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  • il y a 22 heures
Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et de stratégie militaire, et Sylvie Kauffmann, éditorialiste au "Monde", spécialiste des questions internationales, sont nos invités pour évoquer la situation politique et militaire internationale. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-27-novembre-2025-3958927

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Transcription
00:00Et ce matin avec Benjamin Nuhamel, nous consacrons ce grand entretien à la situation en Ukraine
00:05où l'histoire semble s'accélérer.
00:08On va tenter de comprendre ce qui se joue.
00:11Un accord de paix est-il à portée de main ?
00:13Vladimir Poutine est-il vraiment prêt à négocier pour nous éclairer ?
00:17Deux invités nous ont rejoints, Benjamin.
00:19Sylvie Kaufmann, bonjour.
00:20Bonjour.
00:21Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter, éditorialiste au journal Le Monde.
00:24Vous êtes spécialiste des questions internationales.
00:27Pierre Servan, bonjour.
00:28Bonjour.
00:29Merci d'être avec nous ce matin.
00:32Vous êtes expert en questions militaires, colonel de réserve et journaliste au groupe TF1-LCI.
00:37Et n'hésitez pas, chers auditeurs, rappelez-nous au 01 45 24 7000 ou sur l'application Radio France.
00:44Pour commencer, il faut rappeler ce qui s'est passé ces derniers jours.
00:48Un plan de paix proposé par Donald Trump, écrit sous la dictée, ou presque, de Vladimir Poutine
00:53et assorti d'un ultimatum.
00:54Les Européens qui réussissent à l'amender, ce plan, pour qu'il soit plus favorable à Kiev et à l'Ukraine.
01:01Les pourparlers se poursuivent.
01:03Le Kremlin, hier, a parlé d'un processus sérieux.
01:06Alors, après bientôt quatre ans de guerre, Sylvie Kaufmann, est-ce que cette fois, on peut y croire ?
01:12Je crois qu'il faut rester très prudent.
01:15Pour l'instant, on ne voit pas exactement où cela va.
01:21Il y aura Steve Whitcoff, l'émissaire de Donald Trump, doit aller à Moscou la semaine prochaine pour parler avec Poutine.
01:29Donc, on en saura peut-être plus à ce moment-là.
01:31Mais je crois qu'il faut regarder lucidement où sont les intérêts des uns et des autres dans cette négociation.
01:38C'est-à-dire, les Américains, on le sait, Donald Trump veut le prix Nobel de la paix.
01:45Et il pense avoir réussi un plan de paix au Moyen-Orient, entre Israël et Gaza.
01:53Et sur sa lancée, il veut absolument essayer de trouver, de mettre fin à cette guerre,
02:00cette situation en Ukraine qui lui résiste depuis dix mois, en fait,
02:03puisqu'il avait dit déjà pendant la campagne électorale qu'il voulait résoudre ce conflit.
02:07Donc, ça, c'est l'intérêt des Américains d'aller vite.
02:10Les Ukrainiens, ils veulent la paix, bien sûr, puisqu'au bout de quatre ans, pratiquement quatre ans de guerre,
02:15ils sont vraiment épuisés, ils en ont assez.
02:18Mais ils ne veulent pas la paix à n'importe quel prix.
02:22Et les sondages le montrent.
02:25Volodymyr Zelensky, le président, est dans une situation politiquement difficile.
02:31Il est fragilisé par une grosse affaire de corruption.
02:33Et sur le front militaire, les choses sont difficiles aussi.
02:37Mais il faut, je crois que Pierre Servan nous en dira certainement plus,
02:41mais ce que j'entends, moi, c'est que le front n'est pas en train de s'effondrer.
02:44Donc, ils ne sont pas tenus dans une position où ils devraient capituler.
02:50Les Européens, c'est un moment crucial pour les Européens,
02:53parce qu'ils ont été tenus en dehors de la préparation de ce plan de paix entre Russes et Américains.
03:01Et ils ont réussi, comme vous l'avez dit, à s'imposer d'une certaine manière.
03:04Mais je dirais qu'ils sont quand même un peu sur un strapontin encore.
03:08Et enfin, les Russes, c'est là la grande question, je crois.
03:12Et ce qu'on voit, c'est vrai, c'est que pour l'instant, la Russie et Vladimir Poutine
03:17ne donnent aucun signe de vouloir négocier ou arriver parvenir à la paix.
03:21Négocier, oui, mais vraiment faire la paix, ils le feront si c'est sur leur terme à eux.
03:27Et on va décortiquer tout au long de ce grand entretien les intérêts, les positions des uns et des autres.
03:34Pierre Servant, est-ce que vous partagez l'avis de Sylvie Kaufmann ?
03:36C'est-à-dire, certes, une forme d'accélération des prises de position des uns et des autres de la Maison Blanche du Kremlin,
03:42mais pour autant, une nécessité de prudence sur l'analyse que l'on fait de ces avancées.
03:47Oui, grande prudence, et je serai même un peu plus catégorique, je pense que ça débouchera sur rien.
03:53Ça débouchera sur rien parce que du côté de Moscou, Poutine ne fonctionne que selon un logiciel de rapport de force dominant-dominé.
04:02Donc, il est prêt à accepter une capitulation de l'Ukraine, mais en dehors d'une capitulation, il n'acceptera rien.
04:08Donc, c'était un peu ce qui était contenu dans le premier plan, dont on a beaucoup dit que littéralement et psychologiquement,
04:14il était traduit du russe mal vers l'anglais, qui est une véritable réalité, négocié par un personnage improbable,
04:20l'envoyé spécial de Trump, qui est un peu bibifricotin au pays des soviets.
04:25C'est ce qu'ont révélé les dernières écoutes sur ces conversations avec un de ces homologues russes.
04:31Donc, ça ne bougera pas, et surtout, pour Poutine, il est impossible qu'une approche de la paix puisse se traduire par la présence de forces étrangères en Ukraine
04:43qui l'empêcherait de revenir à l'assaut là-dessus.
04:45Juste quand le Kremlin dit « processus sérieux », c'est quoi ? C'est juste pour donner des gages à Donald Trump et ne pas le braquer ?
04:50Exactement, puisque à travers les échanges qui ont été révélés avec l'envoyé spécial américain,
04:57celui-ci a bien expliqué ce qui fait plaisir à Donald Trump.
04:59Donc, le Kremlin, ils ont la diplomatie soviétique, la diplomatie russe a une longue ancienneté.
05:07Ils savent très bien ce qu'il faut dire pour faire plaisir à Trump.
05:09« Ça ne débouchera pas », et je termine en disant, regardez, en 4 ans, et notamment presque une année de mandat de Trump,
05:16il a été impossible de déboucher sur un « cessez-le-feu ».
05:19C'est-à-dire, c'est vraiment le minimum, minimum, qui avait été accepté par les Ukrainiens, le « cessez-le-feu américain ».
05:25Aucune acceptation, pas d'armistice, et donc il y aura encore moins de traités de paix qui représentent, si vous voulez, la marche la plus haute.
05:33Alors, on va revenir sur l'origine de ce plan en 28 points proposé par les États-Unis.
05:38On a appris par Bloomberg que le document avait été directement fourni par la Russie à Steve Witkoff, le conseiller de Donald Trump.
05:46On a donc une administration américaine qui se comporte comme le télégraphiste du Kremlin.
05:51C'est un peu le doute qu'on a depuis le début dans cette affaire, enfin depuis que Trump est revenu à la Maison-Blanche.
05:56C'est que, et c'est ça la hantise des Européens, c'est de voir que Washington s'aligne sur Moscou et Donald Trump s'aligne sur les positions de Vladimir Poutine.
06:05Et le jeu des Européens est en permanence, depuis dix mois, d'aller à Washington ou d'aller vers les Américains et de les rattraper par le col, si je puis dire,
06:16pour essayer de les ramener vers leur position à eux et à celles de l'Ukraine.
06:20Donc c'est ce à quoi on assiste aujourd'hui.
06:22Mais là, effectivement, cette conversation entre Witkoff et Ushakov, le conseiller diplomatique de Poutine, qui a été révélé par Bloomberg, est terrible.
06:32Enfin, on voit bien à quel point, là, l'émissaire de Trump se met au service de Poutine, finalement.
06:38Vous parliez des Européens précisément grâce aux Européens. C'est une autre version qui est négociée, qui accepte les principes de ce nouveau plan de paix.
06:49Mais on ne sait pas bien ce qu'il y a dedans. Qu'est-ce qu'on sait du contenu des discussions aujourd'hui ?
06:55Alors, ce qu'on sait, c'est ce qu'ont obtenu la coalition des volontaires dans cette réunion qui a eu mardi en visio.
07:01Donc, coalition des volontaires, 35 pays dirigés par la France et la Grande-Bretagne en soutien de l'Ukraine.
07:10Et à cette réunion, ce qui est intéressant, c'est qu'ont participé Marco Rubio, donc les Etats-Unis étaient représentés, et Volodymyr Zelensky.
07:19Marco Rubio qui est considéré comme étant sans doute le plus amène vis-à-vis des Ukrainiens dans toute l'administration.
07:25L'adulte dans la pièce, oui, voilà. Il y en a encore un apparemment.
07:29Le problème étant, évidemment, qui parle pour qui à Washington ?
07:33Parce que vous avez Rubio, vous avez Witkoff, vous avez J. Divin.
07:36Alors, Rubio qui est le secrétaire d'État.
07:38Rubio secrétaire d'État et conseiller à la Sécurité Nationale et qui représente un peu les républicains classiques.
07:45C'est-à-dire qui sont conscients de ce que représente la Russie et de la menace russe.
07:51Mais dont le rôle est supplanté par les conseillers spéciaux de Donald Trump.
07:54Voilà. Quel est son pouvoir auprès de Witkoff ?
07:58Finalement, c'est le dernier qui parle dans le bureau ovale et c'est Trump qui tranchera.
08:03Donc, vous vous souvenez de la formule de Kissinger sur l'Europe ?
08:08Quel est le numéro de téléphone pour l'Europe ?
08:10On pourrait presque retourner le compliment aujourd'hui aux États-Unis et dire, mais quel est le numéro de téléphone pour Washington ?
08:15Pierre Servant, toujours pour essayer de comprendre le contenu d'un éventuel plan de paix.
08:19En fait, ce qui continue de poser problème, les deux éléments principaux, c'est la question des concessions territoriales et la question de ce qu'on appelle, effectivement, vous en parliez il y a quelques instants, des garanties de sécurité.
08:29C'est-à-dire, quelle troupe pour maintenir une éventuelle paix après un éventuel cessez-le-feu.
08:35Et là-dessus, on a du mal à voir comment il pourrait y avoir la moindre jonction.
08:39Il y a eu un débat sur le nombre des troupes ukrainiennes.
08:42La version initiale du plan de paix prévoyait une armée ukrainienne réduite à 600 000 hommes.
08:46Là, aujourd'hui, il y en a 800 000. Finalement, ce point a été annulé.
08:49Mais sur ces deux éléments, concessions territoriales et garanties de sécurité, il n'y a pas de jonction possible entre les parties ukrainiennes et les parties russes.
08:56Vous avez complètement raison. C'est pour ça que je pense qu'on va encore avoir une déception totale derrière.
09:01Les Russes vont trouver un artifice pour essayer de faire porter le chapeau de l'échec sur les Ukrainiens.
09:06Mais il y a une incompatibilité totale.
09:08Il faut redire encore une fois quel est le projet de Vladimir Poutine.
09:13Ce n'est pas un projet territorial. Le Donbass, il s'en fout.
09:16D'abord, ce sont des ruines. La partie qui n'est pas détruite, ce sont des industries extrêmement anciennes avec des populations âgées qui sont shootées à la télévision russe.
09:27Vladimir Poutine a un projet promettéen qui est idéologique, qui est religieux, qui est de réunir les trois icônes saintes de la Russie, la Biélorussie, la Russie et l'Ukraine.
09:38C'est le projet de sa vie. C'est pour ça qu'il espère bien, avec Xi Jinping, atteindre l'immortalité par quelques transformations pour atteindre son objectif.
09:48Il faut bien voir ça. Il faut arrêter, nous en Occident, de nous gratter le nombril en projetant nos envies démocratiques, en disant « mais c'est horrible cette guerre, il faut la paix ».
09:56Non, il faut bien prendre la conscience du projet de Vladimir Poutine pour ne pas gamberger sur des hypothèses fallacieuses.
10:04Vous parlez, Pierre Savant, des Occidentaux, des Européens. Il faut dire que celui qui est plutôt pas optimiste sur la situation, c'est le président de la République.
10:12Parce qu'au moment où la Maison-Blanche disait « il y a des progrès qui sont faits », où les uns et les autres considéraient qu'il y avait un certain nombre d'avancées,
10:19lui, Emmanuel Macron, continue de dire « de toute façon, Vladimir Poutine ne veut pas la paix, n'est pas favorable à un cessez-le-feu ».
10:25C'est lui qui, parmi les Européens, est sur une ligne de lucidité vis-à-vis de la situation ?
10:31Oui, il est lucide et très réaliste. Et c'est vrai qu'il le répète en permanence maintenant.
10:40Mais il est suivi sur la même ligne que Friedrich Merz, le chancelier allemand, et Kier Starmer, le Premier ministre britannique.
10:48Il y a quand même ce trio européen, Allemagne, France, Grande-Bretagne, qui mène les pourparlers, qui mène aussi la coalition des volontaires,
11:00et qui est alignée sur cette position, et très très lucide sur les ambitions russes et le projet que vient de décrire Pierre.
11:07Il faut qu'on fasse un point sur l'état du front, sur l'état de difficulté des troupes ukrainiennes, sur la Russie qui pourrait prendre la ville stratégique de Pokrovsk.
11:19Comment ça se passe, Pierre Servant ? On en est où ? Est-ce que l'Ukraine est si en difficulté qu'on le dit ?
11:25Alors, elle est en difficulté. Ça rappelle un peu ce qui s'était passé pour la ville de Barmout, il y a déjà un certain temps.
11:31À l'époque, Evgeny Prigojin, le patron de Wagner, avait promis à Vladimir Poutine de lui apporter la ville sur un plateau au bout d'un mois, un mois et demi.
11:40Ça a mis plus d'un an. On a un peu la répétition à Pokrovsk, avec des pertes russes considérables,
11:46une adaptation des Russes au terrain, avec des infiltrations de troupes dispersées, montées sur motos, sur quad, etc.
11:53Donc, la ville est quasiment encerclée. En même temps, les Ukrainiens arrivent à frapper dans la profondeur russe,
12:00c'est-à-dire sur les arrières du dispositif. Mais c'est une vraie difficulté.
12:05Maintenant, quand on élargit la focale, sur quatre ans de guerre, la grande Russie, avec cette grande armée, la deuxième armée du monde,
12:14c'est un échec majeur, échec stratégique, puisque Vladimir Poutine est parvenu à élargir l'OTAN,
12:20à deux pays supplémentaires qui ont rejoint l'OTAN, et échec tactique sur le terrain.
12:25Notamment parce que, vous voyez bien, la politique de Poutine pour compenser ses faiblesses territoriales,
12:31cette difficulté militaire, consiste à nous faire peur avec le nucléaire,
12:36et annoncer des armements nouveaux, tous les quinze jours, tous les quatre matins.
12:41Or, on ne voit pas du tout d'effet sur le terrain de dévastation de la ligne de front ukrainienne.
12:46Les Ukrainiens encaissent. C'est difficile. Il y a des pertes.
12:49Mais, encore une fois, il y a une divergence entre le discours et la réalité du terrain,
12:55qui n'est pas catastrophique, même si les Ukrainiens subissent des coups difficiles.
12:59Les forces russes ont pris 1% cette année de territoire.
13:03Dans toute l'année, ils n'ont réussi à gagner qu'1% du territoire.
13:06Alors, pour autant, les pertes sont nombreuses.
13:10On est à bientôt quatre ans de guerre.
13:12Il y a des sanctions économiques.
13:14Et on a l'impression que ça pourrait durer comme ça, éternellement.
13:17Vladimir Poutine, il a les moyens, encore, de faire durer cette guerre, très longtemps ?
13:21Alors, il essaie de se mettre en...
13:23Il a mis en économie de guerre son pays.
13:25Donc, ça, c'est une réalité.
13:27Mais vous voyez bien, à travers des détails, que le recrutement pose problème.
13:31Puisqu'il y a une loi, un décret qui vient de passer,
13:34qui oblige des étrangers qui viendraient en Russie
13:37demander un permis de séjour, ou a fortiori la nationalité russe.
13:41Ils vont être obligés, même ceux qui demandent un permis de séjour,
13:45de faire un temps dans l'armée.
13:47Donc, vous avez également les Nord-Coréens.
13:50Rappelez-vous quand même que la Russie a été incapable de libérer,
13:53entre guillemets, son territoire de la présence ukrainienne.
13:57Et qu'il a fallu faire appel à des soldats nord-coréens pour y parvenir.
14:01Donc, quand on rentre dans le détail, vous voyez que c'est un pays qui est engagé.
14:05Le régime de Poutine se nourrit de la guerre.
14:08L'économie est totalement tournée vers l'effort de guerre.
14:11Ça ne veut pas dire qu'année après année, il ne va pas accumuler une masse.
14:15C'est pour ça d'ailleurs que les Européens essayent de se mettre en ordre de bataille.
14:20Mais encore une fois, les résultats ne sont pas là sur le terrain.
14:23Sylvie Kaufmann, un mot.
14:24Et on parlera dans un instant, bien sûr, de la menace russe pour l'Europe.
14:28En France, les débats qu'il y a autour des déclarations du chef d'état-major des armées.
14:32Également de la volonté d'Emmanuel Macron de mettre en place un service militaire volontaire.
14:35On a parlé de la Russie, de cette économie de guerre, la situation en Ukraine et les accusations de corruption qu'il y a autour du gouvernement de Volodymyr Zelensky.
14:43Ça, c'est un élément de fragilisation pour le président ukrainien.
14:47Si ce n'est une nouvelle donne, du moins une donne plus aiguë qu'elle n'était il y a quelques mois.
14:51Oui, bien sûr, ça le met en situation difficile.
14:56Il faut voir aussi que l'Ukraine, finalement, est une démocratie.
14:59Contrairement à la Russie, c'est une démocratie et c'est un pays où la mentalité démocratique est très bien implantée maintenant.
15:05Et donc, on a une situation où, à cause de la guerre, on ne peut pas organiser d'élections.
15:10Et je crois qu'il y a un consensus en Ukraine là-dessus sur le fait que c'est impossible, dans la situation actuelle, d'organiser des élections qui seraient légitimes.
15:18Et donc, le président et le parlement auraient dû être soumis à une réélection il y a déjà plus d'un an.
15:28Donc, on est un peu à la fin d'un cycle politique et ça, ça pèse.
15:31Ça pèse pour l'opinion publique, ça pèse pour le président et son entourage.
15:37Et donc, ces affaires de corruption, en effet, l'Ukraine n'a pas réussi à vaincre cette corruption endémique depuis longtemps.
15:46Et donc, tout ça place Volodymyr Zelensky dans une situation assez compliquée vis-à-vis de ses concitoyens.
15:54En même temps, il n'y a pas d'alternative évidente pour l'instant.
15:58Donc, il faut qu'il fasse avec, oui.
16:00Alors, on essaie de comprendre ce qui se passe ce matin.
16:03Et on a une question de Michel sur l'appli Radio France qui nous dit la chose suivante.
16:07Je voudrais qu'on nous explique quelles sont exactement les menaces de la Russie sur la France et pourquoi l'Europe est en danger si l'Ukraine plie.
16:16Qui veut répondre ?
16:17Moi, je veux bien essayer de répondre.
16:19Ça fait déjà plusieurs mois que les services de renseignement occidentaux, allemands, français, moi j'étais en contact avec la DGSE là-dessus,
16:27disent Poutine, s'il parvient à vaincre l'Ukraine, pourrait être tenté, d'ailleurs même avant de vaincre l'Ukraine, de pousser ses pions en Georgie, en Moldavie.
16:38Vous avez 20% du territoire de ces pays qui sont déjà occupés par les Russes.
16:42Et ce que les Russes analysent comme point faible, ce sont les pays baltes qui appartiennent à l'OTAN.
16:47Mais compte tenu de la position américaine, du caractère un peu étrange de Donald Trump, la Russie dans une course à l'avant pourrait tenter quelque chose du côté des pays baltes.
16:59Donc Lituanie, Estonie, Lettonie.
17:01Exactement. Et là, c'est l'Europe, l'Union Européenne, les pays d'OTAN qui seraient directement menacés.
17:07Alors la France ne le serait pas directement, on est une puissance nucléaire, ce qui pose un problème à Poutine.
17:12Mais dans ce cas de figure-là, les Européens pourraient être amenés à se porter vers l'Est pour apporter du secours à ces pays-là.
17:20Avec des phrases qui ont frappé quand le ministre de la Défense allemand, Sylvie Kaufmann, qui s'appelle Boris Pistorius, dit
17:27« C'est peut-être le dernier été en paix des Européens ».
17:32Est-ce que c'est un propos excessif pour alerter ou est-ce que c'est sincèrement quelque chose d'envisageable ?
17:39C'est-à-dire que nous avons passé, nous, Européens, le dernier été en paix ?
17:42Si vous voulez, ça dépend de ce qu'on appelle la paix et ce qu'on appelle la guerre.
17:46J'étais la semaine dernière en Lituanie.
17:48Je peux vous dire que là-bas, l'atmosphère est totalement différente.
17:50La perception de la menace, elle est réelle.
17:53C'est-à-dire qu'il y a sans arrêt ce qu'on appelle la guerre hybride.
17:56C'est compliqué peut-être en France de comprendre exactement ce que c'est que la guerre hybride.
17:59Quand vous êtes dans les Pays-Baltes ou même en Pologne, vous vous rendez compte qu'il y a sans arrêt des histoires de drones, des histoires de sabotage, des attaques cyber, mais c'est permanent.
18:10Ils sont obligés de s'organiser avec des centres de management de crise, avec des gens de l'OTAN qui viennent les aider.
18:17Et c'est l'Europe, c'est l'Union Européenne et c'est l'OTAN.
18:20Donc, à quel moment ? La question va se poser assez rapidement parce que des cyberattaques, on en a aussi beaucoup, des sabotages, on en voit de plus en plus, les câbles sous-marins, les campagnes de désinformation.
18:35Et donc, à un moment, la question va se poser à partir de quand un incident de guerre hybride est une véritable attaque contre un pays de l'OTAN ?
18:46À partir de quel stade de gravité ? Est-ce que c'est quand il y a des victimes humaines ?
18:52Est-ce que c'est quand un appareil entier administratif est empêché de fonctionner parce que des hôpitaux ?
18:59Voilà, je crois qu'on approche de plus en plus de cette situation et c'est là qu'elle est la menace, parce qu'elle est quotidienne en Europe.
19:06Alors, nous avons au standard Noël. Bonjour, bienvenue Noël. Vous avez une question à poser sur le conflit, la Russie et les Européens.
19:14Bonjour.
19:14Oui, bonjour l'équipe de France Inter. Bonjour aux invités. Ma question concerne l'OTAN. Qui joue la montre et surtout à qui sert la montre ?
19:26D'un côté, ce que je comprends, ce que je vois, c'est que les Russes misent sur l'usure l'épuisement des Ukrainiens au bout de bientôt quatre ans de guerre.
19:37Et de l'autre, les Européens qui, eux, ont un défi, c'est de pouvoir suppléer au désengagement plus ou moins réel de la part des USA.
19:55Et donc, ils ont besoin de temps, les Européens, pour pouvoir s'organiser, pour pouvoir être en mesure de soutenir les Ukrainiens militairement économiquement.
20:05En ordre de marche. Merci. Merci, Noël.
20:08Pierre Perdon.
20:09Oui, effectivement, il y a une course contre la montre. Et en fait, il faut que les Européens se préparent à remplacer les Américains.
20:18Car c'est une option qui est possible. Trump peut avoir des sautes d'humeur. Il a déjà interrompu les livraisons d'armes à certains moments.
20:26Donc, c'est le grand défi des Européens de se préparer à cela. Et il faut rappeler, Sylvie a très bien résumé la situation sur les menaces hybrides, les attaques.
20:37Et depuis plusieurs mois, les Russes multiplient les intrusions d'avions, de drones. Vous avez également les Britanniques qui ont eu des incidents avec un bateau espion russe.
20:47Ce bateau espion russe qui a été survolé par des avions de la Ruyol Air Force. Ces avions ont été illuminés par un faisceau laser.
20:58C'est-à-dire que c'est un acte agressif qui ne détruit pas l'avion. Donc, vous avez une multiplication de cela.
21:03Des activités d'espionnage avec encore hier des mises en examen d'espions présumés en France.
21:07Exactement. Des assassinats ciblés également, conduits par des services russes. Et donc, tout cela signe une réalité qu'il faut dire.
21:16Nous ne sommes pas en guerre avec la Russie, avec le peuple russe. Mais je considère que les Européens, et la France notamment parce que nous sommes en pointe,
21:23nous sommes dans une situation d'état de guerre avec le régime du Kremlin. C'est ça la réalité.
21:29Et c'est dans ce contexte qu'Emmanuel Macron va préciser aujourd'hui les contours de ce nouveau service militaire volontaire.
21:39Qu'est-ce que vous en dites de ça ? C'est vraiment utile ?
21:42Oui, je pense que ça va dans le bon sens. Il serait très progressif.
21:47Ça ne concernerait que quelques milliers de jeunes gens.
21:49Ça va jusqu'à 50 000 quand c'est pleinement déployé.
21:52À l'horizon 2035. Vous savez, il y a une phrase célèbre de Thucydide.
21:57Alors, ça va être toujours bien de placer Thucydide, stratège athénien au 5e siècle avant Jésus-Christ,
22:03qui dit « La force d'une cité ne réside pas dans ses remparts ou ses vaisseaux, mais dans le caractère du peuple. »
22:12Et donc, l'idée du président Macron, qui est ancienne, moi je l'avais déjà entendu comme candidat en 2016, évoquer la possibilité d'offrir un engagement militaire ou civico-militaire.
22:23Qui vient aussi après l'échec du service national universel.
22:25Voilà, exactement. Donc, il continue dans cette idée.
22:28Et c'est ce que le président Macron appelle la force d'âme.
22:31C'est-à-dire que dans la stratégie de Poutine, il évalue en permanence nos divisions,
22:36le nombre de somnambules en France, de gens qui ne veulent pas voir la réalité.
22:40On en a eu d'une palanquée après les déclarations du général Mandon.
22:44Et donc, le service militaire pourrait, volontaire, apporter une masse de jeunes qui veulent s'engager dans ce sens-là.
22:52Et qui pourraient soulager l'armée d'actifs sur le territoire national.
22:56Le général Mandon, chef d'état-major des armées, qui pour rappel avait dit devant les maires de France
23:00qu'il fallait que la France accepte de perdre des enfants.
23:04Pierre Servant, comment est-ce que vous avez jugé cette polémique, ce débat ?
23:07Il y avait hier à ce micro l'ex-présidente de Géorgie, Salomé Zourabijvili, qui disait « Il a raison. »
23:13Parce que oui, il faut de la lucidité quand on est effectivement dans cet état de risque conflictuel
23:20à horizon de quelques années face à la Russie.
23:23Oui, je pense que la France est un pays formidable, plein de qualités, plein de talents.
23:27On a un très gros défaut, c'est l'insouciance.
23:29Ça nous a coûté très très cher en 1870, en 1914, en 1940, l'insouciance.
23:35Et donc, il y a en France une forme d'insouciance que je trouve assez coupable
23:39de la part d'un certain nombre de responsables politiques, qui jouent des jeux tactiques
23:42plutôt que de voir la réalité.
23:44Et donc, les propos du général Mandon étaient tout à fait cohérents, pertinents.
23:49Et il rappelait aussi une réalité, c'est que l'armée professionnelle que nous avons
23:53consent au sacrifice du sang, il y a tous les ans, des dizaines de soldats français
23:58qui sont tués ou blessés.
23:59Et ce sont des enfants de France.
24:01Ce ne sont pas des personnes étrangères parce qu'elles appartiennent à une armée professionnelle.
24:05Et c'est cela que le général Mandon voulait rappeler.
24:08Donc, c'est assez cohérent pour moi, avec l'annonce que pourrait faire le président de la République,
24:12fera le président de la République cet après-midi, sur un service militaire volontaire
24:16qui montera en gamme progressivement.
24:19Il s'agit, comment dirais-je, pour ne pas céder à la peur, à toutes les actions indirectes
24:23du régime poutinien, justement, de se renforcer, d'être lucide et de redonner à la citoyenneté
24:29un élément fondamental qui est l'engagement.
24:32Alors, militaire pour certains, derrière le service militaire volontaire,
24:36moi je vois surtout, moi qui étais colonel de réserve pendant longtemps dans la réserve opérationnelle,
24:41la réserve opérationnelle, permettre aussi que cet apprentissage militaire, pour dix mois,
24:46puisse déboucher sur la réserve opérationnelle.
24:48Merci, merci Pierre Servan, merci Sylvie Kaufman d'avoir été dans notre studio ce matin
24:53pour nous aider à comprendre ce qui est en train de se passer.
24:56Merci.
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