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  • il y a 9 heures
Thibaut Bruttin, directeur général de Reporters sans frontières, regrette que les journalistes sont désormais "véritablement l'objet d'attaques ciblées", notamment à Gaza, "sous le feu des forces armées israéliennes". En 2025, 67 journalistes ont été tués dans l'exercice ou en raison de leur métier.

L'invité de 6h20 (6h20 - 9 Décembre 2025 - Thibaut Bruttin)
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Transcription
00:00Il est 6h20, c'est l'un des baromètres qui permettent de jauger de l'état de la liberté de la presse dans le monde.
00:05Le nombre de journalistes tués, emprisonnés, pris en otage ou disparus.
00:09Bilan que Reporters sans frontières établit depuis maintenant 30 ans.
00:12Et le directeur général de RSF est l'invité du 5-7.
00:15Bonjour Thibaut Brutin.
00:16Bonjour.
00:17Vous êtes venu avec les derniers chiffres, ceux de 2025.
00:2067 journalistes tués cette année contre 54 l'an dernier.
00:25Tous directement ciblés du fait de leur métier, tués parce que journalistes ?
00:29Absolument.
00:31C'est là un des faits qui nous frappe le plus, c'est de voir à quel point, au fur et à mesure des décennies,
00:36les journalistes ne sont plus des victimes collatérales.
00:38Elles sont véritablement l'objet d'attaques ciblées de la part de forces armées, de groupes armés aussi,
00:46puisque le crime organisé fait partie des grandes menaces qui pèsent sur la presse.
00:49Des témoins gênants.
00:50Donc tués par qui ?
00:51Alors, pour 44% d'entre eux, on est face aux forces armées israéliennes,
00:57qui à Gaza ont eu une pratique particulièrement coupable,
01:01à la fois de discrédit puis de ciblage de professionnels de l'information.
01:05Mais il y a aussi quelque chose qui est très choquant dans les chiffres que nous avons,
01:09c'est qu'un quart des journalistes ont été tués en Amérique latine,
01:13où on assiste à une explosion de la violence contre les reporters.
01:16La situation se dégrade clairement là-bas, sur cette partie du continent américain ?
01:20Disons que ce qui était l'apanage du Mexique s'étend désormais à l'Amérique centrale,
01:25et puis même aussi à l'Amérique du Sud,
01:27puisque cette année on a des journalistes qui sont morts en Équateur, au Pérou, en Colombie.
01:33Donc ce n'est plus seulement le Mexique, c'est une véritable mexicanisation du continent.
01:36Donc tu pour intimider, pour faire peur et pour empêcher que les journalistes mettent leur nez dans leurs affaires ?
01:41Et puis je dirais pire encore, pour faire un exemple, c'est quelque chose qui est assez évident quand on connaît ces pays,
01:47c'est de voir à quel point les journalistes qui osent encore informer sur le narcotrafic,
01:52ou sur les crimes qui peuvent être commis par des groupes paramilitaires,
01:56font l'objet d'une répression pour l'exemple.
01:58Et on voit d'ailleurs non seulement des journalistes qui périssent,
02:01mais aussi des journaux qui ferment, des comptes de réseaux sociaux qui informaient, qui décident de cesser.
02:07Et je crois qu'il faut être aux côtés de ces journalistes qui ont le courage de continuer.
02:12Oui, donc pour les 67, je le redis quand même ce nombre qui est important,
02:1567 journalistes tués cette année, donc dans les trois guerres majeures en ce moment,
02:20vous le disiez Gaza, mais aussi en Ukraine et au Soudan, au Mexique et en Amérique latine.
02:24Là, c'est le crime organisé.
02:26Et ce qu'il faut préciser, ce que souligne d'ailleurs votre rapport, c'est que ce sont souvent des journalistes locaux.
02:31Il y a un fantasme qui continue à être très présent dans l'esprit public,
02:35qui est celui de l'envoyé spécial.
02:37Et il existe des envoyés spéciaux ou des reporters qui travaillent à l'international qui sont victimes d'exactions.
02:44Je pense tout particulièrement ce matin à Christophe Gleize,
02:46journaliste qui est actuellement détenu en Algérie,
02:49ou à Anthony Laliquan, ce photo-reporter français qui a été tué en octobre dernier
02:53par une frappe de drone russe en Ukraine.
02:55Mais l'immense majorité sont des journalistes nationaux,
02:58que trop souvent d'ailleurs dans la presse, on appelle les journalistes locaux,
03:01ce que je trouve un peu péjoratif.
03:03Ce sont des journalistes qui travaillent dans leur propre pays
03:05et ce sont eux qui payent le tribut le plus lourd.
03:07Vous évoquiez Christophe Gleize.
03:08Il y a 503 journalistes aujourd'hui qui sont actuellement en prison dans le monde.
03:13C'est toujours les mêmes pays en tête ?
03:15La Chine, la Russie ?
03:16Il y a tout particulièrement la Chine et je pense aujourd'hui aussi
03:19à un journaliste très important, une figure fondamentale de la presse hongkongaise,
03:25Jimmy Lai, ce patron de presse qui aujourd'hui a 78 ans.
03:29Il a célébré son anniversaire il y a quelques jours.
03:31Son état de santé se dégrade.
03:32Il est toujours en attente d'une décision de justice
03:35dont on ne sait pas encore quand elle sera rendue.
03:38C'est une véritable torture psychologique dont il est l'objet
03:40et son état de santé est particulièrement inquiétant.
03:43Est-ce que vous avez des nouvelles de Christophe Gleize que vous évoquiez à l'instant ?
03:46Condamné à 7 ans de prison, peine confirmée en appel il y a tout juste une semaine.
03:50Journaliste sportif français qui est détenu en Algérie.
03:53Vous avez de ces nouvelles ?
03:54Il a pu s'entretenir avec son avocat français ce week-end
03:58et puis avec son avocat algérien dimanche.
04:01Il est combatif, il est mobilisé.
04:04C'est quelqu'un qui a un mental très fort.
04:07Malheureusement, je crois que ce qui est le plus angoissant face à nous,
04:10c'est la décision qui doit être prise d'ici jeudi
04:13doit-on aller en cassation ou doit-on demander la grâce ou les deux ?
04:18Je crois que c'est une heure du choix que tout le monde redoutait
04:21et tous ceux qui aiment et soutiennent Christophe Gleize
04:24savent la douleur de ce genre de moment.
04:28Pourquoi ce choix est difficile ?
04:29Parce que nous avons vu à deux reprises
04:31ce que la justice algérienne était capable de faire.
04:35Je rappelle la cruauté de ce qui s'est produit la semaine passée,
04:38c'est-à-dire que les parents de Christophe Gleize et sa compagne ont obtenu des visas
04:41pour assister à un procès en appel
04:43qui a été l'occasion de reconfirmer une peine extrêmement lourde,
04:47la plus lourde prononcée contre un journaliste français depuis dix ans,
04:51sept ans de prison.
04:52Et le dossier est d'une vacuité terrible
04:55que les débats dans le tribunal de Tizi Ouzou ont bien illustré.
04:59Ces avocats ont pu plaider chacun pendant une heure
05:01et on voit bien derrière à quel point la justice aujourd'hui
05:04est dans un moment politique en Algérie.
05:06Donc 503 journalistes actuellement en prison dans le monde,
05:0967 tués cette année.
05:11Est-ce que des enquêtes sont menées ?
05:12Est-ce qu'il y a parfois des poursuites judiciaires
05:14et des enquêtes qui aboutissent ?
05:16Le pari de Reporters sans frontières
05:18avec d'autres organisations il y a quelques années,
05:20ça a été de montrer que si on voulait, on pouvait.
05:23Que ce qui expliquait le taux d'impunité des crimes commis contre les journalistes,
05:26aux alentours de 90%,
05:28c'est parce que les enquêtes n'étaient pas proprement menées.
05:31parce que la piste professionnelle n'était pas privilégiée
05:34et qu'il était important d'avoir des équipes
05:37qui étaient capables de mener le plus loin possible les enquêtes.
05:41Donc nous, nous sommes en mesure, aujourd'hui par exemple,
05:44nous l'avons fait aux Philippines encore récemment,
05:46d'essayer de comprendre quels sont les reproches
05:49qui sont faits contre les journalistes,
05:51d'essayer de faire tomber les accusations,
05:52d'essayer de comprendre aussi
05:53qui est derrière la persécution des journalistes.
05:56C'est vraiment fondamental d'être,
05:57non pas en réaction, mais d'être dans l'action.
05:59Et il y a des personnes qui sont condamnées,
06:02qui se sont condamnées pour avoir tué
06:04ou pour avoir molesté ou blessé des journalistes ?
06:10Cela peut arriver, c'est encore trop rare.
06:12Et je pense à l'appel qui a été celui de Aïda Belloulid,
06:17qui est la compagne d'Anthony Dalican,
06:19qui expliquait à quel point il ne faut pas sombrer dans l'indifférence
06:22et que la puissance publique française, par exemple,
06:27doit se mobiliser pour obtenir justice pour Antony Dalican.
06:30Il n'y a pas de fatalité dans ce qui se produit.
06:32Et c'est au contraire,
06:34et je me permets de lancer un appel à nos concitoyens,
06:36une forme d'indifférence qui permet ce genre de crime.
06:39Alors il y a évidemment tout le discours de haine
06:40contre les journalistes,
06:41qui porte une responsabilité très forte
06:43dans les crimes qui sont commis.
06:45Le discours de haine permet en quelque sorte
06:47un certain nombre de ces crimes,
06:48mais aussi l'indifférence est à combattre.
06:51Tous les discours relativistes aussi,
06:53qui disent mais au fond,
06:54ils n'avaient pas à être là,
06:55ils n'ont que ce qu'ils méritent,
06:56ce sont des gens qui cherchent la petite bête.
06:59Eh bien, tenons bon, je crois,
07:01sur les principes fondamentaux.
07:02Le journaliste doit être là où il dérange.
07:05La vérité est bonne à dire
07:06et c'est pour cela qu'il faut, je crois,
07:08être du côté des journalistes qui font leur travail.
07:10Et c'est ce que vous faites au sein de Reporters sans frontières.
07:12Merci Thibaut Brutin,
07:13directeur général de RSF.
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