La taxe Zucman a fait débat entre les députés. Elle pourrait être un moyen pour que les ultra-riches paient autant d'impôts que le reste de la population. Pour Matthieu Bacquin, cofondateur de Finalli et Layla Abdelké Yacoub, il est important de ne pas confondre les personnes concernées par cette taxe avec l’ensemble du reste des chefs d’entreprises.
00:00Le débat de ce Smart Impact consacré au partage des richesses, à l'image des patrons et évidemment à la taxe Zucman.
00:13On en parle avec Mathieu Baquin, bonjour.
00:15Bonjour.
00:16Bienvenue, vous êtes le cofondateur de Finali.
00:18Et Laïla Abdelkei Yacoum, bonjour.
00:20Bonjour.
00:20Bienvenue à vous, vous êtes responsable du plaidoyer Justice Fiscal Inégalité chez Oxfam France.
00:25Allez, deux mots de présentation, Finali en quelques mots.
00:27Alors, Finali, c'est une entreprise que j'ai cofondée il y a bientôt dix ans.
00:32Nous accompagnons les startups, les PME et les entreprises de taille intermédiaire pour monter les dossiers qui leur permettent de récupérer des aides fiscales comme le crédit d'impôt recherche, le crédit d'impôt innovation, mais également des subventions à la recherche et à l'innovation.
00:46On a fondé non pas le 121e cabinet conseil, mais la première plateforme en ligne.
00:51On partage le travail entre nos clients et nous, et ça permet de diminuer le coût d'accès de notre métier pour les petites entreprises qui sont encore trop nombreuses à passer à côté de ces dispositifs dont elles ont tant besoin.
01:05Oui, effectivement.
01:06Oxfam France, ONG, très connue.
01:08Vos missions principales, vous diriez quoi ?
01:11Alors, chez Oxfam, globalement, notre objectif, c'est de lutter contre les inégalités, en ce qu'elles nourrissent la pauvreté partout dans le monde.
01:21Donc, on a à la fois, via notre Confédération, une présence dans plus de 80 pays, avec notamment de la présence pour de l'aide humanitaire, etc.
01:28Et notamment des pôles pédoyers qui essaient de s'attaquer aux racines des inégalités et aux décisions politiques qui les permettent.
01:37Et donc, c'est là-dessus que moi, je travaille sur le pôle vraiment justice fiscale pour demander un meilleur partage des richesses via la fiscalité spécifiquement en France.
01:45Quand vous entendez le mot partage des richesses, qu'est-ce que ça vous inspire ?
01:49Pour moi, c'est quelque chose qui est très important, qui est essentiel, qui est aussi une des fiertés de la France d'avoir mis en place, avec les années, toute notre histoire, un véritable système redistributif
02:00où, normalement, chacun est censé contribuer en fonction de ses moyens et permettre une société où on vit mieux ensemble et dignement.
02:08Vous travaillez beaucoup sur les questions de fiscalité, d'évitement, d'optimisation, voire de fraude fiscale.
02:14Ça fait partie des thèmes que vous abordez. On va pouvoir détailler ça.
02:16Et on va parler notamment de cette taxe Zuckman. Vous en pensez quoi, Mathieu Baquin ?
02:22Et surtout des débats qu'on a pu animer, nous ici aussi, à l'occasion de l'examen de la taxe Zuckman au Parlement.
02:31Tout d'abord, cette taxe Zuckman, elle concerne, en tout cas, c'était l'idée, ce qu'on a appelé les ultra-riches, avec plus de 100 millions d'euros de capital.
02:41Ce n'est pas tout à fait la réalité des quelques 4 millions de dirigeants de micro-entreprises et de PME qui, pour leur très, très, très, très grande majorité, ne sont pas des ultra-riches.
02:56Vous avez vu l'amalgame se faire dans pas mal de débats ?
02:58Non, mais l'amalgame, en tout cas, a pu laisser penser que, voilà, patron égal ultra-riches et que, si on mettait en place cette taxe Zuckman, finalement, on tuerait l'entrepreneuriat.
03:07Mais très clairement, étant moi-même dirigeant de PME et au contact, on a à peu près 800 clients TPE, PME chez Finali, je peux vous dire que les premiers ressorts, les premières motivations pour fonder une entreprise,
03:21c'est avant tout, j'ai envie de dire, un goût des responsabilités, une envie de diriger, une envie, finalement, de ne plus être salarié.
03:29Ça peut être la première ambition. Et puis, pour certains, une ambition d'avoir de l'impact, de transformer son idée en entreprise qui grandit.
03:39Évidemment que cette prise de risque mérite rémunération, mais très clairement, il y a un décalage entre les ultra-riches et ces dirigeants de micro-entreprises et de PME,
03:51qui sont d'ailleurs les premiers en période de crise, parfois, à cesser de se rémunérer.
03:57Ce n'est pas mon cas, fort heureusement. Finali, il se porte bien. On est en pleine croissance.
04:01Mais ça peut arriver, effectivement.
04:03Exactement. Donc, il y a ce décalage.
04:04Ce décalage. Leïla Abdelkayakoum, je ne dis pas qu'Oxfam le fait, mais c'est vrai que souvent dans les débats, et parfois en France,
04:11il y a un regard sur les chefs d'entreprise qui est un peu caricatural. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette idée ?
04:17Après, je vous demanderai d'expliquer pourquoi vous pensez que la taille Juckmane peut être utile.
04:20Oui, je l'entends. Pour nous, en tout cas, c'est pour ça que ça a toujours été important de spécifier précisément
04:26de quoi on parle et de qui on parle. Parce que je rejoins tout à fait ce qu'il vient d'être dit.
04:30On a un problème aujourd'hui de décalage, en effet, entre une toute petite minorité et d'ultra-riches.
04:35Et nous, c'est pour ça qu'on parle d'ultra-riches. C'est pour bien montrer qu'on ne parle pas juste de quelqu'un
04:38qui gagne bien sa vie parce qu'il a bien travaillé, qu'il s'en est bien sorti.
04:42On parle vraiment d'une minorité qui vient un peu hors du monde avec des fortunes vraiment colossales.
04:47Et donc, en effet, ce n'est pas du tout le cas de la plupart des dirigeants d'entreprise.
04:49Et c'est même un problème dans notre pays qui a un véritable décalage où vous pouvez vous retrouver
04:54avec des gens qui ont des très grandes entreprises avec des très, très gros bénéfices
04:58qui se retrouvent à payer moins d'impôts parfois que des dirigeants de PME.
05:04Donc ça, c'est un vrai problème. Et c'est pour ça que c'est à ça qu'on doit s'attaquer
05:07à ceux qui arrivent à échapper à l'impôt alors que les autres paient leur part
05:10et parfois ont même du mal à payer leur part.
05:12Cette taxe Zuckman, elle a été critiquée, peut-être aussi caricaturée, en disant que notamment
05:17comme elle intégrait l'outil de production à cette notion de patrimoine des 100 millions de patrimoine,
05:22elle risquait de fragiliser le tissu industriel français. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
05:27En fait, c'est que comme on vient de le dire, il y a un problème dans la perception
05:32qui est qu'on s'imagine un tout à chacun si là aujourd'hui, vous ou moi, on avait une boîte
05:38qui fonctionnait bien et que d'un coup on devait payer une énorme part alors que c'est l'outil de production.
05:42La réalité, c'est que justement, si on parle de cette toute petite minorité, c'est qu'on parle de personnes
05:46qui justement ont utilisé tous les moyens possibles pour trouver tous les moyens possibles pour éviter l'impôt.
05:50Mais leur réalité financière, cette toute petite part de personnes, c'est celle de personnes
05:55qui ont les moyens de trouver cet argent, qui ont justement tout fait pour que leur argent rentre dans les cases
06:00qui ne sont pas taxables. C'est-à-dire que vous avez des règles, des trous dans la raquette
06:04qui ont été mis en place dans les différentes formes de taxation.
06:07Et les gens qui ont plus de moyens, qui ont des conseillers, des avocats fiscalistes, etc.,
06:11des équipes entières consacrées à ça, construisent, structurent leurs fortunes,
06:15leur argent, leurs entreprises de manière à payer le moins d'impôts possible.
06:19Et donc, quand vous créez un impôt qui fait que ce n'est plus possible de passer
06:22entre les mailles du filet, vous avez une structuration qui peut se faire différemment
06:25et ces gens peuvent trouver des moyens de payer.
06:27C'est juste que c'est un peu loin de ce qu'on imagine quand on a une entreprise normale, entre guillemets.
06:30Mathieu Baquin, votre avis là-dessus sur cette stratégie d'évitement de l'impôt ?
06:34Vous, votre métier, j'ai bien compris, c'est au contraire d'aider les patrons de PME ou de TI
06:39et de dire que vous avez droit à tel ou tel crédit, utilisez-les.
06:42Mais est-ce que, si on pousse la logique plus loin, ça pourrait aussi être une logique d'évitement ?
06:47Alors, j'ai envie de dire, en tout cas, avec l'attaque Zuckmann,
06:51moi, ce qui m'embête, en tout cas sur le débat de plus de recettes fiscales,
06:54c'est finalement la destination de ces recettes fiscales.
06:58Je pense que, de toute façon, on se dirige vers un moment
07:01où il faudra générer beaucoup de recettes fiscales
07:05pour financer, notamment, la transition climatique.
07:08On va y venir.
07:10Aujourd'hui, on est, j'ai envie de dire,
07:12ces sujets-là, parfois, on l'a sous le nez,
07:15avec notamment les feux de forêt terribles dans l'eau de cet été,
07:19des catastrophes climatiques qui se rapprochent.
07:21Et si on ne fait rien, en fait, je dirais,
07:25résoudre ces problèmes après va coûter plus cher
07:28que de venir en prévention.
07:30Et donc, taxer les ultra-riches, c'est l'une des solutions pour vous ?
07:33Ce qui est certain, c'est qu'on va venir...
07:34Même en nous tapant l'outil de production ?
07:37À partir du moment où on va prendre vraiment conscience
07:40que, je dirais, c'est la survie de l'humanité qui est en jeu,
07:46il n'y aura plus de problème pour venir, effectivement,
07:50trouver des personnes qui seront prêtes à investir
07:53parce qu'il en va, effectivement, de notre survie.
07:55Et je pense que...
07:55Je vais vous dire vrai, parce que pour l'instant,
07:57c'est plutôt un mouvement inverse auquel on est en train d'assister.
08:01Je voudrais qu'on parle...
08:01Tiens, il nous reste un minute, le temps file vite,
08:03mais qu'on parle de dividendes et de la perception que vous avez des dividendes.
08:09Je commence avec vous, Mathieu Baquin.
08:13Verser des dividendes à un investisseur, c'est quoi ?
08:16C'est naturel ? C'est logique ?
08:18C'est quelqu'un qui a pris des risques pour financer une entreprise ?
08:20C'est normal qu'ils soient rémunérés ?
08:22Qu'est-ce que vous ont dit ?
08:22Alors moi, j'aime beaucoup la règle des trois tiers
08:24qui consiste pour une entreprise,
08:27lorsqu'elle arrive après plusieurs années,
08:29les premières années, généralement, d'une entreprise,
08:32ce sont des années...
08:33On parle de valet de la mort,
08:34même pour les deux premières années de la vie d'une entreprise.
08:37Au bout de cinq ans, on a une entreprise sur deux qui n'existe plus.
08:40Donc, c'est quand même un sport à haut risque.
08:43Qui plus est pour des entreprises qui investissent en recherche et en innovation.
08:47Et il arrive, effectivement, que ces entreprises,
08:49parfaitement bien gérées, avec une part de réussite également,
08:53finissent par devenir rentables.
08:54Et à ce moment-là, je trouve que cette règle des trois tiers,
08:57qui n'est pas une règle inscrite dans la loi,
08:58mais qui est plutôt une règle, pour moi, de bonne gouvernance,
09:01c'est une règle, finalement, où on va rémunérer
09:04de manière équitable les parties prenantes de l'entreprise,
09:08les salariés.
09:09Donc, un tiers pour les salariés.
09:10Exactement.
09:11Un tiers qu'on réinvestit dans l'entreprise,
09:14qu'il ne faut pas assécher.
09:15Et un tiers, effectivement, pour les actionnaires
09:18qui ont pris tous les risques lors de la création de l'entreprise
09:21ou pour financer son développement,
09:22et qui méritent également un retour.
09:25Donc, voilà, c'est parfaitement, je dirais, normal.
09:29Laïla Abdelkayaoub, ça fait partie des mesures proposées
09:32par Oxfam France, poussées par Oxfam France,
09:34mieux taxer les dividendes.
09:36Déjà, on peut expliquer pourquoi et surtout comment.
09:39Alors, on a une des mesures qui a été mise en place
09:41ces dernières années par Emmanuel Macron,
09:44qui est peu connue par son nom,
09:47c'est ce qu'on appelle la flat tax, ou le PFU.
09:50Cette mesure, en fait, d'une certaine manière,
09:52elle plafonne la taxation des dividendes.
09:55Elle ne se présente pas comme telle, mais de fait, c'est le cas,
09:57à 30%, ce qui fait que vous pouvez vous retrouver,
10:01quand vous êtes rémunéré en dividende,
10:03à être beaucoup moins taxé que quelqu'un
10:04qui recevrait autant en salaire de son travail.
10:07Donc, ça, pour nous, ça pose quand même question,
10:09et on se retrouve quand même avec un système
10:10où on taxe de moins en moins des revenus du capital,
10:12comme celui-là, alors qu'on taxe toujours autant le travail.
10:16Donc, ça, c'est quelque chose qui pose question.
10:18Et pour aussi compléter sur les dividendes,
10:21nous, ce n'est pas le principe, leur existence même en soi,
10:24qui nous pose question, bien sûr,
10:25mais c'est comment, vous pouvez vous retrouver
10:28dans des situations un peu absurdes,
10:30voire problématiques,
10:31où vous avez l'État qui, parfois,
10:33finance très fortement certaines entreprises.
10:35On a quand même les dernières études
10:36qui parlent d'aides aux entreprises
10:37de l'ordre d'environ 200, 211 milliards par an.
10:42C'était sur l'année 2023.
10:43Une étude du Sénat qui a été réalisée.
10:46Exactement.
10:46Et les autres, elle a été parfois questionnée,
10:48mais globalement, toutes les études
10:49sont dans cette ordre de grandeur.
10:50Sur cette question-là,
10:52bon, le problème, c'est que ces aides-là,
10:53elles ne sont pas conditionnées, elles ne sont pas...
10:55Ça, je suis d'accord sur les aides aux entreprises.
10:57Et les résultats, vous pouvez avoir des aides massives
10:58qui sont ensuite versées en dividendes.
11:00Mais sur les dividendes,
11:02le risque de les taxer plus,
11:04c'est d'inciter les investisseurs
11:06à prendre moins de risques.
11:07Or, c'est quand même,
11:08on vient de le comprendre,
11:09un levier de création d'entreprises,
11:11donc de richesses, donc d'emplois, etc.
11:14Paradoxalement, vous avez une étude
11:15qui avait été faite il y a quelques années,
11:17justement à un moment où on les avait un peu plus taxées,
11:19qui avait montré qu'en fait,
11:20c'est un peu contre-intuitif,
11:21mais au fond, pas tant que ça.
11:23C'est quand on les avait plus taxées,
11:24ça avait beaucoup plus encouragé l'investissement,
11:26notamment dans l'entreprise ou ailleurs,
11:28en se disant,
11:28bon, peut-être que plus stratégique,
11:30ce n'est pas de rémunérer de manière massive
11:33nos actionnaires au détriment d'autre chose,
11:36on va quand même le faire,
11:37mais par contre,
11:38on va peut-être remettre cet argent
11:39dans l'entreprise, dans l'emploi,
11:41et ça peut aussi être très favorable à l'économie.
11:43Votre avis ?
11:44Oui, j'ai envie de dire,
11:46il faut faire le tri dans les aides aux organisations
11:49et les aides aux entreprises en particulier,
11:51en matière de recherche et d'innovation.
11:53On a des rapports d'évaluation,
11:55qui sont d'évaluation politique publique,
11:57qui sont menées depuis une bonne dizaine d'années,
11:59et qui disent toutes la même chose
12:00sur les aides aux entreprises
12:02qui font l'effort et qui prennent les risques
12:04d'investir en recherche et en innovation,
12:06et on en a beaucoup besoin,
12:07en particulier pour les sujets de décarbonation
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