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  • il y a 9 heures

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00:00– La Cour des Comptes a rendu un rapport alarmant cette semaine sur les conséquences économiques
00:06de la révolution démographique en cours de notre pays.
00:09Je rappelle que pour la première fois cette année, il y a moins de naissances que de décès.
00:14Or, cette révolution, on en parle guère alors qu'elle a d'ores et déjà des conséquences.
00:19Julien Damond, bonjour. – Bonjour.
00:21– Vous êtes sociologue et vous avez publié l'année dernière aux éditions de l'Aube
00:25« Les batailles de la natalité ». Vous étiez venu en parler dans cette émission.
00:29Le rapport de la Cour des Comptes n'a pas dû vous étonner parce qu'il y a une vingtaine d'années,
00:33vous nous l'aviez dit, vous étiez directeur des études à la Caisse Nationale des Allocations Féminiales
00:38et depuis, vous surveillez la courbe des décenses et l'allongement de la durée de la vie.
00:43C'est une révolution à bas bruit mais qui change déjà beaucoup de choses.
00:47– Alors c'est en effet une révolution qui n'est pas neuve.
00:50D'ailleurs, dès les années 80, vous aviez des démographes et des économistes
00:54qui nous expliquaient que le vieillissement allait nous affecter.
00:58Alors, individuellement, naturellement, mais collectivement allait transformer
01:02tous les équilibres de la société.
01:05Vous avez même des économistes qui nous disaient qu'au regard des grandes tendances démographiques,
01:10nous étions confrontés à la fin des retraites.
01:12Voilà.
01:13Alors ce qui se passe depuis 2010, c'est une baisse de la natalité très substantielle.
01:18Alors quand on parle de démographie, on s'assomme de chiffres.
01:21Alors, je m'excuse auprès de tous les auditeurs, mais en 2010, il y a eu en France plus de 800 000 naissances.
01:29Et là, nous nous dirigeons cette année, 2025, vers quelque chose comme 650 000 naissances.
01:36L'espérance de vie, alors autre chiffre, pardon, mais depuis 1945, donc depuis huit décennies,
01:42nous avons gagné 20 ans d'espérance de vie.
01:45Et globalement, notre système social, notre système de protection sociale,
01:50notre modèle social ne s'est pas adapté à ces grandes transformations.
01:55Et c'est ce que souligne à nouveau la Cour des comptes.
01:57Et pour cause, il repose entièrement sur la démographie, notre modèle social.
02:01Et alors que nos parlementaires débattent encore et toujours de la suspension de la réforme des retraites,
02:06est-ce qu'on revient à 60 ans, à 62 ans, est-ce qu'on maintient à 64 ans, est-ce qu'il faut aller jusqu'à 65 ans ?
02:12Alors que déjà, aujourd'hui, les actifs versent un tiers de leur salaire brut pour payer les pensions des retraités.
02:18La Cour des comptes, elle nous ramène à la réalité, les plus de 65 ans représentent déjà la dépense publique
02:23par habitant la plus élevée et risque d'atteindre 60% du PIB en 2070.
02:30Un tel déséquilibre générationnel, est-ce que c'est viable ?
02:34Alors, ça n'est pas viable au regard des paramètres contemporains de notre système de protection sociale.
02:40Alors, on parle, à juste titre, parce que c'est la première dépense, des retraites.
02:45Et tout le monde a bien conscience que s'il y a insuffisamment de cotisants pour financer le système, il y a un problème.
02:51Mais soulignons aussi que c'est exactement le même sujet pour l'assurance maladie.
02:56L'assurance maladie, ça ne fonctionne pas par capitalisation, ça fonctionne par répartition.
03:00Donc, vous cotisez quand vous êtes en forme, non pas pour mettre des sous dans une cagnotte qui vous servira à financer vos soins de santé,
03:07mais vous cotisez pour financer les soins des personnes qui en ont besoin actuellement.
03:11Et les soins des personnes qui en ont le plus besoin, ce sont les personnes âgées.
03:15Donc, plus il y a de personnes âgées, moins il y a de cotisants, plus il est difficile de financer les retraites.
03:20Tout le monde le comprend, mais c'est exactement la même chose pour l'assurance maladie.
03:26Donc, en effet, notre système est confronté à son inadaptation aux évolutions démographiques.
03:31J'ai noté l'une des dernières phrases du rapport de la Cour des comptes, qui n'est pas un brûlot,
03:36comme parfois la Cour des comptes peut en produire, mais je vous la lis rapidement.
03:40Pas mal.
03:40La contrainte systémique que fait peser la démographie sur les systèmes de retraite par répartition invite à repenser la tranche d'âge 60-70 ans.
03:50Et qu'est-ce que ça veut dire en français plus clair ?
03:52Ça veut dire qu'il faut augmenter l'âge de départ à la retraite.
03:55Voilà, c'est ça que ça veut dire.
03:56Et ça veut dire même de façon assez radicale, ça veut dire techniquement qu'il faudrait indexer notre système de retraite,
04:03pas le montant des prestations, mais l'âge de départ sur l'espérance de vie, comme l'ont fait pas mal d'autres pays.
04:08Et je pense que des enfants, on va dire, dans le secondaire, peuvent comprendre cela.
04:15Pourtant, on ne le fait pas pour des raisons qui ont trait aux équilibres politiques,
04:19qui ont trait aussi aux équilibres démographiques, parce que dans des pays où la population est de plus en plus âgée,
04:23il est difficile de dire que c'est du côté des gens plus âgés qu'il faut faire des efforts, en tout état de cause.
04:30Arithmétiquement, il y a des inerties démographiques que nous prenons de plus en plus en pleine figure.
04:35Et l'immigration ne peut pas compenser, d'après la Cour des comptes, car sa contribution nette aux finances publiques reste neutre,
04:42même légèrement négative, du fait d'une intégration, en fait, incomplète au marché du travail.
04:49Oui, oui, alors vous avez bien lu ce rapport, qui, s'il n'est pas un brûlot, met quand même le doigt sur pas mal de sujets qui font mal.
04:57Alors, sur l'immigration, souvent, l'OCDE, par exemple, explique que la solution dans les pays riches, dont la France, encore,
05:05pour rééquilibrer ces problèmes démographiques, passe par l'immigration.
05:09C'est une immigration de population active que vise l'OCDE.
05:15Maintenant, ce que raconte la Cour des comptes en reprenant la statistique publique,
05:19c'est que notre immigration n'est pas une immigration active.
05:23D'abord, c'est une immigration familiale, puis ce sont des étudiants, etc.
05:26Donc, tout ceci pèse d'abord sur les finances publiques, avant de rapporter.
05:31Enfin, en tout état de cause, l'immigration n'est pas la solution magique à l'ensemble de nos problèmes démographiques.
05:37Ça, c'est certain.
05:38Les conséquences du vieillissement de la population excèdent notre système de protection sociale.
05:45Ça touche tous les domaines.
05:47On innove moins, on crée moins d'entreprises.
05:49Ce sont les plus de 50 ans qui représentent la majorité du corps électoral.
05:53Quand je suis né, les plus de 60 ans étaient une personne sur six.
05:57Aujourd'hui, les plus de 60 ans, dont je fais partie, sont une personne sur trois.
06:01Ça n'est plus le même pays.
06:03Ah non, ça n'a strictement rien à voir, évidemment.
06:06Alors, ce que décortique bien la Cour des comptes,
06:08comme les magistrats de la Cour des comptes savent le faire,
06:11c'est en effet les conséquences.
06:12Les conséquences sur les dépenses publiques, tout le monde les comprend.
06:15Ça coûte plus cher d'avoir plus de personnes âgées,
06:18parce qu'il y a plus de retraites, plus d'assurance maladie.
06:19Les deuxièmes conséquences portent sur les recettes publiques.
06:24Eh bien oui, moins de jeunes, moins d'actifs,
06:26eh bien ça fait moins de recettes pour financer le système.
06:31Et ce sur quoi ils mettent l'accent, de façon d'ailleurs très synthétique et bien organisée,
06:35c'est les conséquences sur la croissance.
06:37Comme il y a moins d'actifs, qu'il y a une productivité qui faiblit,
06:41et qu'il y a une épargne relativement improductive qui se déploie,
06:46eh bien les taux de croissance ralentissent.
06:48Donc nous sommes en effet dans une situation extrêmement problématique.
06:51Vous ajoutez, Frédéric, en citant votre situation,
06:55un problème politique qui est très important,
06:57c'est que le corps électoral est en effet lui-même vieillissant.
07:02Et vous avez un sujet clé, je trouve,
07:04qui est de savoir si, pour le présenter de façon synthétique aussi,
07:07on doit faire des crèches ou des EHPAD aujourd'hui.
07:10On va faire une pause en attendant, et je vous redonne la parole.
07:13Ah oui, alors après je vous raconterai les crèches ou les EHPAD.
07:15D'accord, juste après.
07:17Nous sommes toujours avec le sociologue Julien Damont,
07:20l'auteur des Batailles de la natalité,
07:23qui réagit au rapport de la Cour des comptes
07:27sur les conséquences économiques de la révolution démographique
07:30en cours dans notre pays.
07:33Vous vous demandiez s'il fallait construire des crèches ou des EHPAD ?
07:39Ah oui, c'est une excellente question,
07:42car au regard de nos inerties démographiques,
07:46il faut mettre nécessairement l'accent sur la prise en charge des aînés,
07:50puisqu'ils sont là et ils ont besoin de ces services.
07:53Mais si on veut aussi rééquilibrer nos courbes démographiques,
07:57il faut mettre des moyens pour permettre aux jeunes parents,
08:00aux jeunes gens, d'avoir accès à des services de garde
08:03pour leurs petits-enfants.
08:04Qu'est-ce qui se passe si on dit des crèches ou des EHPAD ?
08:06Comme les élections municipales se profilent,
08:09vous avez tous les élus, tous les futurs élus,
08:11qui vont vous dire « je fais les deux, mon capitaine ».
08:12Mais dans un contexte de crise budgétaire considérable,
08:15il faut faire des choix.
08:17Et avoir besoin de services pour les aînés,
08:19c'est un sujet qui dure beaucoup plus longtemps
08:21qu'avoir besoin de services pour les petits-enfants de 0 à 3 ans.
08:25Comme il y a plus d'aînés et que ça dure plus longtemps
08:27et que les aînés votent plus,
08:29eh bien nous sommes, c'est vrai,
08:32confrontés à une bagarre d'équilibre politique
08:34parce que la priorité va être de plus en plus sur les plus âgés
08:38et de moins en moins sur les plus jeunes.
08:41Alors je ne dis pas ça avec un ton dépité,
08:43c'est un constat, c'est un problème,
08:46parce que dans un pays à croissance ralentie,
08:49il ne faut pas non plus qu'on dérive vers une gérontocratie.
08:51– Et en même temps, dans un pays où une personne sur 3 a plus de 60 ans,
08:56c'est un pays qui préfère en général augmenter les retraites que les salaires,
09:00qui est davantage porté sur le court terme que sur le long terme
09:03et qui investit moins dans l'éducation ou dans la recherche.
09:06C'est logique ?
09:07– Exactement, c'est logique.
09:10Oui, ce sont des inerties qui ont trait aux équilibres démographiques.
09:14Est-ce qu'on peut revenir dessus ?
09:16Je pense que oui, en partie,
09:18en révisant les paramètres de notre gros dossier
09:21qui met des centaines de milliers de personnes dans la rue,
09:23qui est celui des retraites.
09:24Comme le dit la Cour des comptes, en termes diplomatiques,
09:28il faut travailler davantage entre 60 et 70 ans.
09:31Qu'est-ce que ça veut dire cela ?
09:33Ça veut dire permettre aux seniors de rester dans l'entreprise.
09:35Oui, c'est assez compliqué en France.
09:37Ça veut dire, eh bien oui,
09:39augmenter l'âge de départ à la retraite.
09:41Ça, c'est le premier élément,
09:43parce que ça rééquilibre un peu le système,
09:46et parce que ça permet de faire rentrer des cotisations
09:49pour financer le système social à partir des gens qui travaillent.
09:54Donc ça, c'est du côté des plus âgés, des seniors.
09:56Mais il faut aussi,
09:57la Cour des comptes l'évoque de façon très elliptique,
10:00mais c'est un sujet aussi important,
10:01il faut aussi que les juniors travaillent davantage.
10:04C'est un autre point qui met encore de l'ambiance
10:06dans les discussions de café, à table ou à l'université.
10:09Mais nous avons des taux d'emploi qui sont plus faibles
10:12du côté des âgés, mais aussi du côté des jeunes.
10:15Parce qu'ils font, pour certains d'entre eux,
10:17on va le dire de la sorte,
10:18des études trop longues,
10:20qui ne leur servent pas à grand-chose.
10:22S'ils sortaient de l'université plus tôt,
10:24ils entreraient dans l'activité plus tôt,
10:27et à ce titre, eh bien, ils cotiseraient plus tôt.
10:30Et comme ils seraient autonomes plus tôt,
10:32ils pourraient même avoir davantage d'enfants plus tôt.
10:35Voyez, alors je n'ai pas la solution miracle à tous les problèmes,
10:37mais je dis qu'il faut réviser notre système
10:40pour que les plus âgés travaillent davantage,
10:42mais aussi pour que les plus jeunes soient autonomes plus tôt.
10:47Au fond, le problème, vous le disiez bien dans votre livre,
10:50d'ailleurs, Julien Vamont,
10:51c'est que la fécondité, ça ne s'explique pas.
10:53Et que les batailles pour la natalité
10:55n'ont jamais eu vraiment de résultat probant.
10:58Il n'y a pas de baguette magique
11:00qui ferait qu'on se remet à faire des enfants.
11:04Oui, alors chacun a son explication à la baisse de la fécondité,
11:09et chacun a son idée pour la faire augmenter.
11:11Et d'ailleurs, je compte parmi les coupables
11:13en vous évoquant le fait que si les jeunes faisaient des études moins longues,
11:16peut-être pourraient-ils avoir davantage d'enfants.
11:19Mais plus généralement, c'est vrai,
11:21la fécondité est fonction des conditions de vie des gens,
11:24mais plus fondamentalement des considérations sur la vie.
11:27Ce sont des décisions qui sont éminemment individuelles et conjugales.
11:30Et on a l'impression, les responsables publics,
11:33ont l'impression qu'ils peuvent réjanter la vie des gens
11:37ou qu'ils auraient une incidence sur des phénomènes aussi mystérieux,
11:41parfois, que le choix de faire des enfants.
11:44Alors, habituellement, on estime que ce qu'il faut faire,
11:47c'est mettre davantage de sous dans la machine,
11:49la machine étant la politique familiale,
11:51avec les allocations familiales, les réductions d'impôts, etc.
11:53Et en réalité, le lien est assez ténu
11:56entre l'ampleur de la dépense sociale et la fécondité.
12:00Il faut innover en la matière,
12:02peut-être en travaillant davantage plus tôt quand on est jeune,
12:05peut-être aussi en aidant les gens à se rencontrer,
12:08parce qu'on oublie ce point absolument capital,
12:10c'est que pour faire des enfants, il faut être deux.
12:12Et que la progression de l'isolement et de la solitude
12:14est un problème majeur.
12:16Donc, je pense que sur ces questions,
12:17plutôt que les recettes anciennes, habituelles,
12:20qui n'ont pas fait montre de leur haute performance,
12:22il faut trouver des idées neuves en matière de fécondité,
12:25tout en ayant à l'esprit, comme le dit la Cour des comptes,
12:28qu'il ne faut absolument pas rêver
12:29de transformations très importantes en la matière,
12:32parce que cette baisse de la fécondité,
12:34elle affecte la France, elle affecte les pays riches,
12:36mais en fait, elle affecte le monde entier.
12:38Oui, effectivement, on fait de moins en moins d'enfants
12:40partout dans le monde.
12:43Juste un petit moment,
12:44parce que je m'en souviens dans votre livre,
12:46vous parliez des allocations familiales
12:47telles qu'on les a organisées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
12:50À l'époque, on voulait des familles nombreuses.
12:52Mais aujourd'hui, il n'y a plus de familles nombreuses,
12:54en fait, il faudrait que les allocations familiales,
12:56ça démarre dès le premier enfant, en fait.
12:58Ça changerait tout.
13:00Oui, je ne changerais pas tout,
13:01ça changerait l'édifice des allocations familiales,
13:04mais c'est vrai que l'idée,
13:05force dans l'esprit français des responsables publics
13:08qui ont été à la manœuvre sur ces dossiers,
13:09c'était de dire, le premier enfant vient tout seul,
13:12le deuxième, il faut aider un peu,
13:14le troisième, il faut beaucoup aider,
13:15ce qui fait que les allocations familiales augmentent beaucoup
13:17en fonction du nombre d'enfants,
13:20mais elles sont à zéro euro au premier enfant,
13:23alors que le sujet contemporain,
13:25c'est de faire le premier.
13:26Merci encore, Julien Damont.
13:28Les batailles de la natalité,
13:30c'était paru aux éditions de l'Aube.
13:31On a maintenant rendez-vous avec Virginie Martin.
13:34On va parler drogue et série télé.
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