- il y a 9 heures
Joan Tilouine, co-auteur du livre enquête “L’Empire enquête au cœur du rap français” sur les dessous de cette industrie musicale, était l’invité de BFMTV ce vendredi 5 décembre.
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00:00Bonjour, gentilouine. Soyez le bienvenu ce matin. Vous êtes l'un des auteurs, vous étiez trois, de ce livre Enquête.
00:08Ça s'appelle L'Empire. Je suis extrêmement heureuse de vous recevoir ce matin. D'abord, j'ai trouvé votre enquête remarquable.
00:14Une enquête qui, jusqu'à présent, n'avait jamais osé, j'allais dire, être véritablement menée, parce que vous avez été chercher derrière les façades du rap.
00:25Qui sont les rappeurs ? Quels sont les tentacules derrière cela ? L'enquête en elle-même est remarquable, mais il y a un fait qui, je dois dire, moi, m'a particulièrement émue,
00:37et dont je m'étais émue sur les réseaux sociaux, c'était l'absence, le silence, des rappeurs, notamment marseillais, qui est quand même l'une des villes phares, j'allais dire, du rap,
00:49au moment de la mort du frère Damine Kessassi. J'avais écrit ces mots, je persiste. Où étaient les figures de Marseille ?
00:55Jules Soprano, Zidane, Redouane Bourguébin, où étaient-ils pour la marche blanche à la mémoire du frère Damine Kessassi ?
01:02Imaginez une seconde s'ils avaient été là, au premier rang, entourant la famille Kessassi, à quel point ça aurait été fort ?
01:09Pourquoi ce silence ? Et lorsque j'ai lu votre livre, j'ai un peu mieux compris pourquoi ce silence ?
01:17Écoutez, moi, le silence, il faut le demander aux rappeurs, c'est pas à moi de parler en leur nom.
01:22J'ai, comme vous pouvez l'imaginer, non seulement tenté de les inviter, nous avons lancé toutes sortes d'invitations aux uns et aux autres.
01:28Soprano vient à Paris dans quelques jours pour des concerts, l'invitation est absolument ouverte, les uns et les autres sont invités,
01:35mais je remarque que ni chez moi, ni chez les autres, ils n'ont été.
01:37Soprano s'est exprimé chez nos confrères du Parisien, par exemple, où il a fait état, il s'est exprimé sur, justement, les liens et l'emprise
01:45qu'il peut y avoir du narcotrafic sur certains rappeurs et de nouvelles organisations criminelles qui terrorisent aujourd'hui le milieu du rap.
01:53Donc, aujourd'hui, c'est une musique, c'est une industrie que nous, on a souhaité enquêter parce que c'est la musique la plus écoutée par les Français.
02:01C'est aussi le plus grand marché de l'industrie culturelle musicale française.
02:05On parle de plus d'un milliard d'euros.
02:08Donc, voilà, en fait, nous, on a enquêté sur un pouvoir qui est un pouvoir économique, culturel, mais également esthétique.
02:15Et bien sûr qu'il y a des zones d'ombre et ces zones d'ombre, aujourd'hui, elles apparaissent de plus en plus à la lumière,
02:22notamment avec l'attaque de SCH qui a tué l'un de ses collaborateurs.
02:26SCH qui est donc l'un de ses rappeurs stars et qui est aujourd'hui emprisonné au Maroc.
02:33Ça, c'est Maës qui est emprisonné au Maroc.
02:35Donc, SCH, c'est un rappeur marseillais qui a été ciblé par une attaque à l'arme très lourde en août 2024,
02:42après un showcase à la Grande Motte qui a tué l'un de ses collaborateurs.
02:45Voilà, l'un de ses collaborateurs.
02:45Et SCH était lui-même visé selon ses propos.
02:49Arrêtons-nous un instant sur ce cas-là.
02:50Oui.
02:51Est-ce que vous pouvez nous raconter qu'est-ce qui se passe derrière cet acte extrêmement violent et cette mort ?
02:58C'est quoi le fil quand vous remontez le fil ?
03:00En fait, aujourd'hui, l'élite du rap, nous, on n'a travaillé que sur les plus gros vendeurs de cette scène musicale.
03:06Une partie d'entre eux doit composer, en fait, avec des organisations criminelles.
03:12Alors, ça va parfois, ça remonte à des relations de quartier, des relations parfois de jeunesse.
03:18Et puis surtout, c'est qu'il y a tellement d'argent aujourd'hui dans le rap français, il n'y a jamais eu autant d'argent.
03:22On parle parfois d'avance de plus de 10 millions d'euros pour un album.
03:27Évidemment, ça attire les convoitises.
03:29Et ce n'est pas nouveau, en fait, que la grande criminalité s'intéresse à la musique.
03:33On peut remonter à Sinatra, on peut remonter au jazz sous la prohibition, etc.
03:37Mais là, en fait, à l'échelle française, il n'y a jamais eu autant d'argent.
03:41Et par ailleurs, le rap, ce qui nous a beaucoup intéressés dans cette enquête, c'est que c'est un miroir formidable de la société française.
03:46Et donc, effectivement, le narco-banditisme, aujourd'hui, est ce qu'il est.
03:49Et aujourd'hui, c'est des moyens.
03:52Il y a une forme de mafia, il y a une forme de pression.
03:54Si on revient sur cet exemple-là, pourquoi un homme meurt ? Pourquoi ?
03:59Parce qu'en fait, il y avait...
04:02En fait, SCH, depuis plusieurs mois, recevait des SMS d'intimidation
04:06qui étaient parfois signés ou revendiqués d'une organisation criminelle
04:10qui s'appelle la DZ Mafia, qui est née à Marseille,
04:13et qui lui réclamait visiblement de l'argent.
04:16On parle, les sommes évoquées parlent de 300 000 euros.
04:19Et souvent...
04:20Ça, c'est du racket.
04:20C'est de l'extorsion, absolument.
04:22Sous prétexte de protection ?
04:23Sous prétexte de protection, sous prétexte de service de sécurité, absolument.
04:28C'est une vraie logique de mafia ?
04:29C'est une logique absolument criminelle et mafieuse.
04:32Et donc, face à des refus, visiblement, du rappeur,
04:35qui s'est confié à la police, nous, dans le livre,
04:37on raconte, on s'appuie sur des documents policiers judiciaires.
04:40Et donc, le rappeur a refusé, et cette attaque a eu lieu.
04:46Selon SCH, le rappeur, c'est lui qui a été visé.
04:49Et aujourd'hui, les rappeurs, comme SCH, parlent d'une malédiction, en fait,
04:53de quand ils réussissent, quand ils deviennent multimillionnaires,
04:56quand ils deviennent au sommet des charts, comme on dit.
05:00La rançon de cette gloire, c'est épouvantable.
05:02C'est de vivre, finalement, quasiment comme un criminel en cavale.
05:05Aujourd'hui, les rappeurs...
05:06Et d'ailleurs, SCH a quitté Marseille.
05:08Ils ont quitté Marseille.
05:09Certains se déplacent uniquement avec des gilets pare-balles,
05:11changent de véhicules.
05:12Ils ont une logistique sécuritaire qui est très poussée.
05:15Son van était d'ailleurs leur, je pense.
05:16Il ne circulait plus dans son van.
05:18Et c'est parce qu'on pensait qu'il y était que son copain a été abattu.
05:21Absolument.
05:22Est-ce que vous parlez de forme d'américanisation du rap français ?
05:25Parce que ce dont vous parlez, on a l'impression de retrouver, en réalité,
05:27ce qui se racontait dans les années 90 sur le rap américain,
05:30où c'était des gangs qui s'affrontaient,
05:32où on a tous en mémoire la mort de Tupac,
05:35toujours entourée d'une forme de halo de mystère,
05:37où on dit qu'un certain nombre de labels ont été précisément financés
05:40par de l'argent illégal,
05:42qui a eu une forme de blanchiment de l'argent sale par des labels de rap,
05:46et où, précisément, il y avait aussi ce racket
05:48et cette espèce d'extorsion au nom de la sécurité.
05:51C'est ça ce qui est en train de se passer ?
05:52Jean-Tilouine.
05:53C'est intéressant ce que vous dites,
05:54parce que plusieurs cadres de l'industrie, en fait,
05:57nous parlent de ce qui s'est passé aux États-Unis.
06:00Une des choses qui s'est passées, vous avez raison,
06:02et l'impact et la conséquence directe,
06:04ça a été quasiment la créativité du rap américain,
06:09c'est considérablement réduit.
06:11Et aujourd'hui, en France, notamment à Marseille, par exemple,
06:14on voit que de plus en plus de jeunes artistes
06:16rechignent à aller en studio, rechignent à enregistrer.
06:18Et ça a un impact sur la créativité de cette musique.
06:20Parce qu'ils ont peur.
06:21Donc demain, ce sera le rap par l'intelligence artificielle.
06:25Vous voyez déjà aujourd'hui.
06:27C'est moins dangereux.
06:28C'est moins dangereux à court terme, en tout cas.
06:30Mais on en est là.
06:31C'est-à-dire qu'on est dans un moment...
06:32Vous pensez qu'on est dans un moment de bascule ?
06:34C'est-à-dire où, en réalité, vous avez même une expression,
06:37vous parlez de narco-producteur.
06:39Oui, on parle de narco-producteur, puisqu'aujourd'hui,
06:41on voit des sociétés créées ad hoc, en fait,
06:44créées spécialement pour cela,
06:45contrôlées directement ou indirectement,
06:47par des figures ou des réseaux...
06:49Pour blanchir l'argent.
06:49...liés aux narcotrafiquants.
06:51Non, pas pour blanchir l'argent.
06:52Nous, on en documente assez peu de blanchir.
06:53Pour en faire aussi.
06:55Pour faire du fricot.
06:55En fait, on documente plutôt une forme de diversification.
06:59Et comme beaucoup de voyous, aujourd'hui,
07:02enfin, de tout temps, pardon,
07:04les voyous veulent capter de l'argent propre.
07:06Et donc, il y a un moment,
07:07il faut aussi s'intéresser à l'émetteur.
07:09C'est ce qu'on le fait dans ce livre,
07:10au cours de l'enquête.
07:11C'est-à-dire que les flux financiers émis
07:13par des majeurs, comme Universal, Warner,
07:16Sony Music, ou la société de distribution Believe,
07:19vers des sociétés dont ils savent pertinemment
07:21qu'elles sont contrôlées par des figures du narco-banditisme,
07:25posent des questions éthiques, morales, etc.
07:28de capitalisme.
07:28C'est conscient, ce que vous voulez dire.
07:30Et c'est très intéressant.
07:31Vous venez de dire le mot capitalisme.
07:32Au fond, pour l'image du rap,
07:37c'est quand même l'image d'un monde, au contraire,
07:39anti-système, d'un monde de liberté, de rébellion.
07:44Et au fond, à la lecture de votre enquête,
07:46cette hypocrisie, enfin, cette...
07:48C'est le génie du capitalisme.
07:49C'est le génie du capitalisme.
07:50C'est qu'au fond, ils sont dans une logique
07:52totalement capitaliste,
07:54avec même des valeurs qui sont des valeurs,
07:56en réalité, d'ailleurs, le plus souvent très conservatrices
07:59et non pas tellement progressistes,
08:01y compris d'hommes, de forces, de machisme et de fric.
08:07Et ça, je trouve ça assez saisissant.
08:10Cette folie de faire passer pour progressistes
08:13ce qui, en réalité, est à la fois hyper capitaliste
08:16et totalement conservateur.
08:18Il y a un chapitre dans ce livre
08:20qui parle du rapport des rappeurs aux politiques, en fait.
08:22Et donc, certains rappeurs plus anciens,
08:26plus aînés, ont été à un moment séduits
08:27ou courtisés, du moins, par la gauche
08:29qui pensaient les rappeurs acquises.
08:31Ils ne sont plus du tout de gauche, là, franchement.
08:33Aujourd'hui, c'est plutôt des ultra-libéraux.
08:35D'ailleurs, certains adorent la figure de Sarkozy.
08:38En tout cas, ils retrouvent une forme de mythologie.
08:41C'est le côté bandit.
08:42Ce côté gangster, bandit, etc.
08:44Et donc, aujourd'hui,
08:45ils ne s'intéressent plus beaucoup à la politique.
08:47Ils sont d'ailleurs assez post-politiques,
08:49très mondialisés.
08:49Il faut aussi faire la distinction.
08:51Le rap, il y a du rap familial.
08:53Il n'y a pas que des rappeurs liés au narco-trafic.
08:58Il faut quand même le dire,
08:59pour ne pas quitter tout le monde.
09:00Dans notre livre,
09:01on se refuse à essentialiser absolument le rap,
09:03à faire de généralité.
09:04C'est quand même un petit milieu.
09:06Oui, mais chaque cas est vraiment particulier.
09:10Il y a des rappeurs qui ne sont pas du tout concernés
09:12par le racket, l'expression, etc.
09:14Et que, par ailleurs, c'est une musique aussi
09:18qui a fait émerger une classe de jeunes entrepreneurs
09:20issus de l'immigration, issus des quartiers,
09:22devenus multimillionnaires,
09:23et peu de secteurs de l'économie française
09:25ont permis cela.
09:26Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe
09:27avec ce succès du rap associé aux machines criminelles ?
09:32Je ne sais pas si vous vous êtes intéressé
09:33au livre du commissaire Jean-François Guéraud
09:35sur le silence,
09:36ancien responsable de l'unité de coordination
09:40du renseignement à l'Élysée,
09:42qui dit que le succès pour le crime organisé,
09:45c'est non seulement d'établir le silence
09:47dans les organisations,
09:49mais de l'imposer aussi à la société.
09:51Pourquoi donc ils n'ont pas parlé
09:52lors de la Grande Marche Blanche ?
09:54Parce qu'on réussit à imposer le silence.
09:56Et pas de prix, d'ailleurs.
09:56Et ma question, c'est donc,
09:58est-ce qu'il n'est pas un peu paradoxal
09:59que des organisations criminelles
10:01s'exposent autant et aussi bruyamment
10:04via le rap ?
10:05Parce que pour le coup,
10:05ça n'est pas silencieux, le rap.
10:06Évidemment, on est très, très loin
10:08de la discrétion habituelle de l'industrie.
10:10Bien sûr, mais c'est...
10:12En fait, une partie du rap
10:14chantent les quartiers.
10:15Les quartiers ont beaucoup évolué.
10:17La criminalité a beaucoup évolué.
10:19Les formes de trafiquants,
10:21les natures des trafiquants ont évolué.
10:22Et en fait, certains artistes chantent...
10:26En fait, leur rhétorique,
10:28leur discours, leur jargon
10:29tournent autour du deal,
10:31des trafiquants et de ces figures
10:32de grands aventuriers du quartier,
10:33quelque part,
10:34qui sont des grands entrepreneurs,
10:35en fait, de l'illégal.
10:36Mais qui braquent les projecteurs
10:37sur les pratiques aussi de ces narcos.
10:39Absolument.
10:39Mais le fait de les chanter,
10:40le fait de chanter le quartier,
10:42pour les vrais voyous,
10:44nécessite de passer à la caisse.
10:46En fait, les vrais voyous
10:47ne sont pas des rappeurs.
10:47Ce que je trouve fou, d'ailleurs,
10:49c'est que tout est écrit,
10:50en quelque sorte.
10:50Absolument.
10:51Tout est dit.
10:51Quand on regarde, par exemple,
10:53je voudrais qu'on s'arrête
10:53un instant sur le cas du rappeur Maès.
10:55Je l'évoquais tout à l'heure,
10:57qui est donc, lui,
10:59sous les barreaux au Maroc,
11:01au moment où on se parle.
11:02ses chansons,
11:05c'était
11:05« Il y a nos têtes fichées par Interpol »,
11:07« 100 sur mes ASICs »,
11:09donc mes baskets.
11:10Je me rappelle que
11:11« T'étais par terre, pâle »,
11:13« 2-3 raclics »,
11:15« 2-3 condés qui m'interpellent ».
11:17Voilà les camés.
11:20Et aujourd'hui,
11:20on découvre effectivement
11:22que Maès,
11:23il est impliqué dans des meurtres.
11:25Nous, on révèle dans le livre
11:26la nature de l'enquête judiciaire
11:28en France,
11:29où il est suspecté, effectivement,
11:30d'avoir commandité
11:31plusieurs assassinats
11:33en recourant à des shooters,
11:35ce qu'on appelle des tueurs à gages,
11:36des SICR,
11:37en banlieue parisienne.
11:39Et ce qui est intéressant aussi,
11:40vous avez complètement raison,
11:42Pauline,
11:43c'est, par exemple,
11:44s'il avait fait un clip également
11:45qui mettait en scène, en fait,
11:46un shooter
11:47et dans lequel il dit,
11:48il chante,
11:48qu'il met des GoPro,
11:50il met des caméras GoPro
11:51sur son shooter
11:52pour commettre son crime.
11:54Donc, oui, en fait,
11:55il y a beaucoup de choses
11:56qui sont dites
11:57et Maès,
11:58c'est vrai que c'est assez troublant.
11:59Il y a des figures
12:00qui sont des figures,
12:01pour le coup,
12:02qui parlent au grand public.
12:04Je pense à Joule, par exemple.
12:05Joule, non seulement
12:06star absolue du rap,
12:09mais aussi figure,
12:11vraiment,
12:11qui a tenu la flamme olympique,
12:13qui a accueilli même
12:14la flamme olympique
12:14à son arrivée
12:15à Marseille.
12:19On ne l'entend pas aujourd'hui,
12:21Joule.
12:21Je reviens quand même
12:22à cette émotion
12:23qui, moi,
12:24m'a saisi
12:25de n'entendre
12:26aucun
12:27de ces rappeurs
12:29marseillais
12:29se désespérer
12:32du meurtre
12:33du frère
12:33Damine Kessassi.
12:35Donc,
12:36est-ce parce que
12:36ça ne les intéresse pas ?
12:38Est-ce parce qu'effectivement,
12:39ils ont peur ?
12:40Et n'est-il pas possible,
12:42ne serait-il pas possible
12:43que tous ensemble,
12:44ils se mettent ?
12:44Alors, je suis peut-être
12:45hyper naïve,
12:45j'ai vraiment un côté ridicule
12:47John Lennon en vous disant ça,
12:48mais honnêtement,
12:49ils sont quand même
12:50suffisamment puissants
12:51pour pouvoir,
12:53à un moment ou à un autre,
12:54se donner tous la main
12:55et dire,
12:56on refuse cette logique-là.
12:59Ou alors,
12:59au fond,
12:59ne sont-ils pas si puissants
13:00que ça ?
13:01Ou non ?
13:02Écoutez,
13:02c'est assez difficile
13:03à dire,
13:04en tout cas,
13:04ce qu'on peut vous dire
13:06suite à l'enquête,
13:07c'est qu'ils évoluent
13:08dans un environnement
13:09qui est extrêmement compliqué,
13:11dans lesquels
13:12ils doivent composer
13:13avec des loyautés piégeuses,
13:14avec des forces en présence
13:16qui sont extrêmement menacantes.
13:17Mais c'est surtout à Marseille
13:18ou c'est dans toute la France ?
13:19Pardon,
13:19mais comment on sort de ça ?
13:21Comment on sort de ça ?
13:22Aujourd'hui,
13:22les menaces pour des rappeurs
13:23sont au-delà de Marseille,
13:24c'est-à-dire que
13:25quand ils se déplacent
13:26sur le territoire hexagonal,
13:27aujourd'hui,
13:27les rappeurs
13:28ne se sentent pas en sécurité
13:30et on l'a vu
13:30qu'il y a eu des opérations
13:31comme celle de Céage,
13:32etc.,
13:34donc c'est très dur.
13:34Au regard de l'enquête
13:35que vous avez menée,
13:36vous pensez que
13:36s'ils s'étaient,
13:37par exemple,
13:38là,
13:39manifestés davantage
13:40et bruyamment
13:41autour de la mort
13:44du frère d'Amine Kessassi,
13:46est-ce qu'en effet,
13:48ils auraient pu avoir
13:48des représailles ?
13:50C'est difficile à dire,
13:51je ne peux pas faire
13:52de la prospective
13:52sur un tel sujet.
13:55En revanche,
13:55Dioul,
13:56par ailleurs,
13:57c'est quelqu'un
13:57d'extrêmement pudique,
13:58qui parle très peu.
13:59Oui, tout à fait.
13:59C'est quelqu'un
14:00de très discret
14:01et qui est assez introverti.
14:04C'est un homme de studio
14:05qui produit tout le temps,
14:06etc., etc.
14:07Ce n'est pas
14:07une personnalité publique.
14:08Et aujourd'hui,
14:09enfin, si,
14:09c'est une personnalité publique,
14:10mais c'est quelqu'un
14:10qui ne s'exprime pas
14:11sur la politique.
14:12Et la plupart des rappeurs
14:13ou sur l'actualité
14:13ne s'expriment plus
14:15sur l'actualité, en fait.
14:16On n'est plus dans le rap
14:17des années 90 ou quoi.
14:18Aujourd'hui,
14:19ces artistes-là
14:20sont en fait des...
14:22En fait,
14:23c'est de la fiction du réel
14:24qui chante.
14:25Mais Dioul,
14:26au départ,
14:26est quand même
14:27quelqu'un
14:29qui, justement,
14:29décide de s'extirper
14:31de ce qui est déjà
14:34un peu le narcotrafic.
14:35Tout à fait.
14:36En fait,
14:36à ses débuts,
14:37son premier producteur,
14:38c'était Karim Thir
14:39qui s'est fait assassiner.
14:41Il est issu d'une famille
14:41des quartiers nord de Marseille.
14:44Il s'est fait assassiner
14:44en région parisienne.
14:46Et derrière,
14:46il a eu beaucoup de mal
14:47à s'affranchir,
14:48en fait,
14:48à quitter cette famille
14:51pour prendre son indépendance
14:53et continuer sa carrière.
14:55Il a réussi à s'affranchir.
14:55Il a réussi,
14:56mais il a dû concéder
14:57des millions d'euros
14:58de droits sur les albums
14:59et il a dû se cacher
15:01pendant plusieurs semaines
15:02en périphérie de Marseille
15:04dans une maison
15:05gardée par des hommes en arme
15:06pour éviter tout dépensement.
15:09Il a eu peur pour sa vie ?
15:10Bien sûr.
15:11Bien sûr.
15:11C'est qu'il a eu peur pour sa vie
15:13et que ça a été extrêmement compliqué.
15:15Donc, voilà.
15:15Ils évoluent
15:16dans des systèmes
15:17qui sont particulièrement complexes
15:20mais qui sont très ancrés,
15:21en fait.
15:21Et encore une fois,
15:22pardonnez-moi,
15:23mais les gens de la DZ Mafia,
15:25les gens de ces organisations
15:26etc.,
15:27pour certains,
15:28ils ont été à l'école
15:29avec des artistes.
15:30Ils ne sortent pas de nulle part.
15:31Il y a des connaissances,
15:32il y a des relations.
15:34C'est très compliqué.
15:35Et ça remonte à très loin.
15:36C'est des racines.
15:36remontés à très loin.
15:37Voilà, en fait.
15:38Et donc, certains dans les quartiers,
15:40certains prennent des trajectoires
15:42de voyous,
15:43d'autres d'artistes,
15:44d'autres d'entrepreneurs,
15:44de professeurs,
15:45d'instituteurs,
15:46etc.,
15:46d'avocats.
15:47Et donc, voilà.
15:48J'ai une dernière question,
15:51mais je ne sais pas
15:51si vous pourrez me répondre.
15:52Est-ce que vous-même,
15:52vous avez peur
15:53ou vous avez eu peur ?
15:54Nous, on est très prudents.
15:56Ça veut dire quoi,
15:56être prudent ?
15:57Ça veut dire qu'on fait
15:58notre travail
15:59de manière très prudente
16:00et qu'on croit
16:01dans les valeurs
16:03du journalisme
16:05d'investigation.
16:06Donc, on travaille
16:07avec une certaine froideur
16:08de l'enquêteur
16:08et l'empathie du reporter
16:10et on donne la parole
16:11à tout le monde.
16:12C'est votre enquête
16:12la plus compliquée ?
16:13Est-ce que vous avez écrit
16:13aussi sur d'autres criminels
16:15ou d'autres personnes
16:15soupçonnées ?
16:16C'est la plus compliquée ?
16:18Mais au regard
16:18du climat actuel,
16:20on est prudents.
16:21Prudents, prudents.
16:22Et en tout cas,
16:23vous faites un travail remarquable.
16:24Donc, un immense merci
16:26et merci justement
16:26d'avoir le courage
16:27de le dire.
16:28Donc, Jean-Tillouine,
16:31vos deux confrères
16:33avec lesquels
16:33vous avez mené l'enquête,
16:34je veux les citer,
16:35Paul Dutchman
16:36et Simon Piel.
16:37L'Empire,
16:38enquête au cœur
16:39du rap français
16:40et en plus,
16:40ça se lit,
16:41mais alors vraiment
16:41avec passion,
16:43vous nous emmenez
16:44vraiment dans cette enquête
16:46et on a le sentiment
16:47de la mener avec vous.
16:48Merci infiniment.
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