Retrouvez « La question de David Castello-Lopes » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-david-castello-lopes
00:00J'accueille David Castello-Lopez, bonjour, dites-nous, j'ai l'impression que vous allez me parler d'un débat assez d'actualité,
00:09enfin si je puis dire, puisque c'est un impôt, vous posez la question suivante, faut-il réactiver la gabelle ?
00:14Mouais, la gabelle, la gabelle, beaucoup de gens le savent, c'était un impôt sur le sel que le peuple français devait payer sous l'ancien régime
00:22et sincèrement, rien que l'idée, déjà, moi ça m'amuse. Un impôt sur le sel, ça convoque un monde tellement disparu.
00:30Je veux dire, il y a beaucoup de revendications sociales en ce moment, les retraites, la taxe Zuckmann, le prix du carburant,
00:34mais personne ne descend dans la rue en hurlant « pas de touche à mon sel ».
00:38Et pourtant, pendant des centaines d'années, la gabelle, ça a été un impôt ultra important en France
00:44et la question qui vient immédiatement à un esprit contemporain normal, c'est « what the fuck ? »
00:49Pourquoi le sel ? Pourquoi pas les petits pois, le foie de veau ou les pimps ?
00:54Alors déjà, il faut savoir que le sel, même si ce n'était pas hors de prix, ça avait quand même une certaine valeur.
00:59C'est difficile à croire aujourd'hui parce que le sel en France, ça ne coûte rien, mais pendant très longtemps, ce n'était pas ultra bon marché.
01:05À tel point qu'à certains endroits du monde, à certaines époques, le sel a servi de monnaie.
01:10On pouvait payer ses dettes en sel. Et vous savez quoi ? Le mot « salaire », il vient aussi de sel.
01:17Bam ! On apprend des choses dès le matin.
01:19Mais ce n'est pas pour ça qu'il y avait un impôt sur le sel.
01:22Si on a décidé de taxer le sel, c'est entre autres pour deux raisons.
01:25Un, le sel, on ne peut pas en produire n'importe où.
01:27Vous ne pouvez pas faire pousser du sel dans votre jardin, donc l'État peut contrôler assez facilement la production.
01:32Et surtout deux, à peu près tout le monde, partout, avait besoin de sel en bonne quantité.
01:37Pourquoi ? Parce que l'ancien régime était caractérisé par une absence totale de frigo.
01:43Et donc, l'une des seules façons de conserver les aliments périssables, c'était de leur couvrir leur race avec du sel.
01:50Quand vous avez un truc dont vous pouvez contrôler la production et dont tout le monde a besoin,
01:53c'est super tentant pour l'État de taxer ce truc.
01:57La gabelle en France, elle fonctionnait selon un principe un petit peu chelou.
02:02C'était l'État qui avait le monopole de la production de sel.
02:05Et dans certaines régions, si vous n'étiez ni noble ni ecclésiastique, vous étiez obligé d'acheter du sel à l'État.
02:13Obligé ! Même si vous n'aviez pas envie de sel, vous deviez en acheter quand même et le mettre chez vous.
02:17C'est fou ça, non ?
02:18Et imaginez que tout à coup, Emmanuel Macron, il dise, à partir de maintenant, déjà, je nationalise la production de bubble tea.
02:25Et deuxièmement, chaque Français sera obligé d'acheter au moins cinq bubble tea par an dans un magasin de bubble tea officiel de la République française.
02:32Je vous le dis, des boucliers se lèveraient.
02:35Et en plus, excusez-moi pour la grossièreté de ce que je vais dire, mais la gabelle, c'était le bordel.
02:40Parce qu'il y avait d'un côté des régions où l'État avait réussi à imposer une gabelle ultra élevée, genre le bassin parisien,
02:45et de l'autre côté des régions qui étaient juste exemptées de gabelles, genre la Bretagne.
02:50Et ça, non seulement c'était très énervant pour les gens qui payaient leur sel ultra plus cher que les bretons,
02:54mais surtout, qu'est-ce qui se passait ?
02:56Il y avait du trafic de sel.
02:57Vous aviez des gars qui achetaient du sel bon marché en Bretagne et qu'ils refilaient en contrebande sur Paname,
03:02où ça coûtait un bras.
03:04Et il se faisait une belle marge au passage, exactement comme le trafic de cigarettes espagnoles aujourd'hui.
03:10Tout ça, ça explique que quand il y a eu les états généraux en 1789,
03:13l'une des premières choses qui est sortie, c'est « les gars, il y en a marre de la gabelle ».
03:17Et donc la gabelle a été abolie en 1790.
03:20Et c'est sans doute pas une bonne idée de la réactiver.
03:22Le débat est tranché, merci David Castello-Lopez à suivre les magazines de la Grande Matinale avec Sonia De Villers.
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