand vous dites novatrice, en fait, ça veut dire des idées, pas anticapitalistes,
02:47mais des idées qui considèrent que la crise de 1929, parce que c'est le contexte historique du moment,
02:52a été causée par ces milliardaires, ces banquiers, cette bulle financière,
02:57et qu'il faut remettre tout ça à plat avec un État beaucoup plus social, beaucoup plus providence.
03:01Et ça, ça inquiète des milliardaires qui se disent, ce pays est en train de nous échapper,
03:06la démocratie qu'on avait verrouillée est en train de se retourner contre nous,
03:09parce que Roosevelt a été élu sur une plateforme très, ils l'appellent socialiste, voire communiste à l'époque,
03:16avec en plus des relents antisémites.
03:19Ils considèrent que Barouche, qui est son conseiller économique, est celui qui tire les ficelles et il est juif.
03:24On se demande même si Roosevelt n'est pas un peu juif quand même.
03:27C'est un roman.
03:28On est un peu dans le complotisme.
03:30Totalement.
03:30Et eux-mêmes, d'ailleurs, mettent en place un complot.
03:32Donc c'est le complot dans le complot.
03:34Mais c'est un roman.
03:35Et comme c'est un roman, j'insiste beaucoup sur des histoires de personnages.
03:38Vous avez cité Butler, c'est un général de la Première Guerre mondiale, et même d'avant,
03:41qui est un héros de la guerre, et que ces milliardaires vont vouloir actionner pour prendre le pouvoir.
03:46Mais ils vont le faire de manière assez fine, en tout cas le pensent-ils, sans lui annoncer directement,
03:50en passant par d'autres hommes dont je raconte l'histoire,
03:53qui sont des petits courtiers à Wall Street,
03:56et qui vont servir, sans même le savoir eux-mêmes, d'être des intermédiaires.
04:01Il y a ces milliardaires, JP Morgan et d'autres, que je dépeins comme étant non pas les grands méchants,
04:06mais dans ceux qui veulent renverser ça.
04:08Qui tirent un peu les ficelles.
04:09Qui tirent les ficelles, qui ont le sentiment de pouvoir le faire,
04:13et qui sont persuadés de pouvoir s'appuyer.
04:15C'est le troisième grand personnage, qui est un personnage qui n'est pas un, mais une multitude.
04:21C'est ces vétérans de la Première Guerre mondiale.
04:23Qui ont été humiliés par la crise de 1929, plutôt qu'humiliés appauvris.
04:27Qui traînent dans des vêtements beaucoup trop grands, pour eux, parce qu'ils sont amégris.
04:31Ils sont dans une situation sociale et économique dramatique.
04:36Ces gens-là vont marcher sur Washington.
04:37Ils se disent, on a été bernés.
04:38Oui, on a été bernés.
04:39Il faut trouver une solution.
04:40Ils marchent sur Washington, parce qu'ils veulent qu'on leur donne le bonus qu'on leur avait promis.
04:44Et cette armée, presque en déroute, alors qu'elle a été victorieuse dix ans plus tôt seulement.
04:491919, c'est à peine dix ans plus tôt.
04:52Ces gens-là, ils se disent, ce monde-là, on va pouvoir se servir de leur colère, de leur ressentiment, pour prendre le pouvoir.
05:00Et c'est là où ils se disent, ce n'est pas un peu ce qui s'est passé en Europe.
05:02Et alors justement, ce qui est intéressant dans le roman, c'est que nous sommes certes dans l'Amérique des années 30.
05:07Mais il y a aussi un personnage, dont on ne va pas trop en dévoiler, mais qui est envoyé un peu en éclaireur pour voir comment ça se passe en Europe.
05:15Donc on va aller à Paris, mais on va aussi aller en Italie, on va aller aussi en Allemagne.
05:19Et puis il va revenir en disant, mais ce qui se passe en Europe, mais c'est pas mal du tout.
05:23Et de là, de fil en aiguille, comment peut-on essayer de calquer ça sur notre démocratie américaine ?
05:29Oui, alors la fascination pour les fascismes européens, elle est ancienne.
05:31Dès l'arrivée de Mussolini au pouvoir, en 1922, il y a, et surtout après la crise de 1929, des tas de journaux américains qui disent,
05:38a-t-on besoin d'un Mussolini américain ?
05:40Ça, c'est un truc très puissant.
05:41Et puis dans ce contexte, effectivement, du complot, du complot de Wall Street, comme on l'appelle parfois aux États-Unis,
05:46un homme, Gerald Maguire, va être envoyé en Europe pour aller humer l'ère des fascismes européens,
05:50voire ce qui pourrait être le plus adapté aux États-Unis.
05:54Et en effet, et ce n'est pas moi qui l'invente, il s'est effectivement promené en Italie, en Allemagne et en France,
06:00au moment où les ligues tentent de prendre le palais Bourbon, le 6 février 1934,
06:04et il va revenir avec des idées assez claires, même si, évidemment, il n'est pas le seul à apporter ces idées-là.
06:09Ces milliardaires ont beaucoup de canaux, et d'ailleurs, ils ont beaucoup d'intérêt économique déjà dans ces pays-là,
06:14donc ils connaissent très bien.
06:15Mais il en va pour se rassurer un peu, et surtout, pour qu'il écrive au général Butler, pour garder un lien et pour lui dire...
06:22Pour essayer de mettre une petite musique dans la tête.
06:24Voilà, cette petite graine dans la tête en disant, peut-être que ça peut vous intéresser de, peut-être pas prendre le pouvoir aux États-Unis,
06:30mais au moins d'être un homme aux côtés de Roosevelt, peut-être pour le maîtriser et pour faire davantage avancer nos idées.
06:37C'est quoi leurs idées, en fait ? C'est l'idée que l'ordre fasciste est très bon pour le business.
06:42Bien sûr.
06:43Parce qu'il n'y a pas de syndicats, il n'y a pas de partis démocrates qui pourraient embêter avec trop de programmes sociaux.
06:50Ça leur donne les coups des franches.
06:52Ça leur donne les coups des franches, et il y a des commandes publiques qui sont considérables.
06:57En fait, ce ne sont pas des libéraux, ces gens-là.
06:58Un peu comme les milliardaires d'aujourd'hui, ils aiment les monopoles et les trusts.
07:02Ce qui est intéressant, pardon Thomas, ce qui est intéressant aussi dans votre livre,
07:05c'est qu'on sent qu'il y a l'historien que vous êtes, qui a travaillé, qui a cherché pour nous raconter toute cette histoire.
07:11Et puis après, il y a aussi le plaisir du romancier, parce que vous dépeignez cette époque,
07:16vous dépeignez les États-Unis, l'Europe des années 30.
07:18Vous le faites avec des chapitres courts, ce qui veut dire, je vais employer ce très vilain mot,
07:22que c'est un véritable patch-turner, parce qu'on y va, on avance, on avance.
07:26Et puis à un moment, même si on connaît la fin de l'histoire, on se dit, mais effectivement, ça fait froid dans le dos.
07:32Et puis ça fait doublement froid dans le dos, parce qu'il y a résonance avec notre époque actuelle, forcément.
07:37Alors moi, Pêche-Tourneur, je le prends très bien, parce que pour moi, un livre comme ça,
07:41qui se lit comme un roman d'espionnage quasiment, il faut qu'il y ait de la tension.
07:45Et la tension, elle est aussi produite par des chapitres courts, tendus, avec des personnages
07:48que j'ai essayé de mieux décrire le possible, et dans leur tête, y compris avec des dialogues, etc.
07:56Et donc l'idée, c'est d'avancer.
07:58Vous avez raison, on sait la fin, on sait que Rosette n'a pas été renversée,
08:01mais on sait que le Titanic a eu l'accident, et pourtant, on regarde le film,
08:05parce qu'il y a des enjeux à l'intérieur.
08:07L'enjeu du film de Titanic, c'est l'histoire d'amour.
08:09Là, l'enjeu, c'est qu'est-ce qui va se passer entre ces personnages ?
08:11À quel moment ces personnages vont prendre le contrôle sur l'histoire ?
08:15Et c'est ça qui m'a, moi, passionné dans cette histoire.
08:17Mais alors le journaliste que vous a publié ça aujourd'hui,
08:19quand on voit ce que vit l'Amérique, ça vous inspire quoi ?
08:23Alors, ça m'inspire que peut-être que dans un monde aussi fou,
08:27dans lequel on vit aujourd'hui, où le vrai et le faux se mélangent,
08:30c'est le romancier qui peut le mieux peut-être anticiper ce qui arrive.
08:35Je vous dis ça parce que moi, je ne l'ai pas écrit en tant que journaliste.
08:37Je ne l'ai pas écrit en tant que spécialiste des États-Unis, dans le sens universitaire.
08:40Parce que ce livre, moi, je l'ai écrit, Biden était au pouvoir.
08:44On pensait que Trump, après le 6 janvier 2021, s'était terminé.
08:48Sauf que le livre, il est sorti avec Trump au pouvoir,
08:52et avec une bascule autoritaire, que certains, pas moi, qualifient de fascistes
08:56et qu'on peut qualifier de fascisantes par pas mal d'aspects.
08:59Et c'est là où je me dis que c'est impressionnant.
09:01Ce n'est pas ma casquette d'historien qui aurait pu l'écrire.
09:03Ce n'est pas ma casquette de journaliste qui aurait pu l'écrire.
09:05Parce que moi, je me suis trompé comme beaucoup sur le retour de Trump, etc.
09:08Comme s'il fallait que mon identité de romancier
09:11me permette mieux d'appréhender le réel.
09:14Ce qui est quand même paradoxal.
09:15Mais ce qui dit peut-être des choses sur le monde dans lequel on vit.
09:17C'est-à-dire que le réel est tellement dément
09:19que c'est par la fiction qu'on peut l'appréhender le mieux.
09:22Et finalement, est-ce que ce ne sont pas les romanciers
09:24qui racontent le mieux l'histoire du monde ?
09:27Peut-être dans une époque comme celle qu'on vit aujourd'hui, peut-être.
09:29En tout cas, vous allez vous régaler.
09:30Ce livre est une vraie réussite.
09:31Et puis, ça raconte le monde d'hier, les années 30.
09:34Mais ça raconte aussi furieusement notre époque contemporaine.
09:37Ça s'appelle La conspiration.
09:38C'est votre actualité.
09:39C'est Thomas Négaroff.
09:40Vous êtes publié chez Albin Michel.
09:41Merci beaucoup.
09:42Merci.
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